Cour d'appel de Lyon, 16 février 2003, 1999/00954

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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Lyon
2003-02-16
Cour de cassation
2002-06-20
Tribunal de commerce de Lyon
2001-09-10

Texte intégral

COUR D'APPEL DE LYON TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 16 JANVIER 2003 Décision déférée : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 10 septembre 2001 - R.G.: 1999/00954 N° R.G. Cour : 01/05518 Nature du recours : APPEL Affaire : Demande relative à des contrats divers sans autre indication APPELANTE : SOCIÉTÉ ILTA INOX, SRL, Société de droit italienStrada Statale 45 Bis 26010 ROBECCO D OGLIO - CREMONA - ITALIE représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de Me BONSIRVEN, avocat au barreau de LYON (toque 109) INTIMÉE : SOCIÉTÉ COMSIDER, SA 9 Chemin de la Brocardière 69570 DARDILLY représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me Jacques HILBERT-THOMASSON, avocat au barreau de LYON Instruction clôturée le 4 Novembre 2002 Audience de plaidoiries du 21 Novembre 2002 COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur MOUSSA, Président, Monsieur SIMON, Conseiller, Madame MIRET, Conseiller, DÉBATS : à l'audience publique du 21 NOVEMBRE 2002 GREFFIER : la Cour était assistée de Mademoiselle X..., Greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt,

ARRÊT

: CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 16 JANVIER 2003 par Monsieur SIMON, Conseiller ayant participé au délibéré, et signé par ce magistrat, le Président étant légitimement empêché, et par Mademoiselle X..., Greffier. FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La Srl ILTA INOX, société de droit italien, a confié à la société COMSIDER devenue la S.A.S. COMSIDER, suivant lettre de mission en date du 30 mai 1975 valant contrat d'agent commercial, la représentation exclusive

sur le

territoire français pour la vente de tubes charpente et tubes en acier inoxydable. La rupture de la relation commerciale est intervenue en fin d'année 1998 dans des conditions aujourd'hui controversées. Par jugement rendu le 10 septembre 2001, le Tribunal de Commerce de LYON, retenant sa compétence territoriale et fixant la date de la rupture du contrat d'agent commercial au 10 novembre 1998, a condamné la Srl ILTA INOX à payer à la S.A.S. COMSIDER les sommes suivantes : 2.901.974 francs au titre de l'indemnité de rupture avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 1998 et la somme de 750.000 francs au titre de dommages et intérêts pour les préjudices résultant de la rupture avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre une somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La Srl ILTA INOX a régulièrement formé appel de cette décision dans les formes et délai légaux. Par arrêt en date du 20 juin 2002, la Cour d'Appel de LYON, chambre commerciale, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des moyens des parties, a rejeté le déféré de la Srl ILTA INOX formé contre une ordonnance du conseiller chargé de la mise en état se déclarant incompétent pour statuer sur une exception d'incompétence territoriale soulevée devant lui par la Srl ILTA INOX. Vu l'article 455 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret N° 98-1231 du 28 décembre 1998 ; Vu les prétentions et les moyens développés par la Srl ILTA INOX dans "ses conclusions d'appel en exception de procédure et sur le fond" en date du 29 octobre 2002 tendant à l'incompétence "ratione loci" de la Cour d'Appel de LYON au profit du Tribunal Civil de CREMONE en ITALIE, lieu du siège social de la Srl ILTA INOX, et tendant, au fond, à faire juger que c'est la société mandataire qui a pris l'initiative de la rupture du contrat d'agent commercial, que les griefs faits par l'agent commercial à sa mandante (son prétendu non-respect du contrat d'agent commercial, sa soi-disant stratégie commerciale douteuse - élargissement de la clientèle et - prix pratiqués trop élevés et ses prétendues manoeuvres visant à provoquer la rupture du contrat d'agent commercial) sont infondés, et tendant, subsidiairement, à faire juger que l'indemnité de préavis n'est pas due, que l'indemnité de cessation du contrat doit être réduite et que des dommages et intérêts pour préjudice complémentaire ne sont pas dus ; Vu les prétentions et les moyens développés par la S.A.S. COMSIDER dans ses conclusions récapitulatives en date du 11 octobre 2002 tendant à la compétence retenue du Tribunal de Commerce de LYON et à la confirmation du jugement en ce qu'il a consacré la responsabilité de la Srl ILTA INOX dans la rupture du contrat d'agent commercial et en ce qu'il a alloué certaines sommes en réparation de ce préjudice et à son infirmation en ce qu'il a écarté l'allocation de l'indemnité de préavis s'élevant à 55.300,40 euros et une allocation pour "frais de réemploi" à hauteur de 145.993,02 euros ; MOTIFS ET DÉCISION Attendu que l'article 5.1 de la convention de BRUXELLES du 27 septembre 1968 dispose que "le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant : - en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée" ; que la Srl ILTA INOX se prévaut de cette disposition pour revendiquer la compétence du Tribunal Civil italien du lieu où elle a son siège social et qui est celui du lieu où doit être exécutée l'obligation principale et autonome lui incombant, de payer l'indemnité prévue à l'article L 134-1 du code de commerce (indemnité compensatrice en réparation du préjudice résultant de la cessation du contrat d'agent commercial dont le montant sollicité s'élève à 5.359.625,42 francs) ; Attendu que les parties ne disconviennent pas que la loi régissant leurs rapports nés de l'exécution et de la rupture du contrat d'agent commercial est la loi française (articles L 134-1 à L 134-17 relatifs aux agents commerciaux) ; que l'obligation qui sert de base à la demande de la S.A.S. COMSIDER (allocation de l'indemnité de préavis prévue à l'article L 134-11 alinéa 3 du code de commerce et allocation de l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi prévue à l'article L 134-12 alinéa 1 du même code) n'est que la sanction pécuniaire du contrat d'agent commercial qui s'exécutait exclusivement sur le territoire français et était soumis à la loi française ; que le Tribunal de Commerce de LYON était donc bien compétent pour connaître de l'action de la S.A.S. COMSIDER fondée sur la sanction de l'inexécution par la Srl ILTA INOX d'une obligation qu'elle devait exécuter en FRANCE à savoir collaborer à l'exécution de la mission par elle confiée à l'agent commercial en FRANCE ; Attendu que l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, définie à l'article L 134-12 alinéa 1 du code de commerce, n'est due à l'agent commercial ensuite de la cessation de ses relations avec son mandant, qu'au cas où, selon l'article L 134-13 alinéas 1° et 2° du même code, la cessation du contrat n'est pas provoquée par la faute grave de l'agent commercial et la cessation du contrat résultant de l'initiative de l'agent, est justifiée par des circonstances imputables au mandant ; qu'en l'espèce la Srl ILTA INOX ne peut soutenir que la S.A.S. COMSIDER a rompu unilatéralement le contrat d'agent commercial par son courrier en date du 5 octobre 1998 ; que ce courrier adressé en cours d'exécution continuée du contrat d'agent commercial, courrier qui prenait sa place dans un échange fourni de correspondances entre les parties sur les modalités d'exécution du contrat d'agent commercial, ne constituait pas la signification par la S.A.S. COMSIDER à sa mandante de la fin des relations commerciales, mais l'annonce par la S.A.S. COMSIDER qu'elle soumettrait le litige né à l'appréciation de la juridiction consulaire pour qu'elle prononce, le cas échéant, la résiliation du contrat d'agent commercial (cf "dans ces conditions - rappel du différend qui oppose les parties - nous sommes contraints de demander en justice la résolution du contrat qui nous lie, à vos torts exclusifs, et la fixation de l'indemnité qui nous est due") ; que la S.A.S. COMSIDER a assigné la Srl ILTA INOX le 28 décembre 1998 après un ultime courrier en date du 14 octobre 1998, en réponse de la part de la Srl ILTA INOX ; Attendu que la rupture du contrat d'agent commercial liant les parties est imputable à la Srl ILTA INOX qui, dans le courant de l'année 1997, a tenté de modifier profondément l'économie de la relation commerciale ancienne ; que, notamment la Srl ILTA INOX a tenté de modifier substantiellement le taux de commissionnement pratiqué depuis l'origine ( baisse de 3 % à 2 % puis 2,35 % ), d'imposer des "objectifs" en très nette hausse destinés, selon elle, à compenser la baisse du taux des commissions, d'orienter de manière différente la prospection commerciale ( la clientèle devant être désormais démarchée serait celle des "utilisateurs" des produits au lieu de celle des négociants en matériaux) et d'insérer une clause de ducroire ; que la Srl ILTA INOX n'a pas répondu aux demandes de la S.A.S. COMSIDER visant à une négociation raisonnable des conditions nouvelles du contrat d'agent commercial et à une évolution discutée et consentie de ses conditions originaires ; que la Srl ILTA INOX désireuse de voir cesser une relation commerciale qui ne lui agréait plus, a manqué à son obligation de loyauté et a provoqué, par son comportement, la rupture du contrat d'agent commercial ; que la S.A.S. COMSIDER a pris l'initiative de la rupture en saisissant la juridiction compétente mais en continuant d'exécuter son mandat ainsi que le reconnaît la Srl ILTA INOX dans sa lettre du 10 novembre 1998 (cf "vous continuez à nous passer des projets de commandes, malgré votre lettre de rupture du 5 octobre 1998" - qui, en réalité, n'en n'était pas une, ainsi que cela a été jugé ci-dessus) ; que la rupture du contrat d'agent commercial est donc imputable à la société mandante qui a fait en sorte que la poursuite de la relation commerciale ne pouvait plus être raisonnablement exigée de la S.A.S. COMSIDER eu égard aux atteintes nombreuses et importantes portées aux conditions d'exécution du mandat ; Attendu que la Srl ILTA INOX est mal fondée à invoquer la faute grave de l'agent commercial dès lors qu'avant la demande de résiliation formée par celui-ci, elle ne s'est jamais prévalue de manquements de cette nature et n'a pas même formulé de griefs à l'encontre de son agent commercial ; qu'au demeurant, la Srl ILTA INOX ne démontre pas de comportement gravement fautif de son agent commercial qui a normalement exécuté son mandat en continuant de visiter la clientèle et de prendre des ordres pour le compte de la Srl ILTA INOX ; Attendu que l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, due à l'agent commercial ensuite de la cessation de ses relations avec son mandant, indemnité définie à l'article L 134-12 alinéa 1 du code de commerce, est destinée à compenser notamment d'une part, la perte des commissions auxquelles il aurait pu continuer raisonnablement de prétendre et d'autre part, la perte ou la réduction du bénéfice qu'il aurait tiré de l'investissement réalisé pour l'exécution de son mandat ; que cette indemnité s'évalue en fonction d'un préjudice subi et est, généralement, égale à deux années brutes de commissions calculées sur la moyenne des commissions brutes perçues au cours des trois dernières années du mandat ; que cet usage d'allouer deux années de commissions ne s'impose pas, toutefois, aux juridictions, la mesure de l'indemnité étant celle du préjudice subi ; qu'enfin la détermination du montant de l'indemnité est étrangère à la notion d'apport de clientèle par l'agent commercial et à toute appréciation sur la manière dont l'agent commercial a pu collaborer avec son mandant pendant l'exécution du contrat d'agent commercial ; Attendu qu'à la lumière de ces principes et eu égard à l'importance de la relation commerciale et à son ancienneté (début de la relation commerciale en mai 1975 pour une rupture en novembre 1998), il convient de confirmer la décision des premiers juges qui ont fixé l'indemnité prévue à l'article L 134-12 alinéa 1 du code de commerce à la somme de 442.403.08 euros soit 2.901.97 francs arrondis en prenant en compte les trois dernières années pleines au cours desquelles contrat d'agent commercial s'est exécuté à ses conditions inchangées ; Attendu qu'il n'apparaît pas que la S.A.S. COMSIDER a subi un préjudice complémentaire trouvant sa cause "tant dans l'atteinte à l'image de marque que par un préjudice purement commercial dans un secteur professionnel qui est sa spécialité et dans lequel elle intervenait depuis de très nombreuses années"; que la démonstration de l'existence d'un préjudice distinct de celui indemnisé comme ci-dessus n'est pas faite ; qu'aucun élément n'est fourni sur la prétendue atteinte à l'image de marque ; que le prétendu "préjudice purement commercial" notion mal définie se confond avec le préjudice indemnisé dans le cadre de l'article L 134-12 alinéa 1 du code de commerce ; que le jugement attaqué qui a alloué une somme complémentaire de 750.000 francs, sera réformé sur ce point ; Attendu, par contre, que toutes les conséquences de la rupture du contrat d'agent commercial doivent être réparées ; que la rupture, imposée par la Srl ILTA INOX, a entraîné la perte de toutes les commissions auxquelles la S.A.S. COMSIDER aurait pu prétendre ; que l'indemnité destinée à réparer ce préjudice ne peut être amputée par l'application de la fiscale (Impôt sur les sociétés au taux de 33 %), ce qui aboutirait à ne pas accorder une entière réparation du préjudice subi ; que la S.A.S. COMSIDER a droit à une réparation intégrale des conséquences dommageables pour elle de la décision considérée comme fautive de la Srl ILTA INOX de mettre fin à la relation commerciale ; que l'obligation pour la S.A.S. COMSIDER d'acquitter l'impôt sur les sociétés est une conséquence de la faute de la Srl ILTA INOX ; que la demande de la S.A.S. COMSIDER est donc bien fondée à hauteur de 145.993,02 euros au titre des frais qualifiés de "réemploi" ; que ce montant est la mesure de l'incidence fiscale de la décision fautive de la mandante pour l'agent commercial ; Attendu qu'il convient d'allouer, en outre, sur le fondement de l'article L 134-11 alinéa 3 du code de commerce une indemnité pour préavis d'une durée de trois mois compte tenu de l'ancienneté de la relation commerciale (23 années) ; que son montant a été justement calculé à la somme de 55.300,40 euros sur la moyenne des commissions perçues au cours des trois dernières années pleines d'exécution du mandat aux conditions inchangées ; Attendu que les conditions légales pour ordonner la capitalisation des intérêts, sont remplies ; Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 5.000 Euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

, La Cour, statuant par arrêt contradictoire, Vu l'arrêt rendu le 20 juin 2002, Reçoit l'appel de la Srl ILTA INOX comme régulier en la forme, Au fond, confirme le jugement déféré en ses dispositions condamnant la Srl ILTA INOX à payer à la S.A.S. COMSIDER la somme de 2.901.974 francs au titre de l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, sauf à préciser que les intérêts au taux légal courront à compter du 28 décembre 1998, date de l'assignation et celle de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Le réforme pour le surplus de ses dispositions, Statuant à nouveau, condamne la Srl ILTA INOX à porter et payer à la S.A.S. COMSIDER la somme de 55.300,40 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 1998, la somme de 145.993,02 euros au titre du préjudice complémentaire ("frais de réemploi"), avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel. Dit que les intérêts de ces sommes seront capitalisés par année entière à compter du 11 octobre 2002. Rejette les plus amples conclusions des parties. Condamne la Srl ILTA INOX aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la S.C.P. JUNILLON & WICKY, Avoué sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER, Pour LE PRÉSIDENT, M. SIMON