Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 10 MAI 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/01339 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O4SD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 22 FEVRIER 2021
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PERPIGNAN
N° RG 17/01892
APPELANT :
Monsieur [T] [D]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 7] 05
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assisté de Me Andie FULACHIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
INTIMEES :
S.A.S. ANECOOP FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualités au dit siège
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Francis TOUR de la SCP THEVENET, TOUR, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Léa LAGARDE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE, dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Véronique NOY de la SCP VPNG, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Cesarine FELIZ RODRIGUEz , avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
Ordonnance de clôture du 06 Mars 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles
805 et
907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller
Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Estelle DOUBEY
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile ;
- signé par Madame Nathalie AZOUARD Conseiller faisant fonction de Président de Chambre , en remplacement du Président de Chambre empêché, et par Madame Estelle DOUBEY, Greffier.
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* *
EXPOSE DU LITIGE
Le 21 janvier 2015, [T] [D], employé en qualité de conducteur auprès de la société Satar Transport Roussillon, a été victime d'un accident dans les locaux de la société Anecoop France, son pied ayant été écrasé par la fourche d'un engin de levage conduit par un préposé de la société.
Le 29 mai 2017, [T] [D] a fait assigner la société Anecoop France et la CPAM des Pyrénées-Orientales devant le tribunal d'instance pour obtenir indemnisation de ses préjudices.
Le 8 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Perpignan a constaté l'intervention volontaire de la CPAM de la Haute-Garonne, dit que la société Anecoop France était tenue de réparer la totalité des dommages subis par [T] [D] lors de l'accident, enjoint [T] [D] de produire un décompte définitif des prestations versées par la CPAM des Pyrénées-Orientales, a ordonné une expertise médicale, et a condamné la société Anecoop France à payer à [T] [D] la somme de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel, à titre provisionnel, et à la CPAM de la Haute Garonne, la somme de 20 766,66 euros au titre de la créance provisoire.
L'expert a déposé son rapport le 15 juillet 2019.
[T] [D] a sollicité la condamnation de la société Anecoop France à lui payer 5 700 euros au titre de ses dépenses de santé futures, 5 000 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, 834,75 euros au titre de l'assistance à tierce personne, 1 576 euros au titre du DFT, 8 000 euros au titre des souffrances endurées, 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 20 000 euros au titre du DFP, 2 500 euros au titre du préjudice esthétique et 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément, dont à déduire la provision.
La société Anecoop a sollicité un sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge de la mise en état, de jonction avec la procédure d'intervention forcée de l'employeur de la victime et, à titre subsidiaire, elle a offert 1 000 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels, 834,75 euros au titre de l'assistance à tierce personne, 948,30 euros au titre du DFT, 4 500 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 15 000 euros au titre du DFP et 10 000 euros. Elle a contesté les demandes au titre des dépenses de santé actuelles et du préjudice d'agrément et s'en est rapportée quant aux demandes indemnitaires de la CPAM.
La CPAM de Haute-Garonne, venant aux droits de la CPAM des Pyrénées-Orientales, a sollicité la condamnation de la société Anecoop France à lui rembourser les prestations servies à la victime, à hauteur de 111 405,10 euros, outre notamment 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire.
Le jugement rendu le 22 février 2021 par le tribunal judiciaire de Perpignan énonce dans son dispositif :
Déboute la société Anecoop France de sa demande de sursis à statuer ;
Condamne la société Anecoop France à payer à [T] [D] la somme de 3 910,75 euros, outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement, à titre de solde définitif de réparation de son préjudice corporel et 2 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile, outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
Condamne la société Anecoop France à payer à la CPAM de Haute-Garonne la somme de 111 405,10 euros au titre des prestations servies à la victime, outre 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire, le tout avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement à titre de solde définitif de réparation de son préjudice corporel et 1 500 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile, outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
Condamne la société Anecoop France aux dépens ;
Rejette toutes prétentions plus amples et contraires des parties.
Le jugement rejette la demande de sursis à statuer de la société Anecoop France au motif que le jugement du 8 janvier 2019 avait dit que la société était tenue de réparer la totalité des dommages subis par [T] [D], dès lors l'appel en garantie de la société Satar ne concernait pas la demande en réparation de [T] [D] pour laquelle seule la société Anecoop était tenue à réparation.
Le jugement relève que le rapport d'expertise est admis par les parties si ce n'est par [T] [D] concernant le préjudice esthétique temporaire. L'expert a retenu un préjudice esthétique temporaire de 4/7 pendant 2 mois alors que [T] [D] sollicitait qu'il soit fixé à 6/7 pendant 2 mois, 5/7 pendant un mois et 3/7 pendant 9 mois et 5 jours. Le jugement expose qu'il ne remet pas en cause l'évaluation de l'expert dès lors que celui-ci avait pris note des observations de [T] [D] lors de l'évaluation et lui avait apporté une réponse motivée.
Le jugement retient que [T] [D] ne justifie d'aucun débours resté à sa charge au titre des dépenses de santé actuelles. En ce qui concerne les frais divers, le jugement relève que le rapport d'expertise, non contesté sur ce point, fait état de la nécessité de l'assistance d'une tierce personne nécessitant une indemnisation à hauteur de 834,75 euros, outre les frais de transport de 1 212,52 euros justifiés par la CPAM.
Le jugement expose que l'expert a retenu une incidence professionnelle tenant à la réduction des capacités de déambulation de [T] [D], notamment en ce qui concerne le port de charges et déchargement des camions avec pénibilité, ce qui permet de retenir une indemnisation à hauteur de 5 000 euros, somme sur laquelle il convient de fixer la créance de la CPAM, qui a versé à [T] [D] 3 490,10 euros au titre d'un capital rente accident du travail et une pension d'invalidité et d'arrérages échues en invalidité pour 83 641,28 euros.
Le jugement constate que [T] [D] ne produit aucun élément permettant de chiffrer le préjudice relatif aux dépenses de santé futures tenant à la réalisation d'une semelle orthopédique tous les ans, tandis que la CPAM justifie de ses dépenses à ce titre.
Le jugement fait droit à la demande de [T] [D] fondée sur une évaluation de 24 euros par jour pour un DFT total, en retenant les périodes fixées par l'expert.
Le jugement retient l'évaluation de 3/7 des souffrances endurées fixée par l'expert et l'indemnise à hauteur de 8 000 euros, en se fondant sur les barèmes habituellement applicables.
Le jugement se fonde sur le rapport d'expertise pour retenir un préjudice esthétique temporaire de 4/7 pendant deux mois en lien avec les difficultés de locomotion et sur l'âge de 41 ans de la victime pour fixer l'indemnisation de [T] [D].
Le jugement retient l'existence d'un DFP de 10 %, selon les conclusions des experts, pour [T] [D], constitué par la perte de la phalange distale du gros orteil associée à la raideur du 2ème rayon et aux troubles sensitifs du pied. L'âge de [T] [D] au moment de la consolidation permet au jugement de fixer la valeur du point à 1 800 euros, soit un préjudice total de 18 000 euros. Le jugement constate que la CPAM justifie du versement d'une pension d'invalidité et d'arrérages échus en invalidité, pour un total de 83 641,28 euros dont 1 509,90 euros ont déjà été imputés sur l'incidence professionnelle. Il précise que si la pension d'invalidité s'impute d'abord sur les pertes de gains professionnels futurs et sur l'incidence professionnelle, le reste peut s'imputer subsidiairement sur le déficit fonctionnel permanent. Les prestations versées par la CPAM ont donc totalement indemnisé [T] [D] de son préjudice au titre du DFP.
Le jugement retient l'évaluation de 1,5/7 des experts au titre du préjudice esthétique permanent du fait d'une légère boiterie d'esquive.
Le jugement ne retient pas de préjudice d'agrément. Si l'expert fait état d'un préjudice d'agrément pour l'activité de footing limité, [T] [D] ne justifie pas d'avoir pratiqué antérieurement cette activité.
Le jugement note également que [T] [D] a perçu une provision de 10 000 euros.
Le jugement fait droit aux demandes indemnitaires de la CPAM au vu des justificatifs versés aux débats, la société Anecoop France n'émettant aucune réserve sur ce point.
[T] [D] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 1er mars 2021.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 6 mars 2023.
Les dernières écritures pour [T] [D] ont été déposées le 9 juin 2021.
Les dernières écritures pour la CPAM de Haute-Garonne ont été déposées le 25 juin 2021.
Les dernières écritures pour la société Anecoop France ont été déposées le 25 août 2021.
Le dispositif des écritures pour [T] [D] énonce :
Rejeter toutes conclusions, fins ou prétentions contraires ;
Infirmer partiellement le jugement entrepris ;
Homologuer partiellement le rapport d'expertise [E] ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Anecoop France à servir au concluant, 480 euros au titre du DFT total, 336 euros au titre du DFT partiel de 50 %, 180 euros au titre du DFT partiel de 25 %, 580,80 euros au titre du DFT partiel de 10 %, 8 000 euros au titre des souffrances endurées et 834,75 euros au titre de l'assistance à tierce personne ;
Infirmer le jugement pour le surplus ;
Condamner la société Anecoop France à servir au concluant la somme de 20 000 euros au titre du DFP, 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 2 500 euros au titre du préjudice esthétique définitif, 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 5 000 euros au titre de la perte de gains professionnels et 4 180 euros au titre de la confection de semelles orthopédiques thermoformées ;
Donner acte au concluant de ce qu'il a perçu l'indemnité provisionnelle de 10 000 euros ;
Condamner la société Anecoop France à servir au concluant la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[T] [D] sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne l'indemnisation du DFT total et du DFT partiel.
[T] [D] conteste l'indemnisation qui lui a été octroyée au titre du DFP. Il rappelle que l'expert fixe ce déficit à 10 % et qu'il était âgé de 42 ans au jour de la consolidation. Selon lui, le point devrait s'élever à 2 000 euros, soit une indemnisation de 20 000 euros et non 18 000 euros.
[T] [D] conteste l'indemnisation retenue par le premier jugement au titre du préjudice esthétique temporaire. Il fait valoir que l'expert [I], spécialiste en médecine physique et réadaptation fonctionnelle, a fortement critiqué cette évaluation. Il sollicite que soit retenue l'évaluation de ce deuxième expert.
[T] [D] sollicite une revalorisation de l'indemnisation au titre du préjudice esthétique permanent.
Il demande la confirmation de l'indemnisation allouée en première instance au titre des souffrances endurées et de celle allouée au titre de l'assistance à tierce personne.
[T] [D] soutient qu'il a subi un préjudice d'agrément puisque, comme l'expert l'a relevé, il ne pourra plus jamais s'adonner à la pratique du footing. Il verse aux débats trois attestations affirmant qu'il pratiquait cette activité de façon effective et régulière. Il précise que si ces attestations émanent de sa famille, il vit aujourd'hui loin d'eux et n'a plus de contact avec eux.
En ce qui concerne la somme allouée au titre de la perte de gains professionnels, [T] [D] fait valoir qu'il sollicitait en première instance comme en appel la somme de 5 000 euros, indépendamment des 3 490,10 euros servis par la CPAM. Il conteste donc la déduction de la somme servie par la CPAM, des 5 000 euros de dommages et intérêts.
[T] [D] sollicite une somme au titre des semelles orthopédiques qu'il va devoir faire confectionner chaque année jusqu'à la fin de sa vie. Il précise qu'on peut considérer qu'il vivra jusqu'à 80 ans et justifie l'achat d'une paire de semelles pour 110 euros.
[T] [D] conteste la demande de sursis à statuer formulée par la société Anecoop France. Il fait valoir que la société aurait pu attraire à l'instance son employeur, ce qu'elle n'a pas fait. En outre, la décision opposant la société Anecoop France et son ancien employeur n'influence pas l'instance. En tout état de cause, il est nécessaire que la présente instance soit achevée pour que la société Anecoop France ait connaissance des sommes qu'elle serait fondée à récupérer après paiement entre les mains du concluant, outre le fait qu'il ne serait pas juste de faire supporter à [T] [D] la durée d'une instance parallèle.
Le dispositif des écritures pour la CPAM de la Haute-Garonne énonce :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 22 février 2021, en ce qui concerne la créance de la CPAM ;
Condamner la société Anecoop France à régler à la CPAM de Haute-Garonne la somme de 111 405,10 euros au titre de sa créance définitive, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, décomposée comme suit :
- 7 308,94 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
102 746,94 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,
1 212,52 euros au titre des frais de transport,
136,70 euros au titre des dépenses de santé futures ;
Condamner la société Anecoop France à régler à la CPAM de Haute-Garonne la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article
L. 454-1 du code de la sécurité sociale, en cause d'appel ;
Condamner la société Anecoop France à régler à la CPAM de Haute-Garonne la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Véronique Noy.
La CPAM de la Haute-Garonne sollicite la confirmation de la décision déférée concernant sa demande, en soulignant que sa créance n'est pas remise en cause par l'appelant.
Elle rappelle que son intervention volontaire est justifiée par l'application L. 221-31 du code de la sécurité sociale puisque c'est elle qui est en charge de gérer l'activité de recours contre tiers de la CPAM des Pyrénées-Orientales depuis la décision du 31 janvier 2019 du directeur général de la CPAM.
La CPAM fait valoir l'article
L. 454-1 du code de la sécurité sociale, qui prévoit un droit de recours des caisses de sécurité sociale contre le tiers responsable du préjudice subi par l'un de leurs assurés ayant occasionné des dépenses médicales. Elle soutient donc qu'elle serait subrogée dans les droits de son assuré, [T] [D], à concurrence des préjudices qu'elle a indemnisés. La CPAM verse aux débats le décompte de sa dépense par préjudice. Elle rappelle que sa créance s'impute exclusivement sur le montant de l'indemnisation allouée au même titre à [T] [D], par poste de préjudice. Elle verse également aux débats les justificatifs des sommes versées à son assuré. La CPAM soutient que sa créance, constituée des indemnités journalières, correspondant en application de la nomenclature Dintilhac au poste des pertes de gains professionnels actuels doit s'imputer exclusivement sur le montant de ce poste d'indemnisation. Elle ajoute qu'elle a aussi versé une rente accident du travail et une pension d'invalidité et que la Cour de cassation a pu indiquer que la rente accident de travail est de nature hybride, qui correspond tant à des pertes de gains professionnels qu'à un déficit fonctionnel permanent. La créance de la CPAM à ce titre doit donc s'imputer exclusivement sur ce poste de préjudice, indemnisé à [T] [D].
La CPAM sollicite la confirmation de l'indemnisation allouée au titre des dépenses de santé futures en soulignant que, quand bien même les demandes de [T] [D] seraient justifiées à ce titre, cela ne peut venir en indemnisation de sa créance.
Elle rappelle que la créance du tiers payeur produit intérêts dès le jour de la demande. La CPAM sollicite également paiement de l'indemnité forfaitaire due au titre des frais de gestion, des frais irrépétibles et des dépens et fondée sur l'alinéa 9 de l'article
L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Elle ajoute que la Cour de cassation, dans un arrêt du 12 avril 2012, a précisé que les frais de gestion étaient distincts des sommes demandées au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
Le dispositif des écritures pour la société Anecoop France énonce :
Dire que le montant des sommes dues par la société Anecoop à la CPAM n'excédera en tout état de la cause pas les sommes suivantes :
- 7 308, 94 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
- 15 315,56 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,
- 1 212,52 euros au titre des frais de transport,
- 136,70 euros au titre des dépenses de santé futures ;
Donner acte à la CPAM de ce qu'elle a perçu l'indemnité provisionnelle de 20 776,67 euros, qui viendra en déduction des sommes dues ;
Dire que le montant des sommes dues par la société Anecoop à [T] [D] n'excédera pas les sommes suivantes :
- 480 euros au titre du DFT total,
- 336 euros au titre du DFT partiel à 50%,
- 180 euros au titre du DFT partiel à 25 %,
- 580,80 euros au titre du DFT partiel à 10%,
- 6 000 euros au titre des souffrances endurées,
- 795 euros au titre de l'assistance à tierce personne,
- Aucune indemnisation au titre de l'incidence professionnelle et du DFP en raison du recours de la CPAM,
- 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
- 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
- Aucune indemnisation au titre du préjudice d'agrément et de la perte de gains professionnels,
- 3 110,91 euros au titre de la confection de semelles orthopédiques ;
Donner acte [T] [D] de ce qu'il a perçu l'indemnité provisionnelle de 10 000 euros qui viendra en déduction des sommes dues ;
Débouter [T] [D] et la CPAM de toutes leurs fins, demandes et conclusions plus amples ou contraires ;
Condamner [T] [D] à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Anecoop France fait valoir que l'article
L. 376-1 du code de la sécurité sociale prévoit que l'assiette du recours subrogatoire des caisses est constituée pour chaque prestation par l'indemnité à la charge du responsable au titre du poste de préjudice correspondant à cette prestation. Autrement dit, il est possible de cumuler la pension d'invalidité et la rente liée à un accident du travail dès lors que le total n'excède pas le salaire perçu par un travailleur valide de la même catégorie professionnelle. La société Anecoop soutient que la loi Badinter a vocation à s'appliquer puisque le jugement du 8 janvier 2019 a retenu sa responsabilité sur le fondement de cette loi. Dès lors, elle conteste le montant retenu par le premier juge au tire des pertes de gains professionnels actuels et futurs au regard des sommes que la caisse produit aux débats.
La société Anecoop France sollicite que la valeur du point pour l'indemnisation du DFP soit de 1 600 euros au vu de l'âge de [T] [D]. Elle sollicite que l'évaluation de l'expert soit retenue au titre du préjudice esthétique temporaire mais soutient que l'indemnisation ne saurait excéder 1 000 euros. Elle demande la confirmation de l'indemnisation retenue au titre du préjudice esthétique permanent.
En ce qui concerne l'indemnisation de l'assistance tierce personne, la société Anecoop conteste le taux horaire de 15,75 euros retenu par l'appelant au profit d'un taux horaire fixé à 15 euros.
La société Anecoop France conteste l'existence d'un préjudice d'agrément pour [T] [D] puisqu'il ne verse aucun justificatif de pratique antérieure à l'accident de l'activité de footing. Les attestations versées aux débats sont établies par des membres de sa famille et demeurent donc des attestations de complaisance.
L'intimée sollicite la réduction du montant alloué au titre des souffrances endurées, qui serait supérieur à ce qui est habituellement versé.
En ce qui concerne la perte de gains professionnels, la société Anecoop France fait valoir que [T] [D] a déjà perçu des indemnités journalières versées par la CPAM et que la somme en sus, de 5 000 euros qu'il sollicite, n'est pas justifiée.
La société Anecoop France conteste la demande de [T] [D] au titre de la réalisation de semelles orthopédiques de façon annuelle, faute de justificatif. Subsidiairement, dans l'hypothèse où [T] [D] justifierait de l'absence de prise en charge de ces frais par sa mutuelle, l'intimée sollicite que l'indemnisation soit calculée au regard des tables de mortalité et de rentes Gazette du Palais 2016, soit, pour un homme de 42 ans, 110 euros x 28,281, soit 3 110, 91 euros.
MOTIFS
1. Sur la liquidation des préjudices de [T] [D]
Sur le déficit fonctionnel permanent, hormis le fait d'affirmer qu'il serait en droit d'être indemnisé sur la base de 2 000 euros le point, [T] [D] n'apporte aucune critique utile des motifs des premiers juges, qui ont retenu qu'il présentait un taux de 10 % et était âgé de 42 ans au jour de la consolidation, pour liquider son préjudice sur la base de 1 800 euros le point, ce qui correspond à une exacte application du barème habituellement utilisé, de sorte que la valeur de point de 1 600 euros, sollicitée par la société Anecoop, sera également écartée.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme totale de 18 000 euros.
Sur le préjudice esthétique temporaire, [T] [D] n'explique en quoi il y aurait lieu de retenir les conclusions de son médecin alors que l'expert judiciaire, qui est intervenu au contradictoire des parties, a eu l'occasion de répondre de façon circonstanciée et motivée pour conclure à un taux de 4/7, qui n'est pas utilement critiqué.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 1 500 euros à ce titre.
Sur le préjudice esthétique permanent, [T] [D] se limite à affirmer qu'il est en droit d'obtenir la somme de 2 500 euros, sans aucunement soutenir cette prétention.
Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il lui a alloué la somme de 2 000 euros à ce titre.
Sur l'assistance par tierce personne, il y a lieu d'écarter le taux horaire de 15 euros, sollicité par la société Anecoop France, de conserver celui retenu par les premiers juges, de 15,75 euros de l'heure, et ainsi de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à [T] [D] la somme totale de 834,75 euros à ce titre.
Sur le préjudice d'agrément, les attestations versées par les membres de la famille de [T] [D] sont insuffisante à démontrer qu'il serait dans l'impossibilité de poursuivre le footing, dont il déclare qu'il le pratiquait régulièrement avant son accident, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses demandes à ce titre.
Sur les souffrances endurées, retenu à 3/7 par l'expert, la société Anecoop France demande que l'indemnisation allouée par le tribunal, de 8 000 euros, soit ramenée à 6 000 euros, au motif que cette somme correspondrait à celle habituellement versée en considération de ce taux.
Cette somme étant dans les limites des montants habituellement alloués pour des souffrances endurées dites modérées, le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à [T] [D] la somme de 8 000 euros.
Sur l'incidence professionnelle, en considération de ce que l'expert avait retenu une réduction des capacités de déambulation de [T] [D] dans le cadre de sa profession, notamment lors de port de charges et de déchargement des camions, avec une pénibilité lors de ce type d'exercice, les premiers juges lui ont alloué la somme de 5 000 euros, en indiquant toutefois qu'il convenait de fixer la créance de la CPAM, qui lui avait versé la somme de 3 490,10 euros au titre d'un capital rente accident du travail, mais aussi une pension d'invalidité et d'arrérages échus en invalidité pour un total de 83 641,28 euros, de sorte qu'au final, il a été retenu que la totalité de la somme de 5 000 euros devait être versée à la CPAM.
En cause d'appel, [T] [D] entend rappeler qu'il sollicitait une somme de 5 000 euros mais après déduction de la créance de la CPAM, de 3 490,10 euros. Il demande en conséquence à la cour de lui allouer la somme totale de 8 490,10 euros.
Or, ce faisant, outre le fait qu'il omet qu'il doit être également soustrait de la somme allouée au titre de l'incidence professionnelle la somme totale de 83 641,28 euros au titre de la pension d'invalidité et d'arrérages échus en invalidité, il ne critique pas les motifs des premiers juges, qui ont fait une juste appréciation des conclusions de l'expert pour lui allouer la somme de 5 000 euros, que la cour estime comme étant satisfactoire au cas d'espèce, de sorte que le jugement sera confirmé s'agissant de ce poste.
Sur les dépenses de santé futures, les premiers juges avaient retenu que [T] [D] ne produisait aucun élément permettant de chiffrer ce préjudice et, notamment, le montant resté à charge de ses semelles orthopédiques, de sorte qu'il a été débouté de sa demande à ce titre. En cause d'appel, [T] [D] n'apporte pas plus d'élément. Le jugement sera confirmé de ce chef.
En conséquence de ce qui précède, le jugement rendu le 22 février 2021 par le tribunal judiciaire de Perpignan sera confirmé en toutes ses dispositions.
2. Sur les dépens et les frais non remboursables
Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
[T] [D] sera condamné aux dépens de l'appel, avec droit de recouvrement direct au bénéfice des avocats qui peuvent y prétendre.
[T] [D], qui échoue en son appel, en toutes ses prétentions, sera au surplus condamné à payer à la société Anecoop France la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile, étant relevé par ailleurs que la CPAM ne forme par de prétention à l'encontre de [T] [D] sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement rendu le 22 février 2021 par le tribunal judiciaire de Perpignan, en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE [T] [D] à payer à la société Anecoop France la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;
CONDAMNE [T] [D] aux dépens de l'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement direct prévu à l'article
699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,