CJUE, Conclusions de l'avocat général Tesauro, 20 avril 1989, 265/87

Mots clés Agriculture · Prélèvement de coresponsabilité dans le secteur des céréales. · règlement · prélèvement · pouvoir · principal · céréales · production · producteurs · marché · secteur · institution · ressources · objectif · recettes

Synthèse

Juridiction : CJUE
Numéro affaire : 265/87
Date de dépôt : 01 septembre 1987
Titre : Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Düsseldorf - Allemagne.
Rapporteur : Zuleeg
Avocat général : Tesauro
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1989:160

Texte

Avis juridique important

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61987C0265

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 20 avril 1989. - Hermann Schräder HS Kraftfutter GmbH & Co. KG contre Hauptzollamt Gronau. - Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Düsseldorf - Allemagne. - Agriculture - Prélèvement de coresponsabilité dans le secteur des céréales. - Affaire 265/87.

Recueil de jurisprudence 1989 page 02237
édition spéciale suédoise page 00097
édition spéciale finnoise page 00109

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La présente demande de décision préjudicielle relève du domaine du contentieux, déjà suffisamment important, relatif à la validité des prélèvements de coresponsabilité . Par toute une jurisprudence ( 1 ), la Cour a confirmé en substance la compatibilité avec le système communautaire de ce type d' instrument et de ses modalités d' application essentielles, même si elle en a censuré un aspect particulier comme nous le verrons plus loin .

Dans le cas d' espèce ( qui concerne le règlement ( CEE ) n° 1579, du Conseil, du 23 mai 1986, ainsi que le règlement d' application adopté ensuite, le 30 juin 1986 par la Commission - règlement ( CEE ) n° 2040 ), la firme Schraeder, entreprise de commercialisation de céréales transformées, conteste la validité dudit prélèvement devant la juridiction nationale pour s' opposer à la perception de ce dernier, en utilisant des arguments que, nous semble-t-il, la Cour a en grande partie déjà examinés et rejetés dans sa jurisprudence antérieure .

La validité des règlements précités est également contestée dans le cadre d' une autre procédure ( affaire 195/87, dans laquelle nous prononçons nos conclusions aujourd' hui même ), bien que sur la base d' autres arguments tenant, non pas à la licéité du prélèvement en soi, mais à la légalité du système de perception de ce dernier .

Malgré cette différence, il nous semble que, si la Cour décidait d' accepter dans cette dernière affaire la solution proposée dans nos conclusions ( auxquelles nous renvoyons ), ladite solution présenterait une certaine pertinence également aux fins de la réponse à donner au juge national dans la présente espèce .

Nous suggérons donc dès à présent que, dans l' hypothèse où la Cour jugerait opportun de suivre les conclusions présentées dans l' affaire 195/87, l' arrêt rendu dans la présente affaire contienne une référence à l' arrêt rendu dans l' affaire 195/87 .

Cela étant, nous limiterons nos observations ci-après à l' appréciation des motifs d' invalidité discutés dans le cadre de la présente affaire et exposés par le juge national dans son ordonnance de renvoi .

La base juridique du règlement n° 1579/86

Les doutes exprimés par la juridiction nationale en ce qui concerne la validité du règlement n° 1579/86 concernent presque exclusivement le prétendu défaut en matière de base juridique . C' est pourquoi nous concentrerons sur ce point la majeure partie de notre analyse .

Le juge de renvoi, adoptant en cela la thèse de la demanderesse au principal, estime que le règlement précité aurait dû être fondé, non seulement sur l' article 43, mais également sur l' article 201 du traité .

Les arguments développés à l' appui de cette thèse sont, pour l' essentiel, au nombre de deux .

En premier lieu, fait-on observer, le prélèvement de coresponsabilité constitue, par sa forme concrète, non pas une intervention de politique agricole de nature économique, mais une mesure à caractère essentiellement fiscal et ce contrairement à la disposition de l' article 1er paragraphe 4 n° 4 du règlement n° 1579/86 ( 2 ). C' est ce que démontrent non seulement le niveau élevé de la taxe mais également et surtout la circonstance que le prélèvement pèse en définitive sur des sujets ( les transformateurs de céréales ) qui ne sont pas les responsables de la production excédentaire . En conséquence, si cette charge allège les difficultés financières du secteur en cause, elle n' a pourtant aucun objectif connexe et donc aucune incidence réelle sur le comportement économique de ces opérateurs ( les producteurs de céréales ) qui déterminent l' offre et, de ce fait, également les éventuels excédents . S' agissant donc d' une recette de caractère fiscal, le Conseil n' avait pas le pouvoir de la décider sur la base du seul article 43 .

Selon le juge et la demanderesse au principal, on arrive à cette conclusion également sur la base d' un second argument .

Aux termes de l' article 2 deuxième alinéa de la décision 70/243/CECA,CEE,Euratom du Conseil, du 21 avril 1970 ( JO L 94, p . 19 ):

"Constituent, en outre, des ressources propres inscrites au budget des Communautés, les recettes provenant d' autres taxes qui seraient instituées, dans le cadre d' une politique commune, conformément aux dispositions du traité instituant la Communauté économique européenne ou du traité instituant la Communauté européenne de l' énergie atomique pour autant que la procédure de l' article 201 du traité instituant la Communauté économique européenne ou de l' article 173 du traité instituant la Communauté européenne de l' énergie atomique a été menée à son terme ".

Le prélèvement de coresponsabilité constituant précisément une recette instituée dans le cadre d' une politique commune, il résulterait également de cette disposition, selon l' interprétation préconisée par la demanderesse au principal, l' obligation pour le Conseil de se fonder sur l' article 201 et de suivre la procédure qui y est prévue .

Il ne nous semble pas possible d' accueillir ces deux arguments .

Tout d' abord, dans son arrêt du 9 juillet 1985, Bozzetti ( affaire 179/84, Rec . p . 2301 ), la Cour, en se référant au prélèvement de coresponsabilité dans le secteur du lait, a précisé que celui-ci est :

"... à considérer "comme faisant partie des interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles ". Ce prélèvement a donc un caractère essentiellement économique, en ce qu' il joue le même rôle que les autres interventions prévues par l' organisation commune du marché des produits laitiers . La circonstance que le prélèvement de coresponsabilité, directement affecté à certaines dépenses encourues dans le cadre de l' organisation commune du marché laitier, ne figure pas parmi les "ressources propres" de la Communauté n' a pas pour effet d' influencer la qualification de ce prélèvement en tant qu' il a pour fonction de contribuer à la régularisation du marché en cause ." ( point 19 des motifs ).

Ces observations peuvent être appliquées au prélèvement dans le secteur des céréales, tout à fait analogue à l' autre prélèvement, tant par sa structure - comme nous le verrons plus loin - que par sa fonction, et c' est ce dernier élément qui est le plus important .

Nous avons déjà indiqué que l' article 1er paragraphe 4 n° 4 du règlement n° 1579/86 précise que le prélèvement en cause "est considéré comme faisant partie des interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles ". Qui plus est, comme cela ressort des considérants du règlement lui-même ( deuxième considérant ), cet instrument qui entre dans une stratégie plus large de rééquilibrage du marché, répond en outre à l' objectif spécifique de donner aux producteurs une indication sur la situation du secteur concerné . Comme le précisent la Commission et le Conseil, le prélèvement ne fonctionne pas autrement qu' une réduction, dans la même mesure, du prix d' intervention, même s' il est plus flexible . Il s' agit donc d' un signal concret adressé aux producteurs et qui, sans mettre en cause les mécanismes de soutien sectoriels, tend à rétablir l' équilibre naturel entre la demande et l' offre .

Or, si c' est là la fonction - décrite de manière extrêmement résumée - de cet instrument, on ne voit pas comment on peut raisonnablement en contester la nature essentiellement économique qui est d' ailleurs explicitement admise par la jurisprudence de la Cour dans le secteur du lait .

Contrairement à ce qu' affirme la partie demanderesse, ni les modalités de perception du prélèvement ( paiement par les transformateurs au lieu des producteurs ) ni le montant de ce prélèvement ne sont en contradiction avec cette nature économique .

Nous aurons l' occasion de revenir ci-après sur ces points . Il suffit pour l' instant de préciser que l' argumentation alléguée en ce sens repose sur des prémisses dénuées de fondement .

En ce qui concerne les modalités de perception, il n' est pas exact que le prélèvement pèse sur les transformateurs . Au moins en principe, c' est le contraire qui est vrai . Même s' il est payé par les transformateurs, la charge est obligatoirement répercutée - par une déduction sur le prix d' achat - sur le producteur . Ce dernier est donc le véritable assujetti, alors que le transformateur n' intervient que comme un subrogé . C' est toujours le producteur qui est le destinataire réel de la mesure économique, dès lors que ce sont ses choix qui sont influencés par l' existence et le montant du prélèvement . Le mécanisme de perception correspond donc à l' objectif caractéristique du prélèvement, qui est de fournir aux producteurs une indication concrète quant à la conjoncture du marché .

En ce qui concerne le montant de l' imposition, fixé à 3% pour les deux premières années, il ne paraît pas excessif, puisqu' il s' agit d' intervenir sous la forme d' une réduction ou, en toute hypothèse, du maintien des prix offerts à la demande, dans un marché structurellement excédentaire .

D' ailleurs, le montant du prélèvement, même s' il est défini sur la base d' éléments de caractère financier ( les charges budgétaires liées au soutien de la production excédentaire ), est justement toujours lié à la ratio économique fondamentale de la mesure, qui est - comme nous l' avons dit - de "donner aux producteurs une indication sur la situation du marché" afin de "parvenir de toute urgence à un meilleur équilibre" de celui-ci et "à une maîtrise de la croissance" ( deuxième considérant du règlement n° 1579/86 ).

Force est donc, à notre avis, d' estimer que, même s' il présente indubitablement un aspect financier en ce qu' il concourt à limiter les dépenses de gestion des mécanismes du marché dans le secteur des céréales, le prélèvement ne s' en présente pas moins concrètement comme une intervention visant à la régularisation des marchés et a donc un caractère essentiellement économique . Ce n' est donc pas sur cette base qu' on peut affirmer la nécessité de fonder le règlement litigieux sur l' article 201 du traité également .

Une obligation de cette nature ne résulte pas non plus, tout bien considéré, du texte de l' article 2 deuxième alinéa de la décision du Conseil relative aux ressources propres, déjà citée . Comme le souligne à juste titre le Conseil, alors que le premier alinéa de cet article a une valeur impérative en ce sens qu' il prévoit des recettes qui constituent obligatoirement des ressources propres, l' alinéa suivant est purement indicatif, en ce qu' il vise plutôt des recettes qui, selon les circonstances, pourront faire partie ou non des ressources propres . Dans l' hypothèse prévue au deuxième alinéa, c' est lorsque la décision d' inscrire une rubrique déterminée parmi les ressources propres a été prise, et seulement dans ce cas, que le recours à la procédure visée à l' article 201 devient une condition nécessaire . Au contraire, lorsqu' on estime qu' une certaine recette ne doit pas être inscrite parmi les ressources propres et donc au budget général de la Communauté, la procédure de l' article 201 est clairement superflue et même ultra vires .

C' est justement le cas du prélèvement de coresponsabilité . D' ailleurs, la Cour est déjà parvenue à une telle conclusion dans son arrêt du 21 février 1979, Stoelting ( 138/78, Rec . p . 713 ). Dans ce cas, le demandeur au principal avait contesté que l' article 43 était suffisant pour autoriser les institutions communautaires à percevoir le prélèvement sur la production de lait, alors que ce dernier constituait une taxe qui ne pouvait être créée que sur la base de l' article 201 . Au contraire, la Cour, après avoir rappelé la fonction du prélèvement, a estimé que le Conseil avait le pouvoir de l' adopter sur la base de l' article 43 . La Cour a suivi en cela les conclusions de l' avocat général M . Mayras qui avait déclaré :

"L' article 201 constitue ainsi la base de recettes qui, sans distinction aucune, sont destinées à couvrir l' ensemble des dépenses inscrites au budget .

Mais cet article n' exclut nullement que, dans le cadre de réglementations spécifiques, particulièrement en matière de politique agricole commune, le Conseil ait le pouvoir de créer des recettes qui, en raison de leur lien direct avec des mesures ayant effet sur les dépenses afférentes au secteur en cause, en diminuent l' impact ".

A cet égard, il avait également rappelé que, dans le domaine des interventions destinées à réglementer les marchés agricoles, il existait déjà des recettes déterminées qui ne constituaient pas des ressources propres dont la création impliquerait le recours à la procédure de l' article 201 ( par exemple les cautions et les garanties perçues et conservées par la Communauté ) et il avait donc conclu que cet article ne devait pas s' appliquer au prélèvement de coresponsabilité . ( 3 )

Mais il convient également de souligner que, dans l' hypothèse du prélèvement en question, le recours à l' article 201 apparaît non seulement superflu mais encore inapproprié . En effet, bien que destiné à porter remède à des déséquilibres structurels, le prélèvement constitue tout de même une mesure prévue pour des secteurs déterminés, aux exigences spécifiques desquels elle est strictement proportionnée et dont le caractère est virtuellement contingent, puisque l' application de cette mesure est conditionnée par la permanence d' un déséquilibre sectoriel . Il apparaît plus juste, comme l' a indiqué le Conseil, d' exclure en principe de la catégorie des ressources propres les recettes qui ne sont pas d' application générale et de caractère permanent .

Enfin, la disposition selon laquelle le produit du prélèvement n' est pas destiné "à financer indistinctement toutes les dépenses" de la Communauté, comme cela est prescrit pour les ressources propres ( article 5 de la décision du Conseil du 21 avril 1970 déjà citée ), conformément au principe de l' universalité du budget, mais au ontraire est utilisé exclusivement ( conformément à l' article 1er paragraphe 4 du règlement n° 1579/86 ) pour le "financement des dépenses du secteur des céréales", s' inscrit parfaitement dans ce contexte .

Nous estimons en conséquence que le règlement n° 1579/86 pouvait être adopté sur la seule base de l' article 43 du traité et qu' il n' est donc pas entaché d' un vice en ce qui concerne sa base juridique .

Caractère approprié du prélèvement pour atteindre l' objectif prévu

La demanderesse au principal a affirmé que le prélèvement en cause se révèle impropre à atteindre l' objectif de stabilisation du marché visé à l' article 39 du traité et donc illicite au sens de l' article 40 paragraphe 3 .

Selon elle, deux circonstances sont à l' origine de cette inadéquation :

- le prélèvement frappe une part trop limitée de la production agricole ( moins de 50 %),

- il peut déterminer une augmentation du prix des céréales transformées et donc une contraction de la demande .

C' est pourquoi, prétend-elle, cet instrument est inefficace dès l' origine par rapport à sa finalité de restaurer l' équilibre entre l' offre et la demande sur le marché en cause; il est même peut-être contraire à cette finalité .

Il convient toutefois de rappeler qu' en adoptant des mesures de ce type et donc en les appréciant sous l' angle de leur opportunité, le Conseil dispose d' une marge discrétionnaire importante qui correspond aux responsabilités politiques qui lui sont imposées aux articles 40 et 43 du traité ( voir l' arrêt Stoelting, point 8 des motifs ).

Le choix, parmi les différentes formules disponibles, de celle qui apparaît la plus appropriée à l' objectif poursuivi relève de l' exercice de ce pouvoir discrétionnaire ( voir l' arrêt Bozzetti, point 30 des motifs ).

Il en résulte, en ce qui concerne ce point spécifique, que le contrôle juridictionnel de validité pourra s' exercer de manière restreinte, uniquement dans les limites de l' erreur manifeste, du détournement de pouvoir ou du dépassement flagrant des frontières du pouvoir discrétionnaire de l' institution .

Ainsi, dans l' arrêt Biovilac ( 4 ) la Cour a admis que seule l' inadéquation manifeste d' une mesure par rapport aux objectifs visés à l' article 39 peut en affecter la légalité . La Cour s' est exprimée de manière analogue dans l' arrêt Stoelting où l' inadéquation manifeste d' une mesure par rapport au but recherché par l' institution compétente a été envisagée comme motif possible de non validité .

En revanche, la simple inefficacité de l' acte n' est pas en soi une cause d' invalidité de ce dernier et elle ne peut être pertinente que dans le cadre d' une évaluation d' opportunité qui n' entre pas dans les compétences de la Cour ( voir l' arrêt Biovilac ).

Or, il convient de constater dans le cas d' espèce que, de toute évidence, l' institution n' a pas outrepassé les limites de son pouvoir discrétionnaire, au moins en ce qui concerne les aspects qui ont été évoqués dans le cadre de la présente procédure .

En effet, dans la mesure où il tend à contenir l' offre par une pression concrète exercée sur les producteurs, le prélèvement en cause est compatible en principe avec l' objectif de stabiliser le marché qui est prévu à l' article 39 .

Concrètement, d' ailleurs, personne ne conteste que l' institution du prélèvement a entraîné une réduction à tous les niveaux du prix de soutien des céréales et a amélioré la situation financière du secteur, libérant les ressources indispensables pour engager une stratégie de développement de nouveaux débouchés .

Les allégations de la demanderesse au principal en ce qui concerne les effets du prélèvement sur les prix et sur la demande apparaissent donc non seulement insuffisantes pour déduire l' invalidité de cette mesure mais également infondées en fait .

En ce qui concerne ensuite l' incidence limitée de la mesure, due à l' importance des exceptions prévues, on peut observer en premier lieu que ces limitations peuvent en avoir réduit l' efficacité mais non l' avoir compromise, comme nous venons de l' indiquer . En second lieu, l' extension des exonérations prévues est objectivement justifiée par des raisons d' ordre économique, comme l' a confirmé la Cour par l' arrêt du 29 juin 1988 Van Landschoot, 300/86, non encore publié . En toute hypothèse enfin, il convient de souligner que, dans un contexte tel que celui que nous venons de décrire, le choix entre une portée matérielle plus ou moins importante du prélèvement n' excède pas les limites du pouvoir discrétionnaire de l' institution et n' apporte aucun élément susceptible de faire douter de la validité de l' acte .

Nous estimons en conséquence que la thèse de l' illégalité du prélèvement sur la base de son inadéquation pour atteindre l' objectif prévu est dénuée de tout fondement .

Violation des droits fondamentaux

D' après les allégations de la demanderesse au principal, cette violation dépend essentiellement du fait que le prélèvement pèse sur une catégorie de sujets ( les transformateurs ) qui ne sont pas responsables des excédents .

Selon la demanderesse il s' agit donc d' une imposition injustifiée et qui enfreint de ce fait les principes qui régissent l' exercice de l' activité économique même dans l' ordre communautaire .

Comme nous l' avons déjà indiqué ci-dessus, ce raisonnement repose sur une prémisse inexacte . La charge du prélèvement payée par les transformateurs est obligatoirement répercutée sur les producteurs . C' est ce qui résulte de l' article 1er paragraphe 4 point 6 du règlement n° 1579/86 (" le prélèvement est à répercuter sur le producteur ") ainsi que du sixième considérant et de l' article 5 paragraphe 1 du règlement d' application de la Commission ( règlement n° 2040/86 ) ( 5 ).

Le sujet passif de l' imposition est donc le producteur . Le transformateur, en tant que subrogé, ne supporte qu' une charge modeste de caractère administratif et comptable qui peut être considérée comme proportionnée, et donc justifiée, compte tenu du fait que cette catégorie d' opérateurs, si elle n' est pas directement responsable des excédents, fait partie intégrante du marché en cause et est certainement intéressée à la stabilisation de ce dernier . Le transfert de la charge du prélèvement exclut donc qu' il s' agisse en principe d' une taxe pesant indûment sur le transformateur et qui devrait être censurée au nom des droits fondamentaux . Cela n' implique pas que les modalités techniques de ce transfert sont nécessairement sans défauts . C' est là toutefois un autre problème - qui fait l' objet de la procédure 195/87 - et qu' il convient d' examiner à la lumière de considérations très spécifiques ( liées à l' incidence des taux de conversion agricoles dans le cas de transactions interétatiques ) qui sont totalement étrangères à la présente espèce .

En ce qui concerne le montant concret du prélèvement ( 3% au cours des deux premières années d' application ), on a déjà dit qu' il ne s' agit pas d' une imposition disproportionnée dans un marché où l' offre dépasse structurellement la demande . En outre, le critère directeur pour le calcul du prélèvement est indiqué au troisième considérant du règlement n° 1579/86 . La marge d' appréciation de l' institution à cet égard précis est donc délimitée au moins en partie . Il en résulte que, sauf dans le cas où ce critère serait manifestement enfreint, on peut exclure que le taux d' imposition retenu doive être considéré comme disproportionné .

Nous ne pensons pas, donc, qu' on puisse envisager une quelconque violation de droits fondamentaux dans la présente espèce .

Caractère discriminatoire du régime du prélèvement

Dans le cadre de la procédure devant la juridiction nationale, la demanderesse a fait valoir que le régime de perception du prélèvement tel qu' il résulte des règlements ( CEE ) n°s 1579/86 et 2040/86 a un caractère discriminatoire .

Sans qu' il soit nécessaire d' examiner séparément chaque hypothèse de discrimination citée, il suffit d' observer que, selon la demanderesse, elles sont toutes liées à l' importante exonération prévue sur la base de l' article 1er paragraphe 2 deuxième alinéa du règlement n° 2040/86, pour les céréales destinées à l' alimentation animale à l' intérieur de l' exploitation où sont produites ces céréales .

A cet égard, nous pensons qu' il est suffisant de rappeler que la question a déjà été résolue dans l' arrêt Van Landschoot déjà cité . La Cour a estimé qu' une telle exemption était justifiée en principe, les céréales consommées sur place n' étant pas mises sur le marché et ne contribuant donc pas à la formation des excédents ( voir en particulier le point 11 des motifs de l' arrêt ).

Et même, après avoir admis la ratio à la base de cette exonération, la Cour en a ultérieurement accru la portée en estimant qu' il était discriminatoire qu' elle ne concerne que les exploitations consommant elles-mêmes les céréales transformées au moyen d' implantations propres et non pas également les exploitations qui consomment les céréales de leur propre production mais transformées par d' autres entreprises .

A la lumière des résultats de la jurisprudence Van Landschoot, nous estimons que les doutes exprimés en l' espèce en liaison avec le caractère discriminatoire du régime des exonérations du prélèvement ne peuvent être partagés .

Nous concluons donc en proposant à la Cour de répondre à la juridiction nationale dans les termes suivants :

L' examen de la question préjudicielle n' a pas fait apparaître d' éléments susceptibles d' affecter la validité du règlement ( CEE ) n° 1579 du Conseil, du 23 mai 1986, pas plus que du règlement ( CEE ) n° 2040, de la Commission, du 30 juin 1986 .

(*) Langue originale : l' italien .

( 1 ) Voir l' arrêt du 21 février 1979, Stoelting, affaire 138/78, Rec . p . 713, l' arrêt du 9 juillet 1985, Bozzetti, affaire 179/84, Rec . p . 2301, l' arrêt du 29 juin 1988, Van Landschoot, affaire 300/86, non encore publié et l' arrêt du 19 avril 1987, Versele Laga, affaire 64/87, non encore publié .

( 2 ) Cette disposition prévoit que "le prélèvement visé au présent article est considéré comme faisant partie des interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles et est affecté au financement des dépenses du secteur des céréales ".

( 3 ) Ces observations relatives au prélèvement dans le secteur du lait peuvent évidemment elles aussi être transposées à l' hypothèse du prélèvement institué dans le secteur des céréales . Outre l' analogie fonctionnelle déjà signalée entre les deux, il convient de préciser également, du point de vue structurel, que dans les deux hypothèses, le prélèvement est calculé sur la base d' un taux indifférencié ( 1,5% - 3% pour le lait, 3% pour les céréales au cours des deux premières années ) pour une base imposable uniforme ( le prix indicatif pour le lait, le prix d' intervention pour les céréales ). En outre, comme nous l' avons vu, le sujet qui supporte la charge du prélèvement est, dans les deux cas, le producteur agricole .

( 4 ) Arrêt du 6 décembre 1984, Biovilac, affaire 59/83, Recueil p . 4057 ( point 17 des motifs ).

( 5 ) Le sixième considérant du règlement ( CEE ) n° 2040/86 a la teneur suivante :

"considérant que l' un des objectifs du régime prélèvement de coresponsabilité est de sensibiliser les producteurs aux réalités du marché; que, à cette fin, la charge du prélèvement doit être répercutée sur ces derniers; qu' il convient dès lors d' instaurer un système de facturation qui tient compte de cet impératif; que ce principe de répercussion est applicable nonobstant toute clause contractuelle qui va à son encontre;"

L' article 5 paragraphe 1 du règlement prévoit :

"1 . Les opérateurs qui effectuent les opérations visées à l' article 1er paragraphe 1 répercutent le prélèvement de coresponsabilité sur leur fournisseur . Une répercussion est également opérée lors de chaque transaction antérieure jusqu' à la fourniture effectuée par le producteur .

Pour chacune des transactions visées au premier alinéa, les pièces justificatives y afférentes indiquent de façon séparée le montant du prélèvement déduit ."