AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
I. Sur le pourvoi n° 88-20.371 formé par la société Sanders, société anonyme dont le siège est ... à Juvisy-sur-Orge (Essonne),
en cassation d'un arrêt rendu le 26 septembre 1985 par la cour d'appel d'Orléans, au profit :
1°/ de M. Jacky Z..., demeurant chez Mme Y..., ... (Loir-et-Cher),
2°/ des Etablissements X..., société anonyme dont le siège est à Saint-Denis-L'Hôtel (Loiret), pris en la personne de son président-directeur général, Mme Nicole X...,
défendeurs à la cassation ;
II. Sur le pourvoi n° 89-15.883 formé par la société Sanders,
en cassation d'un arrêt rendu le 26 septembre 1985 et d'un arrêt rendu le 23 février 1989 par la cour d'appel d'Orléans, au profit :
1°/ de M. Jacky Z...,
2°/ des Etablissements X...,
défendeurs à la cassation ;
La société Sanders invoque, à l'appui de son recours n° 88-20.371, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt, et à l'appui de son recours n° 89-15.883, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 décembre 1991, où étaient présents : M. Massip, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Grégoire, conseiller rapporteur, MM. Bernard de Saint-Affrique, Thierry, Averseng, Gélineau-Larrivet, Forget, conseillers, M. Savatier, conseiller référendaire, M. Sadon, premier avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Grégoire, les observations de Me Baraduc-Benabent, avocat de la société Sanders, de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de M. Z... et des établissements X..., les conclusions de M. Sadon, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint le pourvoi n° K 88-20.371 formé par la société Sanders contre l'arrêt du 26 septembre 1985 de la cour d'appel d'Orléans et le pourvoi n° C 89-15.883 formé par la même société contre cet arrêt ayant prescrit une expertise et contre l'arrêt du 23 février 1989 de la même cour d'appel statuant après exécution de cette mesure d'instruction ;
Donne acte à la société Sanders de ce qu'elle s'est désistée de ses pourvois en tant que dirigés contre M. Jacky Z... ;
Attendu que de 1970 à 1975, M. Jacky Z..., éleveur, a été en relations contractuelles avec la société des établissements
X...
, qui lui fournissait les aliments, les produits vétérinaires et le matériel nécessaire à l'élevage des jeunes veaux qu'il achetait avec l'agrément de cette société et qu'il revendait après engraissement à des entreprises également agréées par elle ; que la société X... était concessionnaire de la société Sanders, fabricant
d'aliments pour le bétail ; qu'en 1976, elle a assigné M. Z... en paiement d'une somme de 109 343,74 francs correspondant à des livraisons d'aliments et de produits vétérinaires ; que M. Z... a
résisté à cette demande en invoquant la mauvaise qualité des aliments qui lui avaient été fournis et a formé une demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 389 996,64 francs à titre de dommages-intérêts pour le préjudice qu'il avait subi, dont à déduire la créance de la société X... ; que celle-ci a appelé en garantie la société Sanders en sa qualité de fabricant des aliments litigieux ; que, par arrêt confirmatif du 20 février 1979, la cour d'appel d'Orléans a débouté M. Z... de sa demande reconventionnelle, fait droit, à la demande principale de la société X... et mis hors de cause la société Sanders ; que, sur pourvoi de M. Z... dirigé tant contre la société X... que contre la société Sanders, la Cour de Cassation (1ère chambre civile) par arrêt du 7 janvier 1981, a mis hors de cause la société Sanders à l'encontre de laquelle aucun des griefs du pourvoi n'était formulé, a cassé la décision de la cour d'appel d'Orléans pour dénaturation des conclusions de M. Z... quant à sa contestation du montant de la demande principale de la société X..., et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel d'Orléans autrement composée ; que, devant celle-ci M. Z... a soulevé la nullité des conventions conclues entre lui et la société X..., constitutives d'un contrat d'intégration qui ne respectait pas les prescriptions impératives de la loi du 6 juillet 1976 ; que par arrêt du 26 septembre 1985, objet du premier pourvoi, la cour d'appel a prononcé la nullité de ces conventions par application des articles 17-1 et 1er, de cette loi, a déclaré recevable l'appel en garantie de la société Sanders par la société X... et a ordonné une expertise ; qu'après dépôt du rapport d'expertise, la société X... ayant à nouveau assigné en garantie la société Sanders, celle-ci a soulevé l'irrecevabilité de cette intervention forcée ; que, par arrêt du 23 février 1989, objet du second pourvoi, la cour d'appel d'Orléans a constaté que cette nouvelle mise en cause était superfétatoire, puisque son arrêt précédent avait déclaré recevable l'appel en garantie, a condamné la société X... à payer la somme de 458 248 francs en principal à M. Z... et dit que la société Sanders devrait garantir la société X... à concurrence de 317 367 francs ;
Sur le moyen
unique du pourvoi n° C 89-15.871 et sur le premier moyen du pourvoi n° C 89-15.883, pris chacun en leurs trois branches :
Attendu que la société
Sanders reproche à l'arrêt du 26 septembre 1985 d'avoir déclaré recevable devant la cour d'appel de renvoi l'appel en garantie formé contre elle par la société X..., alors, selon le moyen, d'une part, qu'elle avait invoqué devant la cour d'appel de renvoi l'irrecevabilité de l'appel en garantie en raison des termes de la mise hors de cause prononcée par l'arrêt de la Cour de Cassation du 7 janvier 1981, et que la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article
4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'en faisant application des règles édictées par l'article
555 du nouveau Code de procédure civile, alors qu'elle avait été partie à la décision de première instance en tant qu'appelé en garantie, la cour d'appel a violé ce texte ; et alors, enfin, qu'en estimant que l'évolution du litige résultait du moyen soulevé pour la première fois par M. Z... devant la cour d'appel de
renvoi, tiré de la nullité du contrat d'intégration l'unissant à la société X..., vendeur d'aliments, sans rechercher si l'appel en garantie, par ce vendeur, du fabricant, reposait sur un fondement différent de celui antérieurement proposé, et écarté par une décision de justice devenue définitive la cour d'appel a violé de nouveau l'article
555 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que l'article
1351 du Code civil ;
Mais attendu
que le fait que devant la Cour de Cassation, et sur le pourvoi de M. Z..., qui n'avait formé aucune demande contre la société Sanders, celle-ci ait été déclarée hors de cause, ne pouvait interdire à la société X..., intimée devant la cour d'appel de renvoi, de l'appeler à nouveau en garantie des condamnations qui pouvaient être prononcées sur la demande, au demeurant nouvelle, de M. Z... ;
D'où il suit que le moyen unique du pourvoi n° 89-15.871 et le premier moyen du pourvoi n° 89-15.883 ne sont fondés en aucune de leurs branches ;
Mais sur le second moyen
du pourvoi n° 89-15.883, pris en ses deuxième et troisième branche :
Vu
l'article
1147 du Code civil, ensemble l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner
la société Sanders à garantir la société X... des sommes dues à M. Z... à concurrence de 317 367 francs l'arrêt attaqué énonce que la mise en cause de la responsabilité du fabricant des aliments livrés à l'éleveur résulte clairement du rapport d'expertise, dès lors que l'insuffisance de l'augmentation de poids quotidien des veaux, qui est la cause des mauvais résultats de l'élevage de M. Z..., provient de la qualité défectueuse de ces aliments ; qu'il en déduit que, sur la somme de 458 248 francs due par la société X... à M. Z..., la société Sanders doit prendre en charge celle de 228 714 francs représentant le solde en valeur des fournitures de produits et de services assurées réciproquement par l'éleveur et son cocontractant, ainsi que celle de 88 653 francs correspondant à la marge bénéficiaire de la société Sanders sur les aliments remis à son concessionnaire, la société X..., soit en tout 317 367 francs ;
Attendu qu'en incluant dans la réparation du préjudice imputable à la société Sanders des sommes correspondant aux restitutions que la société X... doit à M. Z... à la suite de l'annulation de leurs conventions, qui n'était pas imputable à la société Sanders, sans rechercher la part du préjudice subi par M. Z... résultant de l'insuffisance du gain de poids quotidien moyen des bêtes, causée par la défectuosité des aliments, et, de surcroît, sans répondre aux conclusions de la société Sanders invoquant la contribution de M. Z... à la réalisation de son préjudice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du premier des textes susvisés et n'a pas satisfait aux exigences du second ;
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche de ce moyen ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Sanders à garantir la société X... du paiement de la somme due par celle-ci à M. Z..., à concurrence de la somme de
317 367 francs, l'arrêt rendu le 23 février 1989 de la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les
parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Sanders aux dépens du pourvoi n° 88-20.371 et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Condamne les établissements X... aux dépens du pourvoi n° 89-15.883 et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Orléans, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;