Cour d'appel de Paris, Chambre 1-2, 8 décembre 2022, 22/14830

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2022-12-08
Tribunal de commerce de Paris
2022-07-11

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT

DU 08 DECEMBRE 2022 (n° , 9 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14830 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGJIW Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Juillet 2022 -Président du TC de PARIS 04 - RG n° 2021052577 APPELANTE S.A.R.L. CARAO, RCS de PARIS n°B401 773 668, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [Adresse 3] [Localité 4] Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 Assistée à l'audience par Me Armel D'ABOVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P341 INTIMEE S.A.S. THEATRE DE LA GAITE MONTPARNASSE, RCS de PARIS n°452 926 298, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1] [Localité 5] Représentée par Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM'S AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R110 Assistée à l'audience par Me Françoise GUERY, avocat au barreau de PARIS, toque : P543 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre Thomas RONDEAU, Conseiller Michèle CHOPIN, Conseillère qui en ont délibéré, un rapport ayant été présenté à l'audience par Michèle CHOPIN, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition. **** EXPOSE DU LITIGE Par acte sous seing privé du 9 avril 2004, la société Carao, anciennement société d'exploitation théâtrale, a loué à la société Théâtre de la Gaîté- Montparnasse divers locaux à usage commercial situés [Adresse 2] pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 9 avril 2004, le bail ayant été renouvelé le 1er juillet 2013. Un litige s'est élevé entre les parties sur le montant du loyer donnant lieu à contentieux qui s'est prolongé jusqu'à un arrêt de rejet de la cour de cassation du 22 juin 2022. Estimant que la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse ne respecterait pas les stipulations du bail commercial quant à ses obligations d'entretien des lieux, et les sous-louerait de manière non autorisée, la société Carao a sollicité du président du tribunal de commerce par requête du 10 septembre 2021 une mesure d'instruction in futurum à l'encontre de la société Théâtre de la Gaîté Montparnasse aux fins que soit constatés, par l'huissier désigné à cet effet, l'état des locaux, les activités exercées, l'identité du ou des occupants et leur titre d'occupation. Par ordonnance en date du 15 septembre 2021, il a été fait droit à cette demande, Me [S], huissier de justice, étant désigné pour exécuter la mesure. Le 30 septembre 2021, Me [S], huissier de justice, a procédé aux opérations de constat. Le 15 octobre 2021, la société Carao a fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire à la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse et un congé sans offre de renouvellement ni indemnité d'éviction le 16 novembre 2021. Par acte du 15 novembre 2021, la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse a fait assigner la société Carao devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir : constater que la société Carao fonde sa requête introductive au visa des dispositions du statut des baux commerciaux, soit au titre de l'obligation de réparation et d'entretien, soit sur le terrain de la sous-location ; constater que la société Carao fonde sa requête introductive au visa des dispositions du statut des baux commerciaux, soit au titre de l'obligation de réparation et d'entretien, soit sur le terrain de la sous-location ; constater en conséquence la compétence exclusive du tribunal judiciaire de Paris pour toutes questions relatives à l'application des baux commerciaux sis [Adresse 2] souscrits par la société Théâtre de la Gaîté Montparnasse ; dire en conséquence que le président du tribunal de commerce de Paris n'avait pas compétence pour ordonner une mesure non contradictoire avant-dire droit ne relevant pas de la compétence du tribunal de commerce de Paris au fond ; rétracter l'ordonnance rendue le 15 septembre 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris ; dire nul et nul effet le constat dressé le 30 septembre 2021 par Me [S], huissier de justice ; constater que président du tribunal de commerce de Paris n'a pas bénéficié d'une information loyale et présentée de bonne foi par la société Carao ; constater que la société Carao ne justifie d'aucun intérêt légitime à ce qu'une mesure non contradictoire soit mise en 'uvre ; rétracter l'ordonnance rendue le 15 septembre 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris ; dire nul et nul effet le constat dressé le 30 septembre 2021 par Me [S], huissier audiencier près le tribunal de commerce de Paris ; condamner la société Carao à régler à la société Théâtre de la Gaîté- Montparnasse à la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ; condamner la société Carao aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Abadjian de la société A&C Associés ; rappeler l'exécution provisoire de droit de l'ordonnance sur minute. Sont pendantes au fond, devant le tribunal judiciaire de Paris, deux instances entre les parties concernant, pour l'une, la contestation du commandement visant la clause résolutoire, pour l'autre, le congé donné sans offre de renouvellement ni indemnité d'éviction. Par ordonnance de référé contradictoire du 11 juillet 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris : - s'est dit incompétent ; - a rétracté son ordonnance du 15 septembre 2021 ; - a dit nulles les dispositions du constat dressé le 30 septembre 2021 par Me [S], huissier de justice, en exécution des dispositions de ladite ordonnance ; - a condamné la société Carao à verser à la société Théâtre de la Gaîté- Montparnasse la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article de l'article 700 du code de procédure civile ; - a débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires ; - a condamné en outre la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,93 euros TTC dont 6,78 euros de TVA ; - a rappelé que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l'article 489 du code de procédure civile. Par déclaration du 5 septembre 2022 la société Carao a relevé appel de cette décision. La société Carao a présenté une requête le 5 septembre 2022 aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe et y a été autorisée par ordonnance du 8 septembre 2022. Elle a fait assigner la société Théâtre de la Gaîté- Montparnasse par exploit du 15 septembre 2022 devant la cour. Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 4 novembre 2022, la société Carao demande à la cour de : - infirmer l'ordonnance du 11 juillet 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a statué par les chefs suivants : « Nous nous disons incompétent ; - rétractons notre ordonnance du 15 septembre 2021 ; - disons nul les dispositions du constat dressé le 30 septembre 2021 par Me [S], huissier audiencier près le tribunal de commerce de Paris, en exécution des dispositions de ladite ordonnance ; - condamnons la société Carao à verser à la société Théâtre de la Gaîté- Montparnasse la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article de l'article 700 du code de procédure civile - déboutons les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires » mais seulement lorsqu'elle la déboute de ses demandes. "; Statuant à nouveau, - juger que le président du tribunal de commerce de Paris avait compétence pour rendre son ordonnance du 15 septembre 2021 ; - juger valides les dispositions du constat dressé le 30 septembre 2021 par Me [S], huissier de justice en exécution des dispositions de l'ordonnance du 30 septembre 2021 ; - débouter la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; Y ajoutant, - condamner la société Théâtre de la Gaîté- Montparnasse à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamner la société Théâtre de la Gaîté- Montparnasse aux entiers dépens de l'instance. La société Carao soutient en substance que : - sa contestation relative à la compétence du tribunal de commerce n'est pas irrecevable, contrairement à ce qu'affirme la société intimée, au regard de l'article 74 du code de procédure civile, car elle était demanderesse en première instance, et ainsi elle ne peut contester la compétence de la juridiction qu'elle a elle-même saisie, - si l'ensemble des fondements du procès in futurum relèvent d'une interprétation du bail commercial et de la compétence du tribunal judiciaire, il n'existe aucun obstacle à ce que la mesure de l'article 145 du code de procédure civile soit accordée par le président du tribunal de commerce, - les dispositions des articles R.211-4 du code de l'organisation judiciaire et R.145-23 du code commerce prises ensembles signifient que les questions relatives au statut des baux commerciaux sont, suivant les sujets, de la compétence du tribunal judiciaire ou de la compétence de son président, - ce litige oppose deux sociétés commerciales, la société preneuse refusant à la société bailleresse de prendre connaissance de l'état des locaux loués et les activités exercées dans le cadre d'un bail commercial, acte de commerce, et ainsi la requête aux fins de constat est étrangère aux dispositions de l'article R.145-23 du code de commerce car elle ne nécessite aucune appréciation ni aucun examen du statut des baux commerciaux, - la motivation du premier juge qui a indiqué qu'elle aurait omis dans sa requête d'établir la véritable nature du litige potentiel et l'objectif poursuivi alors que même si elle envisageait différentes options judiciaires elle ne pouvait pas présumer des suites judiciaires qu'il convenait d'y donner sans faire de constatations sur site, - c'est aussi à tort que le tribunal de commerce a indiqué que le dépérissement des preuves ne permettrait pas de déroger au principe du contradictoire, alors que cette demande était légitime car une procédure contradictoire n'aurait pas permis de constater le respect de la destination du bail par la locataire et l'occupation des locaux, - sa demande était justifiée car la locataire lui avait refusé l'accès aux lieux, alors que c'est l'une de ses prérogatives et que le bail prévoit un seul jour de préavis pour une telle visite, - les photographies qu'elle verse aux débats concernent bien les locaux loués par la société Théâtre de la Gaîté Montparnasse et si la façade est partagée en partie basse avec les locaux du bar voisin, celle-ci relève majoritairement de sa responsabilité, - le bail met à la charge du locataire les grosses réparations et la vétusté prévues à l'article 606 du code civil, par renonciation du locataire à l'article 1755 du code civil , - même si la loi Pinel fait peser sur le bailleur la charge des grosses réparations, cette modification n'est applicable que pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 5 novembre 2014, ce qui n'est pas le cas en l'espèce et ce jusqu'au terme du renouvellement le 30 juin 2022 - la locataire a refusé, malgré les stipulations du bail, de procéder au ravalement de la façade, relevant de sa responsabilité et qu'elle a été contrainte d'effectuer ces travaux. Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 8 novembre 2022, la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse demande à la cour de : Principalement, - déclarer la société Carao irrecevable en ses contestations relatives à la compétence juridictionnelle du président du tribunal de commerce de Paris

; En conséquence

, - confirmer l'ordonnance entreprise en date du 11 juillet 2022 ; Subsidiairement, - la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ; - débouter la société Carao de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; - confirmer l'ordonnance entreprise en date du 11 juillet 2022, Et ce faisant, - constater que la société Carao fonde sa requête introductive au visa des dispositions du statut des baux commerciaux, soit au titre de l'obligation de réparation et d'entretien, soit sur le terrain de la sous-location ; - constater en conséquence la compétence exclusive du tribunal judiciaire de Paris pour toutes questions relatives à l'application des baux commerciaux sis [Adresse 2] souscrit par elle ; - dire en conséquence que le président du tribunal de commerce de Paris n'avait pas compétence pour ordonner une mesure non contradictoire avant-dire droit ne relevant pas de la compétence du tribunal de commerce de Paris au fond ; - rétracter l'ordonnance rendue le 15 septembre 2021 par le Président du Tribunal de Commerce de Paris ; - dire nul et nul effet le constat dressé le 30 septembre 2021 par Me [S], huissier audiencier près le tribunal de commerce de Paris ; Vu les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile ; - constater que le président du tribunal de commerce de Paris n'a pas bénéficié d'une information loyale et présentée de bonne foi par la société Carao ; - constater que la société Carao ne justifie d'aucun intérêt légitime à ce qu'une mesure non contradictoire soit mise en 'uvre ; - rétracter l'ordonnance rendue le 15 septembre 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris ; - dire nul et nul effet le constat dressé le 30 septembre 2021 par Me [S], huissier audiencier près le tribunal de commerce de Paris ; - confirmer l'ordonnance en date du 11 juillet 2022 en ce qu'elle a condamné la société Carao à lui régler la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance. Y ajoutant au titre des frais irrépétibles d'appel, - condamner la société Carao à lui régler la somme de 10.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamner la société Carao aux entiers dépens de première instance et d'appel en ceux compris ceux relatifs à l'exécution de l'arrêt à intervenir. La société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse soutient en substance que : - le tribunal de commerce est incompétent au profit du tribunal judiciaire, le décret du 29 décembre 2009 ayant attribué à l'ancien tribunal de grande instance une compétence exclusive pour toutes les contestations relatives aux baux commerciaux, la jurisprudence estimant que la compétence résiduelle du tribunal de commerce se limite aux parties ayant la qualité de commerçants, parties à un litige hors application du statut des baux commerciaux, - le nouvel article R.211-4 du code de l'organisation judiciaire prévoit la compétence exclusive des tribunaux judiciaires notamment pour les actions relatives aux baux commerciaux fondées sur les articles L.145-1 à 145-60 du code de commerce, - en l'espèce, le fait que la société Carao ait visé à sa requête les dispositions de la loi Pinel en affirmant qu'elles ne lui était pas opposables soulève des questions qui nécessitent directement l'interprétation des dispositions du statut des baux commerciaux tels que visés aux articles L.145-1 à L.145-60 du code du commerce, - les questions relatives à une sous-location, à la charge des réparations à répartir entre locataire et bailleur, ou encore l'évolution ultérieure du litige par la délivrance d'un commandement visant la clause résolutoire et d'un congé sans offre de renouvellement relèvent nécessairement du statut des baux commerciaux et de son interprétation et donc de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, - aucun élément ne justifiait des mesures soient prises non contradictoirement, - contrairement à ce qui était affirmé par la société Carao, elle n'a jamais refusé le principe d'une visite, et au contraire, elle en avait même accepté le principe mais elle demandait seulement une date quelque peu repoussée compte tenu des répétitions en cours et de la nécessité de contrôler les flux dans le théâtre en contexte de pandémie, - il n'existe aucun motif légitime à ce que soit ordonné des mesures d'instruction in futurum alors, notamment, que la société Carao n'étaye pas ses suspicions de mauvais entretien par des pièces suffisamment probantes car celles-ci concernent un bâtiment qu'elle n'a pas pris à bail et portent sur les locaux d'un de ses autres locataire, le bar attenant au théâtre, - si des photos versées au débat concernent le théâtre, la plupart d'entre elles n'ont été que montées pour faire croire au mauvais état d'entretien de celui-ci alors qu'elle verse au débat des photographies prises en plus grand angle et sans jeu d'exposition pour démontrer le bon des locaux. Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure SUR CE Aes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. L'article 493 du même code prévoit que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse. Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. Cette voie de contestation n'étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s'y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci. Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur. De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée. Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte. Sur la recevabilité de la demande de la société Carao relative à la compétence du tribunal de commerce La société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse expose qu'en application des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions devant être soulevées avant toute défense au fond, et que la contestation élevée par la société Carao quant à l'incompétence du tribunal de commerce, qui a été retenue aux termes de l'ordonnance critiquée, est donc irrecevable dans la mesure où elle a été développée après deux arguments de fond. Toutefois, en l'espèce, la société Carao conteste bien l'incompétence, retenue par l'ordonnance critiquée, du tribunal de commerce et soutient la compétence de cette juridiction qu'elle a elle-même saisie. De la sorte, elle ne soulève pas une exception d'incompétence à proprement parler qui comme toute exception de procédure relèverait des dispositions de l'article 74 du code de procédure civile mais bien un moyen au soutien de son appel. Cette demande sera déclarée en conséquence recevable. Sur la compétence du tribunal de commerce Les appelants contestent tout d'abord l'incompétence matérielle de la juridiction consulaire, telle que retenue par l'ordonnance rendue. Il résulte des articles 42, 46, 145 et 493 du code de procédure civile que le juge compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées. Aux termes de sa requête, la société Carao se plaint de ce que la société locataire ne satisferait pas à ses obligations d'entretien et de réparation des locaux loués, de ce qu'elle ne respecterait pas leur destination et sous louerait une partie de ces locaux à des personnes ou sociétés tierces sans autorisation. Si, en application de l'article R 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire a compétence exclusive en matière de baux commerciaux, à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix de bail révisé ou renouvelé, des baux professionnels et conventions d'occupation précaire en matière commerciale, lorsque le litige ne porte pas sur l'application des dispositions relatives au statut des baux commerciaux, le tribunal de commerce est également compétent. Or, le présent litige ne porte pas sur l'application du statut des baux commerciaux puisqu'il ne met en jeu que les obligations de la locataire d'entretenir et réparer les lieux loués et de recueillir l'autorisation de son bailleur pour les sous louer. La première question relève en effet du droit commun du bail et la seconde est totalement étrangère au statut des baux commerciaux. L'exception d'incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal judiciaire qui a été soulevée par la société intimée en première instance était par conséquent mal fondée. En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise qui a retenu l'exception d'incompétence soulevée par la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse. Les deux parties ayant conclu sur le fond du référé, la cour estime, en application de l'article 88 du code de procédure civile, qu'il y a toutefois lieu d'évoquer le fond du référé dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Sur le fond du référé - sur la dérogation au principe du contradictoire Le juge doit rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit. Le risque de dépérissement des preuves, qui suffit à justifier la dérogation à la procédure contradictoire, peut résulter du contexte de l'affaire et d'autres éléments de fait, comme la nature de la preuve et la volonté de dissimuler les faits ; le risque de dépérissement peut aussi résulter de circonstances démontrant que la société refuse la communication spontanée des informations. La requête aux fins de constat est motivée sur ce point par le risque de dépérissement des preuves qui n'est pas autrement caractérisé que par le refus allégué de la société Théâtre de la Gaîté Montparnasse de laisser la société propriétaire visiter les lieux. Il résulte de l'examen de l'ordonnance rendue dont il est sollicité la rétractation que le juge des requêtes a visé les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, tandis que le premier juge, rendant l'ordonnance dont appel a indiqué que le dépérissement des preuves allégué ne suffisait pas, s'agissant de preuves matérielles, à justifier le recours au non contradictoire. Il apparaît en l'espèce que : - la société Carao fait ici à tout le moins état de ce que la société locataire manquerait à ses obligations d'entretien et réparation des locaux et les sous louerait à des sociétés tierces, - elle expose en outre que la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse a refusé par courrier du 26 août 2021 que la visite porte sur l'ensemble de l'immeuble, et exigé un report de la visite à d'autres dates, ce refus ayant été réitéré le 1er septembre 2021, - la requête était assortie des pièces suivantes : six photos de l'état des locaux, échanges des courriers officiels cités, - il est de toute évidence justifié d'un contexte très conflictuel entre les parties, étant précisé que Mme [H] [R], actuelle dirigeante de la société Carao, était l'épouse de M. [G] [R], actuel représentant légal de la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse, dont elle a divorcé en 2004, et que de multiples procédures ont d'ores et déjà opposé les parties, - toutefois, force est de constater que pour alléguer les manquements de la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse, la société Carao a produit à l'appui de la requête soumise des photographies des lieux, - les lieux, s'agissant d'un théâtre, ne sont pas intégralement en accès libres, mais les dégradations alléguées sont par nature d'une durabilité certaine et ne pouvant être supprimées ou remplacées instantanément, - les parties s'opposant sur la charge des réparations, la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse ne dispose pas d'un intérêt certain à dissimuler les preuves matérielles de la dégradation des lieux, - aucun élément n'est produit quant l'éventuelle sous-location des lieux à des sociétés tierces. L'existence alléguée de dégradations, de sous-locations non autorisées n'est pas en soi de nature à empêcher le recours à une procédure contradictoire, et l'ensemble des éléments de contexte n'établit pas ici un risque de dépérissement des preuves ni la nécessité d'un effet de surprise. La requête ne contient pas d'autres explications, justifiant de déroger au principe du contradictoire, que des affirmations de principe selon lesquelles la nécessité de cette dérogation est "évidente". En l'état de ces motifs qui sont très généraux, tout d'abord, la requête ne caractérise pas formellement et, in concreto, les circonstances susceptibles de justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction. De la sorte, il est établi que la société Carao avait à sa disposition d'autres voies procédurales pour des faits similaires à ceux invoqués dans la requête, ce qui prive de pertinence l'argument tiré de la nécessité de préserver un effet de surprise d'une mesure d'instruction. Les prescriptions de l'article 493 du code de procédure civile n'ont, dès lors, pas été respectées, de sorte que l'ordonnance sur requête encourt la rétractation. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, l'ordonnance rendue sera confirmée en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance rendue ainsi qu'en toutes ses autres dispositions subséquentes. Le sort des frais irrépétibles a été exactement tranché par le premier juge qui en revanche a mis à la charge de la société Théâtre de la Gaîté Montparnasse qui ne succombait pas les dépens de première instance. Cette erreur matérielle sera rectifiée aux termes du dispositif. La société Carao qui succombe en appel sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse une somme au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré le tribunal de commerce incompétent, et en ce qu'elle a mis les dépens de première instance à la charge de la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse ; Statuant à nouveau, et y ajoutant, Déclare le tribunal de commerce compétent pour connaître de l'instance en rétractation de l'ordonnance sur requête rendue, Statuant sur le fond du litige en application de l'article 88 du code de procédure civile, Rétracte l'ordonnance du 15 septembre 2021 ; Dit nulles les dispositions du constat dressé le 30 septembre 2021 par Me [S], huissier de justice, en exécution des dispositions de ladite ordonnance ; Rejette toutes les autres demandes, Condamne la société Carao aux dépens de première instance et d'appel, Condamne la société Carao à payer à la société Théâtre de la Gaîté-Montparnasse la somme de 5.000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. LE GREFFIER LA PRESIDENTE