Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Paris 24 juin 2014
Cour administrative d'appel de Paris 25 février 2016

Cour administrative d'appel de Paris, 9ème Chambre, 25 février 2016, 14PA03831

Mots clés contributions et taxes · généralités Recouvrement Action en recouvrement Actes de recouvrement · société · recouvrement · rectification · foncière · intérêts · vente · sociétés · siège · avances · impôt · requête

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro affaire : 14PA03831
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 24 juin 2014, N° 1307418/1-2
Président : M. JARDIN
Rapporteur : M. David DALLE
Rapporteur public : Mme ORIOL
Avocat(s) : HERMEXIS AVOCATS ASSOCIES

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Paris 24 juin 2014
Cour administrative d'appel de Paris 25 février 2016

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Foncière Escudier a demandé au Tribunal administratif de Paris, par une requête enregistrée sous le n° 1307418/1-2, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités dont ces cotisations ont été assorties.

Par un jugement n° 1307418/1-2 du 24 juin 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2014, la SARL Foncière Escudier, représentée par Me Marchais, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307418/1-2 du 24 juin 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 et des pénalités dont ces cotisations ont été assorties ;

3°) de mettre une somme de 2 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de mise en recouvrement du 22 août 2012, qui ne comporte pas l'indication de son siège social et renvoie à une proposition de rectification du 19 juillet 2011, qui n'est pas celle dont procèdent les impositions en litige, ne répond pas aux prescriptions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, ni à celles de l'instruction publiée au Bulletin officiel des finances publiques du 12 septembre 2012 (BOI-REC-PREA-10-10-20-20120912) ;

- l'administration s'est immiscée dans sa gestion en remettant en cause les avances sans intérêts qu'elle avait consenties à sa filiale, la société Foncière de Varaville ; sans ces avances, sa filiale, qui ne générait pas de chiffre d'affaires, aurait été en cessation de paiement et n'aurait pas disposé des fonds nécessaires pour financer les opérations de promotion immobilière dans lesquelles elle intervenait comme maître d'ouvrage délégué ;

- le montant des intérêts correspondant à ces avances, réintégré par l'administration dans ses résultats, est exagéré ;

- la somme facturée par le GIE Point Travaux ne correspondait pas seulement à des prestations d'assistance technique mais aussi à des prestations de management et de gestion, qu'elle a refacturées en 2010 aux deux sociétés civiles de construction vente concernées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la doctrine administrative invoquée à propos de l'avis de mise en recouvrement (BOI-REC-PREA-10-10-20-20120912) est relative à la procédure d'imposition et n'est donc pas opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; en outre, cette doctrine, datée du 12 septembre 2012 n'est pas applicable à l'avis de mise en recouvrement du 22 août 2012, qui a été émis antérieurement ;

- en tout état de cause, l'avis de mise en recouvrement mentionne en face du cadre destinataire l'adresse de la SARL Foncière Escudier, qui est celle de son siège social ;

- la simple erreur matérielle consistant à mentionner sur l'avis de mise en recouvrement la date de réception, le 19 juillet 2011, de la proposition de rectification du 8 juillet 2011 n'a pas pu induire en erreur la société sur le montant ou l'origine des droits et pénalités mis en recouvrement ;

- par ailleurs, l'avis de mise en recouvrement du 22 août 2012 mentionne pour chaque impôt le montant des droits et pénalités et la proposition de rectification du 8 juillet 2011 à laquelle il renvoie est parfaitement motivée ;

- la société Foncière Escudier ne justifie d'aucun intérêt à avoir consenti des avances sans intérêts à sa filiale, la société Foncière de Varaville ;

- la société n'établit pas que le montant des intérêts réintégrés par l'administration serait exagéré ;

- la société n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle aurait comptabilisé comme dépenses de management les prestations d'assistance technique que lui a facturées le GIE Point Travaux ; il appartient à la société de déposer une réclamation auprès de l'administration au titre de l'année 2010, si elle a effectivement, comme elle l'affirme, refacturé les prestations en 2010.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dalle,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Tressard, avocate de la SARL Foncière Escudier.

Une note en délibéré, enregistrée le 17 février 2016, a été présentée par Me Marchais pour la SARL Foncière Escudier.

1. Considérant que la SARL Foncière Escudier, qui exerce une activité de promotion immobilière, a fait l'objet en 2011 d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008 et 2009, à l'issue de laquelle des compléments d'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle ont été mis à sa charge au titre de ces deux années ; qu'elle relève appel du jugement en date du 24 juin 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) " ;

3. Considérant que l'avis de mise en recouvrement du 22 août 2012 mentionne pour l'impôt sur les sociétés et l'imposition forfaitaire annuelle mis à la charge de la société Foncière Escudier le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard ; qu'il fait référence à la proposition de rectification dont procèdent les impositions en litige ; que si cette proposition est datée du 8 juillet 2011 alors que l'avis mentionne une proposition de rectification du 19 juillet 2011, il est constant que la date du 19 juillet 2011 est celle à laquelle la société requérante a reçu la proposition de rectification du 8 juillet 2011 ; que cette simple erreur matérielle est sans incidence sur la régularité de l'avis ; que, par ailleurs, l'avis de mise en recouvrement se réfère à la lettre en date du 12 juillet 2012, par laquelle l'administration a informé la société des nouvelles conséquences financières issues de la vérification de comptabilité, à la suite de l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lors de sa séance du 9 mai 2012 ; que l'avis de mise en recouvrement du 22 août 2012 répond donc aux prescriptions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;

4. Considérant que la société requérante se prévaut d'une instruction publiée au Bulletin officiel des finances publiques du 12 septembre 2012 (BOI-REC-PREA-10-10-20-20120912), selon laquelle " les personnes morales sont identifiées [sur l'avis de mise en recouvrement] par l'indication de leur forme, de leur dénomination sociale et de leur siège social " ; qu'en l'espèce, l'avis de mise en recouvrement du 22 août 2012 précise que les sommes qu'il mentionne sont " mises à la charge de la SARL Foncière Escudier " et comporte, en face du cadre " destinataire ", l'adresse de la société " 5, rue de l'Amiral Roussin 75015 Paris ", dont il n'est pas contesté qu'elle est celle du siège social de la société ; que les énonciations de l'instruction susmentionnée sont donc respectées, à supposer même que, bien qu'ayant trait à la procédure d'imposition et étant postérieure à l'avis de mise en recouvrement litigieux, cette instruction soit opposable à l'administration ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

5. Considérant qu'il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que les prêts sans intérêts et renonciations à recettes accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que cette règle doit recevoir application même si le bénéficiaire de ces avances est une filiale, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages consentis par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

En ce qui concerne les avances sans intérêt consenties à la SARL Foncière de Varaville :

6. Considérant que l'administration a réintégré dans les bénéfices imposables des années 2008 et 2009 de la société Foncière Escudier le montant des intérêts que la société n'avait pas prélevés à raison d'avances consenties à sa filiale Foncière de Varaville ; que la société Foncière Escudier soutient que ces avances sans intérêts étaient justifiées par les difficultés financières rencontrées par sa filiale et par la nécessité de permettre à celle-ci de financer des opérations de promotion immobilière, auxquelles elle participait en qualité de maître d'ouvrage délégué ; que, cependant, ces explications à caractère très général ne sont assorties d'aucun élément de justification ; que la requérante n'établit ni les difficultés de sa filiale, ni les réinvestissements que celle-ci aurait effectués dans des projets immobiliers, ni sa participation à ces projets en tant que maître d'ouvrage délégué et les profits qu'elle en aurait retirés ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les avances sans intérêts litigieuses ne procédaient pas d'une gestion commerciale normale ;

7. Considérant que lorsqu'à l'occasion d'une vérification de comptabilité, le vérificateur constate que la société a consenti des avances non rémunérées à sa filiale, dont il estime qu'elles constituent un acte anormal de gestion, il appartient à la société de démontrer que, dans des conditions analogues, elle aurait bénéficié de taux d'intérêt plus favorables que ceux qu'entend retenir l'administration pour établir les redressements en résultant ; qu'en l'espèce, la société requérante se borne à produire un document récapitulant les performances de la SICAV SG Monétaire Plus de 2006 à 2012, faisant apparaître des rendements de 4 % en 2008 et 0,78 % en 2009 ; que, cependant, elle ne donne aucune précision sur les conditions dans lesquelles elle avait consenti les avances litigieuses à la société Foncière de Varaville, de nature à établir que ces avances auraient pu lui procurer une rémunération équivalente à celle de la SICAV SG Monétaire Plus ; qu'elle n'établit donc pas que les taux de 6,21 % et 4,81 % retenus par le service respectivement pour les années 2008 et 2009 seraient exagérés ;

En ce qui concerne les charges non refacturées :

8. Considérant que la société Foncière Escudier rendait des prestations " d'assistance technique à maîtrise d'ouvrage " aux sociétés civiles de construction vente " 55 avenue de Paris " et " 19 rue de Landy " ; qu'étant dépourvue de personnel, elle avait recours à un sous-traitant, le GIE " Point Travaux ", qui lui a facturé à ce titre, le 5 décembre 2008, une somme de 120 000 euros ; qu'il résulte de l'instruction qu'elle n'a refacturé ces prestations aux deux sociétés de construction vente concernées, le 10 septembre 2009, qu'à hauteur de 75 000 euros ; que l'administration a estimé que la différence entre les sommes de 120 000 euros et 75 000 euros, soit 45 000 euros, constituait une renonciation anormale à recettes et a réintégré ce montant dans le résultat de l'exercice 2009 de la société Foncière Escudier ;

9. Considérant que la société Foncière Escudier ne conteste pas le principe de la refacturation en 2009 aux sociétés de construction vente " 55 avenue de Paris " et " 19 rue de Landy " des sommes qui lui étaient facturées par le GIE " Point Travaux " ; que, pour contester la rectification, elle soutient que la somme facturée par le GIE ne correspondait pas seulement à des prestations d'assistance technique mais également à des prestations de management et de gestion et qu'elle a refacturé celles-ci en 2010 aux deux sociétés civiles de construction vente concernées ; que, cependant, à la supposer même établie, cette circonstance l'autorise seulement à demander la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés qu'elle a supportée au titre de l'année 2010, si elle s'y croit encore fondée, à raison de la comptabilisée erronée de ces produits en 2010, mais non à demander une décharge d'impôt au titre de l'année 2009 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Foncière Escudier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :



Article 1er : La requête de la société Foncière Escudier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Foncière Escudier et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division du contentieux ouest).

Délibéré après l'audience du 11 février 2016 à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

M. Dalle, président assesseur,

M. Blanc, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 février 2016.

Le rapporteur,Le président,

D. DALLEC. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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