COUR D'APPEL DE PARIS
ARRÊT
DU 07 novembre 2017
Pôle 5 - Chambre 1
(n°208/2017, 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/06136
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 janvier 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/07872
APPELANTE
SARL RE.MEC
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de sous le numéro 479 99 5 3 42 Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège ZI de la Roseyre
[...]
06390 CONTES
Représentée par Me Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R029 Assistée de Me Alain C, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉES
Société TECNOKAR TRAILERS S.R.L.
Société de droit italien
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège Spoleto (PG), Via Della M, 20 cap
06049 SANTO C / ITALIE
Représentée par Me Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, toque : J049
Assistée de Me Guillaume D de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, toque : J049
Société TECNOKAR S.R.L.
Société de droit italien
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège Spoleto (PG)
Localita S.Chiodo, cap 06049
80963 STRADARIO / Italie
Représentée par Me Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, toque : J049
Assistée de Me Guillaume D de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, toque : J049
SAS LEGRAS INDUSTRIES
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège [...]
51200 EPERNAY
Représentée par Me Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, toque : J049
Assistée de Me Guillaume D de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, toque : J049
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur David PEYRON, Président de chambre
Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère
Mme Christine FAVEREAU, Conseillère, en remplacement de Monsieur François THOMAS, conseiller, empêché
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article
785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
•contradictoire
• par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
• signé par Monsieur David PEYRON, président et par Mme Karine ABELKALON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour rappelle que la société italienne TECNOKAR TRAILERS SRL, créée en 2001, ayant pour objet la fabrication et la commercialisation de véhicules industriels en Europe, filiale de la société TECNOKAR SRL qui a le même objet social, revendique :
• exploiter, venant à la suite de sa société mère qui, le 28 décembre 2006, lui a transféré l'ensemble de sa branche d'activité concernant les véhicules industriels, la dénomination 'SUPERTOP' au moins depuis 2005 pour désigner une ligne de semi-remorques, produit phare de sa gamme,
• exploiter, pour désigner ses produits
♦les signes TECNOKAR, SUPERTOP et SUPERTOP F1 ;
♦l es logos
•être par ailleurs titulaire :
♦de la marque communautaire
n° 010030542 déposée le 8 juin 2011 pour désigner des véhicules industriels (classe 12) et des services de location y afférents (classe 39) ;
♦de la marque italienne
n° 0001484713 déposée le 10 juin 2011 pour les mêmes produits et services ;
Qu'à la suite de relations commerciales initiées en 2005/2006 et par contrat du 1er juillet 2009, elle a concédé à la Sarl RE.MEC la distribution exclusive de ses produits en France et à Monaco, comprenant l'autorisation d'utiliser ses signes distinctifs, y mettant fin au 31 janvier 2014 par lettre de mise en demeure du 23 décembre 2013 visant la clause résolutoire ;
Que le 27 mai 2014, puis par des demandes additionnelles, elle a fait citer la Sarl RE.MEC en revendication de la propriété
•du nom de domaine 'tecnokar.fr', réservé le 30 avril 2009 ;
•de la marque française semi-figurative
déposée le 21 novembre 2011 sous le numéro 113875831, pour désigner des véhicules industriels (classe 12) et des services de locations y afférents (classe 39)
•de la marque française
déposée le 26 août 2013 sous le numéro 134028284, pour désigner des véhicules industriels (classe 12) et des services de locations y afférents (classe 39)
en nullité :
•de la marque française
déposée le 7 août 2014 sous le numéro 144112481,
•de la marque française
déposée le 7 août 2014, sous le numéro 144112482,
ainsi qu'en contrefaçon de la marque communautaire TECNOKAR et des marques transférées numéro 113875831 et 134028284 et usurpation de son nom commercial ;
Que la société-mère TECHNOKAR est intervenue volontairement à l'instance ;
Que la société RE.MEC, qui a conclu au mal fondé en faisant valoir, de première part, avoir déposé le nom de domaine tecnokar.fr et la marque TECNOKAR Trailers afin de protéger les droits de son distributeur exclusif, lequel ne s'y serait pas opposé, d'autre part, être titulaire de droits antérieurs sur les signes SUPERTOP et SUPERTOP
F1, a par ailleurs, le 3 octobre 2014, appelé en intervention forcée la société LEGRAS INDUSTRIE, lui ayant succédé au mois de février 2014 comme concessionnaire exclusif de la Société TECNOKAR TRAILERS S.R.L ;
Que le 30 mars 2015, le Tribunal de grande instance de Lille s'est dessaisi au profit du Tribunal de grande instance de Paris de la procédure par laquelle le 29 septembre 2014, la société RE.MEC avait elle-même assigné la société LEGRAS en contrefaçon de la marque française SUPERTOP F1 précitée, ainsi que de la marque RE.MEC, déposée le 1er août 2013 sous le numéro 4024261, dans les classes 12 (véhicules), 37 (construction et conseils en construction) et 39 (transport et logistique) ;
Que par une ordonnance définitive du 27 novembre 2014, le juge de la mise en état a fait interdiction à la société RE.MEC d'exploiter le terme TECNOKAR ou tout autre signe identique sur le territoire de l'Union Européenne pour les produits et services visés par la marque communautaire TECNOKAR n°010030542, sous astreinte provisoire de 200 € par jour de retard pendant une durée de 100 jours à compter d'un mois après la signification de la décision ;
Que la société RE.MEC a interjeté appel du jugement contradictoire rendu le 14 janvier 2016 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :
•Rejeté les exceptions d'incompétence soulevées par la société Tecnokar Trailers ;
♦S'est déclaré compétent ;
• Condamné la société RE.MEC à verser à la société Tecnokar Trailers la somme de 12450 euros, au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par l'ordonnance du 27 novembre 2014 ;
• Déclaré frauduleux les dépôts de marques n°11 3 874 831, n° 144 112 481, n°1444 112 482, du nom de domaine tecnokar.fr et de la marque n°134 028 284 ;
♦Ordonné le transfert des marques n°113 875 831, n°134 028 284, et du nom de domaine tecnokar.fr au profit de la société TECNOKAR TRAILERS S.R.L ;
♦Déclaré nulles les marques n°144 112 481 et n°144 112 482 ;
♦Dit que le jugement devenu définitif sera transmis à l'INPI par la partie la plus diligente pour inscription au Registre National des Marques ;
•Dit que la société RE.MEC s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque communautaire n° 010030542 dont la société TECNOKAR TRAILERS SRL est titulaire, ainsi que de l'usurpation du nom commercial « TECNOKAR TRAILERS » ;
♦Dit que la société RE.MEC s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque n°11
3875 831 transférée à la société TECNOKAR TRAILERS S.R.L et pour laquelle cette dernière a été subrogée rétroactivement à la date du dépôt dans les droits de la société RE.MEC ;
♦Dit que la société RE.MEC s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque n°13
4028 284 transférée à la société TECNOKAR TRAILERS S.R.L et pour laquelle cette dernière a été subrogée rétroactivement à la date du dépôt dans les droits de la société RE.MEC ;
♦Fait interdiction à la société RE.MEC de poursuivre de tels agissements ;
•Condamné la société RE.MEC à payer à la société TECNOKAR TRAILERS la somme de 60.000 euros au titre du préjudice commercial du fait de la contrefaçon de sa marque
♦ Condamné la société RE.MEC à payer à la société TECNOKAR TRAILERS la somme de 3.000 euros pour le dépôt frauduleux de la marque TECNOKAR TRAILERS n°11 3 875 831 et la somme de 2.000 euros pour l'enregistrement du nom de domaine tecnokar.fr ;
♦ Condamné la société RE.MEC à payer à la société TECNOKAR TRAILERS la somme de 2.000 euros pour l'usurpation de son nom commercial ;
♦ Condamné la société RE.MEC à payer aux sociétés TECNOKAR et TECNOKAR TRAILERS la somme globale de 6.000 euros pour le dépôt des marques SUPERTOP K9 et SUPERTOP K10 ;
♦ Condamné la société RE.MEC à verser à la société TECNOKAR TRAILERS la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice moral de sa marque n°13 4 028 284 ;
•Dit que la société LEGRAS s'est rendue coupable de la contrefaçon de la marque RE.MEC ;
♦Condamné la société LEGRAS à payer à la société RE.MEC la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice causé par la contrefaçon de sa marque ;
•Déclaré la société RE.MEC irrecevable à agir en contrefaçon de la marque SUPERTOP F1 n° 134 028 284 ;
•Débouté la société LEGRAS de sa demande de procédure abusive ; • Ordonné l'exécution provisoire de la décision, sauf s'agissant de l'annulation des marques ;
• Condamné la société REMEC au paiement de la somme globale de 6.000 euros au profit des seules sociétés Tecnokar Trailers et Tecnokar sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile ;
• Condamné la société REMEC au paiement des dépens, dont distraction au profit de Maître Michel ABELLO, avocat aux offres de droit.
Que dans ses dernières conclusions en date du 22 mai 2017, la société RE.MEC demande à la Cour de :
•RECEVOIR la société RE.MEC en son appel,
•LA DECLARER bien fondée,
•INFIRMER le jugement rendu le 14 janvier 2016 par le Tribunal de Grande Instance de Paris mais seulement en ce qu'il a :
•Déclaré frauduleux les dépôts des marques n° 113875831, n° 144112481, n° 144112482, du nom de domaine tecnokar.fr et de la marque n° 134028284 ;
•Ordonné le transfert des marques n° 113875831, n° 134028284 et du nom de domaine tecnokar.fr au profit de la société TECNOKAR TRAILERS SRL ;
•Déclaré nulles les marques n° 144112481 et n° 144112482 ;
•Dit que la société RE.MEC s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque communautaire n° 010030542 dont la société TECNOKAR TRAILERS SRL est titulaire, ainsi que de l'usurpation du nom commercial « TECNOKAR TRAILERS » ;
•Dit que la société RE.MEC s'est rendue coupable de contrefaçon des marques n° 113875831 et n° 134028284, transférées par la suite à la société TECNOKAR TRAILERS SRL. -
Condamné la société RE.MEC à payer à la société TECNOKAR TRAILERS SRL la somme de 60.000€ au titre du préjudice commercial du fait de la contrefaçon de sa marque ;
•Condamné la société RE.MEC à payer à la société TECNOKAR TRAILERS SRL la somme de 3 000€pour le dépôt frauduleux de la marque TECNOKAR TRAILERS n° 113875831, et la somme de 2.000€pour l'enregistrement du nom de domaine tecnokar.fr ;
•Condamné la société RE.MEC à payer aux sociétés TECNOKAR TRAILERS SRL et TECNOKAR la somme de 6.000€pour le dépôt des marques SUPERTOP K9 et SUPERTOP K10 ;
•Condamné la société RE.MEC à payer à la société TECNOKAR TRAILERS SRL la somme de 3.000€ en réparation du préjudice moral de sa marque n° 134028284 ;
•Déclaré la société RE.MEC irrecevable à agir en contrefaçon de la marque SUPERTOP F1 n° 134028284 ;
• Condamné la société RE.MEC à payer aux sociétés TECNOKAR TRAILERS SRL et TECNOKAR la somme de 6.000€ sur le fondement de l'article
700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
• CONFIRMER le jugement susvisé en ce qu'il a débouté la société LEGRAS INDUSTRIES de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, et l'a condamné à la somme de 3.000 €.
• CONSTATER que la société RE.MEC a dû déposer la marque française TECNOKAR
TRAILERS en France afin de protéger les intérêts de la société TECNOKAR TRAILERS
SRL en 2011, ainsi que le nom de domaine tecnokar.fr, non contestés par la demanderesse à l'époque ;
• CONSTATER que la société RE.MEC n'utilise plus la marque française TECNOKAR TRAILERS, et a proposé à la société TECNOKAR TRAILERS SRL de la lui céder ;
• CONSTATER que la société RE.MEC n'utilise plus le nom commercial TECNOKAR TRAILERS, et qu'il n'y a aucune usurpation répréhensible ni préjudice subi par la demanderesse ;
• CONSTATER que la société RE.MEC est titulaire de droits antérieurs sur les signes SUPERTOP et SUPERTOP F1 ;
• DIRE ET JUGER que la société TECNOKAR TRAILERS SRL ne démontre pas être titulaire ni de droits d'usage sur les signes SUPERTOP et SUPERTOP F1, ni de droits d'auteur sur les logos ; •DIRE ET JUGER que les dépôts des marques françaises TECNOKAR TRAILERS et
SUPERTOP F1 ne sont pas frauduleux ;
• DIRE ET JUGER que la société RE.MEC n'a commis aucun acte de contrefaçon à l'encontre des droits de propriété intellectuelle détenus par la société TECNOKAR TRAILERS SRL ;
• DIRE ET JUGER que la société TECNOKAR TRAILERS SRL ne démontre l'existence d'aucun préjudice réel, certain ni sérieux.
En conséquence,
•CONDAMNER la société TECNOKAR TRAILERS SRL au paiement de la somme de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l'article
700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Maude HUPIN.
Que dans leurs dernières conclusions du 11 avril 2017, la société TECNOKAR TRAILERS S.R.L, la société TECNOKAR S.R.L et la société LEGRAS INDUSTRIES demandent à la Cour de :
•Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé à 3.000 euros le montant des dommages et intérêts dus par RE.MEC au titre de la contrefaçon de la marque française SUPERTOP F1 ;
Statuant à nouveau,
•Condamner la société RE.MEC à verser à la société TECNOKAR TRAILERS la somme de 60.000 euros au titre de la contrefaçon de la marque française SUPERTOP F1 n° 1 34 028 284, ou à titre subsidiaire au titre de la concurrence déloyale pour avoir fait un usage illicite de la marque SUPERTOP F1 ;
POUR LE SURPLUS,
• Condamner la société RE.MEC à verser la somme complémentaire de 15.000 euros aux sociétés TECNOKAR S.R.L., TECNOKAR TRAILERS S.R.L. et LEGRAS INDUSTRIES en application de l'article
700 du Code de procédure civile, quitte à parfaire ;
• Condamner la société RE.MEC à tous les dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Michel ABELLO, avocat aux offres de droit.
Que l'ordonnance de clôture est du 30 mai 2017 ;
Que par note en délibéré en date du 13 octobre 2017, la Sarl RE-MEC, corrigeant le dispositif de ses conclusions, ainsi qu'elle avait été invitée à le faire à l'audience, prie la cour de bien vouloir lui donner acte de ce que, du chef du transfert de la propriété de la marque TECNOKAR TRAILERS et du nom de domaine tecnokar.fr, elle ne remet pas en cause le jugement qu'elle a frappé d'
SUR CE
I les dispositions non contestées
Considérant que, dans leurs conclusions, les parties ne critiquent pas le jugement en ce qu'il a :
•rejeté les exceptions d'incompétence soulevées par la société TECNOKAR TRAILERS et s'est déclaré compétent ;
•condamné la société RE.MEC à verser à la société TECNOKAR TRAILERS la somme de 12 450 €, au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par l'ordonnance du 27 novembre 2014 ;
• dit que la société LEGRAS s'est rendue coupable de la contrefaçon de la marque RE.MEC ;
• condamné la société LEGRAS à payer à la société RE.MEC la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice causé par la contrefaçon de sa marque ;
• débouté la société LEGRAS de sa demande de procédure abusive ;
Que ces dispositions de la décision entreprise qui ne sont pas remises en cause seront confirmées ;
II- Sur les dispositions contestées
Considérant que pour demander l'infirmation du jugement, la Sarl RE.MEC fait valoir :
•concernant le dépôt de la marque française Technokar Trailers et l'utilisation du nom commercial Technokar Trailers ; que c'est dans le cadre des relations contractuelles et afin de protéger les intérêts contre les tiers qu'elle a, en sa qualité de distributeur et de mandataire de fait, déposé la marque semi-figurative Technokar Trailers ; que pour souligner sa bonne foi, elle justifie avoir transféré au fabricant un email envoyé par un cabinet de consulting en droit de la propriété intellectuelle, basé à Hong Kong le 11 novembre 2011 ; que pour le nom de domaine, elle précise que la société TECNOKAR TRAILERS
lui avait adressé un email en date du 2 septembre 2009 lui faisant part de ses compliments pour le travail effectué ; qu'elle ne demande pas l'infirmation du jugement du chef du transfert de la propriété de la marque et du nom de domaine ; qu'elle n'utilise plus le nom TECNOKAR du fait de la résiliation brutale du contrat de distribution , qu'aucun préjudice n'est démontré ; qu'aucune confusion dans l'esprit du public n'est démontrée sur l'utilisation du nom commercial ;
•concernant le dépôt des marques françaises Supertop et l'usage de ce signe ; que les pièces versées par TECNOKAR pour justifier de l'usage de ce signe concernent deux personnes morales différentes, pour 2005 et 2006 la société mère, puis pour 2007 à 2014 la société fille ; que ces pièces ne sont pas probantes ni pertinentes ; que ces signes ont été utilisés sur le territoire italien alors que la marque contestée est française ; qu'en ce qui la concerne, elle justifie de droits antérieurs par des courriels du 22 janvier 2007 et du 20 février 2008 ; qu'elle est titulaire des droits d'auteur découlant de ce signe ; • concernant les demandes indemnitaires, que les dépôts ne sont pas frauduleux et qu'elle n'utilise plus le signe TECNOKAR depuis la résiliation du contrat de distribution ;
Considérant que les sociétés intimées demandent la confirmation du jugement pour les motifs ci-après examinés ; qu'elles n'en demandent l'infirmation que du chef des dommages et intérêts découlant de la contrefaçon de la marque SUPERTOP F1 n°1 34 028 284, sollicitant que ceux-ci soient portés de la somme de 3 000 € à 60 000 € ;
A - sur la réservation frauduleuse du nom de domaine http://www.tecnokar.fr. sa demande d'attribution et la condamnation au paiement d'une somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts
Considérant que la Sarl RE.MEC a réservé ce nom de domaine le 30 avril 2009 ; que le tribunal, après avoir estimé que cette réservation avait été frauduleuse, en a ordonné le transfert au profit de la société TECNOKAR TRAILERS Srl et a condamné la société RE.MEC à payer à cette dernière une somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts ;
Que la société TECNOKAR TRAILERS Srl demande la confirmation du jugement, précisant que si elle a été informée du développement de ce site, RE.MEC avait omis de lui préciser qu'elle avait déposé le nom de domaine à son nom ;
Que la Sarl RE.MEC, qui dénie toute fraude, demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée au versement de la somme de 2 000 € à titre de dommages et intérêts, précisant cependant dans le corps de ses conclusions qu'elle "ne demande nullement l'infirmation du jugement dont appel du chef du transfert... du nom de domaine", ce qu'elle a confirmé par note en délibéré du 13 octobre 2017 ;
Considérant, en effet, que la cour ne peut que constater que la Sarl RE.MEC a réservé ce nom de domaine le 30 avril 2009, soit antérieurement même à la signature du contrat de distribution exclusive du 1er juillet 2009 ; que dès le 2 septembre 2009, le directeur de la société TECNOKAR TRAILERS Srl écrivait par courriel à son contact chez la Sarl RE.MEC, avec objet "siti tecnokar.fr", "Bonjour, j'ai vu seulement le site que vous avez préparé, mes compliments pour le travail réalisé... encore mes congratulations à tout le team..." ;
Qu'à l'évidence ce site n'a pas été ouvert et exploité à l'insu de la société italienne ; qu'alors que celle-ci ne prétend pas avoir demandé à son concessionnaire français d'ouvrir le site à son nom, et que de simples vérifications lui auraient permis de savoir à quel nom cette ouverture avait été faite, aucune fraude n'est caractérisée ;
Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré frauduleuse la réservation du nom de domaine http://www.tecnokar.fr et en ce qu'il a accordé à ce titre une somme de 2 000 € de dommages et intérêts, la société TECNOKAR TRAILERS Srl étant déboutée de ces demandes ;
Que compte tenu de l'accord donné par la Sarl RE.MEC dans ses écritures, il sera en revanche confirmé en ce qu'il a ordonné le transfert à la société TECNOKAR TRAILERS Srl du nom de domaine http://www.tecnokar.fr ;
B - Sur les dépôts frauduleux de marques, leur transfert ou leur annulation
Considérant que c'est par de justes motifs que la cour fait siens que le tribunal a
• déclaré frauduleux les dépôts de marques n°11 3 874 831, n° 144 112 481, n°1444 112 482 et n°134 028 284 ;
• ordonné le transfert des marques n°113 875 831 et n°134 028 284 au profit de la société TECNOKAR TRAILERS S.R.L ;
• déclaré nulles les marques n°144 112 481 et n°144 112 482 ;
• dit que le jugement devenu définitif sera transmis à l'INPI par la partie la plus diligente pour inscription au Registre National des Marques ;
Qu'il sera précisé, en premier lieu, concernant le dépôt le 21 novembre 2011 de la marque française semi-figurative TECHNOKAR TRAILERS sous le numéro 113875831, pour désigner des véhicules industriels (classe 12) et des services de locations y afférents (classe 39), que le signe utilisé est la reproduction à l'identique de la dénomination sociale et du logo de la société intimée ; qu'il a été effectué postérieurement au dépôt le 8 juin 2011 de la
marque communautaire TECNOKAR par la société TECNOKAR TRAILERS Srl ; qu'alors que dans son courrier de mise en demeure du 23 décembre 2013, puis dans ses conclusions, la société TECNOKAR TRAILERS Srl indique ne pas avoir été informé de ce dépôt, la Sarl RE.MEC ne produit aucune pièce par laquelle elle aurait sollicité son autorisation ou l'aurait seulement avisée de son intention de déposer la marque ; que son courriel du 16 novembre 2011, par lequel elle informe la société TECNOKAR TRAILERS Srl de l'intention d'une entreprise de Honk-Hong de déposer une demande d'enregistrement d'une marque internationale Tecnokar, ne fait nullement état de son intention de déposer elle-même une marque avec ce même signe en France ; qu'il est ainsi suffisamment établi que le dépôt de cette marque a été effectué en fraude des droits de la société TECNOKAR TRAILERS Srl ;
En second lieu, concernant le dépôt le 26 août 2013 puis le 7 août 2014 des trois autres marques Supertop F1, Supertop K9 et Supertop K10, que les pièces produites par la société TECNOKAR TRAILERS Srl démontrent suffisamment :
•en 2005, la création pour le compte de sa société mère du signe Supertop par un graphiste, ainsi qu'il résulte de l'attestation de ce dernier, ainsi que la fourniture d'autocollants comprenant ce signe, par une attestation de ce fournisseur,
•entre le 14 mai 2005 et le mois de décembre 2006 l'usage par sa société mère du signe Supertop et/ou Supertop F1 pour désigner des semi-remorques dans des factures délivrées à des clients, dans un catalogue et dans une photographie de camion prise à la foire de Milan au mois d'avril 2006 ;
•la cession le 28 décembre 2006 par la société mère à la société fille de l'ensemble de sa branche d'activité comprenant notamment la fabrication et la commercialisation de semi-remorques et de véhicules industriels ;
•à compter du 20 février 2007 jusqu'en 2014, l'usage par la société fille du signe Supertop pour désigner des semi-remorques dans des factures délivrées à des clients ;
Qu'alors que la Sarl RE.MEC, pour ce qui la concerne, n'allègue avoir fait usage du signe Supertop qu'à compter du 22 janvier 2007, soit postérieurement à la société TECNOKAR TRAILERS Srl, et qu'elle ne pouvait, eu égard à sa qualité de distributeur exclusif, ignorer l'antériorité de l'usage de ce signe par son fournisseur, c'est bien en fraude des droits de ce dernier qu'elle a déposé le 26 août 2013 puis le 7 août 2014 les trois marques Supertop F1, Supertop K9 et Supertop K10 ;
Que la cour observe en outre que l'authenticité des factures produites par la Sarl RE.MEC résulte de la production de ses grands livres comptables authentifiés par un notaire ; qu'enfin, alors que la démonstration d'une fraude ne suppose pas la justification de droits
antérieurs par la partie plaignante sur le signe litigieux, mais la seule preuve de l'existence d'intérêts sciemment méconnus par le déposant, il importe peu que le signe Supertop ait été utilisé successivement par la société mère puis par la société fille, ou qu'il ne l'ait été que sur le territoire italien ;
Que la fraude étant ainsi avérée, le jugement sera intégralement confirmé en ce qu'il a ordonné le transfert des marques n°113 875 831 et n°134 028 284 au profit de la société TECNOKAR TRAILERS S.R.L, déclaré nulles les marques n°144 112 481 et n°144 112 482 et dit que le jugement devenu définitif sera transmis à l'INPI par la partie la plus diligente pour inscription au Registre National des Marques ;
C - Sur la contrefaçon et les dommages et intérêts
Considérant que c'est par de justes motifs que la cour fait siens que le tribunal a dit que la société RE.MEC s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque communautaire n° 010030542 dont la société TECNOKAR TRAILERS SRL est titulaire, ainsi que de l'usurpation du nom commercial « TECNOKAR TRAILERS » ; dit que la société RE.MEC s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque n°11 3 875 831 transférée à la société TECNOKAR TRAILERS S.R.L et pour laquelle cette dernière a été subrogée rétroactivement à la date du dépôt dans les droits de la société RE.MEC ; dit que la société RE.MEC s'est rendu coupable de contrefaçon de la marque n°13 4 028 284 transférée à la société TECNOKAR TRAILERS S.R.L et pour laquelle cette dernière a été subrogée rétroactivement à la date du dépôt dans les droits de la société RE.MEC ; fait interdiction à la société RE.MEC de poursuivre de tels agissements ; déclaré la société RE.MEC irrecevable à agir en contrefaçon de la marque SUPERTOP F1 n° 134 028 284 ;
Que sur l'indemnisation de la contrefaçon de la marque communautaire n° 010030542 dont la société TECNOKAR TRAILERS SRL est titulaire, le tribunal a évalué les dommages et intérêts à la somme de 60 000 € ; que les sociétés intimées, qui sollicitent la confirmation du jugement, font valoir sans être contredites, que dans ses conclusions de première instance la Sarl RE.MEC a admis avoir réalisé un chiffre d'affaires de 739 518,46 € pendant la période contrefaisante de février à juin 2014, attestée notamment par un usage du signe Tecnokar constaté par huissier le 17 avril 2014 sur les sites internet de la société RE.MEC ; qu'appliquant un taux de redevance de 10%, ajoutant un préjudice moral de 15 000 €, elle détermine un préjudice de 88 000 € qu'elle limite à la somme de 60 000 € ; que la cour estime que le taux de redevance de 10% est très excessif ; que le ramenant à de justes proportions, et prenant en considération le préjudice moral subi, le montant des dommages et intérêts sera fixé de ce chef à la somme de 30 000 € ;
Que sur l'indemnisation de la contrefaçon de la marque Supertop F1, dont la société TECNOKAR TRAILERS SRL est rétroactivement titulaire, alors que l'utilisation de ce signe est encore attesté par le même constat d'huissier du 17 avril 2014, le même raisonnement conduit à des dommages intérêts pour un même montant de 30 000 € ;
Que le jugement sera partiellement infirmé de ces chefs ;
Qu'enfin, le jugement sera confirmé pour les motifs qu'il contient en ce qu'il a condamné la société RE.MEC à payer à la société TECNOKAR TRAILERS :
• la somme de 3.000 euros pour le dépôt frauduleux de la marque TECNOKAR TRAILERS n°11 3 875 831 ;
• la somme de 2.000 euros pour l'usurpation de son nom commercial ; • la somme globale de 6.000 euros pour le dépôt des marques SUPERTOP K9 et SUPERTOP K10 ;
D - Sur les dépens et les frais irrépétibles
Considérant que la Sarl RE.MEC succombant pour l'essentiel tant en appel qu'en première instance, le jugement sera confirmé de ces chefs et, ajoutant, la Sarl RE.MEC sera condamnée aux dépens d'appel et ainsi qu'il est dit au dispositif quant aux frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement sauf :
1 - en ce qu'il a déclaré frauduleuse la réservation du nom de domaine http://www.tecnokar.fr et en ce qu'il a accordé à ce titre à la société TECNOKAR TRAILERS Srl une somme de 2 000 € de dommages et intérêts,
Infirmant, déboute la société TECNOKAR TRAILERS Srl de ces demandes,
Compte tenu de l'accord donné par la Sarl RE.MEC dans ses écritures puis dans sa note en délibéré, précise que le jugement est confirmé en ce qu'il a ordonné le transfert à la société TECNOKAR TRAILERS Srl du nom de domaine http://www.tecnokar.fr ;
2 - en ce qu'il a condamné la société RE.MEC à payer à la société TECNOKAR TRAILERS la somme de 60.000 euros au titre du préjudice commercial du fait de la contrefaçon de sa marque communautaire TECNOKAR n° 010030542,
Infirmant, condamne de ce chef la société RE.MEC à payer à la société TECNOKAR TRAILERS la somme de 30.000 euros ;
3 - en ce qu'il a condamné la société RE.MEC à verser à la société TECNOKAR TRAILERS la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice moral de sa marque Supertop F1 n°13 4 028 284 ;
Infirmant, condamne de ce chef la société RE.MEC à payer à la société TECNOKAR TRAILERS la somme de 30.000 euros ;
Ajoutant au titre des dépens et frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société RE.MEC à verser la somme complémentaire de 5 000 € aux sociétés TECNOKAR S.R.L., TECNOKAR TRAILERS S.R.L. en application de l'article
700 du code de procédure civile ;
Condamne la société RE.MEC à tous les dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Michel ABELLO, avocat aux offres de droit ;