AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l'arrêt attaqué
, que la société Parcour a chargé la société Rochais-Bonnet du transport de marchandises ; que la société Parcour, prétendant que ces marchandises n'étaient pas arrivées à destination, a assigné la société Rochais-Bonnet en réparation de son préjudice ; que le tribunal a accueilli partiellement cette demande ; que la société Rochais-Bonnet a fait appel du jugement et a formé une demande reconventionnelle en paiement du prix des transports ; que la société Parcour a relevé appel incident et a invoqué la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande reconventionnelle de la société Rochais-Bonnet ;
Sur le premier moyen
, pris en ses deux branches :
Attendu que la société
Rochais-Bonnet reproche à l'arrêt d'avoir statué sur la demande de la société Parcour nonobstant l'exception de litispendance soulevée alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte du rapport de l'expert judiciaire qu'au total ce sont 484 palettes de chlorate de soude dont 348 en février 1997 et 136 en mars 1997 qui ont été prises en charge et convoyées par la société Rochais-Bonnet soit en qualité de sous-traitant de la société Laval Transports soit en qualité de voiturier missionné directement par la société Parcour "une partie des opérations ayant été réalisée en directe par la société Rochais-Bonnet" ; qu'une centaine de palettes a été perdue ;
qu'en l'état de ces constatations tirées de l'analyse de l'ensemble des relations d'affaires entre les parties à l'époque des faits, la cour d'appel ne pouvait affirmer purement et simplement que "les 21 palettes litigieuses ne sont pas prises en compte par le rapport Harang" au seul prétexte que ces 21 palettes ne pouvaient de façon certaine faire partie des 136 dernières palettes, cette circonstance n'excluant nullement qu'elles puissent faire partie des 348 autres palettes ; que ces motifs inopérants privent de toute base légale l'arrêt au regard de l'article
1134 du Code civil ;
2 / qu'en écartant à partir de ces observations erronées toute identité d'objet entre le litige pendant devant le tribunal de commerce de Laval et celui introduit ensuite par la société Parcour devant le tribunal de commerce de Tours ayant abouti au jugement partiellement confirmé par l'arrêt attaqué et en refusant de ce chef de constater la litispendance, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article
100 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu
qu'il ne résulte pas des conclusions que la société Rochais-Bonnet ait invoqué une exception de litispendance ; que le moyen manque en fait ;
Et sur le deuxième moyen
, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que la société
Rochais-Bonnet reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts à la société Parcour alors, selon le moyen :
1 / que la charge de la preuve incombe au demandeur ;
qu'en affirmant qu'il appartenait à la société Rochais-Bonnet d'apporter la preuve de l'absence de réception des marchandises par les destinataires, la cour d'appel a violé l'article
1315 du Code civil ;
2 / qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que de très nombreuses palettes ont été régulièrement acheminées et réceptionnées par leurs destinataires ; qu'en cet état de fait c'est bien à la société Parcour qu'il appartenait de démontrer, par la production notamment des réclamations de ses clients, que les 21 palettes litigieuses n'avaient pas été réceptionnées ; qu'en s'abstenant de prendre en considération ces nombreuses réceptions, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article
1315 du Code civil ;
Mais attendu
que la cour d'appel n'a pas inversé la charge de la preuve en retenant qu'il appartenait à la société Rochais-Bonnet, en sa qualité de transporteur, de prouver qu'elle s'était acquittée de son obligation de livrer la marchandise aux destinataires, ce qu'elle n'a pas fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Mais sur le même moyen, pris en sa troisième branche
:
Vu
l'article
1134 du Code civil ;
Attendu que la cour d'appel a condamné la société Rochais-Bonnet à payer à la société Parcour la somme de 171 000 francs en principal en réparation de son préjudice matériel et de son préjudice commercial ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi
sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la responsabilité de la société Rochais-Bonnet était contractuellement limitée au préjudice matériel à l'exclusion de tous autres, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le troisième moyen
:
Vu
l'article 108, devenu l'article
L. 133-6 du Code de commerce et l'article
2244 du Code civil ;
Attendu que pour déclarer irrecevable comme prescrite, la demande de la société Rochais-Bonnet en paiement du prix des transports, l'arrêt retient
que les opérations de transport se sont terminées avant le 31 mars 1997 et que les conclusions de la société Rochais-Bonent prises devant le tribunal de commerce en vue d'une audience du 30 juin 1998 démontrent que cette société n'a pas formulé en son temps de demande en paiement à l'encontre de la société Parcour ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi
, sans rechercher si, dans le délai légal prévu à l'article 108 devenu l'article
L. 133-6 du Code de commerce, la société Rochais-Bonnet avait remis ses conclusions à la société Parcour ou à son représentant ou au greffe du tribunal de commerce et si, dans ce dernier cas, elle avait comparu ou avait été représentée à l'audience du 30 juin 1998 devant ce tribunal, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 décembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Parcour aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Parcour ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du sept janvier deux mille trois.