Vu la requête
, enregistrée le 8 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DU RIZZANESE ET DE SON ENVIRONNEMENT (ADRE), dont le siège est à Zoza (20112) ; M. Georges A, demeurant ... ; l'ASSOCIATION MACROSTIGMA, dont le siège est en Mairie à Zoza (20112) ; l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DU RIZZANESE, dont le siège est à Zoza (20112) ; l'ASSOCIATION ACQUA VIVA, dont le siège est C/ Madame Véronique Louis Résidence de Montesoro - Bât 13 à Bastia (20600) ; l'ASSOCIATION POUR LE LIBRE ACCES AUX PLAGES ET LA DÉFENSE DU LITTORAL, dont le siège est Route de Santa-Giulia Precojo à Porto-Vecchio (20137) ; M. Benoist B, demeurant ... ; la FEDERATION FRANÇAISE DE KANOË-CAYAK, dont le siège est Quai de la Marne BP 58 à Joinville-le-Pont (94340) ; la SOCIÉTÉ LE NAUTILE, dont le siège est Poggio di Tallano à Sainte-Lucie-de-Tallano (20112) ; l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES (ANPER-TOS), dont le siège est 67, rue de Seine à Alforville (94140) ; l'ASSOCIATION SOS LOIRE VIVANTE ET EUROPEAN RIVERS NETWORK, dont le siège est 8, rue Crozatier au Puy-en-Velay (43000) ; la SOCIETE RASSEMBLEMENT INTERNATIONAL POUR LA PROMOTION DE L'HYDROSPEED ((RIPH), dont le siège est C/ Monsieur R. Besson 39, bis rue Corneille au Chesnay (78150) ; l'ASSOCIATION LE POULPE, dont le siège est Couvent Sant' Angelo rue Sant' Angelo à Bastia (20200) ; l'ASSOCIATION MOUNTAIN WILDERNESS, dont le siège est 5, place Bir-Hakeim à Grenoble (38000) ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret du 8 octobre 2004 déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la chute du Rizzanèse et portant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Levie (Corse-du-Sud) ;
2°) de mettre la somme de 5000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code
de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code rural ;
Vu la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;
Vu loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;
Vu la loi n° 2002-285 du 28 février 2002 autorisant la ratification de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998, ensemble le décret n° 2002-1187 du 12 septembre 2002 portant publication de cette convention ;
Vu le décret n° 87-154 du 27 février 1987 relatif à la coordination interministérielle et à l'organisation de l'administration dans le domaine de l'eau ;
Vu le décret n° 88-622 du 6 mai 1988 relatif aux plans d'urgence ;
Vu le décret n° 94-894 du 13 octobre 1994 relatif à la concession et à la déclaration des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique ;
Vu le décret n° 2002-89 du 16 janvier 2002 ;
Vu le décret n° 2002-1275 du 22 octobre 2002 relatif à l'organisation du débat public et à la Commission nationale du débat public ;
Vu le décret n° 2004-390 du 3 juin 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France,
- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que
les requérants demandent l'annulation du décret du 8 octobre 2004 déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement de la chute du Rizzanèse et portant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Levie (Corse-du-Sud) ;
Sur l'intervention de la commune de Zoza et de l'association France nature environnement :
Considérant que la commune de Zoza et l'association France nature environnement ont intérêt à l'annulation du décret attaqué ; qu'ainsi leurs interventions sont recevables ;
En ce qui concerne la légalité externe du décret attaqué :
Sur les moyens tirés de l'absence de concertation et de débat public :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article
L. 300-2 du code de l'urbanisme : « I-Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : /a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme... » ; qu'il résulte de leurs termes mêmes que ces dispositions ne s'appliquent pas à la mise en compatibilité d'un plan local d'urbanisme en application de l'article
L. 123-16 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Levie aurait dû faire l'objet d'une concertation conformément à l'article
L. 300-2 du code de l'urbanisme ;
Considérant, d'autre part, que les stipulations de l'article 6 paragraphe 4 de la convention signée le 25 juin 1998 à Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, selon lesquelles « Chaque Partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence », créent seulement des obligations entre les Etats parties à la convention et ne produisent pas d'effet direct dans l'ordre juridique interne ; qu'elles ne peuvent par suite être utilement invoquées à l'encontre du décret attaqué ; que d'ailleurs, le projet déclaré d'utilité publique ne se rattache à aucune des catégories d'opérations dont le décret n° 2002-1275 du 22 octobre 2002 prévoit que la commission nationale du débat public est saisie de plein droit ;
Sur les moyens tirés des insuffisances du dossier soumis à enquête :
Considérant en premier lieu, que l'étude d'impact a suffisamment analysé l'impact du projet sur les activités de sports en eau vive pratiquées sur le Rizzanèse; que son imprécision s'agissant de l'identification des zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique ou floristique (ZNIEFF) situées dans l'environnement du site d'implantation du projet est sans incidence sur la régularité de l'étude, qui a suffisamment analysé l'état initial du milieu naturel et les effets du projet ;
Considérant en deuxième lieu, que les requérants font valoir que le dossier soumis à enquête ne comportait pas d'analyse des risques ni de simulation de l'onde de submersion en cas de rupture accidentelle du barrage ; qu'il résulte toutefois de l'article 6 du décret du 6 mai 1988 relatif aux plans d'urgence, alors en vigueur, que seuls doivent faire l'objet d'un plan particulier d'intervention « 4° les aménagements hydrauliques qui comportent à la fois un réservoir d'une capacité égale ou supérieure à quinze millions de mètres cubes et un barrage ou une digue d'une hauteur d'au moins vingt mètres au-dessus du point le plus bas du sol naturel » ; que si le barrage du Rizzanèse a une hauteur de 40,5 mètres, la capacité de son réservoir n'est que de 1,3 million de mètres cubes ; qu'il est ainsi hors du champ d'application du décret du 6 mai 1988 ; que le décret du 15 septembre 1992 relatif aux plans particuliers d'intervention concernant certains aménagements hydrauliques, qui prévoit notamment que le maître d'ouvrage établit « une analyse des risques ... en cas de rupture du barrage », ne s'applique qu'aux ouvrages mentionnés au 4° de l'article 6 du décret du 6 mai 1988 ; qu'ainsi, les dispositions réglementaires précitées n'ont pas été méconnues ; que l'absence d'étude de l'impact des vidanges décennales du projet au stade de la déclaration d'utilité publique ne revêt pas un caractère substantiel ; que si l'étude d'impact n'a pas mentionné en particulier la zone archéologique de Piubettu, située sur le territoire de la commune de Levie, elle fait état de la forte densité de monuments mégalithiques dans le « Piano di Levie » ;
Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 44 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 « Les dispositions des chapitres III ... du titre Ier de la présente loi s'appliquent aux transports de marchandises par canalisation » ; que l'eau qui empruntera la canalisation souterraine prévue par le projet ne constitue pas un « transport de marchandises » au sens de ces dispositions ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le projet aurait dû faire l'objet de l' évaluation économique et sociale prévue par l'article 14 de la loi du 30 décembre 1982 doit être écarté ;
Considérant enfin qu'aucun texte n'imposait que figurât au dossier d'enquête la lettre d'Electricité de France (EDF) transmettant le dossier d'enquête au préfet ;
Sur les moyens relatifs au rapport de la commission d'enquête :
Considérant que l'opération entre dans le champ des catégories d'opérations mentionnées à l'article
L. 123-1 du code de l'environnement ; qu'ainsi, l'enquête d'utilité publique relevait, en application de l'article
R. 11-14-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, de la procédure spécifique définie par les articles R. 11-14-1 à R. 11-14-15 de ce code ; qu'en invoquant la méconnaissance des dispositions de l'article R. 11-10, applicables à la procédure dite « de droit commun », les requérants ont entendu se référer aux dispositions analogues de l'article R. 11-14-14 aux termes desquelles « le commissaire enquêteur examine les observations consignées ou annexées aux registres d'enquête » ;
Considérant, en premier lieu, que si le rapport de déroulement de l'enquête d'utilité publique ne comporte pas la mention de la déposition annexée par L'ASSOCIATION DE DEFENSE DU RIZZANESE ET DE SON ENVIRONNEMENT (ADRE) au registre ouvert à la sous-préfecture de Sartène, à laquelle étaient annexées deux pétitions, il ressort des conclusions motivées de la commission d'enquête que celle-ci a largement pris en compte les préoccupations exprimées par l'ADRE et qu'elle a mentionné l'existence de pétitions ; qu'ainsi, l'omission de la mention formelle de la déposition de l'ADRE n'a pas entaché la régularité de l'enquête ; qu'il en va de même de l'absence au dossier d'enquête de la lettre par laquelle Electricité de France, maître d'ouvrage de l'opération, a transmis ce dossier au préfet ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le rapport de déroulement et les conclusions de l'enquête menée au titre de la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Levie indiquent qu'aucune observation n'a été portée sur le registre d'enquête alors que trois observations, défavorables au déclassement d'espaces boisés, avaient été portées au registre ; que toutefois, les conclusions de la commission d'enquête montrent que celle-ci a tenu compte d'une observation relative à cette question, allant dans le même sens, inscrite au registre de l'enquête publique ouvert à la sous-préfecture de Sartène et qu'elle a assorti son avis favorable de réserves tendant notamment à ce que l'emprise du déclassement des espaces boisés en cause soit limitée aux surfaces strictement indispensables à la réalisation de l'opération ; que, dans ces conditions, l'inexactitude invoquée par les requérants n'est pas de nature à affecter la régularité de la procédure ;
Sur le moyen tiré du défaut d'avis du ministre de la culture :
Considérant que l'article
R. 11-15 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit que l'avis du ministre de la culture est requis pour toutes les opérations nécessitant l'expropriation de monuments historiques classés ; que si les requérants font valoir qu'une conduite d'eau passera aux abords immédiats d'une chapelle romane classée monument historique, il ressort du dossier que la parcelle sur laquelle est située la chapelle ne figure pas sur la liste des biens à exproprier ;
Sur le moyen tiré du non-respect des prescriptions applicables en matière d'archéologie préventive :
Considérant que le décret du 16 janvier 2002 pris pour l'application de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 et relatif aux procédures administratives et financières en matière d'archéologie préventive, dont les requérants invoquent la méconnaissance, a été abrogé à compter du 1er août 2004 par le décret n° 2004-390 du 3 juin 2004 qui en a, toutefois, repris de nombreuses dispositions ; qu'en tout état de cause le respect des prescriptions qu'il prévoit s'impose seulement avant l'octroi de l'autorisation administrative nécessaire pour que les travaux soient entrepris ; que le présent décret n'ayant pas, par lui-même, pour effet d' autoriser la réalisation de l'opération qu'il déclare d'utilité publique, n'est pas intervenu en méconnaissance des dispositions du décret du 3 juin 2004 ;
Sur le moyen tiré de l'absence d'autorisation au titre de l'article
L. 214-3 du code de l'environnement :
Considérant qu'aux termes de l'article
L. 214-3 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué, issu de l'article 10 de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 : « Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter atteinte gravement à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique ... » ; que l'article 1er du décret du 13 octobre 1994 relatif à la concession et à la déclaration des ouvrages utilisant l'énergie hydraulique prévoit que la concession d'énergie hydraulique vaut autorisation au titre de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992 ; que l'article 5 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique dispose que « ... l'utilité publique ... peut être déclarée, soit dans l'acte qui approuve la concession, soit par acte séparé » ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions précitées que les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, à l'encontre du décret attaqué, du défaut d'autorisation au titre de l'article
L. 214-3 du code de l'environnement ;
Sur le moyen tiré du défaut de contreseing du ministre de l'agriculture :
Considérant que la déclaration d'utilité publique d'un aménagement hydraulique dont la puissance maximale brute est égale ou supérieure à 100 mégawatts doit être contresignée par les ministres dont l'article 19 du décret du 19 octobre 1994 fixe la liste ; que la déclaration d'utilité publique d'un aménagement dont la puissance maximale brute est inférieure à 100 mégawatts relève de l'article 19-1 du même décret, qui dispose qu' elle « est régie par le premier alinéa de l'article
L. 11-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique » ;
Considérant que l'aménagement hydraulique déclaré d'utilité publique par le décret attaqué a une puissance maximale brute de 63 mégawatts ; que la déclaration d'utilité publique relevait dès lors des seules dispositions de l'article 19-1 précité ; qu'elle ne comporte nécessairement l'intervention d'aucune mesure réglementaire ou individuelle que le ministre chargé de l'agriculture serait compétent pour signer ou contresigner en application de l'article 22 de la Constitution ;
Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :
Considérant que si le 3 de l'article
L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit que «l'acte déclarant l'utilité publique est accompagné d'un document qui expose les motifs et considérations justifiant le caractère d'utilité publique de l'opération », ces dispositions, qui exigent que l'auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l'ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation en la forme de la déclaration d'utilité publique qui serait une condition de légalité de cette dernière ; que, dès lors, la circonstance que le document explicatif prévu par les dispositions précitées du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'aurait pas été affiché dans toutes les communes intéressées, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de ce décret ;
Sur les moyens relatifs au périmètre de l'enquête publique et de la déclaration d'utilité publique :
Considérant, en premier lieu, que les travaux qui seront exécutés sous la maîtrise d'ouvrage d'EDF pour la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique ne se rattachent par leur nature à aucune des catégories de travaux mentionnées à l'article L. 151-36 du code rural ; qu'ils ne sont d'ailleurs ni prescrits ni exécutés par un département ou une commune ; que les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir qu'ils auraient du donner lieu également à l'enquête publique prévue par l'article L. 151-37 du code rural ;
Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article
L. 214-9 du code de l'environnement ne s'appliquent pas aux travaux d'aménagement qui, comme ceux déclarés d'utilité publique par le décret attaqué, relèvent du champ d'application de la loi du 16 octobre 1919 ; qu'elles ne peuvent dès lors utilement être invoquées ;
Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article
L. 211-12 du code de l'environnement, qui sont relatives aux servitudes d'utilité publique susceptibles d'être instituées afin de créer des zones de rétention temporaire des eaux de crues ou restaurer des zones de mobilité du lit mineur d'un cours d'eau, ne sont pas d'application en l'espèce et ne sauraient utilement être invoquées ;
Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que les parcelles bordées ou traversées par la partie du cours du Rizzanèse qui fera l'objet d'une dérivation auraient dû être incluses dans le champ de l'enquête parcellaire en application de l'article
L. 215-1 du code de l'environnement est en tout état de cause inopérant à l'encontre du décret attaqué, qui n'a pas pour objet de déterminer la liste des parcelles à exproprier ;
Considérant enfin qu'il ressort des pièces du dossier que l'enquête publique a porté sur toutes les finalités du projet ;
En ce qui concerne la légalité interne du décret attaqué :
Sur le moyen tiré de l'incompatibilité avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux :
Considérant qu'aux termes du XI de l'article
L. 212-1 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué : « Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux » ; qu'un décret qui se prononce sur l'utilité publique de la réalisation d'un équipement hydraulique constitue une « décision administrative dans le domaine de l'eau » au sens des dispositions précitées ;
Considérant que si le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux de Corse entend préserver le fonctionnement naturel des milieux aquatiques en évitant au maximum les discontinuités entre l'amont et l'aval afin notamment de « reconquérir les axes de vie pour les poissons migrateurs », il résulte des pièces du dossier, notamment de l'étude d'impact, que des mesures sont prévues pour compenser l'obstacle causé par le barrage à la dévalaison des espèces migratrices, et que les conséquences du barrage sur les risques de pollution et la gestion des débits demeureront limitées ; qu'ainsi il n'apparaît pas que le projet de barrage soit incompatible avec les orientations du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux de Corse, qui n'ont pas en elles-mêmes pour objet d'interdire la réalisation d'un équipement de cette nature, mais seulement d'en limiter les effets négatifs ;
Sur les moyens tirés de la méconnaissance de diverses autres dispositions législatives ou réglementaires :
Considérant qu'il résulte du décret du 27 février 1987 relatif à la coordination interministérielle et à l'organisation de l'administration dans le domaine de l'eau que la mission déléguée de bassin est une instance de coordination qui n'émet pas de prescriptions ; que dès lors les requérants ne sauraient utilement soutenir que les recommandations émises par la mission déléguée de bassin s'agissant du débit réservé auraient été méconnues ;
Considérant que si le projet ne prévoit pas l'installation d'échelle à poissons, le Rizzanèse ne figure pas sur la liste des cours d'eau dans lesquels tout ouvrage doit, en application de l'article
L. 432-6 du code de l'environnement, « comporter des dispositifs assurant la circulation des poissons migrateurs » ;
Considérant en troisième lieu, que les atteintes limitées portées par le projet à la pratique de sports en eau vive sur le Rizzanèse ne méconnaissent pas le principe de conciliation entre les différents usages de l'eau prévu par l'article
L. 211-1 du code de l'environnement ;
Sur le moyen tiré du défaut d'utilité publique de l'opération :
Considérant qu'un projet ne peut légalement être déclaré d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'il comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'il présente ;
Considérant qu'il ressort du dossier que la consommation d'électricité en Corse a fortement augmenté depuis plusieurs années et devrait continuer à croître d'environ 3% par an dans les prochaines années ; que les ressources actuellement disponibles ne permettent pas de satisfaire les besoins, notamment en période hivernale ; que la réalisation de la centrale hydraulique déclarée d'utilité publique permettra d'accroître de 40 % la puissance garantie d'origine hydraulique en Corse qui représente actuellement 30 % de l'électricité consommée dans l'île ; qu'elle s'inscrit dans le cadre de l'objectif gouvernemental de promotion des énergies renouvelables et de maîtrise des rejets de gaz à effet de serre ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le niveau de la production électrique attendue de cet aménagement aurait été surestimé ; que le risque d'une rupture accidentelle du barrage n'a pas été sous-estimé ; que si les coûts de production, qui n'ont pas été sous-estimés, sont élevés au regard du prix de vente moyen national, il doit être tenu compte de l'isolement géographique de la Corse et de la mise en oeuvre d'une péréquation tarifaire au niveau national en application de l'article 2 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ; que les atteintes aux milieux naturels demeureront limitées ; que l'opération permettra d'accroître les ressources en eau disponibles pour l'irrigation des terres agricoles situées à l'aval du barrage ; que, malgré la réalisation d'une conduite forcée d'une longueur de 1,2 kilomètres et les incidences du projet sur les conditions d'exercice des sports d'eau vive, les inconvénients de l'opération et son coût (130 millions d'euros) ne sont pas excessifs par rapport à l'intérêt général qu'elle présente ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des requérants le versement de la somme demandée par Electricité de France ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les interventions de la commune de Zoza et de l'association France nature environnement sont admises.
Article 2 : La requête de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DU RIZZANESE ET DE SON ENVIRONNEMENT et autres est rejetée.
Article 3 : Les conclusions d'Electricité de France tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DU RIZZANESE ET DE SON ENVIRONNEMENT (ADRE), à M. Georges A, à l'ASSOCIATION MACROSTIGMA, à l'ASSOCIATION DES RIVERAINS DU RIZZANESE, à l'ASSOCIATION ACQUA VIVA, à l'ASSOCIATION POUR LE LIBRE ACCES AUX PLAGES ET LA DEFENSE DU LITTORAL, à M. Benoist B, à la FEDERATION FRANÇAISE DE KANOË-CAYAK, à la SOCIETE LE NAUTILE, à l'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES (ANPER-TOS), à l'ASSOCIATION SOS LOIRE VIVANTE ET EUROPEAN RIVERS NETWORK, à la SOCIETE RASSEMBLEMENT INTERNATIONAL POUR LA PROMOTION DE L'HYDROSPEED ((RIPH), à l'ASSOCIATION LE POULPE, à l'ASSOCIATION MOUNTAIN WILDERNESS, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, au ministre de l'écologie et du développement durable, à la commune de Levie et à Electricité de France. Une copie sera adressée pour information à la commune de Zoza et à l'association France nature environnement.