Cour administrative d'appel de Paris, 7ème Chambre, 22 mars 2013, 12PA00162

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
  • Numéro d'affaire :
    12PA00162
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000027248049
  • Rapporteur : M. Olivier LEMAIRE
  • Rapporteur public :
    M. BLANC
  • Président : Mme DRIENCOURT
  • Avocat(s) : SELARL RSDA
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Texte intégral

Vu la requête

, enregistrée le 11 janvier 2012, présentée pour la société à responsabilité limitée Lebat, dont le siège est 9, rue Eugène Gibez à Paris (75015), représentée par Mlle Lebas, liquidateur judiciaire, par Me Royaï ; la société Lebat demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n°s 0911399, 0911400 en date du 10 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant, d'une part, à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et en 2006, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er août 2005 au 20 juin 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ; 2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, ainsi que des pénalités correspondantes ; 3°) de condamner l'Etat aux dépens de l'instance ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ...................................................................................................................... Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code

général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2013 : - le rapport de M. Lemaire, premier conseiller, - et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public ; 1. Considérant que la société à responsabilité limitée Lebat, qui exerçait une activité de rénovation et de décoration intérieure, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er août 2005 au 20 juin 2007, date de sa dissolution anticipée et de sa mise en liquidation amiable ; 2. Considérant qu'à l'issue d'une procédure de taxation d'office, la société Lebat a été assujettie à des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2005 et en 2006 et à des droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée ; que ces impositions ont été majorées des intérêts de retard et des pénalités prévues par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts ; 3. Considérant que la société Lebat relève appel du jugement en date du 10 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

Sur le

s conclusions à fin de décharge : En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition : 4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable (...) " ; 5. Considérant que la société Lebat ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors que les impositions en litige ont été établies, ainsi qu'il a été dit au point 2, à l'issue d'une procédure de taxation d'office ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification en date du 27 février 2008 adressée à la société Lebat doit être écarté dès lors que cette proposition de rectification indique précisément, notamment, les méthodes utilisées par le service vérificateur pour reconstituer les chiffres d'affaires et les résultats de la société, ainsi que les bases ayant servi au calcul des impositions litigieuses, et qu'elle satisfait ainsi aux exigences des dispositions précitées de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ; En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses : S'agissant de la charge de la preuve ; 6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'aux termes de l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré " ; 7. Considérant qu'en application des dispositions précitées, il appartient à la société Lebat, qui a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office en application des dispositions des 2° et 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition correspondantes ; S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée ; 8. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, en vigueur lors de la période d'imposition en litige, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ; 9. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en réponse à la proposition de rectification du 27 février 2008, qui indique que, pour la période du 1er janvier au 20 juin 2007, " aucune taxe sur la valeur ajoutée déductible n'a été admise dans la mesure où aucune facture d'achats et de frais généraux n'a été présentée ", la société Lebat s'est prévalue auprès du service vérificateur de deux factures établies les 30 avril et 31 mai 2007 par la société " Para " ; que le service vérificateur a toutefois refusé d'admettre en déduction les sommes de 3 964,03 euros et de 2 761,49 euros, correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur ces factures, au motif que la réalité des prestations correspondantes n'était pas établie ; que ces seules factures, qui ne mentionnent ni les lieux des chantiers, ni le détail des prestations réalisées, ni les modalités de paiement et qui ne sont appuyées d'aucune autre pièce justificative, ne permettent pas d'établir la réalité des prestations correspondantes ; que, dans ces conditions, la société Lebat, qui ne saurait utilement se prévaloir de ce que le service vérificateur aurait accepté d'admettre la déduction de la taxe mentionnée sur d'autres factures établies par la société " Para " au cours de l'exercice clos en 2006, n'est pas fondée à solliciter la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures litigieuses ; S'agissant de l'impôt sur les sociétés ; Quant à la méthode de reconstitution des bénéfices imposables ; 10. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient (...) l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 39 du même, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) " ; 11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification en date du 27 février 2008, que si les chiffres d'affaires de la société Lebat imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ont été reconstitués sur la base des crédits inscrits sur ses comptes bancaires, la taxe collectée étant exigible, s'agissant de prestations de services et en application des dispositions du c) du 2 de l'article 269 du code général des impôts, " lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ", et si la taxe déductible a été déterminée sur la base des factures d'achat et de frais généraux présentées lors du contrôle, les produits et les charges retenus pour la détermination des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés par le service vérificateur, qui ne s'est pas fondé sur les encaissements bancaires, correspondent aux factures " clients " et aux factures de frais généraux présentées lors de la vérification de comptabilité ; que cette méthode de reconstitution des bénéfices imposables, fondée sur les principes de la comptabilité d'engagement, qui gouvernent la détermination des revenus imposables en matière de bénéfices industriels et commerciaux, a reposé sur l'application de règles de rattachement aux exercices homogènes pour les produits et pour les charges ; que la société Lebat n'est dès lors pas fondée à soutenir que la méthode du service vérificateur est radicalement viciée dans son principe ; 12. Considérant, en second lieu, que la circonstance que le service vérificateur n'ait accepté de tenir compte, au titre des charges déductibles des résultats des exercices clos en 2005 et en 2006, que des charges justifiées n'est pas de nature à établir que la méthode de reconstitution appliquée par le service est excessivement sommaire ; Quant aux charges déductibles des résultats de l'exercice clos en 2006 ; 13. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre (...). / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif (...) " ; 14. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 27 février 2008, que le service vérificateur a refusé d'admettre en déduction des résultats de l'exercice clos en 2006 les rémunérations versées à Mme Shagaghi en l'absence de justificatif de nature à établir qu'elles correspondaient à un travail effectif ; que la société Lebat, qui soutient que Mme Shagaghi a travaillé pour elle en qualité d'apporteur d'affaires jusqu'au 1er décembre 2006, puis en qualité de salarié à compter de cette date, se borne à se prévaloir d'un contrat d'apporteur d'affaires daté du 1er septembre 2005 et d'un contrat de travail en date du 1er décembre 2006, dépourvus de date certaine, d'un certificat de travail non signé attestant que Mme Shagaghi a été employée à compter du 1er décembre 2006 en qualité de cadre supérieur et de bulletins de paye établis au titre des mois de mars, avril et mai 2007 ; que la société Lebat, qui n'apporte notamment aucun élément de nature à justifier de l'apport d'affaires allégué, n'établit pas que les rémunérations versées à Mme Shagaghi correspondent à un travail effectif ; 15. Considérant, en second lieu, qu'il résulte également de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification en date du 27 février 2008, que le service vérificateur a refusé d'admettre en déduction des résultats de l'exercice clos en 2006 les sommes versées par la société Lebat à sa gérante ; que si la société Lebat soutient que ces sommes correspondent à des rémunérations, elle se borne à se prévaloir d'un procès-verbal de l'assemblée générale de ses associés du 2 septembre 2005, qui indique que la gérante percevra " [une] rémunération mensuelle à hauteur de 4 500 euros (...) si la situation financière de la société le permet " ; que, dans ces conditions, et alors que l'administration fait valoir sans être contestée que les sommes en cause n'ont pas donné lieu à l'établissement de bulletins de salaires, la société requérante n'établit pas que ces sommes constituent des rémunérations déductibles de ses résultats en application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts ; Quant au profit sur le Trésor ; 16. Considérant que lorsqu'un contribuable a fait l'objet de rectifications en matière d'impôt sur les bénéfices et de taxe sur la valeur ajoutée, ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés peuvent être rehaussées d'un profit sur le Trésor chaque fois que le droit qui lui est ouvert de déduire de ces bases la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d'un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur les sociétés sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée ; 17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Lebat ne s'est pas acquittée d'un montant total de taxe sur la valeur ajoutée de 842 euros au titre de l'exercice clos en 2005 et d'un montant total de taxe sur la valeur ajoutée de 33 900 euros au titre de l'exercice clos en 2006 ; que, par suite, l'administration était fondée à rapporter aux résultats des exercices clos en 2005 et en 2006 un profit sur le Trésor égal aux montants de la taxe sur la valeur ajoutée rappelée, préalablement à la déduction en cascade prévue par les dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ; En ce qui concerne les pénalités : 18. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable (...), d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure (...) ; / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " (...) / 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. / (...) " ; 19. Considérant qu'il est constant que la société Lebat a omis de déposer, avant le 2 mai 2006, la déclaration annuelle de taxe sur la valeur ajoutée pour l'année 2005 et n'a pas donné suite à la mise en demeure du 20 juin 2007 qui lui a été adressée et dont elle a accusé réception le 28 juin 2007 ; que les déclarations annuelles de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2006 et 2007 n'ont pas été déposées ; que les déclarations des résultats des exercices clos en 2005 et en 2006, qui devaient être déposées respectivement avant les 2 mai 2006 et 2 mai 2007, ne l'ont pas été en dépit des mises en demeure adressées à la société Lebat les 22 juin 2006 et 6 juin 2007, et dont elle a respectivement accusé réception les 28 juin 2006 et 14 juin 2007 ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a majoré les impositions litigieuses des pénalités de 10 % et de 40 % prévues par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts, qui ne prévoient d'infliger les pénalités qu'elles mentionnent que lorsque les faits reprochés au contribuable ont été légalement constatés par l'autorité investie du pouvoir de sanction, et qui, dès lors, ne méconnaissent pas, contrairement à ce que soutient la société Lebat, les stipulations précitées du 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 20. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie et des finances, que la société Lebat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes ; Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens : 21. Considérant qu'en vertu du second alinéa de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, les dépens sont mis à la charge de la partie perdante, sous réserve de dispositions ou de circonstances particulières justifiant qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ; 22. Considérant que l'Etat n'est pas la partie perdante en l'espèce ; que, par suite, en l'absence de dispositions ou de circonstances particulières justifiant que les dépens soient mis partiellement ou totalement à la charge de l'Etat, les conclusions de la société Lebat tendant à ce que l'Etat supporte, en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, la somme qu'elle a exposée au titre de la contribution pour l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées ; Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 23. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Lebat de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Lebat est rejetée. '' '' '' '' 2 N° 12PA00162