Cour d'appel de Paris, Chambre 4-9, 10 novembre 2011, 09/08361

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2013-01-17
Cour d'appel de Paris
2011-11-10

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 9

ARRET

DU 10 NOVEMBRE 2011 (n° , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 09/08361 Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2009 -Tribunal d'Instance de [Localité 6] - RG n° 1108000396 APPELANTE Madame [L] [K] épouse [S] N°13 Lot A [Adresse 1] [Localité 3] représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour INTIMES Monsieur [D] [O] [Adresse 1] Lot B [Localité 3] représenté par Me Chantal-rodene BODIN-CASALIS, avoué à la Cour assisté de Me Christelle HOUE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 438 Monsieur [I] [F] [Y] [X] [Adresse 1] Lot B [Localité 3] représenté par Me Chantal-rodene BODIN-CASALIS, avoué à la Cour assisté de Me Christelle HOUE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 438 Monsieur [V] [N] [Adresse 1] Lot B [Localité 3] représenté par Me Chantal-rodene BODIN-CASALIS, avoué à la Cour assisté de Me Christelle HOUE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 438 toque : PC 438 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire, instruite par Madame [A] [G] , a été débattue le 4 octobre 2011, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Catherine BONNAN-GARÇON, conseillère faisant fonction de présidente Madame Patricia LEFEVRE, conseillère, Madame Sabine LEBLANC, conseillère qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Madame Nicaise BONVARD ARRET : CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Catherine BONNAN-GARÇON, conseillère faisant fonction de présidente et par Madame Nicaise BONVARD, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. ***** M [D] [O] et Madame [L] [S] sont propriétaires de parcelles cadastrées [Cadastre 4] et [Cadastre 5] situées [Adresse 1], pour les avoir acquises respectivement en 1997 et en 2000. Ces biens sont occupés par Madame [L] [S] d'une part et M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] d'autre part. Ils sont issus de la division d'une plus grande parcelle réalisée selon un document d'arpentage du 26 avril 1985. En 2006, une difficulté s'est fait jour quant au numérotage de ces immeubles, Madame [L] [S] reprochant à ses voisins de s'être approprié d'une façon illégale le numéro d'immeuble de sa propriété (le 13) alors que leur pavillon était au [Adresse 1]. Le maire de la commune de [Localité 3] a établi, le 11 mai 2006, un certificat de numérotage attribuant à Madame [L] [S] le numéro 13 bis et à M. [O] le numéro 13. Ce certificat déféré au tribunal administratif de Melun puis à la cour administrative d'appel de Paris a été annulé, la cour relevant dans sa décision du 10 novembre 2010, que le maire avait commis une erreur manifeste d'appréciation en méconnaissant l'impératif de cohérence et d'identification claire des accès donnant sur la voie publique en attribuant aux immeubles les numéros 13 et 13 bis, alors qu'il n'y avait entre le 9 et le 13 de la rue, aucune parcelle pouvant recevoir le numéro 11. Le maire était enjoint d'établir un nouveau certificat pour les maisons concernées, ce qui fut fait, le 17 janvier 2011, la parcelle de M [D] [O] recevant le n°11 et celle de Madame [L] [S] le n°13. Avant cette décision, Madame [L] [S] avait engagé une procédure devant le tribunal d'instance de Boissy-Saint-Léger, qui par un jugement en date du 26 février 2009 a : - rejeté les demandes de Madame [L] [S] tendant à voir enjoint à M [O] d'afficher et d'utiliser le n°13 bis sur son immeuble et de cesser corrélativement d'utiliser le n°13 et à la condamnation de M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] au paiement de dommages et intérêts. - condamné Madame [L] [S] à payer à M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des troubles anormaux du voisinage subis - ordonné à Madame [L] [S] d'apposer le numéro 13 bis sur sa boîte aux lettres et son portail, conformément à la décision administrative du 11 mai 2006 attribuant à la parcelle cadastrée section [Cadastre 5] le numéro 13 bis sur le chemin de la Grusie, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; - ordonné à Madame [L] [S] de rectifier son adresse auprès de ses correspondants et d'utiliser désormais l'adresse [Adresse 1] - condamné Madame [L] [S] au paiement d'une indemnité de procédure de 1 000€. Madame [L] [S] a relevé appel de la décision du tribunal d'instance du 26 février 2009, le 7 avril 2009. Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 15 mars 2011, elle demande à la cour au visa des articles 544 du code civil, 1382 et 1383 du code civil d'infirmer la décision entreprise et de : - dire et juger que sa propriété cadastrée [Cadastre 5] est bien située au [Adresse 1] - dire et juger que pendant la période allant jusqu'au 15 mai 2006, les intimés ont usurpé en parfaite connaissance de cause et de mauvaise foi, son adresse en affichant sur leur portail et sur leur boîte aux lettres le n°13 et ont ainsi, violé son droit de propriété lui causant un grave préjudice ; - condamner conjointement et solidairement, M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] à lui payer la somme de 10 000€ en réparation de troubles anormaux de voisinage subis ; - dire et juger que conformément aux décisions administratives en ce sens, les propriétés respectives des parties seront numérotées, 13 pour la sienne et 13 bis ou 11 pour celle de M. [O] et condamner conjointement et solidairement, sous astreinte, M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] à mettre le numéro 11 ou 13 bis sur leur boites aux lettes, factures, impôts. - condamner conjointement et solidairement M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] à lui payer une somme de 30 000€ pour son préjudice postérieur au 15 mai 2006 ; - condamner conjointement et solidairement M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] au paiement d'une indemnité de procédure de 5000€ et aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Elle fait grief à la décision attaquée de ne pas avoir distingué deux périodes, une première période allant du 11 septembre 2000, date de l'acquisition de sa propriété au 15 mai 2006, date du certificat du maire rectifiant la numérotation et une seconde période postérieure au 15 mai 2006. S'agissant de la première période, elle reproche aux intimés, une usurpation en connaissance de cause de son adresse, insistant sur les indications portées à divers actes (notamment son acte de vente et ses annexes dont le certificat de conformité du 7 octobre 1986) qui révèlent que la propriété qu'elle a acquise était située [Adresse 1] section cadastrale [Cadastre 5] et en déduit que Monsieur [O], dont le titre de propriété indique que son bien est situé [Adresse 1], a usurpé son adresse. Elle affirme que cette situation est inadmissible, le 13 étant la numérotation de sa propriété. Pour la seconde période, elle indique que la cour ne peut que suivre la décision de la cour administrative d'appel et doit donc réformer la décision entreprise et lui allouer une somme de 30 000€, M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] ayant violé son droit de propriété et lui ayant causé un grave préjudice. Elle ajoute qu'elle est d'autant plus fondée à réclamer cette condamnation, que son préjudice est réel puis qu'elle a diligenté des procédures à l'encontre des intimés, pour faire valoir ses droits, et qu'elle a, à chaque fois, succombé et qu'elle a été blessée par les propos des intimés dans leurs conclusions du 28 octobre 2010, ceux soulignant son obstination à refuser l'exécution de la décision entreprise. Dans leurs dernières écritures du 14 mars 2011, M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] demandent à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a : - fixé le montant des dommages et intérêts dus en réparation des troubles de voisinage subis, sollicitant à ce titre leur fixation à la somme de 7000€, - rejeté leur demande tendant à ordonner à Madame [L] [S] de restituer les courriers qui leur étaient destinés et qu'elle a indûment conservé, réclamant qu'il lui soit enjoint, sous astreinte, de restituer huit courriers qui leur étaient destinés et notamment, le courrier de LCL du 24 mars 2006 et le courrier de la mutuelle IBM du 4 mars 2006. Ils demandent également à la cour de leur donner acte qu'ils ont changé leurs numéros de voirie et de correspondance en exécution du nouveau certificat de numérotage du 17 janvier 2011, de condamner Madame [L] [S] au paiement d'une indemnité de procédure de 5000€ et aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Ils protestent de leur bonne foi, indiquant que jusqu'en 2006, ils ne s'étaient pas plus que Madame [L] [S], aperçus que leur adresse postale et leur numéro de voirie ne correspondaient pas à l'adresse figurant sur leur titre de propriété. Ils expliquent que la numérotation était logique (puisque passant du 7, au 9 puis au 13 - la propriété de M. [O] et au 13bis, celle de Madame [L] [S]) et utilisée par les parties, Madame [L] [S] faisant l'usage du 13 bis et ayant affiché, ce numéro, sur son portail et sa boîte. Ils précisent qu'ils produisent de nombreux documents confirmant leurs dires. Ils contestent tout préjudice en lien avec cette erreur de numérotation tant avant qu'après le certificat du 15 mai 2006, ajoutant qu'après cet acte, ils ne faisaient que se conformer à la décision administrative qui leur avait été notifiée. Ils ajoutent que la numérotation des immeubles n'est pas un attribut du droit de propriété mais relève du pouvoir de police du maire.

SUR CE,

LA COUR Considérant au préalable, qu'en vertu des articles 15, 16, 445 et 909 du code de procédure civile, la présente procédure étant soumise à l'obligation pour les parties de constituer avoué, seules les écritures et les pièces régulièrement signifiées aux avoués des parties peuvent fonder la décision du juge étant relevé, s'agissant des pièces, que celle-ci doivent être remises à la cour par les conseils des parties et non par ces dernières ; que dès lors, Madame [L] [S] ne peut demander à la cour de statuer sur des pièces, écritures voire notes en délibéré qu'elle lui a adressées personnellement, pour la plupart, sous le sceau de la confidentialité ; Considérant qu'en vertu de l'article L2213-28 du code général des collectivités territoriales, le maire de la commune procède au numérotage des maisons ; Que dès lors, l'attribution d'un numéro dans une rue est une mesure de police administrative et ne constitue pas un attribut du droit de propriété, que Madame [L] [S] ne peut donc pas prétendre à la violation de son droit de propriété sur l'immeuble du chemin de la Grusie ; que le même motif, il n'appartient pas à l'ordre judiciaire de constater ou fixer la numérotation d'un immeuble et les demandes en ce sens de Madame [L] [S] devront être rejetées ; Considérant qu'en exécution de la décision de la cour administrative d'appel et en application du texte précité, le maire de la commune de [Localité 3] a attribué, le 11 janvier 2011, le numéro 11 du chemin de Grusie à la propriété de M [D] [O] et le numéro 13 de cette même voie à la propriété de Madame [L] [S] ; Que cette évolution du litige impose la réformation de la décision de première instance, en ce qu'elle enjoignait à Madame [L] [S] d'apposer le n°13 Bis sur le portail et la boîte aux lettres de sa propriété et de rectifier son adresse auprès de ses correspondants ; Considérant que Madame [L] [S] a acquis, le 11 septembre 2000, le lot A cadastré [Cadastre 5] issu de la division d'une parcelle située [Adresse 1] ; que si elle s'appuie sur les documents annexés à son acte de vente (renseignements d'urbanisme, plan de situation, courrier par lequel la commune renonce à son droit de préemption) pour affirmer que sa propriété portait le numéro 13 du chemin de la Grusie, Madame [L] [S] ne dément pas avoir utilisé le numéro 13 bis jusqu'en 2006, ce qu'elle admettait d'ailleurs en page 5 dans son assignation devant le tribunal d'instance de Boissy-saint-Léger du 7 mars 2008 (la pièce 38 des intimés) ; Que de leur côté, les appelants justifient : - de la numérotation de leur immeuble, lors de leur acquisition en 1997, le notaire instrumentaire leur ayant délivré une attestation de propriété précisant que l'immeuble était au [Adresse 2], - de l'usage qu'ils ont fait, sans opposition ou difficulté particulière de cette adresse postale de 1997 à 2006 pour recevoir leur correspondance administrative et privée (leurs pièces 31 à 36) ; - de la désignation de l'immeuble comme étant le treize du chemin de Grusie, par leurs auteurs, notamment lors de la construction de la maison d'habitation (leurs pièces 26 à 28) ; Qu'il s'en déduit, jusqu'au premier certificat de numérotation de la commune de mai 2006, à tout le moins sinon un droit (les documents émanant de la commune ne précisant pas s'il y avait eu numérotation du dit chemin avant cette date) une erreur commune des parties quant aux numéros de rue attribués à leurs propriétés respectives, exclusive de toute faute de M [D] [O], de Madame [I] [X] et de M [V] [N] ; Qu'ensuite, M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] n'ont fait que se conformer aux injonctions de l'autorité légitime, ce qui est également exclusif de toute faute et donc de toute indemnisation d'un quelconque préjudice de Madame [L] [S] ; Qu'enfin, M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] justifient par les courriers adressés à leurs fournisseurs et à l'administration ainsi que par un contrat de réexpédition de leurs courriers (leurs pièces 39 à 45) qu'ils ont modifié les numéros apposés sur la boîte aux lettres et le portail de leur propriété ainsi que leur adresse postale, en exécution du nouveau certificat de numérotage du 17 janvier 2011, ce qui exclut que la cour les enjoignent de s'y conformer ; Que dès lors, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de Madame [L] [S] et celle-ci sera également déboutée des prétentions présentées en cause d'appel, qui sont mal fondées ; Considérant qu'à compter de 2006, Madame [L] [S] a revendiqué la désignation de sa propriété comme étant le numéro 13 du chemin de Grusie, usant de voies de droit mais également de voies de faits ; qu'il ressort des copies des courriers qu'elle a adressés à leur fournisseur, banquier et employeur, qu'elle n'hésitait pas à leur écrire, exigeant la modification des coordonnées postales de ses voisins et imputant à ces derniers, une contrefaçon ou un usage frauduleux de son adresse ; qu'il apparaît également qu'elle s'est emparée d'au moins deux courriers adressés à ses voisins, retournant ensuite l'original à l'expéditeur (courrier du 7 mai 2006 à la mutuelle IBM et du 4 avril 2006 à LCL) ; Que ce comportement fautif de Madame [L] [S] engage sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil et est à l'origine d'un préjudice de M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] ; que ceux-ci se voyaient accusés de faits infamants auprès de leurs fournisseur, banquier et même employeur et voyaient leur intimité violée, Madame [L] [S] n'ayant pas hésité à s'approprier leur courrier et même à l'ouvrir (puisqu'elle envoie à LCL l'original du courrier et une copie de l'enveloppe de cette même lettre), leur causant ainsi un grave préjudice qui perduré pendant cinq ans et qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 7000€, la décision entreprise étant infirmée sur le montant de l'indemnisation allouée ; Qu'en revanche, M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] ne peuvent solliciter la restitution de huit courriers, alors qu'ils n'identifient précisément que deux correspondances détournées par Madame [L] [S], la restitution de ces dernières étant d'ailleurs impossible, puisqu'il ressort des courriers cités ci-dessus, que Madame [L] [S] a renvoyé à leurs destinataires les correspondances des 24 mars 2006 ( LCL) et du 4 mars 2006 (mutuelle IBM) ; Considérant que Madame [L] [S] qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens d'appel et en équité devra rembourser à M [D] [O], à Madame [I] [X] et à M [V] [N] une somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris, mais uniquement en ce qu'il a : - ordonné, sous astreinte, à Madame [L] [S] d'apposer le numéro 13 bis sur sa boîte aux lettres et son portail, conformément à la décision administrative du 11 mai 2006 et de rectifier son adresse auprès de ses correspondants et d'utiliser désormais l'adresse [Adresse 1], - fixé à la somme de 3500€ les dommages et intérêts alloués à M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] au paiement de dommages et intérêts. Statuant à nouveau : Condamne Madame [L] [S] à payer à M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] la somme de 7000€ à titre de dommages et intérêts ; Y ajoutant : Déboute Madame [L] [S] de l'intégralité de ses demandes et M [D] [O], Madame [I] [X] et M [V] [N] de leur demande de restitution sous astreinte ; Condamne Madame [L] [S] à payer à M [D] [O], à Madame [I] [X] et M [V] [N] la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE