Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Nîmes 21 janvier 2011
Cour de cassation 23 mai 2012

Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 mai 2012, 11-83715

Mots clés absence · véhicule · rapport · jaguar · emprisonnement · danger · prévenu · amende · récidive · sanction · usurpation · preuve · reconnaissance · règlement · risque

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 11-83715
Dispositif : Cassation partielle
Décision précédente : Cour d'appel de Nîmes, 21 janvier 2011
Président : M. Louvel (président)
Rapporteur : M. Raybaud conseiller
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Nîmes 21 janvier 2011
Cour de cassation 23 mai 2012

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Daniel X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NÎMES, chambre correctionnelle, en date du 21 janvier 2011, qui, pour mise en danger d'autrui, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement, à 4 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen

de cassation, pris de la violation des articles 223-1 du code pénal, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de mise en danger d'autrui et l'a condamné à une peine d'emprisonnement ainsi qu'à une amende et des dommages et intérêts ;

" aux motifs que, le 11 juillet 2008, M. Y...se présentait au commissariat de police de Marignane aux fins d'y déposer plainte contre X ; qu'il exposait que vers 13 h 30, le même jour, alors qu'il circulait à bord de son véhicule Audi A3 sur l'autoroute A7 en direction de Marseille et qu'il était en train de doubler un véhicule plus lent, il avait vu arriver derrière lui à vive allure une Jaguar modèle X Type, couleur gris foncé et immatriculée en Belgique ...; que celle-ci avait ralenti à la dernière minute et s'était mise à le coller à quelques centimètres ; que, craignant d'être percuté à l'arrière, il s'était rapidement rabattu pour la laisser passer ; qu'au lieu de ralentir pour effectuer cette manoeuvre, la Jaguar avait au contraire accéléré, passant à environ 2 centimètres de son rétroviseur ; qu'il avait fait appel de phares à l'adresse du conducteur de la Jaguar pour lui signaler que son comportement était dangereux ; qu'à partir de cet instant, le conducteur s'était rabattu sur la voie centrale sur laquelle il se trouvait et avait freiné brutalement, l'obligeant à effectuer une manoeuvre d'évitement par la gauche, avait accéléré de façon à se placer à sa droite au même niveau, avait soudainement donné un coup de volant à gauche, l'obligeant à faire de même quitte à se rapprocher dangereusement de la glissière centrale ; il expliquait encore qu'il avait exhibé son brassard professionnel pour lui montrer sa qualité de fonctionnaire de police, ce à quoi le conducteur avait réagi en faisant des gestes outrageants, bras et autres doigts d'honneur ; que ce dernier avait accéléré pour atteindre la vitesse d'environ 180 km/ h, avait de nouveau freiné brutalement devant un autre véhicule qu'il venait de doubler afin de se retrouver sur la droite au même niveau que lui et s'était une fois de plus déporté sur son véhicule, l'obligeant encore à une manoeuvre d'évitement par la gauche ; qu'il ajoutait qu'il avait poursuivi ses signes aux fins de lui faire comprendre que son comportement devait cesser, lui montrant toujours son brassard, mais que celui-ci, qui le suivait alors sur sa voie de circulation, avait accéléré, l'avait percuté à l'arrière de son véhicule et s'était enfui à toute vitesse ; qu'il décrivait ainsi le conducteur : personne de type maghrébin, 35-40 ans, environ 1m80, corpulence normale, cheveux courts, raides et noirs ; qu'il précisait que se trouvaient à bord de la Jaguar deux femmes de type méditerranéen dont l'une, environ 30 ans, aux cheveux longs et noirs, tenait un bébé de moins d'un an ; qu'il déclarait en outre que sa voiture avait subi un coup à l'arrière qui avait été absorbé par le pare-choc mais que celui-ci avait repris sa place normale et que sur ledit pare-choc étaient visibles en incrustation les marques de plusieurs lettres figurant sur la plaque d'immatriculation de la Jaguar, ce que les policiers chargés du recueil de la plainte constataient par eux-mêmes ; que des clichés photographiques étaient réalisés ; que le 15 juillet 2008, M. Y...se présentait de nouveau au commissariat de police de Marignane ; qu'il déclarait que le service où il travaillait, auquel il avait fait rapport des faits, avait réussi à apprendre que le véhicule berline Jaguar, immatriculé ...en Belgique, avait pour propriétaire M. X..., né le 8 novembre 1972, domicilié à ... en Belgique, et qu'il n'était pas signalé volé ; que M. X..., qui comparaît devant la cour, conclut à la réformation du jugement entrepris et à son renvoi des fins de la poursuite, tenant à l'absence de preuve et d'éléments constitutifs de l'infraction qui lui est reprochée ; que la matérialité des faits dénoncés tels qu'énoncés ci-avant n'est en rien contestée ; qu'il est constant que le véhicule Jaguar, à la date du 11 juillet 2008, n'avait pas été signalé volé et que son propriétaire, M. X..., n'avait pas davantage déposé plainte au sujet de l'usurpation de la plaque d'immatriculation (doublette) dont il prétend avoir été victime ; qu'il ne soutient pas d'ailleurs avoir pu prêter son véhicule à un tiers ; qu'après rapport des faits objet de la présente instance, à la première question qui lui était posée, M. Y...déclare reconnaître formellement M. X... comme étant le conducteur du véhicule Jaguar ; que cette reconnaissance n'emporte aucune contestation sérieuse en ce que, d'une part, la morphologie et le caractère méditerranéen très marqué du prévenu que la cour a été en mesure elle-même de relever sont tout à fait compatibles avec le signalement donné lors du dépôt de plainte, d'autre part, elle émane d'un fonctionnaire de police, a priori ne présentant pas de risque d'affabulation, nécessairement rompu aux techniques d'identification des plus poussées car exerçant ses fonctions au sein d'un service spécialisé en la matière ; que les arguments portant sur le modèle et la couleur du véhicule Jaguar développés par le prévenu aux fins de démontrer qu'il s'est agi d'un véhicule autre que le sien ne sauraient prospérer utilement ; qu'il ne démontre pas en effet en quoi une Jaguar XJ, le modèle qu'il possédait à l'époque, serait bien différente du modèle X Type identifié par M. Y..., car ne produisant aucun document ou autre photo de ce dernier modèle et la Cour n'étant pas en outre en mesure de vérifier à partir des clichés de sa voiture produits aux débats si l'inscription du modèle figure bien en évidence à l'arrière du véhicule, ce que le plaignant n'aurait pas manqué de voir ; qu'il n'existe pas davantage de différence fondamentale entre la couleur décrite par M. Y..., un gris foncé, et celle semblant ressortir des photos produites, un gris moyen tirant sur un gris soutenu, qualifié de gris anthracite par l'expert au rapport duquel les photos se trouvent annexées, étant observé, d'une part, qu'il s'agit de documents facilement aménageables à l'aide des moyens modernes notamment de nature informatique, d'autre part, que la perception d'une nuance dans une couleur est affaire de sensibilité personnelle et dépend en tout état de cause de paramètres physiques extérieurs tel le niveau de luminosité ambiante ; qu'enfin, les arguments tirés de l'absence de trace de choc à l'avant de son véhicule selon le rapport d'expertise qu'il produit et de l'utilisation frauduleuse de l'immatriculation ne sauraient, là encore, être favorablement accueillis en ce que, d'une part, outre qu'il n'est pas précisé à quelle occasion il a été procédé à cette expertise, d'ailleurs réalisée de façon non contradictoire, l'absence de trace sur la Jaguar ne signifie pas nécessairement absence de choc, la réalité de celui-ci ressortant au contraire des déclarations de M. Y...et des constatations matérielles opérées par les enquêteurs sur l'Audi A3 et ladite absence de trace invoquée pouvant s'expliquer par la différence de poids, celui du véhicule tamponneur étant plus conséquent que celui du véhicule tamponné et par le fait que le pare-choc de ce dernier en se déformant a absorbé alors la totalité de l'énergie dégagée au moment de l'impact, d'autre part, l'hypothèse d'une « doublette » s'avère des plus fantaisistes car il ne peut sérieusement être envisagé que l'auteur d'une usurpation de ce type adopte un comportement tel que celui dénoncé par M. Y...; qu'en l'état de tout ce qui précède, la culpabilité de M. X... ne faisant aucun doute, il convient de confirmer le jugement déféré de ce chef ;

" 1°) alors que le délit de mise en danger d'autrui ne pouvant être constitué qu'en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement, il appartient aux juges du fond de mettre en évidence la nature de l'obligation ainsi méconnue et d'indiquer en quoi cette obligation a été méconnue par le prévenu ; que, dès lors, en se bornant, après avoir relaté les dires de la partie civile, à indiquer d'une part que la matérialité des faits ainsi dénoncés n'est en rien contestée, d'autre part qu'il est établi que M. X... en est effectivement l'auteur, pour en déduire qu'il doit être déclaré coupable du délit visé à l'article 223-1 du code pénal, sans identifier clairement l'obligation particulière de sécurité qui, prévue par la loi ou le règlement, aurait été en l'espèce méconnue, ni indiquer en quoi elle aurait été méconnue par le prévenu, pour caractériser une mise en danger d'autrui, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé " ;

" 2°) alors qu'en relevant d'une part que la morphologie et le caractère méditerranéen très marqué du prévenu sont tout à fait compatibles avec le signalement donné lors du dépôt de plainte, d'autre part que la partie civile n'a pu commettre aucune erreur à cet égard, dès lors qu'en sa qualité de fonctionnaire de police, elle est nécessairement rompue aux techniques d'identification les plus poussées, pour en déduire que M. X... est suffisamment identifié comme étant l'auteur des faits visés à la prévention, tout en relevant que dans sa déposition, la partie civile décrivait le conducteur comme une personne de type maghrébin, ce qui est inconciliable avec le demandeur, de nationalité espagnole, de sorte que l'identification litigieuse se trouvait dépourvue de toute pertinence, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 223-1 du code pénal ;

" 3°) alors que tout jugement doit être motivé ; que le prononcé par un motif hypothétique équivaut à son absence ; que le demandeur avait constamment contesté être l'auteur des faits qui lui étaient reprochés ; que pour conclure que la reconnaissance du demandeur n'emporte aucune contestation sérieuse, la cour d'appel qui retient qu'elle émane d'un fonctionnaire de Police « a priori ne présentant pas de risque d'affabulation », s'est prononcée par un motif hypothétique équivalent à son absence ;

" 4°) alors que tout jugement doit être motivé ; que le prononcé par un motif hypothétique équivaut à son absence ; qu'en retenant que l'hypothèse d'une « doublette » s'avère des plus fantaisistes « car il ne peut sérieusement être envisagé que l'auteur d'une usurpation de ce type adopte un comportement tel que celui dénoncé » par la partie civile, la cour d'appel s'est prononcée par un motif hypothétique équivalent à son absence ;

" 5°) alors enfin que tout jugement doit être motivé ; que le prononcé par un motif dubitatif, équivaut à son absence ; qu'en retenant qu'il n'existe pas de différence fondamentale entre la couleur décrite par la partie civile, un gris foncé, et « celle semblant ressortir des photos produites », la cour d'appel s'est prononcée par un motif dubitatif équivalent à son absence " ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais

sur le second moyen

de cassation, pris de la violation des articles 132-24 du code pénal, dans sa rédaction issue de loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, 427, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué, qui a déclaré M. X... coupable de mise en danger d'autrui, l'a condamné à la peine de quatre mois d'emprisonnement ferme et 4 000 euros d'amende ;

" aux motifs que, sur la répression, eu égard à la nature, à la gravité des faits commis dont les conséquences auraient pu être très graves et aux éléments de personnalité disponibles, l'intéressé n'ayant d'ailleurs pas souhaité expliquer comment, alors que simple aide comptable, il avait réussi à s'offrir une Jaguar et dire quelle était sa situation professionnelle actuelle, il y a lieu, réformant le jugement déféré de ce chef, de condamner M. X... à la peine de quatre mois d'emprisonnement, et à une amende de 4 000 euros ;

" alors que, selon l'article 132-24, alinéa 3, du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, en vigueur depuis le 26 novembre 2009, en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du même code, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 dudit code ; que, dès lors, en se bornant à énoncer qu'eu égard à la nature, à la gravité des faits commis dont les conséquences auraient pu être très graves et aux éléments de personnalité disponibles, il convient de condamner le prévenu à la peine de quatre mois d'emprisonnement ferme, sans justifier ni que toute autre sanction ait été inadéquate ni de l'impossibilité d'envisager une mesure d'aménagement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Vu l'article 132-24 du code pénal ;

Attendu qu'il résulte de ce texte, qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, lorsque la peine d'emprisonnement sans sursis prononcée n'est pas supérieure à deux ans, cette peine doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 dudit code ;

Attendu qu'après avoir déclaré M. X...coupable de mise en danger d'autrui, l'arrêt, pour le condamner à quatre mois d'emprisonnement, prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'a pas prononcé sur l'aménagement de la peine d'emprisonnement sans sursis, a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;

Par ces motifs

:

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la peine prononcée contre M. X..., l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 21 janvier 2011, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Raybaud conseiller rapporteur, M. Pometan conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;