MM/ND
Numéro 22/3682
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 20/10/2022
Dossier : N° RG 21/04060 - N° Portalis DBVV-V-B7F-ICEM
Nature affaire :
Autres demandes relatives aux dirigeants du groupement
Affaire :
[D] [E]
S.C.I. CALUJO
C/
[H] [L]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 05 Septembre 2022, devant :
Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,
Marc MAGNON, en application des articles
805 et
907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Philippe DARRACQ et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller faisant fonction de Président
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
Madame Joëlle GUIROY, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [D] [E]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 7] (64)
de nationalité française
[Adresse 3]
[Localité 5]
S.C.I. CALUJO
prise en la personne de son représentant légal, son gérant en exercice Monsieur [E] [D], inscrite au RCS de Pau sous le n° 448 771 204
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentés par Me William CHARTIER de la SELEURL LEXATLANTIC, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
Madame [H] [L]
née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7] (64)
de nationalité française
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean Michel GALLARDO, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 02 DECEMBRE 2021
rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PAU
RAPPEL DES
FAITS ET PROCEDURE
:
Le 10 juin 2000, Monsieur [D] [E] et Madame [H] [L] se sont mariés sous le régime de la communauté légale.
Ils sont associés, à parts égales, au sein de la SCI CALUJO dont Monsieur [E] est le gérant.
La SCI CALUJO, ayant pour objet social l'acquisition et la gestion d'immeubles, est propriétaire de deux maisons sises à Momas, de deux maisons sises a Mazerolles et de quatre appartements sis à Uzein.
Le 3 février 2016, Monsieur [E] a fait assigner Madame [L] devant le Juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Pau, aux 'ns de voir prononcer leur divorce sur le fondement de l'article
233 du code civil.
Par jugement en date du 29 mars 2018, le juge aux affaires familiales a prononcé le divorce entre Monsieur [E] et Madame [L] sur le fondement de l'article
233 du code civil, a dit que le divorce prenait effet dans les rapports entre époux, pour ce qui concerne les biens, au 1er janvier 2015 et a renvoyé les parties a procéder à la liquidation et au partage de leurs intérêts patrimoniaux.
Par ordonnance en date du 1er août 2018, le juge des référés du Tribunal Judiciaire de Pau a ordonné une expertise con'ée à Monsieur [Z] [K], expert, avec pour mission de déterminer la valeur des droits sociaux des associés de la SCI CALUJO.
Par acte d'huissier en date du 22 septembre 2017, Madame [L] a fait assigner à jour 'xe Monsieur [E] et la SCI CALUJO aux 'ns de se retirer de la société civile immobilière et de se faire rembourser la valeur de ses droits sociaux sur le fondement de l'article
1869 du code civil.
Par jugement en date du 25 mai 2018, le Tribunal de grande instance de Pau a autorisé Madame [L] à se retirer de la société civile immobilière CALUJO et l'a déboutée de sa demande de provision.
Le 1er août 2018, l'expert judiciaire a déposé son rapport.
Par acte d'huissier de justice en date du 27juin 2020, Madame [H] [L] a fait assigner Monsieur [E] et la SCI CALUJO, prise en la personne de son gérant en exercice, devant le Tribunal judiciaire de Pau en paiement de ses droits sociaux sur le fondement des articles L843-4 et
1343-2 du code civil.
Elle demande au tribunal :
' de condamner la SCI CALUJO à lui régler :
* la somme de 427.698,90€ outre 1666,65 euros par mois à compter du 30 juin 2020
* la somme de 14.092€ correspondant aux dividendes 2019
* la somme de 9646,40€ au titre des frais d'expertise
' de dire que les intérêts au taux légal seront décomptés à partir du 28 mai 2020, date à laquelle le remboursement des droits sociaux a été arrêté en son principe
' d'ordonner la capitalisation des intérêts
' de condamner la SCI CALUJO, outre aux dépens, à lui verser la somme de 5000€ an titre de l'article
700 du code de procédure civile.
Par conclusions d'incident déposées par RPVA le 26 avril 2021, Monsieur [D] [E] a saisi le juge de la mise en état d'un incident en soulevant l'incompétence du Tribunal Judiciaire.
Dans ses dernières conclusions noti'ées par RPVA le 28 octobre 2021, il a demandé au juge de la mise en état :
A titre principal
' de se déclarer incompétent pour connaitre des demandes formulées par Madame
[L]
' de dire et juger que le Juge aux Affaires Familiales près le tribunal judiciaire de Pau est seul compétent pour connaitre des demandes formulées pour Madame [L] ;
' de condamner Madame [L] à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens
de l'incident.
A titre subsidiaire
' de surseoir à statuer sur les demandes de Madame [L] [H] dans le cadre de l'instance pendante devant la 1ère Chambre du Tribunal Judiciaire de PAU (RG N°20/01172) dans l'attente d'une décision dé'nitive du Juge compétent pour statuer sur la liquidation du régime matrimonial et ce, à l'initiative de la partie la plus diligente ou de la signature de l'acte liquidatif du régime matrimonial ;
' de réserver les dépens et l'indemnité au titre des frais irrépétibles prévus par l'article
700 du code de procédure civile.
Madame [L] a demandé au Juge de la mise en état
' d'écarter l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur [E] ;
' de condamner Monsieur [E] à régler une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ordonnance en date du 2 décembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pau a :
Rejeté l'exception d'incompétence soulevée ;
Débouté Monsieur [E] de sa demande de sursis à statuer ;
Condamné Monsieur [E] à verser à Madame [L] la somme de 1000,00 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
Condamné Monsieur [E] aux dépens de l'incident.
Renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 27 janvier 2022.
Par déclaration en date du 17 décembre 2021, M [D] [E] et la SCI CALUJO prise en la personne de son représentant légal ont relevé appel de cette décision.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 juin 2022, l'affaire étant fixée au 5 septembre 2022.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article
455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions du 31 janvier 2022 de Mme [H] [L] qui conclut à :
A titre principal,
Voir constater la caducité de l'appel.
Voir déclarer irrecevable l'appel interjeté.
A titre subsidiaire,
Voir confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle écarte l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur [E] et la SCI CALUJO.
La voir confirmer en ses autres dispositions.
Dans tous les cas,
Ajoutant à la condamnation prononcée en première instance, condamner Monsieur
[E] à régler une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article
700 du code
de procédure civile,
Voir condamner la SCI CALUJO à régler une indemnité de 5.000 € sur le fondement
de l'article700 du code de procédure civile.
Les condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel.
*
Vu les conclusions de la SCI CALUJO et de M [E] en date du 24 février 2022 qui demandent de :
Infirmer l'ordonnance de mise en état rendue par le Tribunal Judiciaire de Pau le 2 décembre 2021 en ce qu'elle a :
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée,
- débouté Monsieur [E] de sa demande de sursis à statuer,
- condamné Monsieur [E] à verser à Madame [L] la somme de 1 000 € au titre de l'article
700 du Code de Procédure Civile,
- condamné Monsieur [E] aux dépens de l'incident.
LA CONFIRMANT POUR LE SURPLUS ET STATUANT A NOUVEAU,
- Débouter Madame [L] de l'ensemble de ses demandes.
A TITRE PRINCIPAL,
Vu l'article
L. 213-3 du Code de l'organisation judiciaire,
Vu les articles 73 et suivants et 789 et suivants du Code de Procédure Civile,
- Déclarer le Tribunal Judiciaire de Pau incompétent pour connaître des demandes de Madame [L] [H] intégrées à l'assignation du 27 juillet 2020 et tendant à voir :
- condamné la SCI CALUJO à régler à Madame [L] la somme de 427 698,90 €, outre 1 666,65 € par mois à compter du 30 juin 2020,
- condamné la société CALUJO à régler à Madame [L] la somme de 14 092 € correspondant aux dividendes 2019 tels qu'établis par le gérant de la société.
- Déclarer que le Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal Judiciaire de PAU, déjà saisi selon exploit du 24 janvier 2022, est seul compétent pour connaître des demandes susvisées de Madame [L] [H] intégrées à l'assignation du 27 juillet 2020.
- Condamner Madame [L] [H] à verser à Monsieur [E] [D] et à la SCI CALUJO une somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article
700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens de l'incident de première instance et d'appel.
A TITRE SUBSIDIAIRE,
Vu les articles 378 et 789-1° du Code du Procédure Civile,
- Surseoir à statuer sur les demandes de Madame [L] [H] dans le cadre de l'instance pendante devant la 1 ère Chambre du Tribunal Judiciaire de PAU (RG N° : 20/01172) dans l'attente d'une décision définitive du Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal Judiciaire de PAU saisi de la liquidation partage du régime matrimonial selon exploit du 24 janvier 2022 (R.G n° 22/00143).
- Réserver les dépens d'incident de première instance et d'appel ainsi que l'indemnité due au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel prévue par l'article
700 du Code de Procédure Civile.
MOTIVATION :
Sur la caducité de la déclaration d'appel et l'irrecevabilité de l'appel :
L'intimée fait valoir qu' il résulte des articles
83,
84 et
85 du code de procédure civile que l'appel dirigé contre une décision statuant sur la compétence par exclusion de toute question de fond relève de la procédure à jour fixe qui suppose, notamment, l'intervention de Monsieur le premier président de la cour d' appel qui doit être saisi dans le délai de l'appel.
Cette règle est établie et suppose que la Cour de céans constate même d'office la caducité de la déclaration d'appel.
Au cas d'espèce, le juge de la mise en état dont l'ordonnance est entreprise n'a pas statué sur le fond. Il s'est borné à rejeter l'exception d'incompétence et l'exception
de sursis à statuer.
Par voie de conséquence, les appelants auraient dû, à peine de caducité de leur déclaration d'appel, saisir Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel d'une requête afin d'être autorisés à assigner l'intimée à jour fixe.
Elle conclut également à l'irrecevabilité de l'appel.
M [E] et la SCI CALUJO répliquent que :
' Dès lors qu'il est fait application des dispositions des articles
83,
84 et
85 du Code de Procédure Civile, la décision rendue en première instance est notifiée aux parties à l'initiative du greffe en mentionnant les modalités de l'appel (délai, saisine
de Monsieur le Premier Président aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe') ;
' Qu'au cas d'espèce, force est de constater que le greffe de la 1ère Chambre du Tribunal Judiciaire de PAU n'a nullement notifié l'ordonnance de mise en état rendue le 2 décembre 2021 aux parties puisqu'elle ne tombe pas sous le coup des dispositions des articles
83 à
85 du Code de Procédure Civile ;
' Que le juge de la mise en état n'a pas statué exclusivement sur la compétence mais, d'une part, a écarté l'exception d'incompétence soulevée et, d'autre part, a également débouté Monsieur [E] et la SCI CALUJO de leur demande de sursis à statuer ;
' Que contrairement à ce que soutient Madame [L], lorsque le juge rejette une demande de sursis à statuer commandée par une bonne administration de la justice, comme cela est le cas en l'espèce, la demande de sursis à statuer ne constitue nullement une exception de procédure mais une mesure d'administration judiciaire (cassation 1 ère Chambre Civile de la Cour de Cassation le 16 novembre 2004 (n° 02-14.528) ;
' que l'examen de la motivation de l'ordonnance de mise en état en date du 2 décembre 2021 montre que la demande subsidiaire de sursis à statuer a été rejetée pour deux motifs, à savoir :
- la présente instance dirigée contre la SCI CALUJO est distincte de la liquidation du régime matrimonial des ex-époux,
- la poursuite de la présente instance ne constitue pas un obstacle aux revendications de créances de Monsieur [E] à l'encontre de Madame [L] dans le cadre d'une instance en liquidation de régime matrimonial, par ailleurs, non encore initiée.
' Que dans ces conditions, pour rejeter cette demande de sursis à statuer, le Juge de la mise en état a examiné la nature juridique de l'action initiée par Madame [L] (celle-ci est qualifiée de sociale par ce magistrat) et le contenu des demandes en liquidation du régime matrimonial susceptibles d'être soumises au Juge aux Affaires Familiales par Monsieur [E].
' Que ces deux points sont des questions de fond.
' Que de plus, dans le cadre de son appréciation souveraine, le Juge a considéré devoir rejeter la demande de sursis à statuer estimant que cette demande ne répondait pas à une bonne administration de la justice, de sorte que cette problématique ne constitue nullement une exception de procédure.
' l'article
795 alinéa 3 du Code de Procédure Civile prévoit que les ordonnances du Juge de la mise en état sont susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise ou de sursis à statuer, ce qui induit que le sursis à statuer ne constitue pas une exception de procédure puisque cette dernière notion est visée à l'article 795 2°.
' Que d'autre part, les ordonnance du Juge de la mise en état, contrairement au jugement statuant sur les questions uniquement de compétence, n'ont jamais été soumises à la voie de recours du contredit prévu par les articles 83 à
85 dans leur version antérieure au décret du 6 mai 2017.
' Qu'enfin, l'article
905 du Code de Procédure Civile prévoit expressément que les ordonnances du Juge de la mise en état sont soumises à la fixation à bref délai, à fortiori lorsque le Juge de la mise en état ne statue pas que sur la compétence mais également sur une question de fond (bonne administration de la justice) ne constituant nullement une exception de procédure mais une mesure d'administration judiciaire.
' Que d'ailleurs, Madame [L] semble hésiter dans ses écritures d'intimée puisqu'elle conclut à l'irrecevabilité de l'appel et à la caducité de celui-ci.
' Que manifestement, l'irrecevabilité de l'appel concerne une voie de recours intentée après le délai légal alors que la caducité vient sanctionner l'absence de dépôt des conclusions par une partie dans les délais prévus par l'article
905-1 du Code de Procédure Civile en l'espèce.
' Que dans cette affaire, le délai de quinze jours imparti par l'article
83 du Code de Procédure Civile n'a pas commencé à courir faute de notification répondant aux exigences légales.
' Que dès lors, la demande de Madame [L] ne peut conduire qu'à une caducité d'appel.
' Que néanmoins, en l'espèce, cette caducité ne peut être prononcée puisque l'ordonnance de mise en état du 2 décembre 2021 frappée d'appel par les concluants n'est pas soumise au régime juridique prévu par les articles
83 à
85 du Code de Procédure Civile.
En droit, Il résulte des articles
83,
84 et
85 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que, nonobstant toute disposition contraire, l'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu'en ce cas, l'appelant doit saisir, dans le délai d'appel, le premier président de la cour d'appel en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe.
Il a été jugé que l'application de ces textes spécifiques à l'appel d'une ordonnance d'un juge de la mise en état statuant sur la compétence du tribunal de grande instance se fonde sur la lettre et la finalité de l'ensemble du dispositif, dont l'objectif, lié à la suppression du contredit, était de disposer d'une procédure unique et rapide pour l'appel de tous les jugements statuant sur la compétence (Cassation 2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-11.624).
Selon l'article 83, « lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence, sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe ».
Selon l'article 84, « le délai d'appel est de 15 jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d'une procédure avec représentation obligatoire.
En cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire.
Toutefois, il a été jugé que le délai d'appel, dans lequel l'appelant doit saisir le premier président en vue d'être autorisé à assigner à jour fixe, ne court pas lorsque le jugement critiqué porte une mention erronée sur sa qualification, à moins qu' un acte de notification mentionnant la voie de recours ouverte par l'article 84 a été effectué, à défaut duquel le délai d'appel n'a pu commencer à courir. En l'absence d'une telle notification, le prononcé de la caducité est dépourvu de base légale ( Cassation 2ème Civ. du 3 mars 2022 pourvoi n° 20-17.419).
Il a été jugé plus généralement, en lecture de l'article
680 du code de procédure civile, que l'absence de mention ou la mention erronée, dans l'acte de notification d'un jugement, de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours (civ 3ème 30 janvier 2008 pourvoi 07-10.999).
Selon l'article 85 visé par les parties, outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou
933 du code de procédure civile, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration d'appel elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.
Cependant, il résulte des dispositions combinées des articles
85 et
126 du code de procédure civile que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire par avocat, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel (Cassation 2ème Civ.9 septembre 2021, pourvoi 20-22080).
En l'espèce, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M [E] et la SCI CALUJO, tirée de la compétence exclusive du Juge aux Affaires Familiales près le tribunal judiciaire de Pau pour connaitre des demandes formulées pour Madame [L], qui seraient selon les appelants indissociables de la liquidation du régime matrimonial des ex-époux.
Le juge de la mise en état a notamment retenu que l'action de Madame [L], en paiement de ses droits sociaux, était dirigée contre la SCI CALUJO, qui dispose « d'une personnalité morale distincte de celle de ses associés », et qu'elle ne formulait aucune demande contre Monsieur [E].
Le premier juge a ensuite rejeté la demande subsidiaire de sursis à statuer, jusqu'à la décision définitive du juge compétent pour statuer sur la liquidation du régime matrimonial, formée par Monsieur [E], aux motifs que l'instance dirigée contre la SCI CALUJO est distincte de la liquidation du régime matrimonial des ex-époux et qu'elle ne constitue pas un obstacle aux revendications de créance de Monsieur [E] à l'encontre de Madame [L] dans le cadre d'une instance en liquidation de régime matrimonial, par ailleurs non encore initiée.
Le premier juge s'est donc prononcé sur la compétence et a rejeté la demande de sursis à statuer, sans statuer sur le fond du litige, comme l'indique sa motivation.
Il s'ensuit que l'appel de l'ordonnance déférée était soumis aux dispositions des articles
83 à
85 du code de procédure civile.
S'il ressort des pièces de la procédure qu'une copie exécutoire de l'ordonnance du 2 décembre 20
21 a été remise aux parties, à une date indéterminée, cette expédition est le seul mode de notification avéré et il n'est ni établi ni même allégué qu'une autre notification, conforme aux dispositions de l'article
84 alinéa
1 du code de procédure civile, qui suppose l'envoi aux parties d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, serait intervenue.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, le délai d'appel n'ayant pas commencé à courir, la sanction de la caducité de la déclaration d'appel, en application de l'article
84 alinéa
2 du code de procédure civile, ne peut être prononcée.
S'agissant de l'irrecevabilité encourue en application de l'article
85 du code de procédure civile, si la déclaration d'appel n'était pas motivée, le délai d'appel n'ayant pas expiré faute d'avoir commencé à courir, il y a lieu de considérer que les appelants ont régularisé la motivation de leur recours par les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA), le 24 février 2022.
Cette fin de non-recevoir doit également être rejetée.
Sur la compétence du tribunal judiciaire :
La SCI CALUJO et Monsieur [E] font valoir notamment que les parts sociales de la SCI CALUJO sont des biens communs et un élément de l'actif communautaire soumis à partage dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial des époux, ce qui fonde selon eux la compétence exclusive du juge aux affaires familiales, telle qu'elle est précisée par l'article
L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire.
Ils ajoutent que même si le retrait en tant qu' associée de Madame [L] a été autorisé par le tribunal judiciaire, il revient au juge aux affaires familiales de statuer sur la question du montant de ses droits sociaux puisqu'il s'agit d'un élément de l'actif communautaire car les parts sociales ne sont pas individualisées contrairement à un régime de séparation de bien.
Ils considèrent que si le tribunal judiciaire de Pau était compétent pour statuer, antérieurement au prononcé du divorce sur la question de retrait de Madame [L] [H] en qualité d'associé de la société civile immobilière CALUJO, il ne peut statuer, plus de deux ans après le prononcé du divorce des parties sur les questions pécuniaires les intéressant.
Ils indiquent que Monsieur [E] a depuis saisi le juge aux affaires familiales en liquidation partage, selon exploit du 24 janvier 2022.
Madame [L] s'oppose à ce moyen au motif notamment que l'action engagée contre la SCI CALUJO ne tend pas à la liquidation du régime matrimonial ou à voir fixer la créance de l'ancienne épouse sur l'époux , mais uniquement à voir condamner une société à payer à l'associé retrayant une somme d'argent correspondant à la valeur de ses droits sociaux . Elle ajoute que sur les 813 parts sociales qu'elle détient, 812 sont des biens propres selon l'acte modificatif des statuts du 10 juillet 2004.
En droit, il résulte des dispositions de l'article
L. 213-3 du code de l'organisation judiciaire que le juge aux affaires familiales connaît notamment de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux.
Si en application des articles
1401 et
1402 du code civil, dans les rapports entre époux, la valeur des parts d'une société civile présente un caractère commun en cas d'acquisition au moyen de fonds communs ou un caractère propre en cas d'acquisition à l'aide de fonds propres en présence d'un accord des époux ou d'une déclaration d'emploi ou de remploi (Cassation 1ère Civ., 8 octobre 2014, pourvoi n° 13-21.879, Bull. 2014, I, n° 161), l'époux attributaire de parts sociales clairement identifiées est fondé, comme au cas d'espèce, à faire fixer la valeur de ses droits dans la société, indépendamment de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, à partir du moment où il est autorisé à se retirer.
En effet, les récompenses éventuelles ou créances entre époux, peuvent être déterminées au cours des opérations de liquidation et de partage de la communauté légale ayant existé entre les époux [E]-[L], indépendamment de la valeur des parts sociales détenues par Madame [L], laquelle repose sur l'évaluation du patrimoine propre de la SCI CALUJO, personne morale distincte de ses associés et tiers aux opérations de liquidation-partage des droits patrimoniaux des époux.
Ces récompenses ou créances éventuelles seront calculées en fonction des flux financiers établis entre les époux et entre eux et la communauté, en tenant compte au besoin des flux financiers ayant existé entre la communauté et la SCI CALUJO ; le montant de ces récompenses ou créances étant toutefois sans effet sur la valeur des parts sociales de la société laquelle dépend de la valeur de ses actifs et du niveau de son endettement.
Comme l'a retenu exactement le premier juge, il s'ensuit que la créance de Madame [L] sur la SCI CALUJO n'entre pas dans le champ de compétence du juge aux affaires familiales mais relève bien de celui du tribunal judiciaire qui connaît des litiges relatifs aux sociétés civiles.
En conséquence, la cour confirmera l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté l'exception de procédure tirée de l'incompétence du tribunal judiciaire de Pau.
Sur la demande de sursis à statuer :
Les opérations de liquidation partage des droits patrimoniaux des ex-époux [E]- [L] et celles tendant à déterminer la valeur des droits sociaux de Madame [L] sur la SCI CALUJO peuvent être conduites indépendamment les unes des autres, de sorte qu'il n'est pas utile d'ordonner un sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive qui sera rendue par le juge du divorce sur la liquidation et le partage de la communauté ayant existé entre Monsieur [E] et Madame [L].
L'ordonnance est en conséquence confirmée sur le rejet de la demande de sursis à statuer .
Sur les dépens et l'article
700 du code de procédure civile :
Compte tenu de l'issue du litige l'ordonnance est confirmée en ce qu'elle a statué sur les dépens de 1ère instance et l'application de l'article
700 du code de procédure civile.
Monsieur [E] et la SCI CALUJO qui succombent en leur recours supporteront la charge des dépens d'appel.
Au regard des circonstances de la cause et de la position des parties, l'équité justifie de condamner in solidum Monsieur [E] et la SCI CALUJO à payer à Madame [L] une somme de 1000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
;
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort
Rejette les exceptions de caducité et d'irrecevabilité de la déclaration d'appel,
Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pau du 2 décembre 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [D] [E] et la SCI CALUJO, in solidum, aux dépens d'appel,
Vu l'article
700 du code de procédure civile,
Les condamne in solidum à payer à Madame [H] [L] une somme de 1000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Philippe DARRACQ, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article
456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière,Le Président,