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Tribunal administratif de Bordeaux, 4 octobre 2022, 2200137

Mots clés
transfert • requérant • société • rapport • sapiteur • requête • service • hôpital • requis • ressort • sachant • serment

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Bordeaux
  • Numéro d'affaire :
    2200137
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Dispositif : Expertise / Médiation
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : AARPI ACLH AVOCATS
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête enregistrée le 11 janvier 2022, M. F E, représenté Me Nakache de la SELARL Pascal Nakache, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de désigner un expert, lequel pourra en cas de besoin s'adjoindre les services d'un sapiteur, aux fins de déterminer les conditions de la prise en charge de son épouse, Mme D E, successivement par le centre hospitalier universitaire de Bordeaux et par la clinique Cardiocéan avant son décès, le 19 juin 2021, à l'hôpital de la Rochelle et de préciser, notamment, si son décès résulte de la contraction d'une infection nosocomiale. Il sollicite, en outre, que les dépens soient réservés. Il soutient que : - le transfert du centre hospitalier de Bordeaux jusqu'au centre Cardiocéan était prématuré dès lors qu'elle n'avait été hospitalisée que sept jours, le trajet ayant au surplus duré près de trois heures sous une température très élevée sans que son épouse n'ait pu ni se restaurer ni se reposer avant le départ ; - son épouse n'a pas été transférée assez rapidement de la clinique Cardiocéan vers l'hôpital de la Rochelle ; - de nombreux éléments font suspecter la contraction, par son épouse, d'une infection nosocomiale possiblement responsable de son décès. Par un mémoire enregistré le 17 janvier 2022, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute Garonne informe le tribunal qu'elle n'entend pas intervenir à la présente instance dès lors qu'elle ne gère pas le dossier de Mme E et sollicite sa mise hors de cause. Par un mémoire enregistré le 21 janvier 2022, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime déclare ne pas s'opposer à la mesure d'expertise sollicitée et informe le tribunal qu'elle chiffrera sa créance définitive suite au dépôt du rapport d'expertise. Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2022, le centre hospitalier universitaire de Bordeaux, représenté par Me Chiffert de l'AARPI ACLH Avocats, déclare ne pas s'opposer à l'expertise sollicitée sous les plus expresses réserves et protestations d'usage quant au bien-fondé de sa responsabilité. Il requiert toutefois la désignation, non d'un seul expert mais d'un collège d'experts composé d'un chirurgien cardiaque et d'un infectiologue et sollicite l'extension de la mission des experts à la détermination des causes et des conséquences de l'éventuelle infection nosocomiale qu'aurait pu contracter Mme E. Il demande enfin que l'expert adresse un pré-rapport aux parties en leur accordant un délai de six semaines pour formuler leurs observations, et que les dépens soient réservés. Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2022, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Birot de la SELARL Birot-Ravaut et associés déclare ne pas s'opposer à l'expertise sollicitée sous les plus expresses réserves et protestations d'usage quant au bien-fondé de sa mise en cause. Il demande au juge de compléter la mission de l'expert afin que ce dernier détermine les causes et les conséquences de l'infection nosocomiale alléguée dont aurait été victime Mme E, en s'interrogeant notamment sur l'éventuel non-respect des protocoles par l'établissement hospitalier en cause. Enfin il demande que l'expert rédige un pré-rapport et que les dépens soient réservés. Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2022, la société Clinéa, agissant pour le compte de son établissement secondaire, la clinique Cardiocéan, représentée par Me Berland de la SELARL Interbarreaux Racine, déclare ne pas s'opposer à la mesure d'expertise sollicitée. Elle demande que l'expertise soit confiée à un collège d'experts composé d'un chirurgien cardiaque et d'un infectiologue et que la mission soit complétée par l'évaluation, dans l'hypothèse où un ou plusieurs manquements seraient retenus, de la perte de chance de survie de Mme E, par le chiffrage des préjudices subis, dissociation faite entre ceux imputables à l'état initial de la patiente et aux soins justifiés par celui-ci de ceux en lien avec les éventuels manquements identifiés et l'infection nosocomiale éventuellement contractée et, par l'analyse de l'imputabilité par le chiffrage de la créance de la CPAM en lien avec les actes critiqués. Elle demande enfin que les frais de consignation à valoir sur les honoraires des experts soient mis à la charge du requérant et que les dépens soient réservés. Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code

de justice administrative.

Considérant ce qui suit

: Sur la mesure d'expertise sollicitée : 1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. () ". 2. Mme D A épouse E, âgée de 74 ans, sujette à des chutes, des malaises et à un essoufflement persistant, a été admise au centre hospitalier universitaire de Bordeaux le 10 juin 2021 pour une opération de remplacement de la valve aortique par une prothèse mécanique réalisée le lendemain. Restée hospitalisée dans cet établissement, elle a été transférée, le 18 juin suivant, vers la clinique Cardiocéan de la Rochelle où elle a rapidement été prise en charge par le service de réanimation avant d'être de nouveau transférée, le 19 juin 2021, cette fois vers l'hôpital de la Rochelle en raison d'une suspicion de choc septique. La patiente décèdera le jour même dans cet hôpital. Le requérant, époux de Mme E, estime que cette dernière a été prématurément transférée par le centre hospitalier universitaire de Bordeaux à la clinique Cardiocéan et que les conditions dans lesquelles se sont déroulées ce transfert n'étaient pas adaptées à l'état d'extrême faiblesse de cette dernière. Il considère également que le transfert de la clinique Cardiocéan vers l'hôpital de la Rochelle n'a pas été effectué assez rapidement et, qu'en outre, de nombreux éléments lui font suspecter la contraction, par son épouse, d'une infection nosocomiale possiblement responsable de son décès. Pour l'ensemble de ces raisons M. E, lequel pourrait éventuellement engager la responsabilité des établissements de santé défendeurs dans le cadre d'un litige indemnitaire ultérieur, demande au juge des référés de désigner un expert aux fins de déterminer les conditions de la prise en charge de son épouse, successivement par le centre hospitalier universitaire de Bordeaux et par la clinique Cardiocéan. La mesure ainsi sollicitée, qu'il y a lieu d'étendre, tel que demandé par la société Clinéa, à la détermination et au chiffrage des préjudices subis par la victime et par le requérant et qui ne préjuge en rien des responsabilités encourues, est utile et entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dès lors, d'y faire droit et de fixer la mission des experts comme il est précisé à l'article 1er de la présente ordonnance. Sur la demande de mise hors de cause de la CPAM de la Haute Garonne : 3. Par un mémoire enregistré le 17 janvier 2022, confirmé par un mémoire du 21 janvier 2022 de la CPAM de la Charente-Maritime, la CPAM de la Haute Garonne a déclaré ne pas avoir pris en charge les dépenses de santé de Mme E en lien avec les actes médicaux en litige. Par conséquent, il y a lieu de faire droit à sa demande, et de prononcer sa mise hors de cause dans la présente instance. Sur les conclusions tendant à autoriser l'expert à s'adjoindre un sapiteur : 4. Il ressort de l'article R. 621-2 du code de justice administrative que s'il apparaît à un expert qu'il est nécessaire de faire appel au concours d'un ou plusieurs sapiteurs pour l'éclairer sur un point particulier, il doit préalablement solliciter l'autorisation du président du tribunal administratif. En application de ces dispositions, les conclusions présentées par le requérant, tendant à ce que le juge des référés autorise dès à présent l'expert désigné à s'adjoindre tout spécialiste de leur choix, ne peuvent qu'être rejetées. Sur l'établissement d'un pré-rapport : 5. S'agissant de l'exercice par l'expert de la mission qui leur est assignée par la présente ordonnance, aucune disposition du code de justice administrative, ni aucun principe général du droit ne leur fait obligation d'établir un pré-rapport. L'expert, dans la conduite des opérations qui lui sont confiées et dont il définit librement les modalités pratiques, de concert avec les parties, ne saurait se voir soumis à d'autres obligations que celles issues du principe du contradictoire. L'établissement d'un pré-rapport adressé aux parties en vue de recueillir leurs éventuelles observations ne constitue donc qu'une modalité opérationnelle de l'expertise dont il appartient à l'expert d'apprécier la nécessité d'y recourir. Il s'ensuit que les conclusions du centre hospitalier universitaire de Bordeaux et de l'ONIAM tendant à ce que l'expert rédige un pré-rapport à l'intention des parties et leur accorde un délai pour formuler leurs observations ne peuvent être accueillies. Sur la consignation des frais d'expertise : 6. Les frais d'expertise étant régis par les dispositions de l'article R. 621-11 du code de justice administrative, lesquelles ne prévoient pas de procédure de consignation, les conclusions de la société Clinéa, tendant à ce que la mesure d'instruction soit ordonnée aux frais avancés du requérant, ne peuvent qu'être rejetées.

O R D O N N E

Article 1er : Le docteur B C est désigné en qualité d'expert. Il aura pour mission de : 1°) se faire communiquer tous documents relatifs aux examens, soins, interventions et traitements pratiqués sur Mme A épouse E lors de ses prises en charge médicales successives par le centre hospitalier universitaire de Bordeaux, la clinique Cardiocéan de la Rochelle, et l'hôpital de la Rochelle ; de recueillir toutes informations orales ou écrites des parties et de tout sachant ; procéder à l'examen du dossier médical de Mme A épouse E ; 2°) décrire l'état de santé antérieur de Mme E, avant la mise en place de la prothèse mécanique le 11 juin 2021, ainsi que les complications dont elle a été victime au cours de sa prise en charge à compter de cette date et jusqu'à son décès le 19 juin 2021 ; 3°) préciser si les actes et soins pratiqués dans les différents établissements de santé où elle a successivement été prise en charge y ont été attentifs, diligents et conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science ou si d'autres interventions, soins ou examens auraient dû être pratiqués ; donner au tribunal tous les éléments lui permettant de déterminer si tout ou partie de l'état présenté par Mme E avant son décès est lié à une négligence consistant en la réalisation d'une intervention incompatible avec l'état de santé de la patiente, en l'infligence d'une mauvaise hygiène de vie lors de son séjour au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à un transfert prématuré vers la clinique Cardiocéan suite à l'opération réalisée le 11 juin 2021, à des conditions inadaptées de transport lors de ce transfert, à un retard de transfert de la clinique Cardiocéan vers l'hôpital de la Rochelle résultant d'un défaut d'organisation ou de fonctionnement du service, ou à tout autre faute commises par l'un des établissement de santé concerné ; en cas de cause plurifactorielle, déterminer la part de chacune de ses fautes dans la survenue des complications puis du décès ; 4°) de dire si les soins reçus et les actes pratiqués sont à l'origine d'une perte de chance de survie et chiffrer cette perte de chance ; 5°) dans la négative, préciser si l'état présenté par Mme E puis son décès le 19 juin 2021, est lié à la contraction d'une infection nosocomiale, à l'état initial de Mme E, à l'évolution prévisible de cet état ou à toute autre cause extérieure ; 6°) en cas de contraction d'une infection nosocomiale : - déterminer le(s) type(s) d'infection(s)s contractée(s)s par Mme E ; - préciser à quelle date ont été constatés les premiers signes d'infection, a été porté le diagnostic, a été mise en œuvre la thérapeutique, si tel a été le cas ; - dire quels ont été les moyens permettant le diagnostic, les éléments cliniques, paracliniques et biologiques retenus ; - dire quel acte médical ou paramédical a été rapporté comme étant à l'origine de l'infection et dire par qui il a été pratiqué ; - déterminer quelles sont les causes possibles de cette ou de ces infection(s) ; - préciser si la conduite diagnostique et/ou thérapeutique de cette ou de ces infection(s) a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science médicale à l'époque où ces soins ont été dispensés ; - en cas de réponse négative, faire la part entre les conséquences du retard de diagnostic et de traitement ; - procéder à une distinction de ce qui est la conséquence directe de cette ou de ces infection(s) et de ce qui procède de l'état pathologique intercurrent ou d'un éventuel état antérieur ; - se faire communiquer, par les établissements de soins en la cause les protocoles et comptes rendus du Clin, les protocoles d'hygiène et d'asepsie applicables, les enquêtes épidémiologiques effectuées au moment des faits litigieux ; - vérifier si les protocoles applicables ont bien été respectés en l'espèce : dire si la vérification a pu être faite et si les règles de traçabilité ont, à cet effet, été respectées ; - vérifier si un manquement quel qu'il soit, notamment un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en vigueur en matière de lutte contre les infections nosocomiales, peut être relevé à l'encontre de l'établissement de soins concerné ; - préciser si cette infection a pu être à l'origine d'une perte de chances d'éviter le décès 7°) dire si l'état de santé de Mme E a entraîné un déficit fonctionnel temporaire ou partiel résultant de troubles imputables à une ou des fautes commises par les services des différents établissements de santé l'ayant prise en charge et d'en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux ; 8°) de déterminer et de chiffrer l'ensemble des préjudices subis par Mme E et dont ses ayants droits seraient susceptibles de se prévaloir, dissociation faite entre ceux imputables à l'état initial de la patiente et aux soins justifiés par celui-ci et ceux en lien avec les éventuels manquements identifiés ou l'infection nosocomiale éventuellement contractée. Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président du tribunal administratif. Article 3 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative. Article 4 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre M. E, le centre hospitalier universitaire de Bordeaux, la société Clinéa représentant la clinique Cardiocéan, l'ONIAM et la CPAM de la Charente-Maritime. Article 5 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative. Article 6 : L'expert, qui communiquera aux parties un pré-rapport, s'il l'estime utile, avec un délai leur permettant de faire valoir leurs dires avant d'analyser leurs observations dans un rapport définitif, déposera le rapport définitif au greffe en deux exemplaires dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès du tribunal de la date de réception de leur rapport par les parties. Article 7 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président du tribunal liquidera et taxera ces frais et honoraires. Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 9 : La présente ordonnance sera notifiée à M. F E, au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à la société Clinéa représentant la clinique Cardiocéan, à l'ONIAM, à la CPAM de la Charente-Maritime et au docteur B C, expert. Fait à Bordeaux, le 4 octobre 2022. La présidente du tribunal, Juge des référés, Cécile MARILLER La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière,

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