LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 10 mars 2016), que la SCI Y..., propriétaire d'un local donné verbalement à bail dont elle a autorisé la cession le 5 juillet 1995 à M. X... lorsqu'il a acquis le fonds de commerce exploité dans les lieux, l'a assigné en résiliation du bail, lui reprochant de sous-louer les locaux sans autorisation pour l'exercice d'une activité sans rapport avec celle pour laquelle le bail avait été consenti ;
Attendu que la société Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant exactement retenu que l'occupation des locaux par un tiers ne suffisait pas à caractériser une sous-location si n'est pas constatée l'existence d'une contrepartie servie par le sous-locataire au preneur initial, la cour d'appel, qui en a déduit à bon droit que la seule préservation des droits du preneur à l'égard du bailleur ne constituait pas une telle contrepartie et qui a souverainement constaté que la preuve de l'existence d'un loyer ou d'une contrepartie n'était pas rapportée par le bailleur, a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que l'existence d'une sous-location n'était pas établie ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté qu'aucune stipulation ne limitait la nature de l'activité autorisée et relevé que la location avait été consentie pour l'exploitation d'un fonds de commerce de confection de tissus et divers articles, ce qui correspondait à une activité de vente de produits manufacturés, la cour d'appel a souverainement retenu, abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant, que l'activité de vente de produits électroménagers, qui ne nécessitait aucune configuration particulière des lieux ni aménagement, ne contrevenait pas à la destination générale du bail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Y... aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Y... et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP François-Henri Briard, avocat aux Conseils, pour la société Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de résiliation du bail commercial liant la SCI Y... à monsieur X...;
AUX MOTIFS, sur l'occupation des lieux par un tiers, QU'en application de l'article
1709 du code civil le louage de choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix qu'elle s'oblige à payer ; QUE l'article
L. 145-31 du code de commerce prévoit que sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous location totale ou partielle est interdite ; QU'il résulte des pièces produit que les locaux situés 32 rue François de Mahy ont été initialement mis à disposition à titre gratuit pour une activité commerciale et que cette mise à disposition a été faite à titre onéreux à compter du 1er juin 1994 sans qu'un contrat écrit de location ne soit signé entre le propriétaire initial Ismaël Y... et X... directeur de la société Socofrance ; QUE la qualification de bail commercial n'est pas contestée par les parties ; QUE par acte du 05 juillet 1995, la Société Commerciale France Océan Indien a cédé à X... son fonds de commerce comprenant le bail consenti par Ismaël Y...; QUE X... a donné son fonds de commerce en location gérance à deux reprises à compter du 1er janvier 1996 à Okapi 3, puis par acte en date du 13 mai 2003 à Z... et A... pour la période du 1 er juillet 2002 au 30 juin 2003 ; QUE Ismaël Y... et son épouse ont cédé le 15 mars 2012 à la SCI Y... l'immeuble dans lequel est implanté le fonds de commerce ; QU'il est constant et non contesté que X... n'occupe plus les lieux loués lesquels sont occupés par une entité « Home » dont la forme juridique ne ressort d'aucun des éléments du dossier ; QUE les locaux ont donc été mis à la disposition d'un tiers ; QUE cependant la simple mise à disposition et occupation par un tiers de locaux loués ne permet pas de caractériser l'existence dune sous location ; QU'en effet la sous location nécessite la caractérisation du versement d'un loyer ou d'une contrepartie en nature ou en service ; QU'en l'espèce, la preuve de l'existence d'un loyer ou d'une contrepartie n'est pas rapportée, celle-ci ne pouvant être simplement caractérisée par la préservation des droits de X... à l'égard de la SCI Y...; QU'en effet il ne ressort d'aucun des éléments du dossier que l'occupation par l'entité « Home » s'effectuerait contre le paiement d'un loyer ou le versement d'une contrepartie ; QUE par conséquent l'existence d'une sous location, laquelle ne peut seulement résulter de l'occupation des lieux par un tiers, n'est pas établie ; QUE la résiliation du bail ne peut être prononcée sur ce fondement ;
Et AUX MOTIFS, sur la destination du bail, QU'en application de l'article
1728 du code civil le preneur est tenu d'user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention ; QU'en l'espèce le bail initial était verbal et aucune stipulation quant à la nature de l'activité commerciale pouvant être déployée dans les lieux ne peut être opposée à X...; QU'en l'absence de clause il convient de se référer à la commune intention des parties pour déterminer la destination du bail, celle-ci pouvant être établie par la configuration, aménagement et l'affectation matérielle des lieux ; QU'il ressort des pièces qu'initialement entre les parties il n'est fait mention que « d'activité DELAPORTE – BRIARD/ FHB/ DM commerciale » comme cela ressort de l'attestation en date du 27 mai 1994 ; QUE l'acte de cession du fonds de commerce en date du 05 juillet 1995 auquel est intervenu le propriétaire de l'immeuble, ne précise pas la nature du commerce exploité dans le fonds cédé ; QUE la commune intention des parties ne ressort dés lors pas des conventions produites ;
QUE l'extrait du registre du commerce de X... fait apparaître qu'il exerce dans l'établissement situé 32 rue François Mahy une activité de commerce de confection, de tissus et divers articles depuis le 25 juillet 1995 ; ; QUE le contrat de location gérance en date du 12 mai 2003 fait apparaître que la location a été consentie pour un fonds de commerce de confection de tissus et divers articles ; QUE l'activité ainsi déployée est une activité de revente de produits manufacturés ; QU'aucune configuration particulière des lieux n'est nécessaire pour ce type d'activité ; QU'il n'est justifié d'aucun aménagement particulier ni d'affectation matérielle particulière ; QUE par conséquent la revente de produits manufacturés électroménagers ne contrevient pas au cas d'espèce à la destination générale du bail ;
QUE dés lors les dispositions de l'article L 145-48 du code du commerce ne peuvent être utilement invoquées à l'appui de la demande de résiliation du bail ; QU'il résulte de l'ensemble de ces motifs que la décision déférée sera infirmée et la demande de résiliation rejetée ;
ALORS d'une part QUE celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; QU'en conséquence, pour échapper à la résiliation de son bail pour sous location prohibée, il appartient au locataire de démontrer que l'occupation à laquelle il a consenti sur les lieux loués est gratuite ; QUE pour refuser de prononcer la résiliation du bail liant la SCI Y... à monsieur X... pour sous location prohibée, les juges du fond ont considéré que les éléments versés aux débats n'établissaient pas que l'occupation des lieux loués par l'entité Home « s'effectuerait contre le paiement d'un loyer ou le versement d'une contrepartie » ; QU'en statuant ainsi, après s'être bornés à relever que « les lieux loués (sont) occupés par une entité ‘ Home'dont la forme juridique ne ressort d'aucun des éléments du dossier », ce dont il résulte que le locataire n'avait aucunement justifié des conditions de l'occupation des lieux qu'il avait prétendument consentie et, partant, de son caractère gratuit, la cour d'appel a violé par fausse application l'article
1353 du Code civil (ancien article 1315 du dit Code alors applicable) ;
ALORS d'autre part, concomitamment, QU'en ne mentionnant pas davantage en quoi les seuls éléments produits par monsieur X... à l'appui de l'occupation qu'il aurait autorisée à compter du 1er septembre 2011 apportaient la preuve de sa gratuité – qu'il s'agisse, d'une part, de l'extrait du RCS du 28 mars 2013 indiquant que son fonds de commerce était donné en location gérance à compter du 08 mars 2004, d'autre part, dudit acte de location gérance du 12 mai 2003, enfin, de son acte de résiliation du 1er juin 2011, tous trois sans rapport avec la prétendue occupation à titre gratuit qui leur est postérieure – les juges du fond n'ont pas mis la cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ; QU'en statuant ainsi, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1353 du Code civil (ancien article 1315 du dit Code alors applicable) ;
ALORS de troisième part QUE la sous-location est établie dès lors que la preuve est rapportée de ce que la jouissance de tout ou partie du bien loué a été accordée moyennant une contrepartie, en nature, en espèce ou en services ; QU'la perpétuation du fonds de commerce par l'occupant, au lieu et place du locataire, peut constituer la contrepartie caractérisant la sous-location ; QU'en exigeant cependant une contrepartie ‘ positive'à l'occupation des lieux loués par l'entité ‘ Home +', par le biais du « paiement d'un loyer » ou « du versement d'une contrepartie » et en niant ainsi par principe que la « préservation des droits de X... à l'égard de la SCI Y...» résultant de cette occupation pouvait constituer la contrepartie caractérisant la sous-location prohibée, la cour a violé, ensemble, l'article
1709 du Code civil et l'article 21 du décret du 30 septembre 1953 ;
ALORS de quatrième part, subsidiaire, QUE pour dire que les dispositions de l'article L 145-48 du code du commerce ne peuvent être davantage invoquées à l'appui de la demande de résiliation du bail, la revente de produits manufacturés électroménagers par l'occupant des lieux loués ne contrevenant pas à la destination générale du bail, l'arrêt infirmatif a cru pouvoir relever que « l'acte de cession du fonds de commerce en date du 5 juillet 1995, auquel est intervenu le propriétaire de l'immeuble, ne précise pas la nature du commerce exploité dans le fonds cédé » et qu'ainsi « la commune intention des parties ne ressort dès lors pas des conventions produites » ; QU'en statuant ainsi, nonobstant les mentions claires et précises de cet acte de cession du fonds de commerce du 5 juillet 1995 auquel était intervenu le bailleur qui l'agréait, qui indiquaient que le fonds de commerce cédé était « un fonds de commerce de confections, de tissus et divers articles » (acte p. 2 in fine), la cour a dénaturé ces dernières, en violation de l'article
1103 du Code civil (ancien article 1134 du dit Code alors applicable).