Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 2022, 20-17.541

Synthèse

Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2022-01-12
Cour d'appel de Riom
2020-05-26

Texte intégral

SOC. LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 12 janvier 2022 Rejet Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 43 F-D Pourvoi n° E 20-17.541 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JANVIER 2022 La société Michelin air services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-17.541 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2020 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [Y] [U], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 4], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Michelin air services, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [U], après débats en l'audience publique du 16 novembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 26 mai 2020), Mme [U] a été engagée à compter du 5 juillet 2012, en qualité d'officier pilote de ligne, par la société Michelin air services, compagnie aérienne basée à l'aéroport de [Localité 3], appartenant au groupe Michelin. 2. Déclarée inapte par le médecin du travail le 2 juin 2017 en une seule visite dans ces termes : « Inapte définitif au poste de pilote de ligne. L'état de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », elle a été licenciée le 27 juin 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. 3. Elle a saisi la juridiction prud'homale pour voir déclarer son licenciement nul.

Examen du moyen



Enoncé du moyen

4.L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée la somme globale de 400 000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour la salariée d'un licenciement nul, alors : « 1°/ que les dispositions du Livre IV du code de la sécurité sociale instituent un régime de réparation spécifique, dérogatoire au droit commun, pour les accidents du travail, les accidents de trajet et les maladies professionnelles ; qu'en conséquence si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice afférent à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal statuant sur le contentieux de sécurité sociale (à l'époque du présent litige le tribunal des affaires de sécurité sociale) l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle (AT/MP) ; qu'à ce titre, même en présence d'un licenciement nul, l'indemnisation de la perte de gain professionnel et du préjudice de carrière postérieur à la rupture du contrat de travail relève de la seule compétence du juge de la sécurité sociale lorsqu'ils sont considérés comme consécutifs à une inaptitude engendrée par une dépression réactionnelle à l'emploi du salarié ; que dans ses conclusions d'appel Mme [U] a assorti ses demandes de dommages intérêts au titre de la rupture de son contrat (à hauteur de 56 600 €), de demandes d''indemnisation de la « perte de licence [de pilote] » (à hauteur de 100 000 €) et de « l'impossibilité de se reclasser dans le métier qui était le sien (perte d'une carrière entière de pilote de ligne) » (à hauteur de 1 344 000 €) ; que ces demandes -distinctes de l'indemnisation des conditions d'exécution et de rupture du contrat de travail (notamment des demandes d'indemnisation pour licenciement nul, harcèlement, discrimination et atteinte à l'obligation de sécurité)- visaient à l'indemnisation d'un préjudice de carrière et de perte de gains professionnels, postérieur à la rupture du contrat de travail, lié, selon la salariée, à son inaptitude à l'emploi de pilote d'avion provoquée par sa dépression nerveuse réactionnelle à son emploi et à la faute de l'employeur ; qu'il s'agissait de demandes d'indemnisation d'un préjudice professionnel dû à une maladie professionnelle ou un accident du travail (dépression réactionnelle à l'emploi), relevant de la compétence de la juridiction de sécurité sociale et de la réparation spécifique prévue par le régime des AT/MP ; qu'en accordant néanmoins à la salariée la somme globale de 400 000 euros, « à titre de dommages-intérêts, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour la salariée d'un licenciement nul » -indemnisation qui intégrait la réparation du licenciement, mais également les préjudices de carrière et de perte de gains professionnels relevant de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale-, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1, L. 451-1, L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale et L. 1411-1 à L. 1411-4 du code du travail ; 2°/ que la compétence de la juridiction de sécurité sociale est d'ordre public et n'est pas conditionnée par l'engagement par le salarié d'une action en reconnaissance d'un AT/MP ou d'une faute inexcusable de l'employeur ; que la dépression réactionnelle au travail causée par une faute de l'employeur et ayant engendré une inaptitude constitue un accident du travail ou une maladie professionnelle au sens de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale ; que l'absence de saisine de la CPAM et de la juridiction de sécurité sociale en reconnaissance d'un AT/MP et/ou l'absence subséquente d'indemnisation du salarié à ce titre ne donnent pas compétence à la juridiction prud'homale pour statuer sur de telles demandes relevant du livre IV du code de la sécurité sociale ; qu' en cas d'établissement d'un lien entre la dépression de la salariée ayant causé son inaptitude au pilotage et son emploi au sein de la société Michelin air services, l'indemnisation des conséquences de cette pathologie sur sa carrière de pilote et sur ses potentielles pertes de gains futurs relevait de la réparation spécifique prévue par le régime des AT/MP ; qu'en se fondant néanmoins sur l'absence d'action de la salariée devant la CPAM et la juridiction de sécurité sociale, et sur son absence d'indemnisation à ce titre, pour se considérer compétente pour indemniser les préjudices de perte de licence et de perte de gains professionnels engendrés, selon l'arrêt, par la dépression réactionnelle de la salariée à son emploi et l'inaptitude en résultant, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1, L. 451-1, L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale et L. 1411-1 à L. 1411-4 du code du travail ; 3°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que selon l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale relève du régime des AT/MP la demande du salarié en réparation « du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle » lié à une pathologie causée par son emploi et la faute de l'employeur ; que pour se déclarer compétente pour indemniser le préjudice de carrière et de perte de gain professionnel de la salariée la cour d'appel a cependant retenu que « [la salariée] ne sollicite pas une prise en charge ou une réparation de préjudices au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle » et que « Mme [U] ne réclame pas des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle mais des dommages-intérêts pour licenciement nul au motif que par son manquement à ses obligations en matière de harcèlement et de discrimination, l'employeur est à l'origine de son licenciement pour inaptitude, ce qui relève de la compétence du juge prud'homal » ; qu'en se fondant sur la qualification donnée par la salariée à ses demandes pour se déclarer compétente, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations, d'une part, que la dépression et l'inaptitude de Mme [U] étaient, selon elle, réactionnelles à son emploi et à la faute de l'employeur et, d'autre part, que la salariée sollicitait, en plus de l'indemnisation de la rupture du contrat, l'indemnisation de préjudices de carrière et de perte de gains professionnels, ce dont il s'induisait que ces demandes relevaient de la réparation spécifique prévue par le régime des AT/MP quelle que soit la qualification donnée par la salariée, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ; 4°/ qu'en retenant qu'il n'y avait pas lieu « de différencier préjudice pour rupture abusive du contrat de travail, préjudice pour perte de licence et perte de chance ou incidence professionnelle », cependant que la demande de la salariée en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive de son contrat de travail relevait de la compétence du conseil de prud'hommes et se distinguait des demandes au titre du préjudice de carrière et de perte de gain professionnel qui visaient elles à indemniser la période ultérieure à la rupture du contrat de travail et relevaient à ce titre de la compétence du tribunal des affaires de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 142-1, L. 451-1, L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale et L. 1411-1 à L. 1411-4 du code du travail ; 5°/ que les demandes d'indemnisation « de la perte de licence subie du fait des agissements fautifs de l'employeur » (100 000 €) et de « l'impossibilité de se reclasser dans le métier qui était le sien (perte d'une carrière entière de pilote de ligne) » (1 344 000 €) ne visaient pas à réparer le licenciement nul, c'est à dire la perte d'emploi et la rupture abusive du contrat, mais le préjudice de carrière et de perte de gain au titre de la période ultérieure à la rupture du contrat ; qu'en décidant au contraire qu'il n'y avait pas lieu « de différencier préjudice pour rupture abusive du contrat de travail, préjudice pour perte de licence et perte de chance ou incidence professionnelle » et en accordant à la salariée « la somme globale de 400 000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour la salariée d'un licenciement nul », la cour d'appel a dénaturé le dispositif des conclusions d'appel de Mme [U] en violation de son obligation de ne pas dénaturer les écrits versés aux débats ; 6°/ que dans ses conclusions d'appel, Mme [U] sollicitait de manière séparée la somme de 56 600 € au titre de la rupture abusive du contrat de travail et les sommes de 100 000 € « en réparation de la perte de licence subie du fait des agissements fautifs de l'employeur » et de 1 344 000 € « indemnisant l'impossibilité de se reclasser dans le métier qui était le sien (perte d'une carrière entière de pilote de ligne) » ; que c'est donc en méconnaissance des termes du litige et en violation de l'article 4 du code de procédure civile, qu'il a été accordé par la cour d'appel à la salariée « la somme globale de 400 000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour la salariée d'un licenciement nul », cependant que les demandes de la salariée au titre de la rupture de son contrat de travail ne dépassaient pas la somme de 56 600 € ; 7°/ que la salariée sollicitait la somme de 56 600 € en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat de travail ; qu'en lui accordant néanmoins la somme de 400 000 € « en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour la salariée d'un licenciement nul », la cour d'appel a statué ultra petita, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Ayant constaté qu'aucune déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle n'avait été faite concernant la salariée, qu'aucune instance n'était pendante devant une juridiction de la sécurité sociale et que la salariée ne sollicitait pas l'indemnisation de dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle mais demandait la réparation du préjudice consécutif à la nullité de son licenciement, au motif que la discrimination à raison du sexe et le harcèlement subis étaient à l'origine de son inaptitude, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle était compétente pour réparer ce préjudice dont elle a, restituant à l'ensemble des demandes leur exacte qualification, évalué souverainement le montant dans les limites de la somme globale réclamée par la salariée. 6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS

, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Michelin air services aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Michelin air services et la condamne à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Michelin air services Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société MICHELIN AIR SERVICES à payer Mme [U] la somme globale de 400.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour la salariée d'un licenciement nul et d'AVOIR débouté la société MICHELIN AIR SERVICES de ses demandes plus amples ou contraires ; AUX MOTIFS QU' « il n'est pas contesté en l'espèce qu'aucune déclaration d'accident du travail ou de maladie professionnelle n'a été faite concernant Mme [U] et qu'aucune instance n'est pendante devant une juridiction de la sécurité sociale dans ce cadre. La CPAM atteste que Mme [U] n'a jamais perçu de rente accident du travail ou de pension d'invalidité. Mme [U] soutient que la situation d'inaptitude qui a fondé son licenciement est imputable aux faits de discrimination à raison du sexe, de harcèlement moral et de harcèlement sexuel dont elle a été victime dans le cadre de l'exécution du contrat de travail la liant à la société MAS, qu'en conséquence son licenciement est nul et qu'elle a droit à la réparation intégrale du préjudice subi. Elle ne sollicite pas une prise en charge ou une réparation de préjudices au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Mme [U] expose qu'elle était en parfaite santé lorsqu'elle a été recrutée par la société MAS, qu'elle avait toujours été jugée apte par la DGAC depuis 2005, sans la moindre restriction, qu'avant d'être arrêtée pour dépression en lien avec ses conditions de travail à compter du 21 avril 2016, elle n'avait aucun antécédent médical particulier, encore moins d'antécédents psychologiques ou psychiatriques. Depuis que Mme [U] a été déclarée inapte définitivement par la DGAC, elle n'a, en guise de formation à faire valoir auprès de recruteurs potentiels, outre sa formation de pilote, qu'un DEUG d'italien et aucune expérience à faire valoir en dehors de l'aéronautique. Elle indique n'avoir, à ce jour, toujours pas retrouvé d'emploi. Elle fait valoir qu'aucune perspective sérieuse ne s'ouvre à elle, que depuis son licenciement, elle n'a eu d'autre choix que de retourner chez ses parents et de mettre ponctuellement son appartement en location afin de conserver ce dernier. Mme [U] soutient qu'elle n'a pas perdu qu'un emploi mais son métier, et donc sa carrière de pilote, et ce à seulement 34 ans. Mme [U] expose qu'elle a investi 100.000 euros pour devenir pilote mais a perdu sa licence du fait des manquements de l'employeur. Elle ajoute que le défaut d'information par l'employeur sur les garanties qu'il a souscrites pour son compte lui a définitivement fait perdre toute réparation du fait de cette perte de sa licence. Elle affirme avoir perdu toute chance de retrouver un emploi d'officier pilote de ligne du fait des manquements de son employeur, qui ont engendré son inaptitude et donc son licenciement. Elle demande l'indemnisation de sa perte de chance de retrouver un emploi, ou plutôt de son impossibilité de se reclasser dans l'emploi de pilote qui était le sien. Elle souligne que du fait des manquements commis par son employeur, elle ne pourra plus jamais exercer son métier de pilote de ligne (les compagnies demandant les états de vol des postulants au cours des derniers mois), ni devenir commandant de bord comme elle l'espérait. En l'espèce, les éléments médicaux susvisés ainsi que les nombreuses attestations précitées, concordantes sur ce point, établissent que l'état de santé de Mme [U], qui ne présentait aucun signe de pathologie auparavant, s'est dégradé à partir du moment où elle a été victime de faits de harcèlement et de discrimination imputables à l'employeur. Le grave syndrome dépressif dont Mme [U] a été victime, qui a conduit à un arrêt quasi continu de travail pour cause de maladie à compter du 21 avril 2016 puis à une déclaration d'inaptitude définitive à son emploi de pilote de ligne au sein de la société MAS sans possibilité de reclassement, est en lien avec les faits de harcèlement et de discrimination et les manquements de l'employeur dans ce cadre. En conséquence, la rupture du contrat de travail de Mme [U] résultant de faits de harcèlement et de discrimination imputables à la SAS MICHELIN AIR SERVICES, agissements qui sont en lien avec l'inaptitude définitive de l'intimée à son emploi de pilote de ligne sans possibilité de reclassement, le licenciement prononcé à l'encontre de la salariée produit les effets d'un licenciement nul. Le licenciement de Mme [U] sera donc jugé nul. Le jugement sera réformé sur ce point. Mme [U] ne réclame pas des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle mais des dommages-intérêts pour licenciement nul au motif que par son manquement à ses obligations en matière de harcèlement et de discrimination, l'employeur est à l'origine de son licenciement pour inaptitude, ce qui relève de la compétence du juge prud'homal. Alors qu'il est établi que les faits de harcèlement, moral et sexuel, ainsi que de discrimination en raison de son sexe, subis par la salariée sont à l'origine de son inaptitude et d'une rupture abusive du contrat de travail, Mme [U] a droit à la réparation intégrale des préjudices subis, y compris celui lié à la perte d'emploi, et ce au regard des manquements de l'employeur ayant conduit à juger nul le licenciement de l'intimée. Il ne s'agit nullement pour la cour de reconnaître l'existence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ou de statuer sur les préjudices couverts par la législation de la sécurité sociale pas plus que sur une réparation de préjudices prévue par le code de la sécurité sociale en cas de faute inexcusable ou intentionnelle de l'employeur. Selon le certificat de travail, Mme [U] a été employée en qualité de pilote par la SAS MICHELIN AIR SERVICES du 5 juillet 2012 au 30 juin 2017. Mme [U] a perçu en juillet 2017 une indemnité de licenciement d'un montant de 10.277,23 euros, en avril 2018 une indemnité de licenciement d'un montant de 13.030,77 euros, soit la somme totale de 23.308 euros. Selon une attestation des parents de l'intimée en date du 23 septembre 2018, ceux-ci hébergent à titre gratuit Mme [U]. Après son licenciement, Mme [U] a bénéficié d'allocations versées par Pôle Emploi. Elle a été admise au bénéfice du RSA à compter de septembre 2019. S'agissant des conséquences du licenciement nul, la cour estime que le premier juge a fait une exacte appréciation des montants de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis qui sont dus à Mme [U]. La décision déférée sera confirmée sur ces points. S'agissant du préjudice subi par Mme [U], âgée de 33 ans au moment du licenciement (37 ans désormais), lié à une perte d'emploi qualifiée de licenciement nul et intervenue dans les conditions précitées, en relation avec des manquements graves de l'employeur à ses obligations, notamment en matière de harcèlement et de discrimination, celui-ci est particulièrement lourd. Outre la perte d'un emploi stable de pilote de ligne, valorisant socialement et très favorablement rémunéré, qui correspondait également aux aspirations et passions de l'intimée, Mme [U] a perdu sa licence de vol dont l'obtention avait nécessité un investissement financier important, mais également des perspectives d'emploi. Il n'est pas démontré que Mme [U] ne soit pas en mesure dans l'avenir de retrouver un emploi rémunérateur, dans le secteur aérien ou dans un autre secteur, compte tenu de ses qualités, diplômes, compétences et expériences. Toutefois, ses chances de pouvoir exercer à nouveau le métier de pilote, notamment dans le transport public de passagers, sont considérablement réduites compte tenu des problèmes médicaux dont elle a souffert en relation avec les faits de harcèlement et de discrimination, et ce vu la rigueur des contrôles actuels sur les antécédents médicaux, particulièrement s'agissant de la santé mentale ou psychique, des aspirants ou candidats au métier de pilote d'avion. Compte tenu des éléments d'appréciation dont la cour dispose, une somme de 400.000 euros sera allouée, à titre de dommages-intérêts, à Mme [U] au titre de la réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour la salariée d'un licenciement nul dans les circonstances précitées, et ce sans qu'il y ait lieu, comme l'a fait le conseil de prud'hommes, de différencier préjudice pour rupture abusive du contrat de travail, préjudice pour perte de licence et perte de chance ou incidence professionnelle » ; 1. ALORS QUE les dispositions du Livre IV du code de la sécurité sociale instituent un régime de réparation spécifique, dérogatoire au droit commun, pour les accidents du travail, les accidents de trajet et les maladies professionnelles ; qu'en conséquence si la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître d'un litige relatif à l'indemnisation d'un préjudice afférent à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du tribunal statuant sur le contentieux de sécurité sociale (à l'époque du présent litige le tribunal des affaires de sécurité sociale) l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle (AT/MP) ; qu'à ce titre, même en présence d'un licenciement nul, l'indemnisation de la perte de gain professionnel et du préjudice de carrière postérieur à la rupture du contrat de travail relève de la seule compétence du juge de la sécurité sociale lorsqu'ils sont considérés comme consécutifs à une inaptitude engendrée par une dépression réactionnelle à l'emploi du salarié ; que dans ses conclusions d'appel Mme [U] a assorti ses demandes de dommages intérêts au titre de la rupture de son contrat (à hauteur de 56.600 €), de demandes d''indemnisation de la « perte de licence [de pilote] » (à hauteur de 100.000 €) et de « l'impossibilité de se reclasser dans le métier qui était le sien (perte d'une carrière entière de pilote de ligne) » (à hauteur de 1.344.000 €) ; que ces demandes -distinctes de l'indemnisation des conditions d'exécution et de rupture du contrat de travail (notamment des demandes d'indemnisation pour licenciement nul, harcèlement, discrimination et atteinte à l'obligation de sécurité)- visaient à l'indemnisation d'un préjudice de carrière et de perte de gains professionnels, postérieur à la rupture du contrat de travail, lié, selon la salariée, à son inaptitude à l'emploi de pilote d'avion provoquée par sa dépression nerveuse réactionnelle à son emploi et à la faute de l'employeur ; qu'il s'agissait de demandes d'indemnisation d'un préjudice professionnel dû à une maladie professionnelle ou un accident du travail (dépression réactionnelle à l'emploi), relevant de la compétence de la juridiction de sécurité sociale et de la réparation spécifique prévue par le régime des AT/MP ; qu'en accordant néanmoins à la salariée la somme globale de 400.000 euros, « à titre de dommages-intérêts, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour la salariée d'un licenciement nul » -indemnisation qui intégrait la réparation du licenciement, mais également les préjudices de carrière et de perte de gains professionnels relevant de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale-, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1, L. 451-1, L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale et L. 1411-1 à L. 1411-4 du code du travail ; 2. ALORS QUE la compétence de la juridiction de sécurité sociale est d'ordre public et n'est pas conditionnée par l'engagement par le salarié d'une action en reconnaissance d'un AT/MP ou d'une faute inexcusable de l'employeur ; que la dépression réactionnelle au travail causée par une faute de l'employeur et ayant engendré une inaptitude constitue un accident du travail ou une maladie professionnelle au sens de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale ; que l'absence de saisine de la CPAM et de la juridiction de sécurité sociale en reconnaissance d'un AT/MP et/ou l'absence subséquente d'indemnisation du salarié à ce titre ne donnent pas compétence à la juridiction prud'homale pour statuer sur de telles demandes relevant du livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'en cas d'établissement d'un lien entre la dépression de la salariée ayant causé son inaptitude au pilotage et son emploi au sein de la société MICHELIN AIR SERVICES, l'indemnisation des conséquences de cette pathologie sur sa carrière de pilote et sur ses potentielles pertes de gains futurs relevait de la réparation spécifique prévue par le régime des AT/MP ; qu'en se fondant néanmoins sur l'absence d'action de la salariée devant la CPAM et la juridiction de sécurité sociale, et sur son absence d'indemnisation à ce titre, pour se considérer compétente pour indemniser les préjudices de perte de licence et de perte de gains professionnels engendrés, selon l'arrêt, par la dépression réactionnelle de la salariée à son emploi et l'inaptitude en résultant, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1, L. 451-1, L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale et L. 1411-1 à L. 1411-4 du code du travail ; 3. ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que selon l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale relève du régime des AT/MP la demande du salarié en réparation « du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle » lié à une pathologie causée par son emploi et la faute de l'employeur ; que pour se déclarer compétente pour indemniser le préjudice de carrière et de perte de gain professionnel de la salariée la cour d'appel a cependant retenu que « [la salariée] ne sollicite pas une prise en charge ou une réparation de préjudices au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle » (arrêt p. 41 dernier §) et que « Mme [U] ne réclame pas des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle mais des dommages-intérêts pour licenciement nul au motif que par son manquement à ses obligations en matière de harcèlement et de discrimination, l'employeur est à l'origine de son licenciement pour inaptitude, ce qui relève de la compétence du juge prud'homal » (arrêt p. 43 § 2) ; qu'en se fondant sur la qualification donnée par la salariée à ses demandes pour se déclarer compétente, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations, d'une part, que la dépression et l'inaptitude de Mme [U] étaient, selon elle, réactionnelles à son emploi et à la faute de l'employeur et, d'autre part, que la salariée sollicitait, en plus de l'indemnisation de la rupture du contrat, l'indemnisation de préjudices de carrière et de perte de gains professionnels, ce dont il s'induisait que ces demandes relevaient de la réparation spécifique prévue par le régime des AT/MP quelle que soit la qualification donnée par la salariée, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ; 4. ALORS QU'en retenant qu'il n'y avait pas lieu « de différencier préjudice pour rupture abusive du contrat de travail, préjudice pour perte de licence et perte de chance ou incidence professionnelle » (arrêt p. 44 § 3), cependant que la demande de la salariée en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive de son contrat de travail relevait de la compétence du conseil de prud'hommes et se distinguait des demandes au titre du préjudice de carrière et de perte de gain professionnel qui visaient elles à indemniser la période ultérieure à la rupture du contrat de travail et relevaient à ce titre de la compétence du tribunal des affaires de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 142-1, L. 451-1, L. 452-1, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale et L. 1411-1 à L. 1411-4 du code du travail ; 5. ALORS QUE les demandes d'indemnisation « de la perte de licence subie du fait des agissements fautifs de l'employeur » (100.000 €) et de « l'impossibilité de se reclasser dans le métier qui était le sien (perte d'une carrière entière de pilote de ligne) » (1.344.000 €) (voir dispositif des conclusions d'appel de la salariée) ne visaient pas à réparer le licenciement nul, c'est à dire la perte d'emploi et la rupture abusive du contrat, mais le préjudice de carrière et de perte de gain au titre de la période ultérieure à la rupture du contrat ; qu'en décidant au contraire qu'il n'y avait pas lieu « de différencier préjudice pour rupture abusive du contrat de travail, préjudice pour perte de licence et perte de chance ou incidence professionnelle » (arrêt p. 44 § 3) et en accordant à la salariée « la somme globale de 400.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour la salariée d'un licenciement nul », la cour d'appel a dénaturé le dispositif des conclusions d'appel de Mme [U] en violation de son obligation de ne pas dénaturer les écrits versés aux débats ; 6. ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Mme [U] sollicitait de manière séparée la somme de 56.600 € au titre de la rupture abusive du contrat de travail et les sommes de 100.000 € « en réparation de la perte de licence subie du fait des agissements fautifs de l'employeur » et de 1.344.000 € « indemnisant l'impossibilité de se reclasser dans le métier qui était le sien (perte d'une carrière entière de pilote de ligne) » ; que c'est donc en méconnaissance des termes du litige et en violation de l'article 4 du code de procédure civile, qu'il a été accordé par la cour d'appel à la salariée « la somme globale de 400.000 euros, à titre de dommages-intérêts, en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour la salariée d'un licenciement nul », cependant que les demandes de la salariée au titre de la rupture de son contrat de travail ne dépassaient pas la somme de 56.600 € ; 7. ALORS QUE la salariée sollicitait la somme de 56.600 € en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat de travail ; qu'en lui accordant néanmoins la somme de 400.000 € « en réparation de l'ensemble des préjudices résultant pour la salariée d'un licenciement nul », la cour d'appel a statué ultra petita, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.