COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT
AU FOND
DU 27 OCTOBRE 2022
N°2022/767
Rôle N° RG 21/00786 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BGZTD
S.A.R.L. [4]
C/
CPAM DES ALPES-MARITIMES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d'Aix en Provence
- CPAM DES ALPES MARITIMES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de MARSEILLE en date du 16 Décembre 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 19/00711.
APPELANTE
S.A.R.L. [4]
Demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
CPAM DES ALPES-MARITIMES
Demeurant [Adresse 5]
non comparante, ni représentée
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article
945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Aurore COMBERTON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2022.
ARRÊT
par décision réputée contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2022
Signé par Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre et Madame Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [I] [J] a régularisé le 17 septembre 2009 une déclaration d'accident du travail survenu le 15 septembre précédent alors qu'il était salarié de la SARL [4] en qualité de responsable de point de vente en télécommunication, le certificat médical initial, établi le 17 septembre 2009, mentionnant une "entorse cheville gauche".
Par décision, notifiée à l'employeur le 7 août 2018, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes a fixé le taux d'incapacité permanente partielle de M. [J] à 30% à compter du 1er mai 2018 pour "séquelles de contusion de la cheville gauche avec entorse grave LLI multi-opérée avec en particulier complication post-opératoire type de fibrose, nécessite libération des adhérences des tendons extenseurs des orteils pied gauche. Evolution clinique traînante, difficile avec symtomatologie douloureuse séquellaire neuropathique du pied, avec à l'électromyographique une atteinte SPE fibulaire superficiel sural objectivée. Les séquelles sont une mobilisation active pied cheville quasi nulle et appui monopodal déclaré impossible et la nécessité du port d'une orthèse anti-équin. Par contre il n'existe aucune amyotrophie du mollet ou du quadriceps ou de la cheville gauche".
Par courrier recommandé expédié le 27 août 2018, la société a contesté cette décision devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Marseille, désormais pôle social du tribunal judiciaire de Marseille.
Après consultation du docteur [U], par jugement du 16 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a :
- déclaré recevable le recours de la société [4],
- dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [4] et attribué à M. [I] [J] suite à son accident du travail du 15 septembre 2009 est de 30 %,
- débouté les parties de toute autre demande,
- condamné la société [4] aux dépens, à l'exception des frais de consultation médicale,
- dit que les frais de consultation médicale seront supportés par la caisse nationale d'assurance maladie.
Par acte du 18 janvier 2021, la SARL [4] a interjeté appel dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.
Par conclusions déposées à l'audience, auxquelles elle s'est référée, l'appelante a demandé à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire pôle social de Marseille du 16 décembre 2020 en ce qu'il :
« [']
- dit que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [4] et attribué à monsieur [I] [J] suite à son accident du travail du 15 septembre 2009 est de 30 % ;
- déboute les parties de toute autre demande ;
condamne la société [4] aux dépens, à l'exception des frais de consultation médicale ;'
- juger que le taux d'IPP de 30 % retenu par la CPAM n'est pas adéquat compte tenu des séquelles de M. [J],
- déclarer que le taux d'incapacité permanente résultant de l'accident du travail du 15 septembre 2009 de M. [J], initialement fixé par la CPAM à 30 % est surévalué et doit être réévalué, en considération des séquelles de M. [J], à 5 % et en tirer toutes les conséquences,
- fixer le taux d'incapacité permanente de M. [J] conformément aux séquelles afférentes, à un taux de 5 %,
- déclarer le taux de 5 % seul opposable,
- condamner la CPAM au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SELARL Lex avoué [Localité 2], avocats aux offres de droit.
Au soutien de ses prétentions, la société appelante s'est fondée sur l'article
L.434-2 du code de la sécurité sociale, sur le barème d'invalidité en son point 2.2.5 relatif aux articulations du pied, sur l'avis médical du docteur [Y] en date du 19 octobre 2020 qui fixe le taux d'incapacité permanente partielle de M. [J] à la suite de son accident du travail à 5%, ainsi que sur la consultation du docteur [U] qui indique au tribunal de première instance que 'l'imputabilité à l'accident du travail initial est largement contestable'.
La CPAM des Alpes-Maritimes a déposé les conclusions auxquelles elle s'est référée à l'audience, et a demandé la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et le débouté de la société appelante.
Au soutien de ses prétentions, la CPAM s'est fondée sur les articles
L.434-2 et
R.434-32 du code de la sécurité sociale, sur le caractère indicatif des barèmes d'invalidité et sur le principe jurisprudentiel posé par la [3] de la nécessité de se prononcer sur les séquelles imputables à l'accident du travail à la date de la consolidation sans remise en cause possible du caractère professionnel des séquelles.
Elle considère que les séquelles constatées par son médecin conseil à la date de la consolidation correspondent à une impotence fonctionnelle du membre inférieur gauche objectivée par électromyogramme et une raideur de la cheville gauche opérée à 8 reprises, à des douleurs importantes, l'absence d'appui du pied gauche, une marche avec deux cannes anglaises et le port d'une orthèse anti équin qui justifie la fixation du taux d'IPP à 30%.
Elle ajoute que dès lors que la société n'a pas contesté l'imputabilité des lésions dans le cadre du contentieux général, la juridiction de contentieux technique doit se prononcer uniquement sur le taux d'incapacité permanente partielle au regard des séquelles constatées.
Par arrêt avant-dire droit en date du 18 juin 2021, la présente cour a ordonné une consultation et commis pour y procéder le docteur [V] [W] afin de déterminer, au regard du barème indicatif d'invalidité accident du travail, quelles sont les séquelles résultant des lésions consécutives à l'accident du travail dont M. [I] [J] a été victime le 15 septembre 2009 et à quel taux d'incapacité permanente partielle elles correspondent à la date de consolidation du 30 avril 2018.
L'expert a rendu son rapport le 24 septembre 2021.
A l'audience du 29 septembre 2022, l'appelante se réfère aux conclusions notifiées par RPVA le 30 novembre 2021 pour l'audience du 17 mars 2022. Elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Marseille du 16 décembre 2020,
- juger que le taux d'IPP de 30 % retenu par la CPAM n'est pas adéquat compte tenu des séquelles de M. [J],
- dire que le taux d'IPP résultant de l'accident du travail du 15 septembre 2009 de M. [J], initialement fixé par la CPAM à 30 % est surévalué et doit être réévalué, en considération des séquelles de M. [J], à 8 % et en tirer toutes les conséquences,
- fixer le taux d'IPP de M. [J] conformément aux séquelles afférentes, à un taux de 8 %,
- juger le taux de 8 % seul opposable,
- condamner M. [J] à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la Selarl Lexavoue Aix-en-provence, avocats aux offres de droit.
Au soutien de ses prétentions, elle se fonde sur le barème d'invalidité en son point 2.2.5 relatif aux articulations du pied, sur le rapport de son médecin conseil, le docteur [Y], en date du 19 octobre 2020 et sur le rapport de consultation du docteur [W] pour faire valoir que les séquelles présentées par son salarié à la suite de l'accident du 15 septembre 2009 consistant dans une petite limitation de la mobilité des articulations tibio-talienne et sous-talienne, permettent de fixer le taux d'incapacité permanente partielle opposable à 8 %.
La caisse primaire d'assurance maladie pourtant oralement informée de la date d'audience à laquelle il était renvoyé le 17 mars 2022 pour permettre à la partie appelante de répliquer aux conclusions déposées par la caisse le jour même, n'a pas comparu.
Il sera donc statué en l'état des conclusions de la caisse reprises oralement antérieurement à l'arrêt avant-dire droit.
Il convient de se reporter aux écritures des parties reprises oralement aux audiences pour un plus ample exposé du litige.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article
L.434-2 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
Le taux d'incapacité permanente partielle doit s'apprécier à la date de consolidation du 30 avril 2018.
Seules les séquelles résultant des lésions consécutives à l'accident du travail pris en charge par la caisse primaire doivent être prises en compte pour l'évaluation du taux d'incapacité permanente attribué à la victime en application de l'article
L. 434-2 du code de la sécurité sociale.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise du docteur [W] rendu le 24 septembre 2021, que
le certificat médical initial du 15 septembre 2009 visait une entorse de la cheville gauche nécessitant une attelle durant trois mois et le port d'une botte durant un mois, qu'un arthroscanner de la cheville gauche était réalisé le 2 juillet 2010 pour des douleurs séquellaires, et qu'une guérison administrative était notifiée le 31 juillet 2010.
Il en résulte encore qu'un arrêt de travail était prescrit à compter du 16 septembre 2010, qu'une IRM était réalisée le 15 novembre 2010 pour persistance de douleurs sur une entorse sévère et un oedème chronique, et que plusieurs interventions chirurgicales sur la cheville gauche ont été rendues nécessaires par une rupture du ligament tibio-fibulaire antérieur et une évolution difficile avec symptomatologie neuropathique séquellaire en 2011, 2012, 2014, 2015, ainsi que la mise en place d'un stimulateur médulaire à visée antalgique en 2016.
Enfin, l'exposé des faits dans le rapport permet de retenir une ténolyse et une synovectomie antérieure le 29 mai 2017, un changement de neurostimulateur le 17 avril 2018 et une consultation du service médical sécurité social du 4 juin 2018 concluant à la date de consolidation au 30 avril 2018 et un taux d'incapacité de 30%.
Pour l'expert, l'étude du dossier montre qu'il existe deux pathologies distinctes et sans rapport :
- la première pathologie qui est survenue suite au traumatisme du 15 septembre 2009 ayant déterminé une entorse de la cheville gauche, probablement compliquée d'une réaction douloureuse algodystrophique durant plusieurs mois et dont la consolidation devrait correspondre à la date de guérison administrative du 31 juillet 2010,
- la deuxième pathologie qui survient à distance, vraisemblablement favorisée par un nouveau traumatisme comme en atteste la présence d'un hématome et d'un très important oedème des parties molles antérieures vue sur l'IRM du 15 novembre 2010; cette pathologie étant identifiée comme étant un conflit antérieur entre un muscle péronier surnuméraire et le rétinaculum antérieur de la cheville et les suites de l'intervention étant particulièrement difficiles et longues, le déficit fonctionnel séquellaire est important mais à mettre sur le compte de la deuxième pathologie sans relation directe et certaine avec l'entorse de la cheville survenue le 15 septembre 2009.
L'expert en conclut que les séquelles résultant des lésions consécutives à l'accident du travail dont M. [J] a été victime le 15 septembre 2009 (entorse de la cheville + algodystrophie) sont une petite limitation de la mobilité des articulations tibio-talienne et sous-talienne et que le taux d'incapacité permanente partielle devrait être fixé à 8%.
Néanmoins, la date de consolisation au 30 avril 2018 et l'imputabilité des séquelles retenues par le médecin -conseil de la caisse comprenant, outre l'entorse de la cheville gauche et une algodystrophie douloureuse, une mobilisation active pied cheville quasi nulle et appui monopodal déclaré impossible suite à la complication post-opératoire à type de fibrose, nécessitant la libération des adhérences des tendons extenseurs des orteils du pied gauche considérés par l'expert comme étant une deuxième pathologie sans rapport avec l'accident, n'ont pas été contestées par l'employeur, qui n'a initialement saisi la juridiction de sécurité sociale que d'une contestation du taux d'incapacité permanente.
Il s'en suit que les séquelles à prendre en compte pour déterminer le taux d'incapacité permanente opposable à la société employeur sont celles retenues par le médecin-conseil de la caisse.
Or, au regard de l'avis du docteur [U] consulté en première instance, qui bien qu'il ait considéré comme l'expert consulté en appel, que les séquelles imputées à l'accident sont 'largement contestables', le taux de 30% retenu par la caisse est cohérent avec les séquelles importantes retenues par le médecin-conseil de la caisse à la date de consolidation du 30 avril 2018.
Le jugement ayant déclaré le taux d'incapacité de 30% opposable à la société employeur sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
La SARL [4] succombant à l'instance, sera condamnée au paiement des dépens en vertu de l'article
696 du code de procédure civile, étant précisé que les frais d'expertise demeurent à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie en vertu de l'article
L.142-11 du code de la sécurité sociale.
M. [J] n'étant pas partie au procès, la demande en frais irrépétibles présentée par la société à son encontre ne peut qu'être rejétée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par décision réputée contradictoire
Confirme le jugement rendu le 16 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Marseille en toutes ses dispositions,
Déboute la SARL [4] de ses prétentions,
Condamne la SARL [4] au paiement des dépens de l'appel, sauf à préciser que les frais d'expertise du docteur [W] sont pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie.
Le GreffierLe Président