Tribunal de grande instance de Paris, 18 février 2011, 2009/13347

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2009/13347
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Parties : AZZEDINE ALAÏA SAS ; A (Azzedine) / FISO SAS ; SOPHIE SOLEIL SARL ; PAUL & JOE INVESTISSEMENTS SARL

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARISJUGEMENT rendu le 18 Février 2011 3ème chambre 3ème sectionN°RG: 09/13347 DEMANDEURSAZZEDINE A, SAS[...]75004 PARIS Monsieur AZZEDINE A représentés par Me Vincent FAUCHOUX, de la SCP DEPREZ GUIGNOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0221 DEFENDERESSESFISO, S.A.S.[...]75003 PARIS SOPHIE S S, SARL, représentée par sa gérante Mme Sophie A[...]75008 PARIS Société PAUL & JOE I, SARL, représentée par son gérant Mme Sophie A [...]75007 Pariset encore [...]75003 PARISreprésentées par Me Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #E0804 COMPOSITION DU TRIBUNALMarie S, Vice-Président, signataire de la décisionAnne CHAPLY, Juge,Mélanie BESSAUD. Jugeassistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DÉBATSA l'audience du 10 Janvier 2011, tenue publiquement, devant Marie S, Mélanie BESSAUD juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile JUGEMENTPrononcé par remise de la décision au greffeContradictoireen premier ressort EXPOSE DU LITIGEM. Azzedine A est un créateur de haute couture qui indique avoir créé en 1986 :- un modèle de maillot de bain pour femme dont la face avant est un losange dont la partie inférieure se termine en une flèche formée par un bikini et la face arrière présente un entrelac complexe de lanières formant des figures géométriques.- un modèle de jupe asymétrique, courte et flottante en daim, composée de trois parties horizontales dont la plus basse est plissée. M. Azzedine A dit avoir consenti à la société AZZEDINE ALAIA les droits exclusifs de représentation, reproduction, adaptation et exploitation de ces modèles. La société PAUL&JOE, créée par Mme Sophie A, qui a auparavant travaillé auprès de M. A, propose des vêtements de prêt-à-porter haut de gamme pour femmes. M. A et la société AZZEDINE ALAIA indiquent avoir découvert que dans un magasin à enseigne "PAUL&JOE" exploité par la société SOPHIE SOLEIL étaient proposés à la vente un modèle de maillot de bain baptisé "ALAPLAGE" et un modèle de jupe baptisé "VIRVOL" dont ils estiment qu'ils reprennent les caractéristiques de leurs propres modèles. Dûment autorisés par le président du tribunal de grande instance de Paris par ordonnance sur requête rendue le 28 juillet 2009, ils ont fait procéder à une saisie- contrefaçon le 30 juillet suivant au siège de la société FISO, de la société PAUL & JOE I et de la société SOPHIE SOLEIL SOCIETE. Ils ont ensuite fait assigner ces trois sociétés devant le présent tribunal par actes d'huissier délivrés le 13 août 2009 en contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme. Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 8 juin 2010, M. A et la société Azzedine ALAIA demandent au tribunal de: - dire et juger recevable l'action de la société AZZEDINE ALAIA et de M. Azzedine A sur le fondement des Livres 1 et 3 du code de la propriété intellectuelle et sur l'article 1382 du code civil;- valider la saisie-contrefaçon effectuée par Maître Marc D, huissier de justice à Paris le 30 juillet 2009 au siège social de la société FISO,- valider les saisies-contrefaçons effectuées par Maître Marc D, huissier de justice à Paris le 30 juillet 2009 aux sièges sociaux des sociétés SOPHIE S S et PAUL & JOE I;- constater que la jupe et le maillot de bain créés par M. Azzedine A et commercialisés par la société AZZEDINE ALAIA sont originaux et bénéficient à ce titre de la protection des livres 1 et 3 du code de la propriété intellectuelle ;- constater que les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I ont conçu et/ou commercialisé des jupes et des maillots de bain reprenant servilement les caractéristiques originales de la jupe et du maillot de bain créés par M. Azzedine A et exploités par la société AZZEDINE ALAIA;- donner acte à la société AZZEDINE ALAIA et à M. Azzedine A qu'ils se réservent le droit de solliciter toute mesure utile afin de déterminer l'ampleur du préjudice subi.

En conséquence

- dire que les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société AZZEDINE ALAIA ;- dire que les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I ont porté atteinte au droit moral de M. Azzedine A;- dire que les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de la société AZZEDINE ALAIA; - ordonner aux sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I de cesser de faire fabriquer, commander et/ou commercialiser la jupe et le maillot de bain contrefaisant ceux créés par M. Azzedine A et commercialisés par la société AZZEDINE ALAIA sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée, à compter de la signification du jugement, le tribunal restant saisi pour statuer sur l'astreinte définitive;- ordonner la destruction sous contrôle de la société AZZEDINE ALAIA ou de l'un de ses mandataires, et aux frais des sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I de l'intégralité du stock éventuel pouvant se trouver auprès des magasins et/ou entrepôts de ces sociétés sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement ;- ordonner à la société FISO d'adresser une lettre à toutes les sociétés auxquelles elle a vendu la jupe et le maillot de bain litigieux leur demandant de les retirer de la vente et de les lui retourner, FISO devant justifier de l'envoi de cette lettre dans un délai de 5 jours ouvrés à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé ce délai;- ordonner le cas échéant la destruction sous contrôle de la société AZZEDINE ALAIA ou de l'un de ses mandataires et aux frais de la société FISO de l'intégralité du stock éventuel pouvant se trouver auprès des magasins et/ou entrepôts de cette société et à réception de tous les exemplaires qui pourraient lui être retournés dans les magasins précités sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement ;- condamner in solidum les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I à payer à la société AZZEDINE ALAIA la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon commis et de 80.000 euros au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;- condamner in solidum les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I à payer à M. Azzedine A la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice suite à l'atteinte portée à son droit moral. En tout état de cause- ordonner la publication du jugement à intervenir dans deux journaux ou magazines au choix de la société AZZEDINE ALAIA et aux frais solidaires FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 10.000 euros HT- condamner solidairement les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I à payer à la société AZZEDINE ALAIA la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant les frais de saisie contrefaçon et honoraires d'Huissier de Justice et les frais de constat APP;- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir. Ils se prévalent de la présomption de titularité de droit d'auteur attachée à celui sous le nom duquel l'œuvre est divulguée et de la commercialisation des modèles par la société AZZEDINE ALAIA, cessionnaire des droits patrimoniaux d'auteur depuis 1986. Enfin, ils indiquent rapporter la preuve de la date certaine de création des modèles. Les demandeurs arguent de l'originalité de leurs modèles et de la reproduction servile de leurs caractéristiques essentielles et originales dans les produits argués de contrefaçon leur conférant une impression d'ensemble identique, que les différences minimes pouvant exister entre les modèles ne sauraient écarter. Ils contestent l'existence d'un maillot de bain similaire antérieur à leur modèle et concluent donc à l'existence d'actes de contrefaçon ayant entraîné un préjudice moral à l'égard de M. A, et un préjudice financier pour la société AZZEDINE ALAIA. Ils se plaignent d'actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société AZZEDINE ALAIA par les sociétés SOPHIE SOLEIL SOCIETE et FISO. Sur l'indemnisation de leur préjudice, ils font valoir que les saisies-contrefaçon ne leur ont pas permis de connaître l'ampleur de la contrefaçon mais ils se plaignent d'une vulgarisation des modèles aggravée par la communication sur des produits contrefaisants. Ils excipent en outre d'une atteinte au droit moral de M. A du fait de l'absence de mention de son nom et de la dénaturation de ses créations. Enfin, la société AZZEDINE ALAIA argue d'un préjudice financier et d'un préjudice d'image en raison des actes de concurrence déloyale et parasitaire. Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 1er octobre 2010, la société FISO, la société SOPHIE SOLEIL, et la société PAUL & JOE I demandent au tribunal de: - dire irrecevable l'action de la société AZZEDINE ALAIA et de M. Azzedine A, ceux- ci ne démontrant nullement leur création ni la commercialisation des vêtements qu'ils revendiquent.- les condamner à une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, plus 15.000 € par application de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Philippe BESSIS, avocat aux offres de droits. - à titre très subsidiaire et au cas où le Tribunal estimerait l'action recevable, il la dira infondée compte tenu :- des différences reconnues concernant le maillot de bain comme cela est indiqué page 17 de l'assignation adverse et 26 des conclusions du 8 juin 2010- de l'absence de toute pièce ayant date certaine concernant la création et la commercialisation de la jupe revendiquée par les demandeurs.- condamner également dans ces conditions les demandeurs à une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, plus 15.000 € au titre des frais irrépétibles.- à titre infiniment subsidiaire et au cas où par extraordinaire le tribunal estimerait fondées les demandes adverses, il lui plaira de réduire dans de très amples proportions les demandes concernant la contrefaçon de la société Azzedine ALAIA compte tenu du très petit nombre de pièces commercialisées.- débouter en tout état de cause les demandeurs de leur demande de dommages intérêts à titre de concurrence déloyale compte tenu des différences de clientèle reconnues page 17 de l'assignation adverse et de l'absence de tout risque de confusion possible comme cela est de nouveau reconnu page 26 des conclusions du 8 juin 2010.- débouter M. A de toutes ses demandes. - Condamner les demandeurs aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Philippe BESSIS, avocat aux offres de droits. Les défendeurs soulèvent l'irrecevabilité des demandes pour défaut de date certaine des créations revendiquées et écartent de ce chef la présomption de titularité. Subsidiairement, ils contestent la contrefaçon alléguée. Ils soulèvent qu'aucun exemplaire de la jupe revendiquée par M. A n'est versé aux débats et que les demandeurs eux-mêmes, en parlant de dénaturation de leur modèle, reconnaissent que les différences existant entre les maillots de bain excluent toute qualification de contrefaçon. Ils soutiennent que les modèles opposés donnent une impression différente et que le grief de contrefaçon n'est pas caractérisé. Ils font valoir qu'ils se sont inspirés pour la création du maillot litigieux, d'un modèle créé en 1989 par Thierry Mugler. Les défendeurs contestent toute atteinte au droit moral et relèvent que la commercialisation actuelle des modèles revendiqués n'est pas démontrée, de sorte qu'aucun risque de confusion n'est établi. Enfin, ils s'opposent au grief de parasitisme en se prévalant de leurs frais généraux de création et contestent toute concurrence déloyale en soulignant que leurs créations se sont inscrites dans la tendance de la mode. Encore plus subsidiairement, ils concluent à l'absence de justification des préjudices allégués et à leur réduction. La clôture de la procédure est intervenue le 16 novembre 2010. EXPOSE DES MOTIFS 1/ Sur la recevabilité à agir des demandeurs L'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que «la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre est divulguée ». Par ailleurs, la commercialisation non équivoque d'une œuvre fait présumer à l'égard des tiers poursuivis en contrefaçon et en l'absence de toute revendication de droits d'auteur, que la personne morale qui justifie de la réalité de cette commercialisation sous son nom et des modalités dans lesquelles elle la réalise, est titulaire des droits patrimoniaux d'auteur correspondants. * sur la jupe En l'espèce, pour justifier de leur titularité sur la jupe asymétrique revendiquée, les demandeurs versent aux débats :- un échantillon de la jupe portant une étiquette intérieure en tissu au nom d'Azzedine A,- une copie couleur d'un magazine intitulé "Follow me" dépourvu de date certaine puisque seule une mention manuscrite indique "été 1986" sans qu'aucun élément ne vienne corroborer cette précision émanant de la partie qui s'en prévaut et qui est donc dépourvue de force probante; en outre, si une jupe semble apparaître sur la page copiée, la photographie est d'une si mauvaise qualité que le tribunal ne peut s'assurer qu'il s'agit bien de la jupe asymétrique telle que revendiquée;- une attestation de Mme Silvia S rédigée le 26 mai 2010 dans laquelle elle prétend que M. A a offert la jupe dont une photographie figure en annexe à sa fille le 6 mars 1987, cette jupe étant un prototype ayant été commercialisé en été 1985. Le tribunal observe qu'une copie de deux photographies de la jupe revendiquée sont annexées à l'attestation mais qu'elles ne portent aucune date certaine venant corroborer les déclarations de Mme S et qu'aucun élément contemporain aux faits relatés ne vient confirmer ses dires. En outre, l'attestation comporte des contradictions internes en évoquant l'offre d'un prototype en 1987 alors que le modèle aurait été commercialisé dès l'été 1985, ce qui contredit également les déclarations de M. A prétendant avoir créé la jupe litigieuse en 1986. Il s'ensuit que les demandeurs, qui ne rapportent aucune preuve de création de la jupe, succombent à démontrer une divulgation du produit sous leur nom, la simple présence d'une étiquette intérieure "AZZEDINE A" sur l'échantillon produit étant dépourvue de force probante, dès lors qu'elle n'est corroborée par aucun élément établissant une divulgation publique sous le nom de Monsieur Azzedine A ou une commercialisation non équivoque par la société AZZEDINE ALAIA. En l'absence de preuve de créations et à défaut de présomption à leur profit, les demandeurs n'établissent aucun droit sur la création revendiquée et ils doivent donc être déclarés irrecevables pour toutes demandes formées du chef de la jupe asymétrique en daim. * Sur le maillot de bain Les demandeurs versent aux débats des coupures de presse ayant date certaine dont il ressort que le maillot de bain présentant les caractéristiques revendiquées, à savoir une face avant en losange dont la partie inférieure se termine en une flèche formée par le bikini et la face arrière présente un entrelac de lanières formant des figures géométriques, a été divulgué sous le nom de M. Azzedine A dès le mois d'avril 1986. Bénéficiant dès lors de la présomption légale édictée par l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, M. A justifie suffisamment de la qualité d'auteur du maillot de bain et l'irrecevabilité soulevée de ce chef doit être écartée. La société AZZEDINE ALAIA, qui exerce l'activité de commerce de gros d'habillement et de chaussures prétend être cessionnaire depuis 1986 des droits patrimoniaux d'auteur sur le maillot de bain créé par M. A, ce que celui-ci, intervenant à la procédure aux côtés de la société éponyme, soutient également. Dès lors qu'aucune contestation utile ni aucune preuve contraire n'est rapportée par les défendeurs, il convient de constater que la société AZZEDINE ALAIA justifie ainsi de sa qualité à agir. Par conséquent, M. A et la société AZZEDINE ALAIA sont recevables à agir en contrefaçon de droits d'auteur portant sur le maillot de bain qu'ils ont précisément identifié et décrit dans leurs écritures. 2/ Sur la contrefaçon du maillot de bain L'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droits ou ayant cause est illicite. La contrefaçon s'apprécie globalement selon les ressemblances et non d'après les différences. A titre liminaire, le tribunal constate que l'originalité du maillot de bain créé par M. A n'est pas contestée. Les demandeurs revendiquent la combinaison suivante:- la face avant est un losange dont la pointe inférieure se termine en une flèche formée par un bikini;- deux lanières sont cousues sur chacune des pointes supérieures et latérales du losange ;- les deux lanières cousues sur la pointe supérieure du losange se croisent sur la partie avant au niveau du cou, se prolongent dans le dos et rejoignent les pointes latérales opposées du losange, formant un "X" au niveau des omoplates;- la deuxième extrémité de chacune des deux autres lanières cousues sur chacune des pointes latérales du losange est cousue sur le bikini de façon à former un deuxième X au bas du dos;- l'ensemble constitue une combinaison de formes géométriques accentuées lorsque le maillot est porté (la partie supérieure et les entrelacs des lanières dans le dos formant des losanges, le bikini formant un triangle). Les requérants produisent un modèle de maillot de bain acheté au sein du magasin PAUL & JOE situé [...] le 16 mars 2009 selon ticket de caisse versé aux débats. Par ailleurs, ils ont fait procéder à un constat sur le site internet paulandjoe.com dont la société SOFRANE est titulaire par l'agence pour la protection des programmes le 22 juin 2009 et à une saisie-contrefaçon le 30 juillet 2009 au sein du magasin à l'enseigne "PAUL&JOE" exploité par la société SOPHIE SOLEIL. Le responsable du magasin a indiqué à l'huissier qu'il ne restait plus aucun exemplaire du maillot de bain argué de contrefaçon, qui faisait néanmoins partie de la collection commercialisée depuis janvier 2009 sous la référence interne PLAB12. Il y a lieu de relever qu'aucun moyen n'est soulevé à rencontre des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et les demandes en validation des opérations de saisies- contrefaçon sont donc sans objet. Il ressort de la comparaison visuelle à laquelle s'est livré le tribunal entre les deux maillots de bain opposés que l'ensemble des éléments composant le maillot de bain dans la combinaison revendiquée par les demandeurs sont repris dans le maillot argué de contrefaçon. En effet, les deux échantillons produisent la même impression d'ensemble, du fait de la reprise à l'identique des lanières, des formes géométriques (losange devant, deux "X" dans le dos) ainsi que de l'emplacement des échancrures. Les différences alléguées, notamment la forme slip au lieu de la forme string du bikini lesquelles appartiennent toutes deux au domaine public et échappent au domaine de protection des droits d'auteur et les différences minimes des échancrures, qui constituent des différences de détail, ne suffisent pas à détruire l'impression d'ensemble identique que donnent les deux maillots opposés. Enfin, les défendeurs font valoir qu'un maillot similaire a été commercialisé par Thierry Mugler en 1989 et produisent à ce titre une photographie présentée dans le magazine Marie-Claire de juin 1989. Cependant, cette photographie partielle ne démontre pas que ce maillot, au demeurant postérieur à celui revendiqué, reprend l'ensemble des caractéristiques présentes dans les deux maillots de bain en litige et en toute hypothèse, la partie assignée en contrefaçon ne saurait se prévaloir de la reprise des caractéristiques d'un autre produit, lorsqu'elles sont elles-mêmes identiques au produit original antérieur. Il s'ensuit que la société FISO, la société SOPHIE SOLEIL et la société PAUL AND JOE INVESTISSEMENT, en commercialisant le maillot de bain "ALAPLAGE" ont commis des actes de contrefaçon du maillot de bain sur lequel les demandeurs détiennent des droits d'auteur. 3/ Sur la concurrence déloyale et parasitaire II convient de rappeler à titre liminaire que le principe est celui de la liberté du commerce et que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale ou parasitaire que des comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou à profiter sans bourse délier des investissements de son concurrent. La société AZZEDINE ALAIA, qui ne produit aucun élément permettant de démontrer une commercialisation effective sous son nom de la jupe créée par M. A et n'apporte aucune preuve d'une commercialisation actuelle de celle-ci n'établit aucun intérêt à agir en concurrence déloyale et parasitaire de ce chef. Ses demandes fondées sur la commercialisation de la jupe VIRVOL doivent donc être déclarées irrecevables. La société AZZEDINE ALAIA se plaint par ailleurs d'actes de concurrence déloyale et parasitaire du fait de la commercialisation du maillot "ALAPLAGE" mais il y a lieu de constater que les faits qu'elle allègue ne sont pas distincts des faits de reproduction servile du modèle caractérisant la contrefaçon. En outre, elle ne démontre pas avoir commercialisé le maillot de bain créé par M. A, ni la notoriété alléguée du modèle de maillot dont l'exploitation n'est justifiée que pour l'année 1986 ni d'aucun frais de création ou de publicité pour ce modèle créé il y a quinze ans par M. A. Elle succombe ainsi dans l'administration de la preuve d'un acte de parasitisme, faute pour elle de justifier d'investissements dont auraient pu tirer bénéfice les défendeurs. Enfin, la présentation sur le site internet paulandjoe.com de la créatrice de la marque PAUL & JOE indiquant qu'elle a travaillé avec M. A, ce qui est confirmé par les demandeurs, ne constitue pas une faute en soi et dès lors qu'à aucun moment la relation n'est faite entre le maillot contrefaisant et M. A dans les outils de communication des défenderesses, la société AZZEDINE ALAIA ne rapporte pas la preuve d'une volonté de la part des défenderesses de se placer dans son sillage en faisant croire au public à l'existence d'un partenariat entre les deux sociétés. La société AZZEDINE ALAIA doit donc être déboutée de toute demande au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. 4/ Sur les mesures réparatrices M. A a nécessairement subi un préjudice moral résultant d'une part de la reprise des caractéristiques originales du maillot de bain dont il est le créateur sans autorisation et sans référence à son nom, d'autre part de la banalisation de son modèle, celle-ci étant en outre aggravée par les modifications qui ont rendu le modèle contrefaisant moins audacieux que l'original en raison de la forme du bikini et des échancrures, enfin du fait de l'utilisation de coloris éclatants ne répondant pas à l'esprit des créations originales. Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 10 000 euros que les trois défenderesses devront lui régler in solidum. Les faits de contrefaçon ont nécessairement entraîné une vulgarisation du modèle de maillot créé par M. A, ce qui a porté atteinte aux droits patrimoniaux d'auteur. La commercialisation du maillot "ALAPLAGE" par la société FISO, concurrent direct de la société demanderesse, sous une marque connue (PAUL & JOE) dans les magasins exploités par la société SOPHIE SOLEIL et PAUL & JOE I pendant près de sept mois et sa présentation sur le site internet de la marque PAUL&JOE, a donc causé un préjudice à la société AZZEDINE ALAIA en la privant de l'exclusivité qu'elle détient sur le modèle original, qu'il convient de réparer en lui allouant la somme de 15 000 euros que les défenderesses seront tenues de payer in solidum. En revanche, aucune pièce ne justifiant d'une commercialisation du maillot par la société AZZEDINE ALAIA postérieurement à 1986, celle-ci sera déboutée du surplus de ses demandes, faute pour elle de justifier d'un préjudice commercial actuel. 5/Sur les autres mesures Compte tenu du caractère contrefaisant du maillot de bain désigné sous le nom "ALAPLAGE" dans la collection PAUL & JOE, il y a lieu de faire droit aux mesures d'interdiction et de destruction sous astreinte dans les conditions définies au dispositif ci-après. Il y a lieu d'ordonner à titre d'indemnisation complémentaire les mesures de publications judiciaires dans les conditions définies ci-après. En revanche, la poursuite de la commercialisation du maillot de bain litigieux postérieurement à juillet 2009 n'étant pas établie, il n'y a pas lieu d'ordonner à la société FISO d'adresser une lettre à toutes les sociétés auxquelles elle a vendu le maillot leur demandant de les retirer de la vente et de les lui retourner. Les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL&JOE I, qui succombent à titre principal dans la présente instance, doivent être tenues aux entiers dépens. Elles doivent en outre être condamnées in solidum à payer à chacun des demandeurs la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, soit une somme globale de 8 000 €, outre les frais de saisie-contrefaçon, incluant les honoraires de l'huissier instrumentaire et les frais de constat APP. Compte tenu de la nature de la présente décision, il y a lieu d'en ordonner l'exécution provisoire, qui est compatible avec la nature de l'affaire à l'exception des mesures de destruction et de publication judiciaire.

PAR CES MOTIFS

,LE TRIBUNAL, par jugement rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort, DECLARE M. Azzedine A et la société AZZEDINE ALAIA irrecevables en toutes demandes pour la jupe asymétrique en daim; DECLARE M. Azzedine A et la société AZZEDINE ALAIA recevables à agir au titre du droit d'auteur pour le modèle de maillot de bain dont M. A est l'auteur; DIT n'y avoir lieu à valider les opérations de saisies-contrefaçon; CONSTATE que les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I ont conçu et/ou commercialisé des maillots de bains sous la référence "ALAPLAGE" reprenant servilement les caractéristiques originales du maillot de bain créé par M. A; En conséquence, DIT que les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL&JOE I ont commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de M. Azzedine A et de la société AZZEDINE ALAIA; CONDAMNE in solidum les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I à payer à M. Azzedine A la somme de 10 000 € (DIX MILLE EUROS) en réparation de son préjudice moral; CONDAMNE in solidum les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I à payer à la société AZZEDINE ALAIA la somme de 15 000 € (QUINZE MILLE EUROS) en réparation du préjudice né du fait des actes de contrefaçon ; DEBOUTE les demandeurs de leurs demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire; ORDONNE aux sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I de cesser de faire fabriquer, commander et/ou commercialiser le maillot de bain contrefaisant sous astreinte de 150 euros par infraction constatée, à compter de la signification du jugement ; ORDONNE la destruction sous contrôle de la société AZZEDINE ALAIA ou de l'un de ses mandataires, et aux frais des sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I de l'intégralité du stock éventuel pouvant se trouver auprès des magasins et/ou entrepôts de ces sociétés sous astreinte de 150 € par jour de retard, à compter du jour où la décision sera devenue définitive; DIT que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ainsi prononcées, lesquelles seront limitées à TROIS MOIS; ORDONNE la publication d'extraits du jugement dans deux journaux ou magazines au choix de la société AZZEDINE ALAIA et aux frais solidaires des sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 5 000 euros HT; CONDAMNE in solidum les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I aux entiers dépens de l'instance; CONDAMNE in solidum les sociétés FISO, SOPHIE S et PAUL & JOE I à payer à M. Azzedine A et à la société AZZEDINE ALAIA la somme de 4 000 € chacun soit la somme globale de 8 000 € (HUIT MILLE EUROS), outre les frais de saisie- contrefaçon, incluant les honoraires de l'huissier instrumentaire et les frais de constat APP, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision à l'exception des mesures de destruction et de publication judiciaire.