Conseil d'État, 29 décembre 1997, 160838

Synthèse

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Texte intégral

Vu la requête

sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 août et 29 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société TEINTURE HUGO-SOIE, dont le siège est Boulevard de la Loire, BP 104, Saint-Just-Saint-Rambert (42270) ; la société TEINTURE HUGO-SOIE demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 17 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 1er septembre 1993 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle qui l'avait autorisée à licencier Mme X... ; 2°) rejette la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Lyon ; Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code

du travail ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP le Prado, avocat de la Société TEINTURE HUGO-SOIE et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme Sylvie X..., - les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'

en vertu du code du travail, le licenciement des délégués du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ; Considérant que, pour annuler la décision du 1er septembre 1993 par laquelle le ministre du travail a autorisé la société TEINTURE HUGO-SOIE à licencier Mme X..., déléguée du personnel, membre du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le tribunal administratif de Lyon a estimé que cette société n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement ; qu'il résulte cependant des pièces du dossier que la Société TEINTURE HUGO-SOIE, qui a pour activité la teinture de soie naturelle, avait déposé son bilan au mois de février 1993 et avait été autorisée, dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, à poursuivre son exploitation pendant une durée de six mois ; qu'ayant conclu une convention d'aide au passage à temps partiel avec le Fonds national de l'emploi, qui lui a permis de réduire de 31 à 11 le nombre des licenciements primitivement envisagés, elle a proposé à Mme X... d'occuper à mi-temps le poste auquel elle était jusqu'alors affectée à temps plein ; qu'il n'est pas établi qu'elle ait été en mesure de proposer à Mme X... un autre emploi équivalent à celui qu'elle occupait à plein temps ; que, dans les circonstances de l'espèce, elle doit être regardée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement ; qu'ainsi les premiers juges se sont à tort fondés sur la méconnaissance de cette obligation pour annuler la décision d'autorisation de licenciement de Mme X... ; Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... devant le tribunal administratif de Lyon ; Considérant que les tâches confiées à Mme X... ont été, à titre principal, réparties entre les membres du personnel demeurant dans l'entreprise et, à titre accessoire, sous-traitées ; que, dans ces conditions, la réalité du motif économique et de la suppression de l'emploi occupé doivent être regardées comme établies ; que le fait que Mme X... n'a pas pu avoir connaissance à temps d'une proposition de convention de conversion est sans influence sur la légalité de la décision contestée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la procédurede licenciement ait été en rapport avec les fonctions représentatives de Mme X... ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Société TEINTURE HUGO-SOIE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du ministre du 1er septembre 1993, autorisant le licenciement de Mme X... ; Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la Société TEINTURE HUGO-SOIE, qui n'est pas la partie perdante, dans la présente instance, soit condamnée à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Article 1er

: Le jugement du 17 mai 1994 du tribunal administratif de Lyon est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée. Article 3 : Les conclusions présentées par Mme X... au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société TEINTURE HUGO-SOIE, à Mme Sylvie X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.