Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 octobre 2022 et 24 octobre 2023, la société civile immobilière (SCI) Yan, représentée par Me Halley, demande au
tribunal, dans le dernier état
de ses écritures :
1°)
de prononcer la décharge
de la cotisation
de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre
de l'année 2021 dans les rôles
de la commune
de La Chapelle-Saint-Luc à concurrence
de la somme
de 22 246 euros ;
2°)
de mettre à la charge
de l'Etat le versement
de la somme
de 3 000 euros au titre des dispositions
de l'article
L. 761-1 du code
de justice
administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale a méconnu le principe général des droits
de la défense
en procédant au rehaussement des bases qu'elle a déclarées sans la mettre à même
de présenter ses observations ;
- les locaux occupés par la société AST Express qui exerce une activité
de transport
de fret interurbain sont composés d'une surface déclarée
de 30 m² classée
en P1 et d'une surface
de 20 m² classée
en Pk2 relevant
de la catégorie BUR1 ;
- les locaux occupés par la société Casse auto chapelaine, qui exerce une activité
de réparation
de véhicules d'occasion,
de stockage
de pièces détachées,
de ventes
de pièces et
de véhicules d'occasion, sont composés d'une surface principale
de 150 m² classée
en P1 et d'une surface secondaire couverte classée
en P2 répartie entre un espace
de 1 600 m² occupé
en 2021 par des véhicules d'occasion destinés à la vente, un espace
de 1600 m² occupé par l'activité
de démantèlement
de véhicules et le stockage
de pièces détachés et un espace
de 500 m² occupé par l'activité
de réparation
de véhicule ;
en conséquence, l'activité qui occupe le plus
de surface au sein des locaux imposés est celle
de démantèlement des véhicules et
de stockage des pièces démantelées ; ces locaux relèvent donc
de la catégorie ATE2 ;
- les locaux occupés par la direction territoriale
de la protection judiciaire
de la jeunesse d'une surface
de 285 m² relèvent
de la catégorie ATE1 ;
- les locaux occupés par la société SADE, qui exerce une activité
de traitement et
de distribution d'eau, d'évacuation et d'épuration d'eaux usées et pluviales, d'enlèvement et
de traitement des ordures ménagères, sont composés d'un bureau
de 70 m², d'un entrepôt couvert
de 130 m² et d'un terrain à ciel ouvert
de 2000 m² où elle stocke l'essentiel
de ses véhicules destinés à son activité
de traitement et
de distribution d'eau qui correspond à l'essentiel
de l'activité déployée sur ce site ; ce dernier relève dès lors
de la catégorie DEP1 et non
de la catégorie BUR1, l'activité principalement exercée sur ce site n'étant pas
de bureau ;
- les locaux occupés par la société Transpal10 qui exerce une activité
de réparation et
de vente
de palettes, sont répartis entre une surface
de 400 m² classée
en P1 et une surface
de 1 000 m² classée
en P3 et relèvent
de la catégorie ATE2 ;
- les trois autres locaux vacants au 1er janvier 2021 sont des entrepôts sans équipement spécifique ni bureaux entrant dans la catégorie DEP2 ; ils sont composés d'une surface
de 400 m² destinés à une activité
de bureau et d'une surface
de 1 450 m²
en moins bon état et excentrée du local principal ; contrairement à ce que fait valoir l'administration, la surface
de bureau du 1er étage des lots 10 et 11 est incluse dans les 400 m² déclarés
en surface principale
de la catégorie DEP 2 ;
- conformément à l'article
L. 173 du livre des procédures fiscales, le délai
de reprise
en matière
de taxe foncière est prescrit au titre
de l'année 2021 faisant obstacle à une correction
de la valeur locative
de sorte que l'administration fiscale n'est pas fondée à réintégrer des surfaces éventuellement non déclarées ; la demande
de compensation sollicitée par l'administration fiscale ne repose sur aucun fondement juridique.
Par un mémoire
en défense, enregistré le 2 mai 2023, le directeur départemental des finances publiques
de la Marne conclut au rejet
de la requête.
Il fait valoir que :
- il n'existe aucun litige quant aux locaux occupés par les sociétés AST express et Transpal10 ;
- les locaux occupés par la société Casse-Auto Chapelaine sont composés d'une surface affectée à la vente présentant un caractère prépondérant par rapport aux autres activités
de bureau,
de stockage et d'atelier déployées sur le site qui relève dès lors
de la catégorie MAG2 ;
- les locaux occupés par la direction territoriale
de la protection judiciaire
de la jeunesse relèvent
de la catégorie ATE 1 justifiant une réduction
de la valeur locative révisée brute à 18 091 euros au lieu
de 36 917 euros ;
- les locaux occupés par la société SADE sont utilisés principalement à usage
de bureau, les surfaces affectées au stockage couvert et non couvert étant secondaire à cette activité ; dès lors, le classement
en catégorie BUR1 est justifié ;
en revanche, la surface
de parking à retenir doit être réduite d'une surface
de 40 m² imposé à tort ;
- les locaux vacants au 1er janvier 2021 sont composés d'un local
de 604 m²
en état médiocre, d'un local
de 926 m² dans un état médiocre et d'un local
de 236 m² catégorisé
en DEP 2 pour une surface totale
de 1 766 m², soit un écart
de 84 m² taxé à tort pour un montant
de 4 099 euros ;
- à la suite
de la visite sur place organisée le 30 janvier 2023, il a été constaté la présence d'un espace
de 492 m² au 1er étage du bâtiment composé d'anciens bureaux vacants au 1er janvier 2021 non déclaré par la société requérante représentant une valeur locative brute
de 61 156 euros non taxée par l'administration ; après compensation des écarts d'imposition constatés, il ressort une valeur locative brute globale
de 37 237 euros non soumise à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre
de l'année 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code
de justice
administrative.
Le président du
tribunal a désigné M. Torrente, premier conseiller,
en application
de l'article
R. 222-13 du code
de justice
administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour
de l'audience.
Ont été entendus au cours
de l'audience publique :
- le rapport
de M. Torrente, premier conseiller,
- les conclusions
de M. Maleyre, rapporteur public,
- et les observations
de Me Veyssière, représentant la SCI Yan.
Considérant ce qui suit
:
1. La SCI Yan est propriétaire d'un ensemble immobilier situé 5 impasse Auguste Lumière à La Chapelle Saint-Luc (10600). La société requérante demande la réduction à concurrence
de la somme
de 22 246 euros
de la cotisation
de taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre
de l'année 2021 dans les rôles
de cette commune à raison
de ces locaux.
2. Aux termes
de l'article 1494 : " La valeur locative des biens passibles
de la taxe foncière sur les propriétés bâties,
de la taxe d'habitation ou d'une taxe annexe établie sur les mêmes bases est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à
1508, pour chaque propriété ou fraction
de propriété normalement destinée à une utilisation distincte ". Aux termes
de l'article 1495 : " Chaque propriété ou fraction
de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date
de l'évaluation ". Aux termes
de l'article 1498 : " I. - La valeur locative
de chaque propriété bâtie ou fraction
de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I
de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501, est déterminée selon les modalités prévues aux II ou III du présent article. Les propriétés mentionnées au premier alinéa sont classées dans des sous-groupes, définis
en fonction
de leur nature et
de leur destination. A l'intérieur d'un sous-groupe, elles sont classées par catégories,
en fonction
de leur utilisation,
de leurs caractéristiques physiques,
de leur situation et
de leur consistance. Les sous-groupes et catégories
de locaux sont déterminés par décret
en Conseil d'Etat. ". Aux termes
de l'article 301 Q
de l'annexe II au code général des impôts : " Pour l'application du second alinéa du I
de l'article
1498 du code général des impôts, les propriétés bâties mentionnées au premier alinéa
de ce même I sont classées selon les sous-groupes et catégories suivants : Sous-groupe I : magasins et lieux
de vente : () / Catégorie 2 : commerces sans accès direct sur la rue. () / Sous-groupe II : bureaux et locaux divers assimilables : / Catégorie 1 : locaux à usage
de bureaux d'agencement ancien. () / Sous-groupe III : lieux
de dépôt ou
de stockage et parcs
de stationnement : / Catégorie 1 : lieux
de dépôt à ciel ouvert et terrains à usage commercial ou industriel. / Catégorie 2 : lieux
de dépôt couverts. () / Sous-groupe IV : ateliers et autres locaux assimilables : / Catégorie 1 : ateliers artisanaux. / Catégorie 2 : locaux utilisés pour une activité
de transformation,
de manutention ou
de maintenance. () ". Enfin, aux termes
de l'article
1508 du code général des impôts : " Les rectifications pour insuffisances d'évaluation résultant du défaut ou
de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties prévues aux articles 1406 et
1502, et
de celles prévues au XVII
de l'article
34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010
de finances rectificative pour 2010 font l'objet
de rôles particuliers jusqu'à ce que les bases rectifiées soient prises
en compte dans les rôles généraux. / Les cotisations afférentes à ces rehaussements sont calculées d'après les taux
en vigueur pour l'année
en cours. Sans pouvoir être plus que quadruplées, elles sont multipliées : / Soit par le nombre d'années écoulées depuis la première application des résultats
de la révision, / Soit par le nombre d'années écoulées depuis le 1er janvier
de l'année suivant celle
de l'acquisition ou du changement, s'il s'agit d'un immeuble acquis ou ayant fait l'objet
de l'un des changements visés à l'article 1517 depuis la première application des résultats
de la révision. / Pour les locaux évalués selon les règles prévues à l'article 1498, la première année d'application des résultats
de la révision s'entend
de 2017. ".
3. Lorsqu'une imposition est assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir, à la charge
de celui-ci, des droits excédant le montant
de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits
de la défense, mis à même
de présenter ses observations. Il
en va ainsi,
en particulier, lorsque l'administration procède,
en application
de l'article
1508 du code général des impôts, au redressement des bases
de la taxe foncière sur les propriétés bâties d'un contribuable pour insuffisance d'évaluation résultant du défaut ou
de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties définies aux articles
1406 et
1502 du même code. Les dispositions
de l'article
L. 56 du livre des procédures fiscales,
en vertu desquelles la procédure
de redressement contradictoire prévue par les articles
L. 55 à
L. 61 de ce livre n'est pas applicable
en matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales, ont pour seul effet d'écarter cette procédure
de redressement contradictoire mais ne dispensent pas du respect,
en ce qui concerne le redressement des bases
de la taxe foncière sur les propriétés bâties prévu par l'article 1508, des obligations qui découlent du principe général des droits
de la défense.
4. Il résulte
de l'instruction que la SCI Yan a déposé, les 25 août et 21 septembre 2020, ses déclarations n°6660-Rev portant sur les locaux commerciaux situés 5 impasse Auguste Lumière occupés par les sociétés Transpal 10, AST Express, Casse Auto Chapelaine et SADE ainsi que par l'association DTPJJ. Il résulte desdites déclarations que cette société a déclaré ces locaux dans les catégories, respectivement, " lieux
de dépôt couverts ", " locaux à usage
de bureaux d'agencement ancien ", " locaux utilisés pour une catégorie
de transformation,
de manutention ou
de maintenance ", " lieux
de dépôt à ciel ouvert et terrains à usage commercial ou industriel " et " écoles et institutions privées exploitées dans un but non lucratif ". Il est constant qu'à la suite
de ces déclarations, l'administration fiscale a modifié le classement des locaux déclarés par le contribuable sans l'avoir mis à même
de présenter ses observations sur les modifications ainsi envisagées. Par suite, la SCI Yan est fondée à soutenir que l'administration a méconnu les obligations qui lui incombaient au titre du respect du principe général des droits
de la défense.
5. Il résulte
de ce qui précède que la SCI Yan est fondée à demander la réduction
de la cotisation
de taxe foncière sur les propriétés bâties mise à sa charge au titre
de l'année 2021 à raison des locaux qu'elle détient au 5 impasse Auguste Lumière sur le territoire
de la commune
de La Chapelle Saint-Luc, à hauteur du montant qu'elle demande, non contesté,
de 22 246 euros.
6. Il y a lieu dans les circonstances
de l'espèce
de mettre à la charge
de l'Etat une somme
de 1 500 euros à verser à la SCI Yan sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La SCI Yan est déchargée
de la cotisation
de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre
de l'année 2021 à raison des locaux qu'elle détient situés 5 impasse Auguste Lumière à La Chapelle Saint-Luc, à hauteur du montant
de 22 246 euros.
Article 2 : L'Etat versera à la SCI Yan une somme
de 1 500 euros sur le fondement
de l'article
L. 761-1 du code
de justice
administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société civile immobilière (SCI) Yan et au directeur départemental des finances publiques
de la Marne.
Rendu public par mise à disposition au greffe le
28 février 2025.
Le magistrat désigné,
Signé
V. TORRENTE
La greffière,
Signé
A. DEFORGE
La République mande et ordonne au ministre
de l'économie, des finances et
de la souveraineté industrielle et numérique
en ce qui le concerne ou à tous commissaires
de justice à ce requis
en ce qui concerne les voies
de droit commun contre les parties privées,
de pourvoir à l'exécution
de la présente décision.