Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/22327
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Octobre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/02200
APPELANTE
S.C.I. LOULOU
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 1]
représentée par la SELARL HANDS Société d'Avocats en la personne de Maître Luc COUTURIER, avocats au barreau de PARIS, toque : L0061
assistée de Maître Alexandra AUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque A 195
INTIMES
S.A.S. BLACE FINANCE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 3]
représentée par Maître Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
assistée de Maître Marc GIOMMONI plaidant pour la SCP VERSINI-CAMPINCHI & Associés, avocats au barreau de PARIS, toque P 454
Monsieur [S] [B]
demeurant [Adresse 2]
SELAS LACOURTE & ASSOCIES
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 4]
représentés par la SCP Jeanne BAECHLIN en la personne de Maître Jeanne BAECHLIN, avocats au barreau de PARIS, toque : L0034
assistés de Maître Carine GROSDEMANGE plaidant pour la SCP LEFEVRE PELLETIER, avocats au barreau de PARIS, toque P 238
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions de l'article
786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 juin 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Lysiane LIAUZUN, présidente.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Lysiane LIAUZUN, présidente
Madame Christine BARBEROT, conseillère
Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère
Greffier :
lors des débats : Madame Béatrice GUERIN
lors du prononcé : Mademoiselle Fatima BA
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente et par Mademoiselle Fatima BA, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par acte authentique reçu le 1er août 2007 par M. [B], notaire, avec la participation de M. [W], notaire, la SAS Blace finance a vendu à la SCI Loulou les lots de copropriété n° 10 à 13, 16 et 47 à 49 consistant en des locaux d'habitation, un débarras, des wc et trois caves dans un immeuble sis [Adresse 5] moyennant le prix de 261.000€, les lots 10, 11 et 12 étant occupés par des locataires suivant un bail soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948 .
Faisant valoir que son consentement a été vicié par le dol commis par la SCI Blace qui a fait état d'une fausse rentabilité, les loyers étant trimestriels et non mensuels comme annoncés, et qui a omis de faire état de travaux de copropriété qu'elle a dû assumer, la SCI Loulou a fait assigner par acte du 5 février 2008, en réparation de ses préjudices, devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, la SAS Blace finance, laquelle a fait assigner par actes du 30 juillet 2008 M. [B], notaire à Paris et la SELAS [W] et associés, notaire à Paris.
Par jugement du 26 octobre 2010, le Tribunal de Grande Instance de Paris a :
- rejeté l'intégralité des demandes de la SCI Loulou,
- condamné la SCI Loulou à verser par application de l'article
700 du code de procédure civile 2.000€ à la SAS Blace finance et 2.000€ à la SELAS [W] et associés et M. [B], notaires à Paris, unis d'intérêts,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné la SCI Loulou aux dépens.
La SCI Loulou, appelante, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 7 juin 2012 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, visant les articles
1109,
1116,
1134 et
1382 du code civil, conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes et demande à la cour, en statuant à nouveau, de :
- Dire que la société Blace finance a commis un dol lors de la vente des lots 47, 48, 49, 16, 10, 11, 12 et 13 de l'immeuble sis [Adresse 5],
- En conséquence, condamner la société Blace finance à lui verser, à titre de dommages et intérêts, les sommes de 100.000€ à titre de restitution de l'excès de prix qu'elle a été conduite à payer assortie des intérêts au jour de la mise en demeure, 52.475€ au titre des intérêts d'emprunt supplémentaires assortie des intérêts au jour de la mise en demeure, 2.000€ au titre des frais de notaire supplémentaires assortie des intérêts au jour de la mise en demeure, 1.000€ au titre des frais de garantie supplémentaire assortie des intérêts au jour de la mise en demeure,
- Condamner la société Blace finance à lui verser la somme de 35.000€ au titre d'une participation financière aux travaux, assortie des intérêts au jour de la mise en demeure,
Si, par extraordinaire, la cour ne retenait pas la responsabilité de la SAS Blace finance,
- condamner solidairement la SELAS [W] et associés et M. [B] à lui verser la somme de 155.475€ à titre de restitution de l'excès de prix et des frais divers qu'elle a été conduite à payer,
Si, par extraordinaire, la cour ne retenait pas la responsabilité de la SAS Blace finance quant aux travaux sur les parties communes,
- condamner solidairement la SELAS [W] et associés et M. [B] à lui verser la somme de 35.000€ au titre des travaux sur les parties communes,
En tout état de cause,
- condamner la société Blace finance à lui verser la somme de 10.000€ au titre des man'uvres dolosives
- condamner la société Blace finance à lui verser la somme de 10.000€ par application de l'article
700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 11 mai 2012 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, la Société Blace finance, visant les articles
1110,
1116,
1134 et
1147 du code civil et les actes des 25 août 2007 et 1er août 2007, conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la Cour, en y ajoutant, de :
- condamner la SCI Loulou à lui payer la somme complémentaire de 4.000€ par application de l'article
700 du code de procédure civile
- condamner la SCI Loulou aux entiers dépens lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile
- constater qu'elle avait une parfaite connaissance du montant et de la périodicité des loyers tant avant la signature de la promesse de vente qu'avant la signature de l'acte définitif de vente,
Subsidiairement,
- Constater que tant M. [B], notaire de la SCI Loulou, que la SELAS [W] et associés, notaire mandaté par elle, sont responsables à son égard des conséquences de leurs erreurs et négligences et de tout préjudice pouvant en résulter pour elle,
- Condamner en conséquence in solidum M. [B] et la SELAS [W] et associés à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de la SCI Loulou,
- Les condamner in solidum à lui payer la somme de 4.000€ par application de l'article
700 du code de procédure civile,
- Les condamner in solidum aux entiers dépens lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 29 septembre 2011 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens, M. [B] et la SELAS [W] et associés, notaires, concluent à titre principal à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à titre subsidiaire, demandent à la cour, au visa des article
1116 et
1382 du code civil, de :
- juger que ni la SCI Loulou, ni la société Blace finance ne rapportent la preuve d'une faute de l'office notarial [W] et associés et de M. [B] en lien de causalité avec un préjudice indemnisable,
en conséquence, et en tout état de cause,
- Débouter la SCI Loulou de toutes ses demandes à leur encontre,
- Débouter la SAS Blace finance de toutes ses demandes à leur encontre,
- Condamner toute partie succombante à leur payer la somme de 4.000€ chacun par application de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que
tant le compromis de vente, par acte sous seing privé du 25 avril 2007, que l'acte authentique de vente du 1er août 2007, qui font tous les deux état de ce que les lots 11 et 12 sont loués à Mme veuve [F] [Y] par bail sous seing privé du 6 janvier 1966 et le lot 10 à son fils [F] [Y] par bail sous seing privé du 10 mars 1999, les deux baux étant soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948, comportent la mention suivante : « les loyers hors charges mensuels pour les lots 10, 11 et 12 sont de 749,33€ » alors qu'en réalité la somme de 749,33€ est celle d'un loyer trimestriel et non mensuel ;
Considérant que selon l'article
1116 du code civil, « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, il doit être prouvé », étant observé que pour que le dol soit constitué, il doit être rapporté la preuve par celui qui l'invoque de l'existence de man'uvres, mais également la preuve de l'intention de leur auteur de provoquer par ces manoeuvres une erreur de nature à vicier le consentement du contractant et la preuve de l'erreur provoquée par ces manoeuvres;
Considérant, en l'espèce, que s'il est établi, et non contesté, qu'une erreur a été commise par les rédacteurs du compromis de vente et de l'acte authentique de vente, les deux actes faisant état d'un loyer mensuel aux lieu et place d'un loyer trimestriel, la preuve n'est cependant pas rapportée de ce que cette information erronée aurait été donnée sciemment par le vendeur, dans le but de tromper l'acquéreur pour l'amener à contracter, étant observé que la SCI Loulou ne fait état d'aucune man'uvre ou agissement du vendeur antérieurs à la vente de nature à l'avoir induite en erreur sur la rentabilité du bien ;
Qu'il est précisé dans les deux actes que « lesdits biens sont loués à des charges et conditions que l'acquéreur déclare parfaitement connaître pour lesquels il se reconnaît purement et simplement subrogé dans les droits et obligations du vendeur à cet égard. Une copie de ces baux a été remise à l'acquéreur dès avant ce jour », ce dont il résulte que la SCI Loulou était en possession des deux baux avant le 25 avril 2007 et qu'elle disposait donc des éléments d'information nécessaires pour apprécier la rentabilité de l'immeuble et prendre une décision éclairée, étant observé que sa décision a nécessairement été prise avant la signature du compromis de vente ;
Que la SCI Loulou ne rapporte donc pas la preuve que son consentement aurait été vicié par dol ou, subsidiairement, par suite d'une erreur portant sur la substance du bien, du fait de l'erreur matérielle contenue dans le compromis de vente et reprise dans l'acte de vente quant à la périodicité des loyers ;
Considérant que la SCI Loulou soutient également que la SAS Blace finance s'est rendue coupable de réticence dolosive en ne l'informant pas de la nécessité pour la copropriété d'entreprendre à court terme d'importants travaux rendus nécessaires du fait de l'existence d'infiltrations;
Que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a débouté la SCI Loulou de cette demande, étant observé que la SCI Loulou ne conteste pas avoir participé à l'assemblée générale des copropriétaires tenue le 20 juin 2007, donc antérieurement à la réitération de la vente par acte authentique, et avoir voté en faveur de l'exécution des travaux visés à la résolution 18.2 du procès-verbal de l'assemblée générale du 20 juin2007 ;
Que c'est donc en parfaite connaissance de la réalisation prochaine de ces travaux, et sans aucune observation sur ce point, que la SCI Loulou a réitéré la vente par acte authentique le 1er août 2007 ;
Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Loulou de ce chef de demande ;
Considérant, en ce qui concerne les demandes de la SCI Loulou à l'encontre des notaires, qu'il sera observé que l'erreur relative à la périodicité de loyers contenue dans le compromis de vente, reproduite dans l'acte authentique de vente, ne peut avoir été déterminante de la décision d'acquérir de la SCI Loulou, laquelle avait nécessairement été prise avant la saisine du notaire aux fins de la rédaction des actes, au vu, quant à la rentabilité de l'immeuble, des baux en possession desquels la SCI Loulou se trouvait dès avant le 25 avril 2007 ;
Que les notaires, qui sont tenus d'assurer la validité et l'efficacité de leurs actes, n'étaient pas tenus à un devoir de conseil concernant la rentabilité de l'opération, la SCI Loulou ne justifiant pas, ni même ne soutenant, les avoir consultés sur ce point ni les avoir informés du caractère déterminant, pour elle, de la mensualité des loyers ;
Considérant que eu égard à la solution donnée au litige, la demande subsidiaire de la société Blace finance est sans objet ;
Que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que la SCI Loulou, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de l'appel et devra en outre indemniser les intimés des frais non répétibles qu'elle les a contraints à exposer devant la cour ainsi qu'il est dit au dispositif du présent arrêt ;
PAR CES MOTIFS
,
Par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SCI Loulou à payer, par application de l'article
700 du code de procédure civile, les sommes de 3.000€ à la SCI Blace finance et de 2.000€ à M. [B] et la SELAS [W] et associés, ensemble,
Condamne la SCI Loulou aux entiers dépens de l'appel lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.
La GreffièreLa Présidente