Cour d'appel de Paris, Chambre 5-5, 20 septembre 2018, 16/00919

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    16/00919
  • Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :tribunal de grande instance de Pirée, 25 novembre 2008
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/5fdd4cbce26bbbb4d46ad2d1
  • Président : Monsieur Patrick BIROLLEAU
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2020-01-15
Cour d'appel de Paris
2018-09-20
Tribunal de commerce de Paris
2015-12-18
Tribunal de commerce de Paris
2014-06-25
Cour d'appel de Paris
2013-11-05
Tribunal de commerce de Paris
2012-06-27
Cour de cassation
2011-11-09
Cour d'appel de Paris
2010-02-24
Tribunal de commerce de Paris
2009-06-09
tribunal de grande instance de Pirée
2008-11-25

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT

DU 20 SEPTEMBRE 2018 (n° , 11 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00919 Décision déférée à la cour : jugement du 18 décembre 2015 -tribunal de commerce de Paris - RG n° [...] APPELANTE SA AEGEAN MARINE PETROLEUM, société de droit grec Ayant son siège social 10 Akti Kondill 185 45 LE PIREE (GRECE) Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Représentée par Maître Edmond X..., avocat au barreau de PARIS, toque : J151 Ayant pour avocat plaidant Maître Marie-Noëlle Y..., de la SCP INCE & CO avocate au barreau de PARIS, toque : P132 INTIME Monsieur Antonio Z... Demeurant [...] Représenté par Maître Michael A... de la SELARL BRS & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0152 Ayant pour avocats plaidants Maître Michael A... de la SELARL BRS & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0152 et Maître B..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0152 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 31 mai 2018, en audience publique, devant la cour composée de: Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère chargée du rapport. Madame Anne DU BESSET, Conseillère qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Fabienne SCHALLER dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile. Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président et par Madame Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *** FAITS ET PROCÉDURE : La société de droit grec Aegean Marine Petroleum (ci-après société Aegean) est spécialisée dans l'avitaillement maritime en carburant. Elle a souhaité développer une activité de soutage à Kingston en Jamaïque pour l'approvisionnement en carburant des navires en transit. Dans ce contexte, la société Aegean est entrée en contact avec Monsieur Z... Antonios (ci-après Monsieur Z...), consultant maritime, et lui a confié une mission de conseil afin d'obtenir les autorisations nécessaires à l'activité de «bunkering» (soutage en mer), lui faire connaître les conditions tarifaires et conclure des contrats, notamment avec la raffinerie jamaïcaine Petrojam, en négociant des prix plus intéressants que ceux du marché. Par télécopie du 26 octobre 2004, dont les parties ne contestent pas la validité, chacune l'invoquant au soutien de ses propres demandes, la société Aegean a confirmé cette mission, en contrepartie de laquelle elle s'engageait à verser un honoraire de 1 $ par tonne métrique sur la base des ventes locales, mentionnant le choix de la loi grecque et renvoyant tout litige à l'arbitrage au Pirée. Monsieur Z... estime avoir exécuté la mission et ne pas avoir perçu les honoraires contractuellement prévus. Parallèlement, la société Aegean fait état de graves manquements qui auraient donné lieu à la rupture de la relation contractuelle par un courrier du 5 novembre 2004, courrier dont l'existence et la réception sont remises en cause par Monsieur Z.... En mai 2005, Monsieur Z... a saisi le tribunal de grande instance de Pirée en Grèce aux fins d'obtenir la condamnation de la société Aegean au paiement des commissions qu'il estimait lui être dues. La société Aegean a fait valoir l'incompétence des juridictions étatiques au bénéfice d'une clause d'arbitrage. Par jugement en date du 25 novembre 2008, le tribunal de grande instance de Pirée a dit que "l'action en justice n'était pas recevable". Appel ayant été formé par la société Aegean qui a vu son exception d'incompétence déclarée irrecevable, la cour d'appel de Pirée a, par un arrêt en date du 20 janvier 2010, "rejeté l'appel". La société Aegean a formé un pourvoi en cassation devant la Cour de cassation grecque qui a confirmé cette décision. Estimant avoir réuni les pièces complémentaires permettant de faire valoir sa créance, Monsieur Z... a saisi le tribunal de commerce de Paris le 26 février 2009 en vue de la condamnation de la société Aegean au paiement des honoraires qu'il estimait lui être dus. Par jugement rendu le 9 juin 2009, le tribunal de commerce de Paris a accueilli l'exception de connexité soulevée, l'affaire étant pendante devant les juridictions grecques, et a rejeté celle de litispendance. Par arrêt rendu le 24 février 2010, la cour d'appel de Paris a confirmé ledit jugement - en ce qu'il a accueilli l'exception de connexité - sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de litispendance et a accueilli cette exception. Par arrêt rendu le 9 novembre 2011, la Cour de cassation a cassé et annulé par voie de retranchement l'arrêt de la cour d'appel de Paris mais seulement en ce qu'il a accordé l'exception de litispendance. Suite à cela, Monsieur Z... a, par acte du 16 janvier 2012, assigné la société Aegean devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamnée au paiement des commissions qu'il estimait lui être dues. Par jugement rendu le 27 juin 2012, le tribunal de commerce de Paris a accueilli l'exception de litispendance soulevée par la société Aegean sur le fondement de l'article 27 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000. Monsieur Z... a formé un contredit de ce jugement. Par un arrêt en date du 5 novembre 2013, la cour d'appel de Paris a accueilli le contredit de Monsieur Z..., infirmé le jugement, rejeté l'exception de litispendance, et dit n'y avoir lieu à la saisie de la société CJUE de questions préjudicielles comme le demandait ce dernier. Elle a rejeté la demande de sursis à statuer et renvoyé les parties devant le tribunal de commerce de Paris pour suite de la procédure, débouté la société Aegean de ses demandes de dommages et intérêts, l'a condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Monsieur Z... la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La société Aegean a formé un pourvoi contre cet arrêt de la cour d'appel de Paris devant la Cour de cassation française, puis s'en est désistée. Par jugement rendu le 25 juin 2014, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société Aegean de sa demande de sursis à statuer jusqu'au premier des arrêts à intervenir devant être rendu par la Cour de cassation française et la Cour de cassation grecque et l'a enjoint de conclure au fond pour l'audience de septembre 2014. Par jugement rendu le 18 décembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a : - dit irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Aegean Marin Petroleum au profit d'un tribunal arbitral, - débouté la société Aegean Marin Petroleum de sa demande d'incompétence du tribunal de commerce de Paris au profit des juridictions civiles du Pirée (Grèce) et s'est déclaré compétent, - dit irrecevable la demande de sursis à statuer formée par la société Aegean Marin Petroleum, - dit Monsieur Antonios Z... recevable en son action, - condamné la société Aegean Marin Petroleum a payer à Monsieur Antonios Z... la somme de 670.015$ ou sa contre-valeur en euros au cours du change au jour du paiement au titre des commissions relatives aux années 2005 à 2008, inclus. - condamné la société Aegean Marin Petroleum à payer à Monsieur Antonios Z... la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à charge pour Monsieur Antonios Z... de fournir une caution couvrant, en cas d'exigibilité de leur remboursement éventuel, toute les sommes versées en exécution du présent jugement outre les intérêts éventuellement encourus sur ces sommes, - rejeté les demandes des parties, plus amples ou contraires, - condamné la société Aegean Marin Petroleum aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 153,96 euros dont 25,22 euros de TVA. Vu l'appel interjeté le 22 décembre 2015 par la société Aegean Marin Petroleum à l'encontre de cette décision, et vu l'appel interjeté le 8 février 2016 par Monsieur Z... contre cette décision, Vu la jonction ordonnée le 17 novembre 2016, Par ordonnance rendue le 22 juin 2017, le conseiller de la mise en état a : - débouté Monsieur Z... de sa demande de communication de pièces ; - dit qu'il n'y avait pas à statuer sur les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile, - réservé les dépens. Vu les dernières conclusions signifiées le 16 mai 2018 par la société Aegean Marin Petroleum, appelante et intimée, par lesquelles il est demandé à la cour de : Vu le règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, Vu les articles 1458 et 1466 du code de procédure civile, Vu l'article L.411-4 du code de l'organisation judiciaire, Vu L.116-1 du code de commerce, Vu les articles 320 et 321 du code civil grec, In limine litis, - constater l'existence de la clause compromissoire contenue dans le contrat du 26 octobre 2004, - constater que l'exception d'incompétence matérielle a été invoquée in limine litis, Par conséquent, - réformer le jugement entrepris et se déclarer incompétent en application du principe compétence-compétence et renvoyer les parties devant la juridiction arbitrale à constituer, Dans l'hypothèse où l'existence de la clause compromissoire ne serait pas reconnue, - constater que l'exception d'incompétence territoriale a été invoquée in limine litis, - constater que la société Aegean Marin Petroleum est domiciliée dans un autre Etat membre, à savoir la Grèce, - constater que l'obligation servant de fondement à la demande au sens de l'article 5.1 du règlement (CE) n°44/2001 du 22 décembre 2000 est une obligation de prestation de service, exécutée à Kingston (Jamaïque), lieu où résidait Monsieur Z..., et non dans un Etat membre, et subsidiairement que le lieu du paiement prétendu est situé en Grèce. Par conséquent, En application de l'article 2 du règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000, - se déclarer incompétent territorialement au profit des juridictions civiles du Pirée dans le ressort desquelles est domiciliée la concluante, ou subsidiairement aux juridictions jamaïcaines, À titre subsidiaire, - constater que le litige opposant Monsieur Z... à la société Aegean Marin Petroleum a été tranché par le tribunal de grande instance du Pirée du 25 novembre 2008 qui a jugé la demande de Monsieur Z... irrecevable, - dire que le jugement du tribunal de grande instance du Pirée du 25 novembre 2008 a autorité de la chose jugée, Par conséquent, - rejeter la demande de Monsieur Z... comme irrecevable, À titre très subsidiaire, - rejeter la demande de Monsieur Z... mal fondée, À titre infiniment subsidiaire, - confirmer le jugement en ce qu'il a limité partiellement le montant de la réclamation, En toute hypothèse, - dire que la demande nouvelle de Monsieur Z... est constitutive d'un abus, Par conséquent, - le condamner à régler à la société Aegean Marin Petroleum une indemnité pour procédure abusive de 100.000 euros, - condamner Monsieur Z... au paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens. Vu les dernières conclusions signifiées le 16 mai 2018 par Monsieur Antonios Z..., appelant et intimé, par lesquelles il est demandé à la cour de : - confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 18 décembre 2015 en ce qu'il a jugé irrecevable les exceptions de procédure soulevées par la société Aegean Marin Petroleum, débouté la société Aegean Marin Petroleum de son exception d'incompétence, jugé recevable l'action de Monsieur Z..., condamné la société Aegean Marin Petroleum à verser à Monsieur Z... 670.015 $ au titre des commissions relatives aux années 2005 à 2008 et 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, - infirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 18 décembre 2015 en ce qu'il a réduit l'honoraire de Monsieur Z... à la somme de 0,5 USD par tonne métrique de carburant vendue par la société Aegean Marin Petroleum en Jamaïque et limité la condamnation au paiement de ces honoraires aux années 2005 à 2008 inclus, - condamner la société Aegean Marin Petroleum à payer à Monsieur Z... la somme de 9.845.665 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, soit à compter du 16 janvier 2012 pour les années 2005 à 2011 et avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre de chaque année pour les années 2013 à 2016, A titre subsidiaire, - condamner la société Aegean Marin Petroleum à payer à Monsieur Z... la somme de 4.123.918 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, soit à compter du 16 janvier 2012 pour les années 2005 à 2011 et avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre de chaque année pour les années 2013 à 2016, - donner acte à Monsieur Antonios Z... de ce qu'il se réserve d'augmenter ses demandes en cours d'instance au fur et à mesure de la réalisation des ventes par Aegean Marin Petroleum en Jamaïque et d'introduire, le cas échéant, des nouvelles instances pour les commissions devenant exigibles après le jugement intervenu dans le cadre de la présente instance ou des commissions devenues exigibles à partir du 1er octobre 2017, - débouter la société Aegean Marin Petroleum de l'ensemble de ses demandes, - condamner la société Aegean Marin Petroleum au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner la société Aegean Marin Petroleum aux dépens, *** La société Aegean Marin Petroleum fait valoir que la télécopie prévoyant les conditions de la rémunération de Monsieur Z... fait mention d'une clause d'arbitrage qui a été soulevée in limine litis de sorte que le tribunal arbitral à constituer est le seul compétent pour statuer sur sa compétence au regard du principe de compétence-compétence, sauf à considérer que cette convention est manifestement nulle ou inapplicable ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque d'une part, le jugement du 25 novembre 2008 rendu par le tribunal de commerce de Paris n'a pas autorité de la chose jugée sur la compétence, ce dernier n'ayant pas statué sur ce point et ayant été réformé par la cour d'appel de Paris, et puisque d'autre part, les règles applicables en matière d'arbitrage international acceptant l'adhésion tacite à une clause compromissoire, Monsieur Z... n'a présenté aucune objection à cette clause compromissoire et a signé la télécopie. La société Aegean Marin Petroleum fait valoir qu'en application de l'article 2 règlement (CE) n° 44/2001, la société Aegean Marin Petroleum étant domiciliée en Grèce, elle est fondée à revendiquer la compétence des juridictions grecques. Elle rejette l'application de l'article 5.1 de ce même règlement au regard du (b) qui prévoit une compétence spéciale en cas de vente ou de prestations de service si le lieu d'exécution de ladite prestation est un Etat membre ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque les prestations ont été effectuées en Jamaïque. Elle ajoute qu'au regard de l'article 5.1 (a) de ce même règlement, qu'elle estime inapplicable à l'espèce, et des dispositions du code civil grec, le lieu d'exécution du contrat, sauf précision contraire, est réputé être le lieu du débiteur, qui est situé en Jamaïque, ou si l'obligation découle de l'activité commerciale du débiteur, le lieu du siège social, qui est situé en Grèce de sorte que si l'article 5.1(a) du règlement devait recevoir application, les juridictions françaises ne pourraient être compétentes. À titre subsidiaire, si les juridictions françaises se reconnaissent compétentes, la société Aegean Marin Petroleum fait valoir que la demande de Monsieur Z... n'est pas recevable puisque la décision du 25 novembre 2008 a déjà jugé la demande irrecevable, de sorte qu'elle acquiert autorité de la chose jugée s'imposant aux juridictions françaises, et qui a admis la possibilité pour Monsieur Z... de reformuler une demande uniquement devant les juridictions grecques, la possibilité de réintroduire une demande de compensation à raison des mêmes faits contre le même défendeur alors qu'il a été débouté en première instance n'étant pas permise en droit français. À titre très subsidiaire, si la nouvelle demande devait être accueillie, la société Aegean Marin Petroleum fait valoir que le bien-fondé de la créance dont le paiement est réclamé n'est pas établi puisque, si la mission de ce dernier comprenait la négociation des conditions tarifaires, le mandat a été résilié en raison du comportement fautif de Monsieur Z..., ce dernier n'ayant pas fait les démarches nécessaires pour l'obtention des autorisations et permis nécessaires à l'activité de soutage en Jamaïque, en transmettant dans le cadre de sa mission des informations tarifaires faussées, en modifiant unilatéralement et sans autorisation les projets de contrats préparés par la société Aegean Marin Petroleum notamment au titre des tarifs et de sa rémunération personnelle, entraînant de ce fait un surcoût des opérations et obligeant la société Aegean Marin Petroleum à reprendre les négociations avec les entreprises concernées. Enfin, si la cour devait accueillir la demande, la société Aegean Marin Petroleum fait valoir que le montant n'est pas justifié puisque la rémunération, liée au succès de l'intervention de Monsieur Z... dans la sécurisation des contrats, ne peut pas excéder l'année 2012 et puisque son préjudice n'est pas allégué, les éléments permettant de calculer sa rémunération selon sa méthode de calcul des honoraires étant approximative. Monsieur Z... soutient que l'exception d'incompétence soulevée par la société Aegean Marin Petroleum n'est pas recevable, au regard de l'article 74 du code de procédure civile, puisqu'elle n'a pas été soulevée en même temps que la demande de sursis à statuer et qu'elle n'a pas, dans le cadre de l'instance en Grèce, invoqué in limine litis la clause d'arbitrage. Il ajoute que la clause d'arbitrage est manifestement nulle puisque la télécopie du 26 octobre 2004 n'a pas été signée par Monsieur Z..., comme l'exigent pourtant les dispositions grecques. Monsieur Z... fait valoir que les juridictions territorialement compétentes sont les juridictions françaises puisque l'article 5.1 (a) du règlement CE n° 44/2001 prévoit la compétence, en matière contractuelle, du tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande - en l'espèce l'obligation de paiement - a été ou doit être exécutée, donc, en application du droit grec le lieu du créancier, et non de l'article 5.1 (b) en l'espèce inapplicable puisqu'aucune fourniture de service n'a lieu dans un état membre, mais en Jamaïque et qu'il s'agit donc du lieu de l'obligation de paiement, à savoir, le lieu de l'établissement professionnel ou commercial du créditeur correspondant à son domicile - en l'espèce la France. Il ajoute que la compétence des juridictions françaises a été reconnue par la cour d'appel de Paris qui a accueilli les exceptions de litispendance et de connexité. Monsieur Z... fait valoir que sa demande est recevable, puisque le tribunal de grande instance du Pirée l'a expressément autorisé à réintroduire une nouvelle instance dès lors qu'il disposera des pièces nécessaires aux calculs des honoraires, ce qui est le cas, la nouvelle action étant dès lors parfaitement recevable au vu de la décision grecque, confirmée par la cour d'appel du Pirée, et puisque le droit français reconnaît la validité d'une nouvelle demande résultant de faits nouveaux, en l'espèce la réunion d'éléments nouveaux permettant de calculer ses honoraires, le principe de concentration des moyens n'étant pas applicable. Monsieur Z... considère que le jugement doit être infirmé en ce qu'il ne lui a attribué que 50% de l'honoraire convenu, puisque Monsieur Z... n'a jamais été habilité à négocier le prix des produits mais devait seulement procéder à la mise en place d'un terminal de soutage, mission qui a été menée à bien puisque ledit terminal est entré en service le 1er mars 2005, de sorte que la demande du paiement total de l'honoraire est fondée, d'autant qu'aucune licence n'est obligatoire pour exercer une activité de soutage contrairement au stockage qui nécessite un permis. Il en conclut que la société Aegean Marin Petroleum est redevable à son égard de la somme de 9.845.665 euros à titre principal et de 4.123.918 euros à titre subsidiaire, précision faite que ces sommes sont calculées approximativement sur la base de données contenues dans des journaux, la société Aegean Marin Petroleum ayant cessé, pour les années 2009 à 2014 de communiquer les quantités de carburant livrées en Jamaïque. La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Sur ce, la cour,

' Sur la recevabilité des exceptions de procédure Considérant qu'aux termes des articles 73 et 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir; Que tant les demandes de sursis à statuer, que les exceptions portant sur la compétence d'une juridiction étrangère, ou sur l'incompétence du juge étatique au bénéfice d'un tribunal arbitral doivent être soulevées in limine litis; Qu'en l'espèce, l'instance introduite le 16 janvier 2012 par Monsieur Z... devant le tribunal de commerce de Paris se poursuit devant la cour ; Qu'il résulte du jugement rendu par le tribunal de commerce sur cette assignation que la société Aegean a soulevé, avant toute fin de non recevoir et toute défense au fond l'incompétence du tribunal de commerce de Paris en raison "de l'exception de litispendance, à défaut, l'existence de la clause compromissoire et donc du principe compétence-compétence, à défaut, de la domiciliation de la société Aegean en Grèce"; Que le tribunal ayant retenu, in limine litis, l'exception de litispendance, il n'a pas statué sur les autres exceptions qui ont néanmoins toutes été soulevées en même temps, avant le jugement du 27 juin 2012, l'exigence de simultanéité étant dès lors remplie ; Que la cour d'appel ayant infirmé ladite décision sans statuer au fond et invité les parties à reprendre la procédure devant le tribunal de commerce, l'exigence de simultanéité est toujours remplie; Qu'en ce qui concerne l'exigence d'antériorité, il résulte des différentes procédures que par arrêt du 24 février 2010, la cour d'appel de Paris a confirmé l'exception de connexité retenue par le tribunal de commerce de Paris au profit des juridictions du Pirée, préalablement saisies par Monsieur Z... en mai 2005 d'une demande en paiement à hauteur de 10.080.000 US$, ayant donné lieu à un arrêt de la cour d'appel du Pirée qui a rejeté le 20 janvier 2010, en application de la loi grecque, l'appel formé, rappelant que dès ce stade, la société Aegean avait déjà soulevé l'exception d'irrecevabilité au bénéfice d'un tribunal arbitral; Que par mêmes décisions, les juridictions grecques ont estimé que la demande en paiement présentée par Monsieur Z... était prématurée, et déclaré de ce fait ladite demande irrecevable et l'appel formé par la société Aegean sur le fond irrecevable, l'appelante étant dénuée d'intérêt à agir, un tel rejet n'ayant pas autorité de la chose jugée et conservant donc, au bénéfice de la société Aegean, l'antériorité des exceptions soulevées au profit d'un tribunal arbitral ; Que malgré le pourvoi en cassation formé par la société Aegean devant la cour de cassation grecque, qui a confirmé la décision de la cour d'appel du Pirée, la cour d'appel de Paris a, par un arrêt du 5 novembre 2013 devenu définitif, rejeté l'exception de litispendance entre cette procédure grecque et celle dont les juridictions françaises étaient saisies par Monsieur Z... suivant exploit du 16 janvier 2012, invitant ce dernier à reprendre la procédure introduite devant les juridictions françaises, ce qu'il a fait et ce qui a donné lieu au présent jugement dont appel; Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les juridictions françaises sont certes saisies de la même demande en paiement que celle que Monsieur Z... avait présentée devant les juridictions grecques en 2005, mais que celle-ci avait été jugée prématurée, les juges n'ayant ainsi jamais statué au fond, ce qui permet à Monsieur Z... de saisir à nouveau la justice de sa demande; Que la demande introduite par Monsieur Z... devant les juridictions françaises constitue une nouvelle instance, au cours de laquelle les parties peuvent faire valoir l'ensemble de leurs moyens et exceptions, à condition de respecter les règles relatives à l'ordre de présentation de ceux-ci, les exceptions de procédure devant être soulevées in limine litis ; Qu'il résulte de ces éléments que tant les demandes de sursis à statuer, que les exceptions d'incompétence au bénéfice d'un tribunal arbitral ou d'une juridiction étrangère, ont toutes été soulevées in limine litis, avant l'audience au fond, remplissant ainsi les conditions fixées par l'article 74 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant infirmée sur ce point, les exceptions soulevées étant toutes recevables; ' Sur l'incompétence au profit d'un tribunal arbitral Considérant qu'aux termes de l'article 1458 ancien du code de procédure civile, applicable en l'espèce, repris dans l'article 1448 nouveau du même code, si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi, la juridiction doit se déclarer incompétente à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle; Qu'en l'espèce, Monsieur Z... soutient que la clause compromissoire serait manifestement nulle, le droit grec exigeant pour la validité d'une telle clause qu'elle soit rédigée par un écrit signé des parties; Mais considérant d'une part qu'il ne résulte pas de la loi grecque invoquée une telle exigence, la loi grecque n°2735/1999 versée aux débats en extraits traduits exigeant certes un écrit, mais pas nécessairement signé, la loi précisant que l'accord 'peut être contenu dans un document signé par les parties ou dans un échange de lettres, telex ou autre moyens de communication rappelant l'accord'; Que la télécopie de la société Aegean du 26 octobre 2004, dont la réalité et la date ne sont pas contestées par les parties, celles-ci s'y référant chacune expressément pour s'en prévaloir en en invoquant le bénéfice, constitue un écrit au sens de ce texte; Que l'exigence de l'écrit est dès lors remplie; Que la clause compromissoire n'est pas entachée d'une nullité manifeste au regard de ladite loi; Qu'est international l'arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international; Qu'en effet s'agissant d'un litige relatif au commerce international dont les enjeux concernent non seulement des personnes de nationalité grecque, mais également des contrats avec des sociétés jamaïcaines pour l'avitaillement en mer et le soutage de navires faisant escale en Jamaïque ou transitant par ses eaux, la clause compromissoire invoquée n'est pas inhabituelle au regard des règles pour le règlement des litiges en matière de transport maritime, ce mode étant souvent privilégié dans ce domaine ; Qu'il est constant en outre qu'en matière d'arbitrage international, la clause compromissoire est affranchie de conditions de forme dès lors que la validité du consentement résulte clairement des échanges entre les parties et respecte les formes habituelles de ce type de commerce; Qu'en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que la réalité du consentement des parties pour soumettre leurs litiges éventuels à l'arbitrage ne fait aucun doute, l'absence de signature de la télécopie du 26 octobre 2004, dont Monsieur Z... se prévaut au demeurant pour fonder sa propre demande en paiement, indiquant qu'il avait exécuté le contrat contenu dans cette télécopie sans réserve, ne permettant pas à elle seule à dire la clause compromissoire qui y est incluse manifestement nulle ; Que le jugement sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions, la juridiction étatique devant se déclarer incompétente, les parties étant renvoyées à mieux se pourvoir; Qu'il ne résulte pas des éléments susrappelés que Monsieur Z... ait commis un abus dans le droit d'ester en justice, nonobstant la longueur et la complexité des procédures ; Que Monsieur Z... conservera la charge des dépens et de ses frais irrépétibles; Qu'il y a lieu de le condamner à payer à la société Aegean la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La cour, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, SE DÉCLARE incompétente, RENVOIE les parties à mieux se pourvoir, CONDAMNE Monsieur Z... à payer à la société Aegean la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE Monsieur Z... aux dépens. La Greffière Le Président Hortense VITELA Patrick BIROLLEAU