Cour d'appel de Paris, 28 novembre 2012, 2011/08502

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2011/08502
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Numéros d'enregistrement : 090274 ; 090862
  • Parties : THE KOOPLES DIFFUSION SAS ; THE KOOPLES PRODUCTION SAS / GYSELE (ayant pour enseigne LES ENVAHISSEURS)
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 29 avril 2011
  • Président : Monsieur Benjamin RAJBAUT
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2012-11-28
Tribunal de grande instance de Paris
2011-04-29

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARISARRÊT DU 28 NOVEMBRE 2012 Pôle 5 - Chambre 1(n° , pages) Numéro d'inscription au répertoire gén éral : 11/08502 Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Avril 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/19012 APPELANTESSAS THE KOOPLES DIFFUSIONprise en la personne de son représentant légal19 Place Vendôme75001 PARISReprésentée par la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE(Me L DE MARIA) (avocats au barreau de PARIS, toque : L18)assistée de Me Emmanuelle H de la SELARL H(avocat au barreau de PARIS, toque : C0610) SAS THE KOOPLES PRODUCTIONprise en la personne de son représentant légal19 Place Vendôme75001 PARISReprésentée par la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE(Me L DE MARIA) (avocats au barreau de PARIS, toque : L18)assistée de Me Emmanuelle H de la SELARL H(avocat au barreau de PARIS, toque : C0610) INTIMÉESociété GYSELE exerçant sous l'enseigne 'LES ENVAHISSEURS'prise en la personne de son gérant[...]75001 PARISReprésentée par Me Olivier BERNABE (avocat au barreau de PARIS,toque : B0753) assistée de Me Gilles S (avocat au barreau de PARIS, toque : R201) COMPOSITION DE LA COUR :Après le rapport oral dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions de l'article 786 et 910 du même code, l'affaire a été débattue le 15 octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Marie GABER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président,Madame Brigitte CHOKRON, ConseillèreMadame Anne-Marie GABER, Conseillère Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude H

ARRÊT

:- contradictoire- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président, et par Madame Marie-Claude H, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Vu le jugement contradictoire du 29 avril 2011 rendu par le tribunal de grande instance de Paris, Vu l'appel interjeté le 5 mai 2011 par les sociétés THE KOOPLES PRODUCTION et THE KOOPLES DIFFUSION, Vu les dernières conclusions du 8 octobre 2012 des sociétés appelantes, Vu les dernières conclusions du 25 septembre 2012 de la société GYSELE exerçant sous l'enseigne 'LES ENVAHISSEURS', intimée, Vu l'ordonnance de clôture du 9 octobre 2012,

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la société THE KOOPLES PRODUCTION se prévaut de droits d'auteur ainsi que de dessins et modèles pour trois vêtements créés pour la collection printemps/été 2009, savoir : - deux modèles enregistrés à l'INPI sous le n°09/02 74 (Reproductions 3 et 22)'Gilet sans manches avec brandebourgs, femme' et 'Veste en coton stretch avec écusson, pour femme', déposés le 19 janvier 2009, - un modèle enregistré à l'INPI sous le n° 09 0862 (Reproduction 9-1) 'Cardigan col châle manches courtes, boutons personnalisés tête de mort, écusson, femme', déposé le 20 février 2009 ; Qu'ayant découvert l'offre en vente par la société GYSELE, d'un modèle de veste et de deux modèles de gilets constituant, selon elle, la reproduction des caractéristiques de ses modèles elle a, dûment autorisée par ordonnance présidentielle du 3 décembre 2009, fait procéder le même jour à une saisie- contrefaçon au siège social et dans un établissement de la société incriminée ; Considérant qu'elle a, dans ces circonstances, avec sa filiale exploitante, la société THE KOOPLES DIFFUSION, fait assigner la société GYSELE devant le tribunal de grande instance de Paris, le 17 décembre 2009, en contrefaçon de droits d'auteur et de dessins et modèles ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire ; Considérant que, selon jugement dont appel, les premiers juges ont essentiellement :- dit que les trois modèles précités ne peuvent bénéficier de la protection au titre des livres I et V du Code de la propriété intellectuelle et, en conséquence, débouté la société THE KOOPLES PRODUCTION de ses demandes au titre de la contrefaçon, retenant d'une part, que les modèles reprendraient des éléments connus dans une combinaison dont l'originalité ne serait pas établie, d'autre part, qu'ils ne présenteraient pas un caractère propre tout en constatant que la nullité des enregistrements n'était pas sollicitée, - rejeté la demande des sociétés THE KOOPLES PRODUCTION et THE KOOPLES DIFFUSION de leur demande fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme relevant qu'il serait justifié d'acquisitions par la société GYSELE des modèles incriminés à une date antérieure à la date de création revendiquée ; Considérant que les sociétés appelantes critiquent cette appréciation, et la société intimée demande, en cas de réformation, de réduire significativement les dommages et intérêts réclamés ; Considérant que si la titularité des droits n'est pas contestée, la société GYSELE, soutient que la contrefaçon ne saurait être établie faute de reproduction d'éléments présentant une originalité, un caractère de nouveauté ou un caractère propre ; Considérant que le tribunal a exactement rappelé les dispositions du Code de la propriété intellectuelle régissant, d'une part, la protection par le droit d'auteur, d'autre part, celle d'un dessin ou modèle ; Considérant, sur le droit des dessins et modèles, que l'enregistrement de chacun des modèles invoqués, dont l'intitulé a été ci-dessus rappelé, montre une photographie de face et de dos du vêtement en cause, et les modèles de gilet et de veste font en outre l'objet d'une brève description, savoir pour :- le gilet sans manches avec brandebourgs >,- la veste avec écusson > ; Que, manifestement, aucune antériorité de toutes pièces susceptible de priver les modèles opposés de leur caractère de nouveauté ne s'avère produite ; Que si certaines pièces de l'intimée sont dénuées de pertinence, comme ne permettant pas de dater, antérieurement à 2009, les modèles y figurant, il est par contre incontestablement établi que : - des vêtements ornés de brandebourgs préexistent depuis le Xe siècle, des gilets d'officier comportaient sous Louis XIV des brandebourgs et des boléros à brandebourgs étaient déjà divulgués en 2002 et 2007, - le blazer est connu de longue date, généralement complété de boutons-écussons, un blaser 'pour fille' ajusté étant divulgué en 2007, et les vestes avec poches à rabat ainsi que le gilet sans manche étant largement connus (ainsi qu'il ressort en particulier d'extraits de l'ouvrage '100 ans de mode masculine'), - un cardigan présentant un col Châle était souvent porté par un acteur connu ainsi que le montre notamment un ouvrage de 2004 ; Qu'il ressort néanmoins de l'examen de l'ensemble de ces pièces que les modèles y figurant ne présentent que l'un ou l'autre des éléments des modèles revendiqués et qu'aucun d'eux ne montre, en particulier, un cardigan à col châle à manches courtes avec un écusson, un gilet sans manches (style garçon de café) avec brandebourgs, une veste cintrée pour femme comportant un écusson et des poches à rabat, étant relevé que s'il n'est pas sérieusement contesté qu'un blazer pour homme de 1967 comportait déjà un écusson et des poches à rabat il ne présente visiblement pas le cintrage du modèle enregistré (mis en évidence dans le dépôt INPI par sa reproduction sur un mannequin) ; Qu'il en résulte que les antériorités (dont il est justifié) sont de nature à susciter chez l'observateur averti en matière de modèles de vêtements, particulièrement vigilant à raison de sa connaissance du secteur de l'habillement, une impression visuelle d'ensemble différente ; qu'il ne saurait, en conséquence, être retenu, nonobstant la reprise d'éléments effectivement connus, que les variations par rapport aux modèles antérieurs seraient trop faibles et de nature à détruire le caractère propre des modèles déposés par la société THE KOOPLES PRODUCTION ; que la décision entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle a exclu la protection au titre du droit des dessins et modèles ; Considérant que, s'agissant des droits d'auteur, il incombe effectivement à celui qui entend s'en prévaloir de caractériser l'originalité des créations invoquées, l'action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l'esprit protégeable au sens de la loi, c'est à dire originale ; Qu'à cet égard, la société THE KOOPLES PRODUCTION décrit les modèles revendiqués en pages 7 et 8 de ses écritures et soutient, pour conclure à leur originalité, sans prétendre s'approprier un genre, qu'elle procède de la combinaison de l'ensemble des caractéristiques ainsi énoncées (quant à leur coupe, structure et ornements) et d'un parti pris esthétique > ; qu'elle précise que :> ; Que pour contester l'originalité prétendue de ces modèles, de leur coupe ou style, la société GYSELE fait valoir qu'ils s'inscriraient dans les tendances de la mode alors 'axée sur l'écusson', constitueraient la reprise d'éléments tombés de longue date dans le domaine public, sans travail créatif, et que la > ; Qu'il ressort de l'examen, auquel la Cour s'est livrée, des modèles des vêtements revendiqués produits et des antériorités ci-dessus analysées, que ces dernières ne présentent pas tous les éléments des modèles opposés dans une combinaison identique ; que force est en effet de constater, au terme de cet examen, que si de nombreux éléments qui composent chacun des modèles en cause sont effectivement connus et que, pris séparément, ils appartiennent au fonds commun respectivement de l'univers de la veste à manches longues ou du blaser, du gilet sans manches et du gilet ou cardigan à col châle, en revanche, leur combinaison telle que revendiquée, dès lors que l'appréciation de la Cour doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par l'agencement des différents éléments et non par l'examen de chacun d'eux pris individuellement, confère à chacun de ces modèles une physionomie propre qui le distingue des autres modèles du même genre et qui traduit, même s'il s'avère minime, un parti pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur compte tenu des choix arbitraires opérés ; Que, par voie de conséquence, les modèles invoqués doivent également bénéficier de la protection instituée au titre du droit d'auteur et la décision entreprise sera encore infirmée sur ce point ; Considérant qu'il s'infère de la comparaison à laquelle la Cour a procédé des modèles revendiqués et des modèles commercialisés par la société GYSELE que ces derniers donnent à voir nonobstant des différences de détail (motifs des boutons et d'écussons, ajout d'une martingale sur le gilet sans manches) d'importantes similitudes, par la reprise dans la même combinaison d'éléments caractéristiques des modèles invoqués, produisant à leur côté, une incontestable impression visuelle de ressemblance ; Considérant que, certes, les documents comptables produits le 10 décembre 2009, en suite du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 3 décembre 2009, consistent en des factures d'août et d'octobre 2008 pour des références 07083, 0785, 07051 correspondant aux numéros de référence des produits saisis argués de contrefaçon et l'expert comptable de la société GYSELE a attesté le 24 mai 2010 que ces factures, qui émanent d'un fournisseur chinois, ont été régulièrement enregistrées en comptabilité au cours de l'exercice clos le 31 juillet 2009 et réglées en 2008 par virement ; Qu'il n'est cependant pas sans intérêt de relever que la société GYSELE n'invoque ces factures qu'en réponse aux arguments adverses (p 17, 21 et 22 de ses écritures) et se contente de relever, pour les modèles de gilet sans manches et de gilet col châle, qu'> elle > et que les appelantes > ; Que, par ailleurs, les appelantes relèvent à juste titre qu'il est étonnant que la vendeuse, présente lors des opérations de saisie (même si un bulletin de paye largement antérieur de décembre 2008 la rattache à un autre magasin) ait fait état (s'agissant du gilet sans manches) d'une commercialisation depuis novembre 2009, alors qu'un article portant le même numéro de référence aurait été acheté par la société GYSELE plus d'un an auparavant (en octobre 2008) ; Qu'il sera ajouté qu'il est également pour le moins surprenant que l'intimée n'invoque nullement la préexistence des factures précitées pour combattre en cause d'appel le grief de concurrence déloyale, alors que les premiers juges se sont fondés sur ce point pour rejeter les demandes formées à ce titre ; Qu'en réalité, une parfaite concordance entre ces factures et les modèles incriminés n'apparaît pas certaine et il ne saurait être retenu que la sociétés GYSELE rapporte ainsi une preuve suffisante de la préexistence des modèles incriminés de nature à exclure le caractère contrefaisant de son exploitation, tant au titre des droits d'auteur que des dessins et modèles ; Considérant que les faits reprochés au titre de la contrefaçon constituent, pour la société THE KOOPLES DIFFUSION (dont la qualité d'exploitante des modèles en cause n'est pas contestée), des actes de concurrence déloyale et parasitaire, la commercialisation illicite de vêtements reproduisant ceux qu'elle commercialise et pour un prix 3, à plus de 4 fois moindre, étant de nature à générer un trouble dans son activité ; Que les appelantes ne démontrent pas l'existence de faits distincts de la contrefaçon, étant observé que ne s'avèrent caractérisés ni une pratique de prix injustifiés ni de réel effet de gamme (les 3 modèles en cause ayant notamment chacun été déposé avec 18 à 21 autres modèles) ; que la demande formée par la société THE KOOPLES PRODUCTION au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ne saurait dès lors prospérer et la décision entreprise qui l'a rejetée sera confirmée sur ce point ; Considérant, sur les mesures réparatrices, que les opérations de saisie-contrefaçon ne laissent nullement présumer de l'ampleur alléguée des faits incriminés, eu égard à la quantité d'articles appréhendés (12 pièces), et à l'importation admise (130 pièces) ; qu'il n'est pas plus justifié de pertes effectives de marges ou de clientèle ; que, même limités, les actes illicites retenus ont cependant nécessairement porté préjudice aux droits de la société THE KOOPLES PRODUCTION ainsi qu'à la paisible exploitation de la société THE KOOPLES DIFFUSION et le préjudice subi par ces sociétés sera entièrement réparé par l'allocation à chacune d'elle d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ; Que la nécessité de mesures d'interdiction ou de publication n'est nullement démontrée, alors qu'aucun élément ne permet de retenir que les actes illicites ont perduré depuis 2009 ou sont susceptibles de se renouveler ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit aux demandes de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

, Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de la société THE KOOPLES PRODUCTION fondée sur la concurrence déloyale et le parasitisme ; Statuant à nouveau dans cette limite, Dit que les modèles invoqués par les appelantes bénéficient de la protection au titre des livres I et V du Code de la propriété intellectuelle ; Condamne la société GYSELE à payer à titre de dommages et intérêts à la société THE KOOPLES PRODUCTION la somme de 5.000 euros pour contrefaçon de droits d'auteur ainsi que de dessins et modèles, et à la société THE KOOPLES DIFFUSION la même somme pour concurrence déloyale et parasitaire ; Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ; Condamne la société GYSELE aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon, dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du dit Code au titre des frais irrépétibles de procédure.