Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) EMJ, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société par actions simplifiée (SAS) MCK, a demandé au tribunal administratif de Rennes de valider le maintien de la société anonyme (SA) L'Industrielle du Ponant, filiale de la SAS MCK, dans le périmètre de l'intégration fiscale au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016 et de prononcer le remboursement immédiat de la créance de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), d'un montant de 23 224 euros, détenue par la SA l'Industrielle du Ponant au titre de cet exercice.
Par un jugement n° 1702643 du 21 février 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 avril et 14 décembre 2018, la SELARL EMJ, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de dire que la SA L'Industrielle du Ponant n'a pas quitté le périmètre de l'intégration fiscale à la date de sa mise en liquidation judiciaire ;
3°) de prononcer le remboursement immédiat de la créance de la SA L'Industrielle du Ponant ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SA L'Industrielle du Ponant n'était pas tenue de clore son exercice social au 20 avril 2016, date de sa mise en liquidation judiciaire, soit avant la date de clôture, le 31 décembre 2016, de la société intégrante, la SAS MCK, dès lors qu'en application de l'article
1844-8 du code civil et de l'article
L. 237-2 du code de commerce, sa personnalité morale subsistait jusqu'à la clôture de la liquidation ; elle demeurait membre du groupe fiscal intégré dont la tête, la société MCK, pouvait ainsi lui être substituée pour l'imputation du CICE et son remboursement en vertu du c du 1 de l'article 223 O et de l'article 199 ter C du code général des impôts ;
- les comptes de la SAS MCK et de SA L'Industrielle du Ponant n'ont certes pas été déposés mais des attestations du liquidateur judiciaire, des 26 janvier 2018 et 19 avril 2018, ont établi que leurs résultats étaient déficitaires en 2016 de telle sorte que le CICE n'aurait pas pu être imputé ; compte tenu de leur situation déficitaire, l'administration savait qu'aucun impôt sur les sociétés n'était dû ; l'administration a d'ailleurs accepté le remboursement immédiat de la créance propre à la SAS MCK (462 euros).
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 octobre 2018 et 10 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SELARL EMJ ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SELARL EMJ.
Considérant ce qui suit
:
1. La société anonyme (SA) L'Industrielle du Ponant, filiale de la société par actions simplifiée (SAS) MCK, spécialisée dans la gestion de fonds, est un ensemblier industriel qui conçoit, fabrique et assemble des produits destinés à l'aéronautique, au nucléaire et à la défense, dans le domaine du traitement de l'air et des fluides. Elle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Brest le 20 avril 2016. La SAS MCK, elle-même placée en redressement judiciaire le 7 juin 2016 puis mise en liquidation judiciaire le 6 juin 2017, a demandé le 15 mars 2017 à l'administration fiscale, sur le fondement du 4° du II de l'article 199 ter C du code général des impôts, le remboursement immédiat d'une créance de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dégagée en 2016 par sa filiale, d'un montant de 23 224 euros. La demande a été rejetée le 11 avril 2017. La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) EMJ, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS MCK, relève appel du jugement du 21 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à ce que soit, d'une part, validé le maintien de la SA L'Industrielle du Ponant dans le périmètre de l'intégration fiscale au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2016 et, d'autre part, prononcé le remboursement immédiat de la créance de CICE dégagée par la SA l'Industrielle du Ponant au titre de cet exercice.
2. Pour refuser la restitution immédiate du CICE sollicitée par la SAS MCK, l'administration fiscale s'est fondée sur les circonstances, d'une part, que sa filiale avait quitté l'intégration fiscale au 1er janvier 2016, exercice au cours duquel elle a été placée en liquidation judiciaire et, d'autre part, qu'elle n'avait déposé aucune déclaration de résultats au titre de cet exercice de sorte que l'existence de la créance de CICE revendiquée, qui naît de la constatation d'un excédent de crédit sur l'impôt dû, n'était pas établie.
3. D'une part, aux termes de l'article 244 quater C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. - Les entreprises imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A et 44 decies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt ayant pour objet le financement de l'amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement. L'entreprise retrace dans ses comptes annuels l'utilisation du crédit d'impôt conformément aux objectifs mentionnés à la première phrase. (...) . Aux termes de l'article 220 C de ce code : " Le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater C est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter C. ". Aux termes de l'article 199 ter C de ce code : " I.- Le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater C est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été versées. L'excédent de crédit d'impôt constitue, au profit du contribuable, une créance sur l'Etat d'égal montant. (...) / II.- La créance mentionnée au premier alinéa du I est immédiatement remboursable lorsqu'elle est constatée par l'une des entreprises suivantes : (...) / 4° Les entreprises ayant fait l'objet d'une procédure de conciliation ou de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire. Ces entreprises peuvent demander le remboursement de leur créance non utilisée à compter de la date de la décision ou du jugement qui a ouvert ces procédures. ". Aux termes de l'article 223 O du même code : " 1. La société mère est substituée aux sociétés du groupe pour l'imputation sur le montant de l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable au titre de chaque exercice : (...) c. Des crédits d'impôt dégagés par chaque société du groupe en application de l'article 244 quater C ; l'article 199 ter C s'applique à la somme de ces crédits d'impôt ; (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 49 septies Q de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Pour l'application des dispositions des articles 199 ter C, 220 C et 244 quater C du code général des impôts, les entreprises souscrivent une déclaration spéciale conforme au modèle établi par l'administration, qu'elles déposent auprès du service des impôts dont elles dépendent (...) ".
5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le remboursement immédiat prévu pour certaines catégories d'entreprises, et notamment les sociétés placées en liquidation judiciaire de l'excédent de crédit d'impôt n'est possible que dans le cas où l'existence d'une créance sur l'Etat au titre du CICE a pu être effectivement constatée. L'existence de la créance ne peut être constatée qu'après que la société en cause a déposé sa déclaration de résultat au titre de l'impôt sur les sociétés.
6. Il est constant que ni la SAS MCK ni sa filiale, la SA L'Industrielle du Ponant, n'ont produit de déclaration de résultats au titre de l'exercice 2016 à l'appui de la demande, effectuée par la SAS MCK le 15 mars 2017, de remboursement immédiat des créances au titre du CICE détenue par elle-même, soit un montant de 462 euros, et par sa filiale, soit un montant de 23 224 euros.
7. En premier lieu, la société requérante fait valoir que le liquidateur judiciaire a attesté, les 26 janvier et 19 avril 2018 respectivement, de la situation déficitaire de la SAS MCK et de la SA L'Industrielle du Ponant en 2016. Toutefois, ces attestations ne peuvent pas régulariser l'absence de déclaration de résultats faute de toute mention précise du montant de ces déficits. En fondant ainsi son refus de paiement de la créance alléguée au titre du CICE sur la circonstance que cette créance ne pouvait, en l'absence de dépôt d'une déclaration de résultats au nom de la SA L'Industrielle du Ponant au titre de l'exercice 2016, être établie de manière certaine, l'administration n'a pas, pour ce seul motif, méconnu les dispositions citées aux points 3 et 4.
8. En second lieu, la circonstance que le service a accordé le 11 avril 2017 un remboursement immédiat de 462 euros à la société MCK au titre de sa créance liée au CICE n'ouvre aucun droit au remboursement de même nature en faveur de la SA L'Industrielle du Ponant.
9. Il résulte de ce qui précède que la SELARL EMJ n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SELARL EMJ, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS MCK, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée EMJ et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :
M. Bataille, président de chambre,
M. B..., président assesseur,
M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 mars 2020.
Le rapporteur,
J.-E. B...
Le président,
F. BatailleLe greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01656