Chronologie de l'affaire
Tribunal de Grande Instance de Paris 08 décembre 2016
Cour d'appel de Paris 19 octobre 2018

Cour d'appel de Paris, 19 octobre 2018, 2017/00906

Mots clés procédure · action en contrefaçon · sur le fondement du droit d'auteur · recevabilité · titularité des droits sur le modèle · personne morale · présomption de titularité · exploitation sous son nom · titularité D&M · protection du modèle · protection au titre du droit d'auteur · originalité · portée de la protection · identification du modèle · combinaison d'éléments connus · procédé technique · ornementation · couleur · effet extérieur · forme géométrique · disposition · définition · mérite · antériorité · nouveauté · contrefaçon de modèle · reproduction des caractéristiques protégeables · différences mineures · impression visuelle d'ensemble · appréciation selon les ressemblances · modèle communautaire non enregistré · droit communautaire · divulgation · caractère individuel · protection du modèle communautaire non enregistré · sur le fondement du droit des dessins et modèles · copie · dimensions · préjudice · chiffre d'affaires · chiffre d'affaires du demandeur · bénéfices tirés des actes incriminés · préjudice moral

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro affaire : 2017/00906
Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Décision précédente : Tribunal de Grande Instance de Paris, 08 décembre 2016, N° 2015/11534
Parties : ETAM LINGERIE SAS / MC COMPANY SAM (Monaco)
Président : Mme Colette PERRIN

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Grande Instance de Paris 08 décembre 2016
Cour d'appel de Paris 19 octobre 2018

Texte

COUR D'APPEL DE PARIS ARRÊT DU 19 octobre 2018

Pôle 5 - Chambre 2 (n°144, 12 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 17/00906

Décision déférée à la Cour : jugement du 08 décembre 2016 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 1ère section - RG n°15/11534

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE S.A.S. ETAM LINGERIE, agissant en la personne de ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [...] 92110 CLICHY Représentée par Me Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque C 610 Assistée de Me Ingrid Z plaidant pour la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque C 610

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE Société MC COMPANY S.A.M., prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé [...] II MONACO (98000) MC Immatriculée au rcs de Monaco sous le numéro 90 S 2654 Représentée par Me Corinne CHAMPAGNER-KATZ, de la SELASU CORINNE CHAMPAGNER-KATZ, avocat au barreau de PARIS, toque C1864 Assistée de Me Marie-Claude F plaidant pour la SELASU CORINNE CHAMPAGNER-KATZ, avocat au barreau de PARIS, toque C1864

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 20 juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Colette PERRIN, Présidente de chambre Mme Véronique RENARD, Conseillère Mme Laurence LEHMANN, Conseillère qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Karine A

ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Véronique RENARD, Conseillère, Faisant Fonction de Présidente, en remplacement de Colette PERRIN, Présidente, empêchée, et par Mme Carole T, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

FAITS ET PROCEDURE

La société de droit monégasque MC Company, qui exerce une activité principale de création, de fabrication et de vente de produits balnéaires et use dans ce cadre du signe « Banana Moon » à titre de marque, de nom commercial et d'enseigne, commercialise ses collections en boutiques en France et à l'étranger ainsi que sur son site internet banana-moon.com.

Elle revendique être titulaire des droits d'auteur et de dessins et modèles communautaires non enregistrés sur une collection de maillots de bain appelée FROUNCY, créée le 20 mars 2013 par une styliste salariée et commercialisée dans le cadre de sa collection été 2014.

La collection FROUNCY comprend en particulier un haut référencé ZEPPO, une culotte référencée HAKEA ainsi qu'un haut bandeau référencé MORO, objet du litige.

La société Etam Lingerie a pour activité principale la vente au détail de Lingerie féminine.

Invoquant la découverte de la commercialisation par la société Etam Lingerie sur son site internet Etam.com et en boutique à Paris de maillots de bain référencés NOPAL SPE et NOPAL qui reproduiraient les caractéristiques des références ZEPPO, HAKEA et MORO, la société MC Company a fait dresser un procès-verbal de constat sur ce site internet le 23 juin 2015 et deux procès-verbaux de constat d'achat les 30 juin et 9 juillet 2015.

Autorisée par ordonnance présidentielle, elle a ensuite fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon qui se sont déroulées le 6 juillet 2015 au siège social de la société Etam Lingerie.

Puis par acte d'huissier du 3 août 2015, elle a fait assigner la société Etam Lingerie devant le tribunal de grande instance de Paris à titre principal en contrefaçon de droit d'auteur et de modèles communautaires non enregistrés et subsidiairement en concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement contradictoire en date du 8 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a : - déclaré irrecevables les demandes de la société MC Company au titre du droit d'auteur pour défaut de qualité à agir,

- rejeté la fin de non-recevoir opposée par la SAS Etam Lingerie au titre des modèles communautaires non enregistrés,

- dit qu'en commercialisant en 2014 des maillots référencés NOPAL SPE (soutien-gorge, culotte bikini et culotte shorty) et NOPAL (maillot de bain enfant) consistant en la copie des modèles communautaires non enregistrés référencés « ZEPPO » (soutien-gorge), « HAKEA » (culotte) et « MORO » (soutien-gorge bandeau) de la société MC Company, la SAS Etam Lingerie a commis à son préjudice des actes de contrefaçon,

- condamné en conséquence la SAS Etam Lingerie à payer à la société MC Company la somme de 160 000 euros en réparation de son préjudice,

- rejeté les demandes indemnitaires complémentaires au titre du manque à gagner, de l'avilissement et de la banalisation de sa collection « FROUNCY », de l'atteinte à ses investissements et de son préjudice moral ainsi que les demandes d'interdiction, de destruction et de publication judiciaire présentées par la société MC Company,

- rejeté la demande de la SAS Etam Lingerie au titre de la procédure abusive,

- rejeté la demande de la SAS Etam Lingerie au titre des frais irrépétibles,

- condamné la SAS Etam Lingerie à payer à la société MC Company la somme de10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'à lui rembourser les frais du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 6 juillet 2015 et des procès-verbaux de constat des 23 juin, 30 juin et 9 juillet 2015,

- condamné la SAS Etam Lingerie à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par Maitre Corinne C K conformément à l'article 699 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement dans toutes ses dispositions.

Le 10 janvier 2017, la société Etam Lingerie a interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions notifiées le 11 avril 2018, la société Etam Lingerie demande à la Cour de : - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société MC Company au titre du droit d'auteur pour défaut de qualité à agir,

- infirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions,

Et, statuant à nouveau :

- recevoir la société Etam Lingerie en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- juger que la société MC Company est irrecevable à agir tant sur le fondement du droit d'auteur que sur celui du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés,

- juger que les modèles ZEPPO, HAKEA et MORO sur lesquels la société MC Company revendique un droit d'auteur sont dépourvus de caractère original et qu'ils ne peuvent, en conséquence, bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur,

- juger que les modèles ZEPPO, HAKEA et MORO sur lesquels la société MC Company revendique un droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés sont dépourvus de nouveauté et de caractère individuel et qu'ils ne peuvent, en conséquence, bénéficier de la protection au titre du droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés,

- dire et juger qu'aucun acte de contrefaçon ne peut être imputé à la société Etam Lingerie,

- dire et juger qu'aucun acte de concurrence déloyale et parasitaire ne peut être imputé à la société Etam Lingerie,

En conséquence,

- débouter la société MC Company de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre de la contrefaçon de droit d'auteur et de droit des dessins et modèles communautaires non enregistrés,

- débouter la société MC Company de toutes ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

- débouter la société MC Company de toutes ses demandes complémentaires,

- condamner la société MC Company au paiement, à la société Etam Lingerie, de la somme de 50.000 euros pour procédure abusive, - condamner la société MC Company au paiement, à la société Etam Lingerie, de la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société MC Company aux entiers dépens de la présente instance.

Par ses dernières conclusions notifiées le 27 avril 2018, la société MC Company demande à la Cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* rejeté la fin de non-recevoir de la société Etam Lingerie au titre des modèles communautaires non enregistrés,

*dit que la société Etam Lingerie avait commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société MC Company,

* rejeté la demande de la SAS Etam Lingerie au titre de la procédure abusive et des frais irrépétibles, * condamné la société Etam Lingerie à payer à la société MC Company la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au remboursement des frais de constat et de saisie-contrefaçon, outre les dépens,

L'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau :

à titre principal : - juger que les modèles référencés ZEPPO, HAKEA et MORO de la collection FROUNCY de la société MC Company sont originaux et protégeables conformément aux dispositions des livres I et III du Code de la Propriété Intellectuelle,

- juger que les modèles référencés ZEPPO, HAKEA et MORO de la collection FROUNCY de la société MC Company sont protégeables sur le fondement du règlement CE n° 6/2002 du 12 décembre 2001 en tant que modèles communautaires non enregistrés,

- juger que la société Etam Lingerie a commis des actes de contrefaçon en important, en offrant à la vente et en commercialisant des maillots de bain reproduisant les caractéristiques originales des modèles référencés ZEPPO, HAKEA et MORO de la collection FROUNCY de la société MC Company,

En conséquence :

- condamner la société Etam Lingerie à verser à la société MC Company la somme de 100.000 euros, en réparation de son manque à gagner, - condamner la société Etam Lingerie à verser à la société MC Company la somme de 60.000 euros, en réparation de l'avilissement et de la banalisation de l'intégralité de la collection FROUNCY,

- condamner la société Etam Lingerie à verser à la société MC Company la somme de 15.000 euros en réparation de l'atteinte aux investissements exposés par la société MC Company,

- condamner la société Etam Lingerie à verser à la société MC Company la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamner la société Etam Lingerie à verser à la société MC Company la somme de 210.000 euros au titre des bénéfices indûment réalisés,

À titre subsidiaire :

- juger que la société Etam Lingerie s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaires à l'encontre de la société MC Company,

En conséquence : - condamner la société Etam Lingerie à verser à la société MC Company la somme de 190.000 euros au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaires,

En tout état de cause :

- faire interdiction à la société Etam Lingerie de commercialiser des produits reproduisant les caractéristiques des modèles référencés ZEPPO, HAKEA et MORO FROUNCY de la société MC Company, et ce sous astreinte définitive de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte directement,

- ordonner la destruction de tous les produits contrefaisants restant en stock au sein de la société Etam Lingerie, ce dont il sera dressé procès-verbal par huissier aux frais de la société Etam Lingerie, qui sera transmis à la société MC Company dans les 30 jours suivant la signification du jugement à intervenir,

- ordonner la publication du jugement à intervenir, en intégralité ou par extraits, au choix de la société MC Company :

. dans 5 journaux ou publications professionnels (y compris électroniques), au choix de la société MC Company, et aux frais avancés de la société Etam Lingerie, sur simple présentation des devis, dans la limite de 8.000 euros HT par insertion, . sur le site internet de la société Etam Lingerie www.Etam.com pendant soixante jours, en police de taille minimum 11, sur une espace qui ne pourra être inférieur à 15 centimètres de longueur et 20 centimètres de largeur, et ce, sous astreinte définitive de 1.000 euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir, la Cour se réservant le droit de liquider l'astreinte directement,

- condamner la société Etam Lingerie à verser à la société MC Company la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société Etam Lingerie au remboursement des frais de saisie-contrefaçon et de constat exposés par la société MC Company,

- condamner la société Etam Lingerie aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Corinne C K, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- débouter la société Etam Lingerie de son appel, fins et conclusions.

La clôture a été prononcée le 3 mai 2018.


MOTIFS

Sur le droit d'auteur

La personne morale qui commercialise de façon non équivoque une 'œuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon, en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite 'œuvre les droits patrimoniaux de l'auteur. Pour bénéficier de cette présomption simple, il lui appartient d'identifier précisément l''œuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation. Il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l''œuvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom.

La société MC Company revendique cette présomption sur les hauts de maillots de bains référencés ZEPPO et MORO et sur le bas référencé HAKEA.

La société Etam Lingerie soutient les pièces que les pièces produites aux débats ne permettent pas d'établir une exploitation non équivoque de ces maillots sur le territoire français par la société MC Company.

La cour constate que c'est par une juste analyse et par des motifs exacts qu'elle adopte que le tribunal a analysé les pièces versées aux débats par la société MC Company et notamment, les extraits du procès-verbal de constat d'huissier en date du 9 septembre 2013 et les deux courriers complémentaires adressés au conseil de la requérante par l'huissier instrumentaire le 9 mai 2016, le catalogue édité en 2013 sous le nom B MOON qui comporte une photographie du haut ZEPPO, les factures à l'en tête de B MOON prouvant la vente à de nombreux détaillants en France des références ZEPPO FROUNCY, HAKEA FROUNCY et MORO FROUNCY respectivement à compter des 27 novembre, 10 octobre et 26 décembre 2013.

Le jugement mérite ainsi confirmation en ce qu'il a dit que la société MC Company bénéficiait de la présomption de titularité du droit d'auteurs.

Les dispositions de l'article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d'auteur toutes les 'œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales.

Selon l'article L.112-2 14° du même code, sont considérées notamment comme 'œuvres de l'esprit les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la Parure.

La société MC Company conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déclarée irrecevable à agir sur le fondement des droits d'auteur sur les maillots ZEPPO, HAKEA et MORO de la collection FROUNCY faute de démontrer leur caractère original.

Cette originalité étant contestée par la société Etam Lingerie, il appartient à la société MC Company d'expliciter l'originalité qu'elle revendique et d'identifier les éléments traduisant l'empreinte de la personnalité de son auteur.

L'originalité d'une 'œuvre doit s'apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérise du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie propre qui démontre l'effort créatif et le parti pris esthétique portant l'empreinte de la personnalité de l'auteur.

La société MC Company définit les caractéristiques originales des maillots de bains sur lesquels elle revendique un droit d'auteur comme suit :

Haut ZEPPO :

« L'originalité de ce haut de maillot résulte de la combinaison d'une base de haut de maillot de bain épurée et de couleur unie, avec, sur le côté interne de chaque coque, pour souligner le décolleté, une bande smockée d'environ 3 cm de largeur. En choisissant d'apposer la bande smockée, tout en laissant apparaitre de part et d'autre de la bande les fronces, l'auteur a créé un effet de volume contrastant avec le corps du maillot.

Enfin, l'auteur a fait le choix d'orner cette bande smockée de broderies de formes géométriques linéaires et triangulaires, dont les couleurs vives et contrastées rappellent les plages brésiliennes. »

Bas HAKEA :

« L'originalité de cette culotte de maillot de bain résulte de la combinaison d'une base de culotte de maillot de bain épurée et de couleur unie, avec, sur la partie haute de la culotte, une bande smockée d'environ 3 cm de largeur.

En choisissant d'apposer la bande smockée, tout en laissant apparaitre de part et d'autre de la bande les fronces, l'auteur a créé un effet de volume contrastant avec le corps du maillot.

Enfin, l'auteur a fait le choix d'orner cette bande smockée de broderies de formes géométriques linéaires et triangulaires, dont les couleurs vives et contrastées rappellent les plages brésiliennes. »

Haut MORO :

«L'originalité de ce haut de maillot résulte de la combinaison d'une base de haut de maillot de bain de forme bandeau épurée et de couleur unie, avec, sur la partie haute du bandeau, pour souligner le décolleté, une bande smockée d'environ 3 cm de largeur.

En choisissant d'apposer la bande smockée, tout en laissant apparaître de part et d'autre de la bande les fronces, l'auteur a créé un effet de volume contrastant avec le corps du maillot.

Enfin, l'auteur a fait le choix d'orner cette bande smockée de broderies de formes géométriques linéaires et triangulaires, dont les couleurs vives et contrastées rappellent les plages brésiliennes. »

Ainsi, l'originalité revendiquée pour les trois maillots consiste à apposer sur une base banale de culotte ou de haut de couleur unie une bande smockée d'environ 3 cm de largeur de broderies de formes géométriques ' linéaires et triangulaires, de couleurs vives, tout en laissant apparaitre de part et d'autre de la bande les fronces, créant ainsi un effet de volume contrastant avec le corps du maillot.

La société MC Company ne conteste pas que les maillots reprennent des éléments connus antérieurement, ni que certaines données soient purement techniques mais soutient que la combinaison de ces éléments est originale. La technique du smock, qui selon la définition du « wikitionnaire » produite par la société Etam Lingerie consiste en des «fronces brodées en diagonale sur l'endroit du tissu servant de garnitures à des vêtements d'enfant ou des robes légères », est indiscutablement connue mais s'applique précisément généralement à des vêtements d'enfant ou des robes.

Pour autant rien n'oblige dans la réalisation de cette technique de laisser apparentes, de part et d'autre de la bande smockée, les fronces ayant permis sa réalisation.

De même si la bande de smock contient souvent des formes géométriques rien n'impose qu'elles soient constituées de broderies linéaires et triangulaires, ni que la bande soit de 3 cm.

La société Etam Lingerie soutient que l'apposition d'une bande de smock sur un maillot de bain épuré est banale et qu'elle existait bien avant la gamme FROUNCY.

Pour en justifier la société Etam Lingerie invoque un soutien-gorge qu'elle indique avoir commercialisé en 2009 sous le nom IMPRESSIONIZ et sous la marque UNDIZ.

Pour autant, outre qu'il s'agit d'un soutien-gorge et non d'un maillot de bain, le modèle opposé s'il comporte bien une bande smockée d'environ 3 cm positionnée de la même manière que le haut de maillot ZEPPO, ne laisse pas apparaître de part et d'autre de cette bande smockée des fronces, de sorte que l'effet de volume voulu pour le maillot n'existe pas.

La société Etam Lingerie oppose également sa gamme de maillot de bains ISLAND commercialisée en 2012.

Or, si ces maillots de bain comportent bien une bande smockée d'environ 3 cm, cette bande est de même couleur que le maillot, n'est pas positionné au même endroit et ne laisse pas apparaître de part et d'autre des fronces créant un effet de volume.

Ainsi l'originalité des trois maillots telle que décrite et revendiquée par la société MC Company n'est pas détruite par ces deux seuls éléments apportés par la société Etam Lingerie étant en tant que de besoin rappelé que l'appréciation de l'originalité se fait indépendamment du mérite de la création, de la notion de nouveauté ou des antériorités.

Le jugement sera dès lors infirmé de ce chef.

Sur la matérialité de la contrefaçon au titre du droit d'auteur L'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose : « Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ».

La société Etam Lingerie ne conteste pas la commercialisation des références NOPAL SPE (soutien-gorge, culotte bikini et culotte shorty) et NOPAL (maillot de bain enfant) qui lui est reprochée et qui est établie par le procès-verbal de constat dressé le 23 juin 2015 sur le site etam.com qu'elle exploite et les procès-verbaux de constat d'achat des 30 juin et 9 juillet 2015.

Ces maillots comportent en partie haute (décolleté des hauts et ceinture des bas) une bande smockée comportant des motifs géométriques dont les couleurs contrastent avec le fond uni sur lequel elle est apposée, des fronces étant visibles de part et d'autre de celle- ci.

La bande smockée est apposée sur un fond uni et laisse apparaître de part et d'autre des fronces d'égale largeur qui produisent le même effet de volume et de contraste que celui déjà décrit pour les maillots de la société MC Company.

Il s'agit là de la reprise des éléments originaux des maillots ZEPPO, HAKEA et MORO protégés au titre du droit d'auteur.

Si les maillots litigieux de la société Etam Lingerie comportent des différences telles notamment les points de coutures géométriques visibles sur la bande smokée avec ceux de la société MC Company, ces différences n'altèrent pas la même impression d'ensemble qui se dégage des maillots en cause, la contrefaçon devant être appréciée au vu des ressemblances et non au vu d'éventuelles différences.

C'est ainsi que la cour retient l'existence d'actes de contrefaçon commis par la société Etam Lingerie au titre de la protection du droit d'auteur reconnu aux maillots référencés ZEPPO, HAKEA et MORO.

Sur le droit au titre des dessins et modèles communautaires non enregistrés

L'article 1 du Règlement 11° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires dispose :

(...)

2. Un dessin ou modèle communautaire est protégé: a) en qualité de «dessin ou modèle communautaire non enregistré», s'il est divulgué au public selon les modalités prévues par le présent règlement (...).

L'article 4-1° prévoit que la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

L'article 5 du même Règlement précise : Aux fins de l'application des articles 5 et 6, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s'il a été publié à la suite de l'enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière (...).

L'article 6 dispose : 1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public : (...). 2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle. ».

L'article 11 dispose : Un dessin ou modèle qui remplit les conditions énoncées dans la section 1 est protégé en qualité de dessin ou modèle communautaire non enregistré pendant une période de trois ans à compter de la date à laquelle le dessin ou modèle a été divulgué au public pour la première fois au sein de la Communauté.

Comme il a été retenu ci-dessus, la divulgation au public des modèles référencés ZEPPO, HAKEA et MORO de la collection FROUNCY à compter respectivement des 27 novembre, 10 octobre et 26 décembre 2013 est justifiée, au vu notamment des factures à l'en- tête de B MOON et de la vente à de nombreux détaillants en France.

La société Etam Lingerie oppose à titre d'antériorités d'une part le soutien-gorge qu'elle indique avoir commercialisé en 2009 sous le nom IMPRESSIONIZ et sous la marque UNDIZ, et d'autre part sa gamme de maillots de bains ISLAND.

Or, comme la cour l'a ci-dessus constaté ni le soutien-gorge IMPRESSIONIZ, ni les maillots ISLAND ne laissent apparaître de part et d'autre de la bande smockée, des fronces ayant pour effet de donner une impression de volume et que s'agissant des maillots la bande smockée est différemment positionnée.

Par ailleurs, et comme l'a justement retenu le tribunal, si les motifs géométriques et leurs couleurs sont peu visibles et ne sont pas de nature à rester en mémoire de l'utilisateur averti, la présence des fronces de part et d'autre de la bande smockée crée un effet très marqué de volume et de contraste par rapport à la surface lisse sur laquelle elle est apposée qui est immédiatement perceptible par l'utilisateur averti. Cette caractéristique propre, qui

constitue l'élément dominant des modèles en débat au regard de la surface importante qu'el1e occupe, de l'effet qu'elle produit et dont elle est seule à l'origine et de l'absence de toute autre particularité des modèles dont la forme est sinon connue, distingue nettement chaque modèle de chacune des antériorités opposées, à supposer leur date de divulgation certaine.

Ainsi, les impressions visuelles d'ensemble qui se dégagent de la comparaison des modèles litigieux et des antériorités prises isolément sont très différentes.

Dès lors, la société Etam Lingerie échoue à détruire le caractère individuel et la nouveauté des modèles ZEPPO, HAKEA et MORO.

Le jugement mérite confirmation de ce chef.

Sur la matérialité de la contrefaçon au titre des dessins et modèles communautaires non enregistrés

L'article 19 du Règlement n° 6/2002 dispose :

« l. Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, 'exportation ou 'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.

2. « Le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne confère cependant à son titulaire le droit d'interdire les actes visés au paragraphe l que si l'utilisation contestée résulte d'une copie du dessin ou modèle protégé. L'utilisation contestée n'est pas considérée comme résultant d'une copie du dessin ou modèle protégé si elle résulte d'un travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu'il ne connaissait pas le dessin ou modèle divulgué par le titulaire. »

Les articles L 515-1 et L 522-1 du Code de la propriété intellectuelle précisent que toute atteinte aux droits définis par l'article 19 du Règlement sur les dessins ou modèles communautaires constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.

Ainsi, la contrefaçon d'un modèle communautaire non enregistré n'est constituée qu'autant qu'il s'agisse d'une copie du modèle ainsi protégé. Il convient dès lors d'examiner les modèles argués de contrefaçon de la société Etam Lingerie au regard des modèles protégés comme modèles communautaires non enregistrés pour vérifier s'ils en constituent une copie ou seulement une reproduction partielle.

Or, la cour constate que les points de coutures géométriques sont très différents :

* Les modèles protégés de la société MC Company présentent une bande smockée constituée de 4 rangées d'élastiques de couleur identique (rouge ou jaune) au fond du maillot et 3 bandes comprenant des fils en points de croix bleu, vert et jaune (sur le fond rouge) ou bleu vert et Rouge (sur le fond jaune). Ces motifs coloré sont larges et attirent fortement le regard.

* Les modèles argués de contrefaçon de la société Etam Lingerie présentent une bande smockée constituée de 5 rangées bleues, la rangée du milieu étant doublé d'un fil jaune et les seules les 2 bandes ont un fil rose très peu visible en points de croix. Cette bande smockée n'attire pas l''il.

Ces différences excluent que puisse être retenue la contrefaçon des modèles protégés par copie.

Sur la réparation du préjudice subi par la MC Company du fait de la contrefaçon retenue

Aux termes des dispositions des articles L. 331-1-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, tel que modifié par la loi du 11 mars 2014 :

«Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.» Ainsi, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée, le préjudice moral, et les bénéfices réalisés par le contrefacteur.

Pour autant et contrairement à ce qu'allègue, la société MC Company, elle n'a pas nécessairement à procéder à un cumul de ces trois éléments, mais doit procéder au vu de ceux-ci à une juste appréciation des dommages et intérêts à octroyer.

En l'espèce, la société MC Company produit deux attestations de son expert-comptable, la première qui établit qu'elle a réalisé au 15 juillet 2015 un chiffre d'affaire de 228 101 euros sur l'ensemble de sa collection FROUNCY (et non seulement sur les 2 hauts et le bas objets du litige) et un chiffre d'affaire de 31 938,72 euros entre le 15 juin 2015 et le 27 avril 2018.

En revanche, la société MC Company ne communique pas sa marge bénéficiaire sur ces maillots de bains.

Il doit par ailleurs être tenu compte du fait que les clients qui ont acquis des maillots ETAM n'auraient pas, pour la plupart, acheté de maillots B MOON.

La masse contrefaisante à prendre en compte est de :

Le bénéfice de la société Etam doit être calculé selon la société MC Company avec un bénéfice de 26,25 euros pour les hauts, 11,00 euros pour les culottes bikinis, 12,75 euros pour les culottes shortys et 4,20 euros pour les modèles enfants.

S'agissant du préjudice moral de la société MC Company il convient de noter qu'il n'est pas produit de catalogue pour la collection FROUNCY au-delà de la saison 2014 alors que les maillots société Etam Lingerie ont été commercialisés en 2015.

Au vu de l'ensemble des éléments à prendre en compte aux termes des articles L. 331-1-3 et L 521-7 du Code de la Propriété Intellectuelle, la cour constate que le jugement mérite confirmation en ce qu'il a retenu une somme totale de 160 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon sauf à constater qu'il s'agit d'actes de contrefaçon au titre des droits d'auteurs et non des modèles communautaires non enregistrés, des maillots ZEPPO, HAKEA et MORO de la gamme FROUNCY.

Il sera fait droit aux demandes d'interdiction sollicitées par la société MC Company comme indiqué au dispositif sans qu'il n'apparaisse utile d'ordonner la destruction de quelques marchandises que ce soit. La société MC Company sera déboutée de ses demandes de publicité, son préjudice étant suffisamment réparé par l'octroi de la somme de 160 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

Les demandes présentées à titre subsidiaires au titre de la concurrence déloyale et parasitaire par la société MC COMPANY ne seront pas examinées.

La société Etam Lingerie qui succombe sera déboutée de sa demande fondée sur la procédure abusive.

La société MC Company a dû engager des frais non compris dans les dépens pour la présente procédure d'appel qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS



Infirme le jugement rendu le 8 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a :

- jugé que les maillots référencés ZEPPO, HAKEA et MORO de la collection FOUNZY bénéficiaient de la protection comme modèles communautaires non enregistrés,

- condamné la société Etam Lingerie aux dépens de l'instance et l'a condamnée à payer à la société MC Company la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsiqu'à lui rembourser les frais du procès-verbal de saisie- contrefaçon du 6 juillet 2015 et des procès-verbaux de constat des 23 juin, 30 juin et 9 juillet 2015,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- déclare recevables les demandes de la société MC Company au titre du droit d'auteur,

- juge que les maillots référencés ZEPPO, HAKEA et MORO de la collection FOUNZY bénéficient de la protection du droit d'auteur et que la société Etam Lingerie a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur en commercialisant des maillots référencés NOPAL SPE (soutien-gorge, culotte bikini et culotte shorty) et NOPAL (maillot de bain enfant), - condamne la société Etam Lingerie à payer à la société MC Company la somme totale de 160 000 euros au titre des contrefaçons commises sur le fondement du droit d'auteur,

- fait interdiction à la société Etam Lingerie de commercialiser les maillots NOPAL SPE (soutien-gorge, culotte bikini et culotte shorty) et NOPAL (maillot de bain enfant) dans le délai d'un mois de la signification de l'arrêt, et ce sous astreinte de 200 euros par infraction constatée passé ce délai,

- déboute la société MC Company du surplus de ses demandes,

- déboute la société Etam Lingerie de ses demandes,

- condamne la société Etam Lingerie à verser la somme complémentaire de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne la société Etam Lingerie aux dépens de la procédure d'appel avec distraction au profit de Maître Corinne Champagner-Katz en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.