CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 juillet 2018
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 712 F-D
Pourvoi n° F 17-21.440
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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Statuant sur le pourvoi formé par
M. Nicolas X..., domicilié [...] (République Démocratique du),
contre l'arrêt rendu le 30 mai 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [...] ,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 5 juin 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. X..., l'avis de Mme Z..., avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen
unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mai 2017), qu'après le refus de délivrance d'un certificat de nationalité française, M. X..., né le [...] à Pointe Noire, a introduit une action déclaratoire de nationalité sur le fondement de l'article
18 du code civil, se prévalant de sa filiation avec A... X... , admis à la citoyenneté française selon un jugement rendu le 28 mai 1938 par le juge de paix à compétence étendue de Pointe Noire ;
Attendu que M. X... fait grief à
l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que, dès lors qu'aucun principe, ni aucune règle n'impose la production d'originaux, il appartient aux juges du fond d'examiner la valeur probante des pièces produites, relativement à l'établissement du lien de filiation ; qu'en refusant de porter une appréciation sur les pièces produites, les juges du fond ont violé l'article
30 du code civil, ensemble l'article
47 du code civil ;
2°/ que les métis ou leurs descendants sont assimilés aux français originaires du territoire de la République française sous réserve qu'une décision judiciaire ait reconnu à leur auteur la qualité de français en application du décret du 5 septembre 1930 ; qu'à cet égard, il suffit que le père, resté inconnu, soit présumé ou d'origine française ou bien de souche européenne ;
qu'en décidant
en l'espèce que M. X... ne pouvait prétendre à la nationalité française, motif pris que la décision judiciaire concernant son père relevait que son grand-père était d'origine étrangère de souche européenne, quand le rattachement à une souche européenne suffisait à établir la nationalité française, les juges du fond ont violé l'article
32 du code civil, ensemble le décret du 5 septembre 1930 ;
Mais attendu que, si les métis et leurs descendants doivent être assimilés aux originaires ou aux descendants d'originaires du territoire de la République française qui ont, en application de l'article
32 du code civil, conservé de plein droit la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance des anciens territoires d'outre-mer d'Afrique noire, c'est à la condition qu'ils aient fait l'objet, en application du décret du 15 septembre 1936 en ce qui concerne l'Afrique équatoriale française, d'une décision judiciaire leur reconnaissant la qualité de citoyen français comme nés de parents, dont l'un demeuré légalement inconnu, était présumé d'origine française ou de souche européenne, dès lors qu'il ne résulte pas expressément de cette décision ou d'autres éléments que ce parent était étranger ;
Et attendu qu'ayant relevé que, selon le jugement du 28 mai 1938, A... X... , père prétendu de M. X..., demeuré légalement inconnu, était d'origine étrangère de souche européenne, la cour d'appel en a exactement déduit que, nonobstant ses états de service dans l'armée française, il n'avait pas conservé la nationalité française lors de l'accession du Congo à l'indépendance ; que le moyen, qui en sa première branche critique un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. X....
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de Monsieur Nicolas X... visant à faire constater sa nationalité française ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « par application de l'article
30 du Code civil, il appartient à M. X..., qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française pour s'être vu refuser la délivrance de ce certificat le 31 octobre 2006 par le greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France, de rapporter la preuve que les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française sont remplies ; Considérant que l'appelant revendique la nationalité française par filiation paternelle pour être né d'un père français, A... Y... ou X..., lui-même né « métis » le [...] à Loango (Congo) de père Français demeuré légalement inconnu, et dont la nationalité française a été reconnue par jugement du 28 mai 1938 de la justice de paix à compétence étendue de Pointe-Noire (Congo); Considérant que c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que le père de l'intéressé, A... Y... ou X..., ne bénéficiait pas, lors de l'indépendance du Congo d'un jugement le rattachant à un auteur français ou réputé tel, ce dernier ne pouvant être considéré comme originaire de la République française puisqu'il est désigné par le jugement du 28 mai 1938 comme « demeuré légalement inconnu d'origine étrangère de souche européenne » ; que le fait d'avoir servi dans l'armée française n'est pas un critère de conservation de la nationalité française lors de l'accession du Congo à l'indépendance ; qu'enfin, l'appelant produisant en cause d'appel de simples photocopies d'actes d'état civil qui sont dépourvues de toute force probante en application de l'article
47 du code civil, il ne justifie pas d'un lien de filiation certain et établi avec A... Y... ou X... ; »
AUX MOTIFS ADOPTES QUE « par application de l'article
30 du Code civil, il appartient à M. Nicolas A... X... , qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de rapporter la preuve que les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française sont remplies ; qu'en particulier, son action déclaratoire étant soumise aux dispositions de l'article 17 du Code de nationalité dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, et non à Particle
18 du code civil qu'il vise à tort dans ses conclusions, dans la mesure où il est né le [...] , avant l'indépendance du Congo, il lui incombe de prouver, d'une part, la nationalité française de son père au jour de sa naissance et, d'autre part, n lien de filiation légalement établi à l'égard de ce dernier, ce, avant sa majorité, afin de pouvoir produire effets sur la nationalité conformément aux exigences de l'article
20-1 du code civil, et au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article
47 du même Code ; qu'en l'espèce, au soutien de son action, M. Nicolas A... X... ne produit que de simples photocopies notamment d'actes d'état civil, et de son propre acte de naissance, qui sont donc exempts de toutes garanties d'authenticité ; qu'or, toute demande de nationalité française supposant en premier lieu que soit établi de façon certaine l'état civil de le défaut de production des originaux des actes d'état civil suffit en soi à justifier le débouté du demandeur ; que par ailleurs, à supposer les originaux dûment versés aux débats, il appartient au demandeur de démontrer que son père a conservé allégué la nationalité française lors de l'accession du Congo à l'indépendance le 15 août 1960 ; qu'à cet égard, il sera rappelé que les effets sur la nationalité de l'accession à des anciens territoires d'outre-mer d'Afrique (hors Algérie, Comores et Djibouti) sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles
32 à 32-5), qui s'est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, qui s'est lui-même substitué aux articles
13 et
152 à
156 du même code dans sa rédaction issue de du 19 octobre 1945 et modifiée par la loi du 28 juillet 1960 ; qu'il résulte de l'application combinée de ces textes qu'ont conservé la nationalité française non seulement les originaires du territoire de la République française tel qu'il était constitué le 28 juillet 1960, mais encore les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française, celles qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l'un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française et, enfin, les personnes originaires de ces territoires qui avaient établi leur domicile hors de l'un des Etats de la Communauté lorsqu'ils sont devenus indépendants ; que par ailleurs, doivent être assimilés aux originaires des territoires de la République française les métis qui ont fait l'objet, en application du décret du 15 septembre 1936, d'une décision judiciaire leur reconnaissant la qualité de citoyen français comme nés de parents dont l'un demeuré légalement inconnu était présumé d'origine française ou de souche européenne dès lors qu'il ne résulte pas expressément de cette décision ou d'autres éléments que le parent demeuré inconnu était étranger ; qu'en l'espèce, A... X... , né au Congo, a fait et d'un jugement rendu le [...] par le juge de paix à compétence étendue de Pointe-Noire d'admission à la qualité de citoyen français, comme né d'un père « demeuré légalement inconnu d'origine étrangère de souche européenne » : que l'intéressé, ne bénéficiant donc pas lors de l'indépendance du Congo d'un jugement le rattachant à un auteur français ne peut être considéré comme originaire de la République française et ce nonobstant ses états de service au sein de l'armée française dont le demandeur fait état, étant rappelé que le fait d'avoir servi dans l'armée française n'est pas un critère de conservation de la nationalité française à l'indépendance ; qu'en conséquence, M. Nicolas A... X... , ne justifiant d'aucun titre à la nationalité française, sera débout de son action déclaratoire et verra constater son extranéité, les dépens étant mis à sa charge » ;
ALORS QUE, PREMIEREMENT, dès lors qu'aucun principe, ni aucune règle n'impose la production d'originaux, il appartient aux juges du fond d'examiner la valeur probante des pièces produites, relativement à l'établissement du lien de filiation ; qu'en refusant de porter une appréciation sur les pièces produites, les juges du fond ont violé l'article
30 du code civil, ensemble l'article
47 du code civil ;
ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, les métis ou leurs descendants sont assimilés aux français originaires du territoire de la République française sous réserve qu'une décision judiciaire ait reconnu à leur auteur la qualité de français en application du décret du 5 septembre 1930 ; qu'à cet égard, il suffit que le père, resté inconnu, soit présumé ou d'origine française ou bien de souche européenne ; qu'en décidant en l'espèce que Monsieur X... ne pouvait prétendre à la nationalité française, motif pris que la décision judiciaire concernant son père relevait que son grand-père était d'origine étrangère de souche européenne, quand le rattachement à une souche européenne suffisait à établir la nationalité française, les juges du fond ont violé l'article
32 du Code civil, ensemble le décret du 5 septembre 1930.