Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 mars 1990, 86-94.321

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1990-03-29
Cour d'appel de Chambéry
1986-07-10

Résumé

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Texte intégral

Sur le rapport de M. le conseiller MORELLI, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et FABIANI et de la société civile professionnelle RICHE, BLONDEL et THOMAS-RAQUIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ; Statuant sur le pourvoi formé par : - X... René, - LA SARL SOCIETE LOISIRS " LA SAPINIERE " contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY (chambre correctionnelle) du 10 juillet 1986 qui a condamné le premier à 10 000 francs d'amende, du chef de contrefaçon, a déclaré la seconde civilement responsable, et s'est prononcé sur les intérêts civils ; Vu le mémoire et les observations complémentaires produits en demande, ainsi que le mémoire en défense ;

Sur le premier moyen

de cassation pris de la violation des articles 3, 4, 426, 426-1 et 427 du Code pénal, 27 de la loi du 11 mars 1957 dans sa nouvelle rédaction issue de la loi du 3 juillet 1985, 22 de la loi du 3 juillet 1985, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation du principe de la rétroactivité in mitius des lois pénales plus douces, défaut de motif et manque de base légale, " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de contrefaçon pour avoir diffusé en public des disques sans avoir passé au préalable de convention avec la SACEM autorisant une telle diffusion ; " aux motifs que si l'article 27 de la loi du 11 mars 1957 définit la représentation comme consistant dans la communication directe de l'oeuvre au public par voie de diffusion " par quelque procédé que ce soit ", cet article revu par la loi du 3 juillet 1985 a été modifié en ce sens que désormais la seule communication directe n'entre plus dans la définition de la représentation dès lors que le législateur a supprimé cet adjectif ; que le nouveau texte est général puisqu'il envisage " un procédé quelconque de communication publique " ; que l'article 26 de la loi du 11 mars 1957 n'ayant pas été abrogé il en résulte que le droit d'exploitation appartenant à l'auteur consistant en la représentation demeure et reste protégé ; que les dispositions des articles 18, 21 et 22 de la loi nouvelle visent les droits reconnus aux artistes interprètes et aux producteurs de phonogrammes ; que si l'article 22 stipule que l'artiste interprète et le producteur de phonogrammes ne peuvent s'opposer à la communication publique d'un phonogramme, sauf à recevoir rémunération, ce n'est pas pour autant que les droits de l'auteur en seraient modifiés ; que l'article 86-1 vise sans apporter de modifications à l'article 26 la protection pénale des droits d'autoriser ou d'interdire reconnus aux artistes interprètes (art. 18) et aux producteurs (art. 21) ; que la cession du droit de reproduction n'emporte pas celle du droit de représentation ; qu'en autorisant la fabrication des phonogrammes, l'auteur ou ses ayants droit n'autorisent que la reproduction de leurs oeuvres sur du support matériel et la commercialisation de ceci pour le seul usage privé de l'acquéreur ; qu'une rémunération complémentaire est due à l'auteur lorsque son oeuvre fait l'objet d'une d diffusion publique qui constitue une représentation ; que la théorie dite de l'épuisement des droits qui concerne uniquement la circulation d'un objet matériel, servant de support au droit de propriété intellectuel, ne saurait recevoir application en matière de perception par les auteurs d'une rémunération en cas de diffusion publique des phonogrammes ; " alors que, en autorisant l'édition de son oeuvre musicale sur un disque qui n'en est que le support matériel devant précisément permettre la divulgation de l'oeuvre, l'auteur qui perçoit à cette occasion une redevance, épuise par là même l'intégralité de ses droits, le disque n'étant et ne pouvant être que l'exercice par l'auteur de son droit de reproduction ; que dès lors l'audition publique de support matériel ne saurait être constitutive d'une représentation au sens de l'article 27 de la loi du 11 mars 1957 modifié par l'article 9 de la loi du 3 juillet 1985 qui n'a retenu au titre de la représentation par communication indirecte que la télédiffusion, et ne saurait en tout état de cause constituer une atteinte aux droits d'auteur au sens de l'article 426 du Code pénal dans la mesure où l'article 22 de la loi du 3 juillet 1985 exclut qu'il puisse s'opposer à la communication directe dans un lieu public d'un phonogramme publié à des fins de commerce " ;

Sur le deuxième moyen

de cassation pris de la violation des articles 426 et 427 du Code pénal, 65 de la loi du 11 mars 1957, 22 de la loi du 3 juillet 1985, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation du principe " en France nul ne plaide par procureur, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a retenu la recevabilité de l'action civile de la SACEM ; " aux motifs qu'il résulte des dispositions de l'article 1 des statuts de la SACEM que tout auteur admis à adhérer aux statuts fait apport à la société du droit d'autoriser ou d'interdire l'exécution ou la représentation publique de ses oeuvres ; qu'il en est de même de tout éditeur exploitant des oeuvres d'auteurs non membres de la société ; qu'en outre l'article 65 de la loi donne aux organismes de défense professionnels régulièrement constitués la qualité pour ester en justice pour la défense des intérêts dont ils ont statuairement la charge ; que l'adage " nul ne plaide par procureur " ne peut être invoqué dès lors que la loi d donne ce pouvoir à l'organisme de défense professionnel ; qu'en définitive la SACEM tient ses droits et ses obligations tant des dispositions de l'article 43 alinéa 2 de la loi de 1957 qui l'habilité à conclure des contrats de représentation et en poursuivre la gestion et l'application que de celles de l'article 65 de la même loi ; " alors qu'en matière pénale, l'exercice de l'action civile étant un droit exclusivement réservé à la victime d'une infraction, la SACEM n'étant investi d'aucun mandat légal des auteurs compositeurs tant français qu'étrangers, ne saurait dès lors être autorisée à exercer aux lieu et place de ces derniers, l'action civile en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon prétendument commis par X... sans justifier de l'existence et de la qualité de mandataire des auteurs qu'elle prétend représenter, l'article 65 de la loi du 11 mars 1957 limitant l'action de la SACEM à la défense de l'intérêt collectif des auteurs-compositeurs qui ont adhéré à ses statuts et ce conformément à l'article 4 de ceux-ci ; que dès lors la Cour qui a estimé que l'action civile de la SACEM, qui n'avait nullement justifié de sa qualité de mandataire des auteurs qu'elle prétendait représenter était recevable, en se fondant sur l'article 64 de la loi susvisée qui autorise les organismes de défense professionnels à ester en justice que pour la défense des intérêts dont ils ont statuairement la charge, et sur l'article 43 de la même loi qui autorise les contrats généraux de représentation aux conditions déterminées par l'auteur ou ses ayants droit, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce des contrats passés avec la SACEM ainsi que le soutenait X... dans ses conclusions laissées sans réponse, a méconnu le principe qu'en France nul ne plaide par procureur et n'a pas donné de base légale à sa décision " ;

Sur le troisième moyen

de cassation pris de la violation des articles 426 et 427 du Code pénal, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motif et manque de base légale, " en ce l'arrêt confirmatif attaqué a considéré fondée en son principe la demande de la SACEM tendant à la condamnation de X... à lui verser une indemnité calculée sur le montant des recettes brutes réalisées par la SARL société loisirs " La Sapinière " et par conséquent égale aux redevances qu'elle aurait perçues si une convention avait été passée avec cette société d l'autorisant à diffuser publiquement des oeuvres musicales ; " aux motifs que l'action civile de la SACEM est recevable dès lors qu'elle n'a pas pu percevoir la redevance prévue à l'article 35 de la loi du 11 mars 1957 du fait de l'exécution illicite des oeuvres de son répertoire par les prévenus ; que la redevance réclamée respecte la règle de la participation proportionnelle aux recettes provenant de l'exploitation des discothèques et doit être déclarée licite ; " alors que, d'une part, l'action civile devant les juridictions répressives n'étant recevable que pour les chefs de dommages découlant directement des faits poursuivis, l'arrêt confirmatif attaqué qui a ainsi considéré comme fondée en son principe la demande d'indemnités de la SACEM au paiement d'une redevance assise sur le chiffre des recettes brutes réalisées par X..., et qu'elle aurait perçue si un contrat général de représentation avait été passé avec ce dernier, sans nullement prendre en considération le fait qu'une telle redevance ne représentait que pour partie les droits d'auteurs, le surplus constituant les frais de gestion lesquels ne présentaient aucun lien direct avec l'infraction reprochée, a violé les dispositions des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale en accordant ainsi réparation d'un préjudice qui ne découlait nullement de l'infraction poursuivie, l'article 35 de la loi de 1957 n'apportant à cet égard aucune dérogation à ce principe d'ordre public ; " et alors que, d'autre part, et en tout état de cause, les juridictions répressives ne pouvant accorder réparation que d'un préjudice certain dans son principe, seule l'utilisation par X... d'oeuvres effectivement prescrites au répertoire de la SACEM était, à supposer que l'on considère comme recevable l'action civile de cette dernière, susceptible de lui ouvrir droit à réparation ; que dès lors, en admettant le bien fondé de la demande en réparation tendant à l'octroi d'une redevance qui aurait été perçue si un contrat avait été passé entre la SARL société loisirs " La Sapinière " et la SACEM sans nullement établir que X... ait effectivement utilisé des oeuvres appartenant au répertoire de la SACEM, la Cour a, en accordant ainsi réparation d'un dommage de nature contractuel, méconnu le principe selon lequel les juridictions répressives ne peuvent accorder réparation que d'un préjudice direct et certain " ; Les moyens étant réunis ;

Attendu que pour décider

que la diffusion publique d'une oeuvre protégée constitue une représentation, au sens de l'article 27 de la loi du 11 mars 1987, et accueillir l'action civile de la SACEM, en consacrant le préjudice de cette dernière né du non-versement des redevances dues à cet organisme, la juridiction du second degré se prononce par les motifs reproduits aux moyens ; Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance, la cour d'appel, répondant pour les écarter aux conclusions du prévenu, a estimé à bon droit que la diffusion commerciale d'une oeuvre musicale protégée constituait un procédé de communication de celle-ci au public entraînant le versement à la SACEM d'une redevance représentant, indépendamment du prix d'acquisition du disque correspondant, la rémunération de l'auteur ; qu'elle a de même considéré à juste titre que ce dernier ayant fait apport de ses droits à cet organisme de défense professionnelle, celui-ci tenait des dispositions légales de ses statuts et des contrats conclus avec les créateurs français ou étrangers, le pouvoir d'ester en justice, notamment en cas de contrefaçon pour protéger les intérêts dont la gestion lui a été confiée ; qu'enfin elle a pertinemment jugé que l'exécution illicite des oeuvres de son répertoire causait à ladite SACEM un préjudice direct et certain dont, en agissant comme mandataire de ses adhérents elle était fondée à demander la réparation intégrale ;

D'où il suit

que les moyens ne sauraient être admis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE

le pourvoi ;