Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 3 mars 2015, 13-25.055

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2015-03-03
Cour d'appel de Metz
2013-04-10

Texte intégral

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Metz, 10 avril 2013), qu'après que la société Aglow France (la société Aglow) eut été soupçonnée par l'administration des douanes d'avoir importé des jouets contrefaisant une marque de la société Ferrari SpA (la société Ferrari), celle-ci, prétendant avoir été privée des bénéfices attendus de la vente des jouets représentant des voitures Ferrari, l'a assignée en réparation de son préjudice sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire ;

Sur le moyen

unique :

Attendu que la société Ferrari fait grief à

l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen : 1°/ qu'est contraire aux usages loyaux du commerce le fait de se placer dans le sillage d'un opérateur économique en imitant, sans nécessité, les caractéristiques d'un de ses produits notoires, en cherchant ainsi à tirer indûment profit de cette notoriété et en y portant par-là même atteinte ; qu'en affirmant que « l'invocation de la notoriété ne suffit pas, en soi, pour caractériser le parasitisme fautif », sans rechercher si, en imitant les modèles de voiture Ferrari, la société Aglow n'avait pas tiré indûment profit de la notoriété de Ferrari et ne s'était pas ainsi placée fautivement dans son sillage, cependant qu'elle constatait elle-même que le produit incriminé avait « l'apparence générale d'une voiture de Formule 1 Ferrari » et que « la réputation de Ferrari en Formule 1 est indiscutable », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; 2°/ que le parasitisme, qui consiste notamment à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise par ses produits, résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité ; qu'en se bornant à relever que le rouge était fréquemment utilisé dans l'univers de la F1 et des jouets, qu'aucun risque de confusion n'existerait entre les écussons apposés sur les véhicules, que l'emplacement et le graphisme des logos de sponsors ne seraient pas caractéristiques de Ferrari et que les formes de carrosserie des véhicules n'offrent pas des possibilités infinies d'apposer de façon bien visible pour le public ces logos, sans rechercher, au terme d'une appréciation globale, si l'adversaire ne s'était pas placé indûment dans le sillage de Ferrari en reprenant une même combinaison de caractéristiques, à savoir outre la couleur rouge prédominante, un écusson jaune avec une figure animale en posture cabrée, placé au même endroit, l'emblème Shell sur la partie latérale de la cabine monospace, ainsi que des imitations des mêmes logos ou marques de sponsors, positionnés, selon la même combinaison, systématiquement aux mêmes emplacements, donnant aux jouets litigieux, selon ses propres constatations, « l'apparence générale d'une voiture de Formule 1 Ferrari », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; 3°/ qu'est également fautif le fait, en commercialisant l'imitation d'un produit notoire, de porter atteinte à l'image, à la notoriété ou à la renommée de celui-ci ; qu'en s'abstenant de rechercher si la commercialisation des produits incriminés par la société Aglow n'était pas de nature à porter atteinte à la notoriété et à la renommée des produits Ferrari, cependant qu'elle constatait non seulement que la réputation de la Ferrari en Formule 1 était « indiscutable » et que le produit commercialisé par la société Aglow avait l'apparence générale d'un véhicule de Formule 1 Ferrari, mais également qu'il en constituait une imitation « grossière » et qu'il était bas de gamme et vendu dans des hypermarchés et des bazars, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; 4°/ qu'un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme cause nécessairement à sa victime un préjudice ; qu'en retenant que la société Ferrari ne rapporterait pas la preuve d'une répercussion des agissements incriminés sur ses ventes et son chiffre d'affaires dans le domaine du merchandising, et plus généralement, d'un préjudice, cependant que les agissements déloyaux reprochés à la société Aglow étaient, en eux-mêmes, générateurs d'un préjudice, au moins moral, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu

que l'arrêt relève que si les jouets litigieux étaient évocateurs de la formule 1 et présentaient des similarités leur donnant l'apparence générale d'une voiture de course Ferrari, ces produits étaient « bas de gamme », vendus dans des hypermarchés et des bazars et ainsi destinés à une toute autre clientèle que celle visée par les produits signés Ferrari ; qu'il relève encore que ces jouets comportaient de manière bien visible la marque Aglow en lettres multicolores, ce qui en faisait une imitation grossière qui n'était pas source de confusion pour le consommateur ; que par ces constatations et appréciations souveraines, excluant tout risque de détournement de clientèle et dont il résultait que la société Aglow ne s'était pas placée dans le sillage de la société Ferrari pour profiter de sa notoriété, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche, et devant laquelle la société Ferrari n'invoquait pas la faute visée par la troisième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Ferrari SpA aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Aglow France la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt. Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Ferrari SpA. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société FERRARI SpA de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et/ou parasitaire ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'action en concurrence déloyale trouve son fondement dans les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil, lesquels impliquent l'existence d'une faute commise par la société défenderesse et celle d'un préjudice subi consécutivement par a société demanderesse, la charge de la preuve pesant sur la demanderesse ; que si l'imitation d'un produit peut être constitutive d'acte de concurrence déloyale, c'est à la condition qu'il en résulte un risque de confusion pour le consommateur ; qu'en l'espèce, les jouets litigieux sont des voitures de course à la forme profilée évocatrice de la Formule 1, de couleur rouge dominante, avec des touches de jaune à des emplacements de la carrosserie destinés à l'annonce de sponsors ; que la mention « Grand Prix » apposée sur l'emballage avec l'image d'un carreau à damiers ne fait que confirmer l'évocation de la Formule 1 ; que si les jouets arborent un écusson présentant sur fond jaune un lion multicolore debout sur ses pattes arrière, tenant une espèce de massue, à la différence de l'écusson FERRARI au cheval cabré noir, les premiers juges dont la décision entreprise qui n'est pas critiquée sur ce point par la société appelante ont retenu que l'impression d'ensemble que procurent les deux écussons est trop différente pour qu'existe un risque de confusion ; que si FERRARI est évidemment connue pour le rouge de ses voitures, la couleur rouge n'est pas une exclusivité de la société appelante puisque la couleur rouge, associée à la vitesse, est très présente dans le monde de la course automobile en général, ainsi que l'établissent les pièces opposées par la société intimée, qui quoi qu'en dise l'appelante, sont bien antérieures aux faits d'espèce, s'agissant d'un extrait de la revue « Sport » du 4 mars 2005 présentant, sous le titre « repères Formule 1 2005 : la grille de départ », la reproduction de voitures Honda et Toyota dont les parties de carrosserie sont de couleur rouge, ou encore une photographie d'un véhicule de l'écurie Eurobrun en 1989 ; que l'extrait de la page sports du journal Libération du 16 mars 2012 produit par l'intimée, avec notamment les véhicules McLaren et Marussia, ne fait que confirmer la persistance de l'utilisation du rouge dans le monde des courses automobiles, les premiers juges ayant noté avec pertinence la couleur rouge des combinaisons de nombreux coureurs à l'examen des pièces produites ; qu'en outre, le rouge, par sa tonalité vive et attirante, est d'utilisation fréquente pour des jouets pour enfants ; que si la réputation de FERRARI en Formule 1 est indiscutable, pour autant la Formule 1 n'est pas l'apanage de la société FERRARI SpA ; que la société appelante ne saurait se prévaloir à son seul profit de la forme profilée qui est avant tout la résultante de contraintes d'aérodynamisme, de sorte qu'un jouet qui se veut évocateur de la Formule 1 va nécessairement adopter une forme ressemblante pour une voiture de course ; que FERRARI n'est pas le seul en Formule 1 à courir sous les couleurs et logos de sponsors, étant observé que les formes de carrosserie des véhicules n'offrent pas des possibilités infinies d'apposer de façon bien visible pour le public le rappel publicitaire du ou des sponsors ; que la société intimée ne peut certes sérieusement se prévaloir de la jurisprudence résultant de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne Adam Opel AG / Autec AG dès lors que précisément, elle ne prétend pas reproduire fidèlement à l'identique en miniature un véhicule spécifique de FERRARI ; que cependant si les jouets litigieux qu'elle commercialise sont évocateurs de la Formule 1 et présentent des similarités lui donnant l'apparence générale d'une voiture de Formule 1 FERRARI, pour autant l'imitation grossière n'est pas source de confusion pour le consommateur ; qu'en effet, il est constant que les produits en cause sont des produits bas de gamme, vendus dans les 15 ¿ dans les hypermarchés et bazars, dans des lieux de vente et à destination d'une toute autre clientèle que ceux visés par les produits siglés FERRARI ; que la présentation des jouets dans un emballage cartonné découpé d'un blister transparent permettant de voir le produit ¿ ce qui est un mode banal de présentation d'un jouet, destiné avant tout à attirer les enfants et séduire les acheteurs ¿ permet précisément au consommateur de se rendre compte du produit et de voir sans l'ombre d'un doute qu'il ne s'agit pas d'un véritable produit FERRARI, d'autant qu'est apposée sur l'emballage et de façon bien visible la marque AGLOW en lettres multicolores ; que dans ces conditions, en l'absence de risque de confusion pour le consommateur moyen, il ne peut être retenu d'actes fautifs de concurrence déloyale, la société appelante, en outre, ne rapportant pas le moindre élément de preuve de son prétendu préjudice ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société FERRARI SpA de sa demande au titre de la concurrence déloyale ; que l'invocation de la notoriété ne suffit pas en soi pour caractériser le parasitisme fautif ; que la société FERRARI SpA ne peut se contenter d'alléguer une atteinte à sa notoriété et à sa renommée pour démontrer tant la faute commise par la SARL AGLOW FRANCE dans la commercialisation de jouets, que le préjudice réellement subi par elle alors qu'elle n'apporte aucun élément de nature à établir une quelconque répercussion sur ses ventes et son chiffre d'affaires dans le domaine du merchandising qui ne peut être qu'accessoire par rapport à son activité de constructeur automobile précisément mise en avant par elle pour décrire « l'univers FERRARI » alliant prouesses techniques et consécrations remportées lors de courses de Formule 1 ; qu'elle justifie encore moins d'un préjudice dans le domaine du sport automobile de haut niveau du fait des prétendus agissements fautifs de la SARL AGLOW FRANCE ; que dans ces conditions, la société FERRARI SpA ne peut qu'être déboutée également de sa demande au titre de la concurrence parasitaire » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la société FERRARI soutient qu'en reproduisant l'univers Ferrari, caractérisé notamment par la reprise de la couleur rouge associée à la couleur jaune et par les emplacements réservés aux signes des sponsors, les produits de la société AGLOW FRANCE induisent les consommateurs en erreur et privent ainsi la demanderesse d'une partie des bénéfices qu'elle peut légitimement attendre de la vente de jouets représentant des voitures Ferrari ; que cependant, l'examen des pièces produites par les deux parties, et notamment la consultation d'un numéro de la revue « Le sport » consacré à la Formule 1 et d'un numéro de la revue « Formules » fait apparaître que la couleur rouge, même associée à la couleur jaune, est largement associée à l'univers de la Formule 1, en général, ainsi que le fait apparaître l'examen de la combinaison de nombreux coureurs figurant sur les revues précitées et qu'il s'agit, par ailleurs, d'une couleur fréquemment utilisée pour les modèles réduits d'automobiles destinés aux enfants ; que quant à l'emplacement et au graphisme des logos des sponsors, ils ne sont pas non plus caractéristiques de la marque Ferrari et se retrouvent sur la plupart des voitures de Formule 1 ; que dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le simple fait de vendre, sous forme de jouets, des voitures de Formule 1 de couleur rouge sur lesquelles sont apposés les signes de divers sponsors ne suffit pas à caractériser un acte de concurrence déloyale : que la société FERRARI sera, en conséquence, déboutée de l'ensemble de ses demandes » ; ALORS, D'UNE PART, QU'est contraire aux usages loyaux du commerce le fait de se placer dans le sillage d'un opérateur économique en imitant, sans nécessité, les caractéristiques d'un de ses produits notoires, en cherchant ainsi à tirer indûment profit de cette notoriété et en y portant par là même atteinte ; qu'en affirmant que « l'invocation de la notoriété ne suffit pas, en soi, pour caractériser le parasitisme fautif », sans rechercher si, en imitant les modèles de voiture FERRARI, la société AGLOW FRANCE n'avait pas tiré indûment profit de la notoriété de FERRARI et ne s'était pas ainsi placée fautivement dans son sillage, cependant qu'elle constatait elle-même que le produit incriminé avait « l'apparence générale d'une voiture de Formule 1 FERRARI » et que « la réputation de FERRARI en Formule 1 est indiscutable », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; ALORS, D'AUTRE PART, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le parasitisme, qui consiste notamment à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise par ses produits, résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité ; qu'en se bornant à relever que le rouge était fréquemment utilisé dans l'univers de la F1 et des jouets, qu'aucun risque de confusion n'existerait entre les écussons apposés sur les véhicules, que l'emplacement et le graphisme des logos de sponsors ne seraient pas caractéristiques de FERRARI et que les formes de carrosserie des véhicules n'offrent pas des possibilités infinies d'apposer de façon bien visible pour le public ces logos, sans rechercher, au terme d'une appréciation globale, si l'adversaire ne s'était pas placé indûment dans le sillage de FERRARI en reprenant une même combinaison de caractéristiques, à savoir outre la couleur rouge prédominante, un écusson jaune avec une figure animale en posture cabrée, placé au même endroit, l'emblème SHELL sur la partie latérale de la cabine monospace, ainsi que des imitations des mêmes logos ou marques de sponsors, positionnés, selon la même combinaison, systématiquement aux mêmes emplacements, donnant aux jouets litigieux, selon ses propres constatations, « l'apparence générale d'une voiture de Formule 1 FERRARI », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; ALORS, DE TROISIEME PART, QU'est également fautif le fait, en commercialisant l'imitation d'un produit notoire, de porter atteinte à l'image, à la notoriété ou à la renommée de celui-ci ; qu'en s'abstenant de rechercher si la commercialisation des produits incriminés par la société AGLOW FRANCE n'était pas de nature à porter atteinte à la notoriété et à la renommée des produits FERRARI, cependant qu'elle constatait non seulement que la réputation de la FERRARI en Formule 1 était « indiscutable » et que le produit commercialisé par la société AGLOW FRANCE avait l'apparence générale d'un véhicule de Formule 1 FERRARI, mais également qu'il en constituait une imitation « grossière » et qu'il était bas de gamme et vendu dans des hypermarchés et des bazars, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ; ALORS, ENFIN, QU'un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme cause nécessairement à sa victime un préjudice ; qu'en retenant que la société FERRARI SpA ne rapporterait pas la preuve d'une répercussion des agissements incriminés sur ses ventes et son chiffre d'affaires dans le domaine du merchandising, et plus généralement, d'un préjudice, cependant que les agissements déloyaux reprochés à la société AGLOW FRANCE étaient, en eux-mêmes, générateurs d'un préjudice, au moins moral, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.