Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème Chambre, 9 février 2021, 19MA02777

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
  • Numéro d'affaire :
    19MA02777
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Dispositif : Annulation
  • Décision précédente :tribunal administratif de Toulon, 22 octobre 2014
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000043147743
  • Rapporteur : M. Didier URY
  • Rapporteur public :
    M. ANGENIOL
  • Président : M. BADIE
  • Avocat(s) : AUBERT
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Marseille
2021-02-09
tribunal administratif de Toulon
2019-04-18
tribunal administratif de Toulon
2014-10-22

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : M. G... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer à lui verser la somme de 18 619,33 euros au titre des travaux de remise en état d'une partie de sa propriété, d'ordonner à la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer de réaliser les travaux prescrits par l'expertise du 25 septembre 2014, notamment les travaux de purge du vallon avec rectification de tracé et de procéder aux aménagements et confortements nécessaires, d'ordonner au département du Var de vérifier l'ouvrage de traversée sous la RD 559 et de réaliser les travaux nécessaires à son bon fonctionnement, et à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise complémentaire en vue de définir précisément les travaux de purge du vallon et la rectification de son tracé ainsi que les aménagements nécessaires afin de faire cesser les désordres. Par un jugement n° 1600146 du 18 avril 2019, le tribunal administratif de Toulon après avoir admis l'intervention de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, a rejeté la requête de M. G.... Procédure devant la Cour : Par une requête et deux mémoires enregistrés le 20 juin 2019 et les 1er juillet et 7 septembre 2020, M. G..., représenté par Me Aubert, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du 18 avril 2019 ; 2°) de condamner la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer à lui verser la somme de 18 619,33 euros au titre des travaux de remise en état d'une partie de sa propriété ; 3°) d'ordonner à la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer de réaliser les travaux prescrits par l'expertise du 25 septembre 2014, notamment les travaux de purge du vallon avec rectification de tracé et de procéder aux aménagements et confortements nécessaires, ; 4°) d'ordonner au département du Var de vérifier l'ouvrage de traversée sous la RD 559 et de réaliser les travaux nécessaires à son bon fonctionnement ; 5°) de mettre à la charge de la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer, les frais de l'expertise de M. L..., et à défaut, pour partie à la charge du département du Var qui en a bénéficié ; 6°) de mettre à la charge de la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'expertise démontre que les dommages subis par la base de l'escalier sont dus aux pluies torrentielles dont les eaux ont circulé dans le vallon qui constitue un ouvrage public relevant de la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer ; - ses préjudices sont justement évalués à la somme de 18 619,33 euros. Par deux mémoires en défense enregistrés le 28 août 2019 et le 4 août 2020, la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer, représentée par Me Bauducco, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense enregistré le 22 avril 2020, le département du Var, représenté par Me Phelip, conclut à sa mise hors de cause, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que la commune est seule responsable de l'écoulement des eaux pluviales et que sa responsabilité ne saurait être engagée dans la présente instance. Par ordonnance du 10 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2020 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Ury, - les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public, - et les observations de Me Aubert, représentant M. G..., et de Me C..., substituant Me Bauducco, représentant la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer. Une note en délibéré présentée pour la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer, par Me Bauducco, a été enregistrée le 27 janvier 2021. Une note en délibéré présentée pour M. G..., par Me Aubert, a été enregistrée le 3 février 2021.

Considérant ce qui suit

: 1. La propriété de M. G... qui domine la route départementale n° 559 est surmontée par une parcelle qui bénéficie d'une servitude de passage par un cheminement constitué d'un escalier partiellement longé par un vallon/ruisseau naturel non aménagé qui part en amont de l'avenue Clément Bayard et débouche en aval sur un ouvrage de traversée de la route départementale. A l'occasion des pluies torrentielles du 4 au 9 novembre 2011, les eaux évacuées par ce vallon ont érodé le soubassement du talus de l'escalier. M. G... a fait réaliser des travaux de reprise de l'ouvrage endommagé pour protéger la zone touchée par l'érosion pour un montant de 18 619,33 euros dont il a demandé le remboursement à la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer. Il a saisi le tribunal administratif de Toulon d'une demande tendant à faire condamner la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer à lui verser la somme de 18 619,33 euros au titre des travaux de remise en état d'une partie de sa propriété, à ordonner à la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer de réaliser les travaux prescrits par l'expertise du 25 septembre 2014, notamment les travaux de purge du vallon avec rectification de tracé et de procéder aux aménagements et confortements nécessaires, à ordonner au département du Var de vérifier l'ouvrage de traversée sous la RD 559 et de réaliser les travaux nécessaires à son bon fonctionnement, et à titre subsidiaire, à ordonner une expertise complémentaire en vue de définir précisément les travaux de purge du vallon et la rectification de son tracé ainsi que les aménagements nécessaires afin de faire cesser les désordres. M. G... fait appel du jugement du 18 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête. Sur la demande de mise hors de cause du département du Var : 2. M. G... demande qu'il soit ordonné au département du Var de vérifier l'ouvrage de traversée sous la RD n° 559 et de réaliser les travaux nécessaires à son bon fonctionnement, et que soit mise à sa charge une partie des frais de l'expertise réalisée par M. L.... Cependant, d'une part, il résulte de l'instruction, que les travaux nécessaires à l'écoulement régulier des eaux du vallon qui borde la propriété de M. G... s'agissant de leur débouché sur la RD n°559 ont été réalisés pour une somme de 138 712,05 euros payée par la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer. D'autre part, en vertu des articles L. 2261-2, L. 2224-10 et R. 2226-4 du code général des collectivités territoriales, la commune est responsable de la gestion des eaux pluviales urbaines. Par suite, le département du Var doit être mis hors de cause, dès lors que le litige porte sur l'écoulement de telles eaux sur le territoire de la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la responsabilité : 3. Le maître d'un ouvrage public est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics, dont il a la garde, peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. La victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits préjudices qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial. En outre, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable. 4. Il incombe à la commune, responsable du bon fonctionnement de l'ensemble du réseau municipal d'évacuation des eaux pluviales, de surveiller l'état de toutes les sections du réseau, alors même qu'elle n'en serait pas propriétaire. Il est constant qu'une partie des eaux pluviales de l'avenue Clément Bayard se déversent dans un fossé longeant plusieurs propriétés privées, pour rejoindre un ouvrage enterré de traversée de la RD 559. Ce fossé qui fait partie du réseau d'évacuation des eaux pluviales communales a, par son usage et sa fonction, le caractère d'un ouvrage public. 5. M. G..., estimant que les eaux provenant de ce fossé ont endommagé les fondations de l'escalier de sa propriété, recherche la responsabilité de la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer qui a la charge de l'entretien de l'ouvrage public. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise du 25 septembre 2014, que les pluies torrentielles qui se sont abattues sur la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer qui a été classée en état de catastrophe naturelle " inondations - coulées boues " ont mis à nu une partie de la semelle de l'escalier et la sous-face de celui-ci, propriété de M. G.... L'expert indique très clairement que : " Tout se passe à peu près bien tant que le dit" ouvrage " ne reçoit que des quantités d'eau " normales", par contre, en cas de pluviométrie exceptionnellement forte cet "ouvrage" qui n'est ni aménagé ni entretenu subit notamment une forte érosion et les eaux charrient alors les matériaux érodés et des végétaux. Le phénomène d'érosion a touché particulièrement la propriété G.... L'obstruction de l'ouvrage de traversée du RD 559 par les matériaux transportés est à l'origine des désordres subis par l'ouvrage de soutènement en aval de cette voie. ". Ces seules constatations expertales, non sérieusement contestées, établissent le lien de cause à effet entre l'ouvrage public dont la commune du Rayol-Canadel-sur Mer est responsable et les préjudices résultant de la fouille de ce soubassement constitué de maçonneries anciennes et de pierres sèches, par les eaux torrentielles qui se sont déversées dans le vallon qui longe sa propriété, préjudices qui présentent un caractère anormal et spécial. Il suit de là que M. G... est fondé à rechercher la responsabilité sans faute de la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer. En ce qui concerne les causes exonératoires : 6. Ainsi qu'il a déjà été dit au point 4, la commune, alors même qu'elle n'en serait pas propriétaire, est responsable du bon fonctionnement de son réseau d'évacuation des eaux pluviales. Le fossé en cause, qui longe des propriétés privées est utilisé pour déverser les eaux pluviales communales, et constitue une section de ce réseau. Il appartient ainsi à la commune de prendre les dispositions nécessaires pour assurer, au besoin d'office, l'entretien de ce fossé. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer ait pris les mesures nécessaires de nature à rendre opérationnel le fossé dans lequel se déversent les eaux pluviales issues de l'avenue Clément Bayard. Par suite, aucune faute ne peut être retenue, en l'espèce, à l'encontre de M. G..., propriétaire de la parcelle longée par le fossé litigieux. Sur les préjudices : 7. Ainsi qu'il a été dit plus haut, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable. 8. Si la commune allègue que l'escalier et ses fondations endommagées étaient mal entretenus, il résulte de l'instruction que bien que construit dans les années 50, l'ouvrage ne présentait pas avant le sinistre du 4 au 9 novembre 2011 un état de vétusté tel qu'il serait de nature à entraîner une réfaction partielle ou totale de l'indemnité sollicitée par M. G.... 9. M. G... établit qu'il a fait réaliser un mur de soutènement de l'escalier pour une somme globale de 18 619,33 euros comprenant notamment les frais du nécessaire débroussaillement des lieux pour éviter l'érosion de son talus en raison de l'utilisation du fossé comme réseau d'eaux pluviales par la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer. Cette somme et les travaux réalisés ne sont pas contestés en défense. Il sera dès lors fait une exacte appréciation de ce préjudice en allouant à M. G... la somme de 18 619,33 euros. 10. Il résulte de tout de ce qui précède que M. G... est fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions indemnitaires. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 11. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution. 12. Il résulte du rapport d'expertise de M. L... que, pour que les désordres disparaissent, alors qu'ils perdurent, le vallon doit faire l'objet d'un traitement complet correspondant à son utilisation comme ouvrage public de captage des eaux pluviales et qu'il est donc nécessaire d'exécuter, avec l'accord des propriétaires concernés, des travaux de purge de ce vallon avec rectifications de tracé ainsi qu'avec les aménagements et confortements indispensables, afin qu'il puisse absorber une partie des eaux pluviales de l'avenue Clément Bayard, y compris en cas de pluies torrentielles, lesquelles ne présentent pas, en raison de leur périodicité, un caractère de force majeure. Il n'est pas établi que de tels travaux, dans l'intérêt du service d'écoulement des eaux pluviales, et qui relèvent de par la loi de la compétence communale, auraient un coût disproportionné. Les conclusions de M. G... tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer d'engager de tels travaux doivent ainsi être accueillies. Sur les frais d'expertise : 13. Par une ordonnance en date du 22 octobre 2014, le président du tribunal administratif de Toulon a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert désigné, M. M... L..., à la somme de 4 780,31 euros. Ces frais et honoraires doivent être mis à la charge définitive de la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. G... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer la somme de 2 000 à verser à M. G... au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1600146 du 18 avril 2019 du tribunal administratif de Toulon est annulé. Article 2 : Le département du Var est mis hors de cause. Article 3 : La commune du Rayol-Canadel-sur-Mer versera une somme de 18 619,33 euros à M. G... au titre du préjudice subi. Article 4 : Il est enjoint à la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer d'exécuter des travaux de purge du vallon qui absorbe une partie des eaux pluviales de l'avenue Clément Bayard avec rectifications de tracé et des aménagements et confortements. Article 5 : Les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de 4 780,31 euros par ordonnance du président du tribunal sont mis à la charge définitive de la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer. Article 6 : La commune du Rayol-Canadel-sur-Mer versera une somme de 2 000 euros à M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G... est rejeté. Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... G..., à la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer, au département du Var, à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, à M. H... K... et à M. J... F.... Copie en sera adressée à M. M... L..., expert. Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021, où siégeaient : - M. Badie, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Ury, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2021. N° 19MA02777 2