Cour d'appel de Bordeaux, 21 septembre 2022, 19/04146

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
  • Numéro de pourvoi :
    19/04146
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de Commerce de PERIGUEUX, 1 juillet 2019
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/632c00336ed81805da0b0440
  • Président : Madame Nathalie PIGNON
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Bordeaux
2022-09-21
Tribunal de Commerce de PERIGUEUX
2019-07-01

Texte intégral

COUR D'APPEL DE BORDEAUX QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE --------------------------

ARRÊT

DU : 21 SEPTEMBRE 2022 N° RG 19/04146 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LE2X SARL VEYRET BATIMENT c/ SARL NEGOCE MATERIAUX AQUITAIN - NMA - Nature de la décision : AU FOND Grosse délivrée le : aux avocats Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 juillet 2019 (R.G. 2019.1) par le Tribunal de Commerce de PERIGUEUX suivant déclaration d'appel du 22 juillet 2019 APPELANTE : SARL VEYRET BATIMENT, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1] représentée par Maître David LARRAT de la SELARL H.L. CONSEILS, avocat au barreau de PERIGUEUX INTIMÉE : SARL NEGOCE MATERIAUX AQUITAIN - NMA, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2] représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Antoine LAMAGAT, avocat au barreau de BRIVE COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 15 juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Nathalie PIGNON, Présidente, Madame Elisabeth FABRY, Conseiller, Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller, Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile. EXPOSE DU LITIGE La société Veyret bâtiment exerce une activité de travaux de maçonnerie générale et de gros oeuvre dans le bâtiment. La société Négoce matériaux aquitain qui commercialise des matériaux de construction est l'un de ses fournisseurs depuis 2015. Elle a accordé à la société Veyret bâtiment un encours de commandes de 10 000 euros. En juin 2018, la société Veyret Bâtiment a commandé à la société Veyret bâtiment un lot de parements modulables. Elle a également passé deux autres commandes pour le même chantier ( travertin, mortier, éponge, panneau treillis..). Par ordonnance portant injonction de payer du 15 novembre 2018 signifiée le 29 novembre 2018, rendue à la requête de la société Négoce matériaux aquitain, le président du tribunal de commerce de Périgueux a condamné la société Veyret bâtiment à payer à la société Négoce matériaux aquitain la somme de 8 986,87 euros en principal au titre des trois factures impayées du 31 juillet 2018 établies à la suite des trois commandes passées en juin 2018. Par courrier recommandé du 19 décembre 2018, la société Veyret a formé opposition à cette ordonnance. Par jugement contradictoire du 1er juillet 2019, le tribunal de commerce de Périgueux a : - reçu la société Veyret bâtiment en son opposition, la déclare régulière, en la forme mais l'en déboute comme non fondée, - débouté la société Veyret bâtiment de l'ensemble de ses demandes, - condamné la société Veyret bâtiment à payer à la société Négoce matériaux aquitain la somme de 9 689,45 euros outre les intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2018, jusqu'à parfait paiement, - condamné la société Veyret bâtiment à verser à la société Négoce matériaux aquitain la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - ordonné l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel, à charge pour société Négoce matériaux aquitain de fournir caution ou de justifier d'une solvabilité suffisante, - condamné la société Veyret bâtiment aux entiers dépens de l'instance y compris les frais de la procédure d'injonction de payer. Par déclaration du 22 juillet 2019, la société Veyret bâtiment a interjeté appel de cette décision énumérant expressément les chefs critiqués et intimant la société Négoce matériaux aquitain. Par ordonnance du 26 juin 2020, rendue à la requête de la société Négoce matériaux aquitain , le conseiller de la mise en état de la cour a : - dit n'y avoir lieu à radiation de l'affaire, - dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, - réservé les dépens de l'incident.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 22 octobre 2019, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Veyret bâtiment demande à la cour au visa des articles 1219 et 1220 du code civil et L 442-6 du code de commerce, de : - déclarer la société Veyret bâtiment recevable en son appel et bien fondée en ses demandes, - réformer la décision dont appel en ce qu'elle a, - débouté la société Veyret bâtiment de son opposition, - débouté la société Veyret bâtiment de l'ensemble de ses demandes, - condamné la société Veyret bâtiment à payer à la société Négoce matériaux aquitain la somme de 9 689,45 euros outre les intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 17 octobre 2018 jusqu'à parfait paiement, - condamné la société Veyret bâtiment à verser à la société Négoce matériaux aquitain la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné la société Veyret bâtiment aux entiers dépens de l'instance y compris les frais de la procédure d'injonction de payer, et taxe les frais au titre du présent jugement à la somme de 103,38 euros, - statuant à nouveau, - déclarer nulle et non avenue l'ordonnance d'injonction de payer rendue en date du 15 novembre 2018 au profit de la société Négoce matériaux Aquitain, - débouter la société Négoce matériaux aquitain de ses demandes en paiement à l'encontre de la société Veyret bâtiment, - condamner la société Négoce matériaux Aquitain à verser à la société Veyret bâtiment la somme de 61 101 euros à titre d'indemnité pour le préjudice subi du fait de la rupture brutale et abusive des relations commerciales établies, - en tout état de cause, - débouter la société Négoce matériaux Aquitain de toutes ses demandes, fins et conclusions, - condamner la société Négoce matériaux Aquitain à verser une somme de 5 000 euros à la Société Veyret bâtiment sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamner la société Négoce matériaux Aquitain aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du Code de procédure civile et, au surplus, à tous les frais d'exécution, en ce compris le droit proportionnel dû à l'huissier de justice sur le fondement de l'article A444-32 du Code de commerce. La société Veyret bâtiment fait notamment valoir que l'intimée n'a pas respecté ses délais de livraison, ce qui lui a occasionné un préjudice financier important ; que l'intimée a décidé de rendre caduques, de manière unilatérale et sans l'en informer au préalable, les conditions tarifaires convenues ; que l'intimée était tenue de fournir une fiche technique afférente aux parements facturés et qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'exécution de cette obligation ;que les produits livrés ne correspondent pas à la qualité normalement attendue pour ce type de biens ; que l'intimée a décidé de rompre unilatéralement et sans préavis les relations commerciales. Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 22 janvier 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Négoce matériaux aquitain demande à la cour de: - déclarer recevable mais non fondé l'appel interjeté par la société Veyret du jugement rendu par le tribunal de commerce de Périgueux le 1er juillet 2019, - l'en débouter intégralement, - confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - déclarer l'appelante irrecevable en ses prétentions fondées sur la rupture abusive, - condamner la société Veyret en 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, - la condamner aux entiers dépens. La société Négoce matériaux fait notamment valoir qu'il n'y a pas eu de livraison partielle mais une livraison intégrale de la seule commande ferme liant les parties ; que n'ayant pas eu connaissance du marché et donc des dates de livraison et d'exécution, il ne saurait lui être reproché un quelconque retard dans la livraison des produits commandés, qui, de surcroît, n'est pas démontré ; qu'il n'est pas démontré d'inexécution totale, ni même partielle, de ses obligations contractuelles; que la cour est incompétente pour statuer sur la demande visant à voir constater une rupture abusive et brutale de leurs relations contractuelles, la cour d'appel de Paris ayant une compétence exclusive en la matière. L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 mai 2022 et le dossier a été fixé à l'audience du 15 juin 2022. Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Le litige porte sur trois factures en date du 10 septembre 2018 d'un montant de 383,29 euros, 8281,56 euros et 322,02 euros. L'intimée soutient que seule la facture de 8281,56 euros a été contestée en première instance et que l'appelante n'est pas recevable en appel à contester les deux autres factures. L'appelante soutient que les trois factures sont indissociables. Il ne ressort pas de la lecture de la décision de première instance que les contestations de l'appelante ne portaient devant le tribunal de commerce que sur la commande de 8281,56 euros, l'opposition portant sur l'ensemble des condamnations prononcées dans le cadre de l'ordonnance d'injonction de payer. Il apparaît en outre que les trois commandes ont bien été passées en même temps pour le même chantier et sont donc liées. L'appel est donc recevable en ce qu'il porte sur la contestation des trois factures. I- sur l'exception d'inexécution : L'appelante ne conteste pas avoir passé les commandes litigieuses mais argue de plusieurs exceptions d'inexécution justifiant le non-paiement des factures. * sur le non respect des délais de livraison par l'intimée et des engagements tarifaires: La commande a été passée verbalement à une date qu'aucune des parties ne communique. L'appelante soutient que la commande aurait dû être livrée 'courant juin 2018" et que le fournisseur a refusé de se conformer au nouveau prix fixé dans le mail. Au soutien de sa demande, elle produit des courriels échangés entre les parties entre le 7 juin 2018 et le 1er août 2018 desquels il ressort : - que la société Veyret bâtiment avait largement dépassé le montant de son encours (26 108,24 euros au 7 juin 2018 et 18603,17 euros au 14 juin 2018) et que son fournisseur lui avait demandé à plusieurs reprises de régulariser cette situation, - qu'une partie de sa commande de parements, dont la livraison était annoncée pour mi-juillet, est arrivée avec 15 jours de retard dans les entrepôts de son fournisseur qui a refusé de la lui livrer, son encours étant toujours largement dépassé, - que la seconde partie de la commande qui ne pouvait être livrée dans les délais habituels a été annulée le 21 juin 2018, la société Veyret bâtiment n'ayant pas répondu à un mail du 15 juin 2018 lui demandant si elle maintenait sa commande et n'ayant pas régularisé le solde débiteur de son compte client dépassant l'encours qui lui avait été consenti, - que la société Veyret bâtiment a par mail du 1er août 2018 indiquait qu'elle prendrait livraison du matériel fin août, la société étant fermée au mois d'août, et que la situation comptable serait rétablie d'ici là. Il ne ressort pas de ces éléments que la société intimée s'était engagée sur une date ferme et définitive de livraison des parements. En tout état de cause, les parements ont été mis à sa disposition dès la fin du mois de juillet pour une commande passée 'courant juin' ce qui n'apparaît pas un délai excessif. En ce qui concerne le reliquat de la commande qui n'était pas disponible immédiatement, il appartenait à l'appelante de confirmer rapidement qu'elle maintenait sa commande malgré la livraison tardive qui lui était annoncée. Il ne peut être reproché à l'appelante dans ces conditions d'avoir annulé ladite commande étant relevé en outre que l'encours de la société appelante n'était toujours pas régularisé. Il sera ajouté de manière surabondante que les pièces produites par la société appelante ne démontrent pas que celle-ci a dû faire face au paiement de pénalités de retard en lien avec un retard dans la livraison desdits parements. De la même façon, il n'est produit aux débats aucune 'condition tarifaire'. Il ne ressort pas de la lecture du seul mail du 15 juin 2018 qui propose une diminution du prix de 1 euro au m² 'compte tenu des désagréments causés par ce retard' que cette proposition portait sur toute la commande et pas uniquement sur la partie de la commande objet du retard et qui a été annulée comme le soutient l'intimée. Dès lors, le premier juge a pu à juste titre considéré qu'il n'était établi ni un retard dans la livraison ni une modification des conditions tarifaires de la commande susceptibles de justifier un refus de paiement du prix. * sur l'absence de fiches techniques : L'appelante reproche à l'intimée de ne pas lui avoir produit la fiche technique du produit livré. L'intimée conteste. L'appelante ne justifie pas avoir demandé à l'intimée après la livraison de lui produire la fiche technique qui selon elle ne lui aurait pas été communiquée lors de la livraison. Dès lors, l'appelante ne peut arguer d'une inexécution de cette obligation par son contractant pour justifier de son refus de payer les factures. * sur la qualité médiocre des produits livrés : L'appelante soutient que les produits livrés ne correspondent pas à la 'qualité normalement attendue pour ce type de biens' et qu'ils comportaient des traces de rouilles. Elle ne produit aucun pièce venant étayer cette affirmation. Elle ne justifie ainsi pas d'une exception d'inexécution. La décision de première instance sera ainsi confirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande en paiement de la société Sarl Négoce matérieux Aquitaine. II- sur la rupture abusive de la relation commerciale : La société Veyret bâtiment a formé en première instance une demande reconventionnelle aux fins de voir condamner la société Négoce matériaux Aquitain à lui verser la somme de 61 101 euros sur le fondement de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce relatif à la rupture abusive des relations commerciales. Elle réitère cette demande devant la cour après avoir visé dans sa déclaration d'appel l'ensemble du dispositif de la décision de première instance. L'intimée soutient que seule la cour d'appel de Paris est compétente en la matière. Le tribunal a omis de statuer sur ce point. En effet, les motifs de la décision n'aborde pas cette demande et la mention 'déboute la société Veyret bâtiment de l'ensemble de ses demandes' n'est pas de nature à pallier cette omission. Il appartient dès lors à cette cour, par application des dispositions de l'article 462 du code de procédure civile, de statuer d'office sur cette omission de statuer. Par application des dispositions de l'article D 442-3 du code de commerce, seuls les tribunaux de commerce de Marseille, Bordeaux, Lille, Fort de France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes sont compétents pour statuer sur les dispositions de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce dont l'appelant sollicitait l'application devant le tribunal de commerce de Périgueux. En outre, seule la cour d'appel de Paris est compétente pour connaître des recours formés en la matière à l'encontre de décisions rendues par les tribunaux de commerce spécialisés visés par l'article D 442-3 du code de commerce. Il appartient en revanche aux autres cours d'appel, conformément à l'art. R. 311-3 COJ, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par le second texte. Il en est ainsi même dans l'hypothèse où celles-ci auront, à tort, statué sur l'application du premier texte, auquel cas elles devront relever, d'office, l'excès de pouvoir commis par ces juridictions en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de leur pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables. (Com. 29 mars 2017, no 15-17.659 P). Il convient donc en l'espèce de déclarer l'appel recevable mais de juger que la demande excède la compétence juridictionnelle de la présente cour et est donc irrecevable. III- sur les frais du procès : La société Veyret Bâtiment qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens d'appel. Elle sera condamnée à verser la somme de 2500 euros à la société Négoce matériaux Aquitain au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Dit que l'appel est recevable, Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Périgueux le 1er juillet 2019, y ajoutant Déclare irrecevable la demande formée par la société Veyret Bâtiment au titre des dispositions de l'article L 442-6 I 5° du code de commerce, Condamne la société Veyret Bâtiment aux dépens d'appel, Condamne la société Veyret Bâtiment à verser la somme de 2500 euros à la société Négoce matériaux Aquitain au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Le présent arrêt a été signé par Nathalie PIGNON , Présidente , et par Hervé Goudot, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.