Chronologie de l'affaire
Tribunal de Commerce de Caen 01 octobre 2009
Tribunal administratif de Caen 31 mai 2011
Cour administrative d'appel de Nantes 14 juin 2012

Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère Chambre, 14 juin 2012, 11NT02089

Mots clés travail et emploi · licenciements Autorisation administrative · maree · société · reclassement · licenciement · travail · inspecteur · salariés · liquidation judiciaire · rapport · tribunal de commerce · économique · autorisation · produits · requête · ressort

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro affaire : 11NT02089
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Caen, 31 mai 2011, N° 1001533
Président : M. CHRISTIEN
Rapporteur : M. Robert CHRISTIEN
Rapporteur public : Mme SPECHT
Avocat(s) : CHAPELLE

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Commerce de Caen 01 octobre 2009
Tribunal administratif de Caen 31 mai 2011
Cour administrative d'appel de Nantes 14 juin 2012

Texte

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2001, présentée pour la SCOP COPEPORT MAREE, dont le siège est 2, rue de l'Albatros à Port-en-Bessin (14520), représentée par son liquidateur judiciaire, Me Doutressoulle, par Me Chapelle et Me Langevin, avocats au barreau de Caen ; la SCOP COPEPORT MAREE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001533 en date du 31 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 1er juin 2010 par laquelle l'inspecteur du travail de la quatrième section du département du Calvados a accordé à Me Doutressoulle l'autorisation de licencier Mme Séverine X ;

2°) de mettre à la charge de Mme X une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2012 :

- le rapport de M. Christien, président assesseur,

- et le rapport de Mme Specht, rapporteur public ;


Considérant que

Mme X occupait, à la date à laquelle elle a été licenciée, un emploi d'assistante qualité au sein de la SCOP COPEPORT MAREE, qui exerçait à Port-en-Bessin (Calvados) des activités de mareyage, de transformation de produits de la mer et de commercialisation de ces produits ; qu'elle détenait les mandats de membre titulaire de la délégation unique du personnel et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que le tribunal de commerce de Caen a placé la société en redressement judiciaire par un jugement du 28 janvier 2009, puis a prononcé sa liquidation judiciaire, avec poursuite d'activité pour une période de trois mois, par un jugement du 1er octobre 2009 ; que, par une ordonnance du 12 novembre 2009, qui a été confirmée le 21 janvier 2010 par le tribunal de commerce de Caen, le juge commissaire a autorisé le licenciement de la totalité du personnel de la société, dont Mme X et les six autres salariés protégés ; que, par une décision en date du 1er juin 2010, l'inspecteur du travail de la quatrième section du Calvados a autorisé Me Doutressoulle, désigné en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la SCOP COPEPORT MAREE, à licencier Mme X pour motif économique ; que la SCOP COPEPORT MAREE interjette appel du jugement en date du 31 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé la décision de l'inspecteur du travail ;

Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou, le cas échéant, au sein du groupe auquel appartient cette dernière, et cela y compris lorsque l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ;

Considérant qu'il incombe, en outre, à l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé d'apprécier si les règles de procédure de licenciement économique d'origine conventionnelle préalables à sa saisine ont été observées ; que les stipulations de l'avenant du 7 février 1997 à la convention collective nationale des mareyeurs-expéditeurs ont institué une commission paritaire nationale pour l'emploi (CPNE) et prévu que cette commission " est informée sur tous les projets de licenciements économiques collectifs de plus de dix salariés appartenant à la même entreprise et, le cas échéant, participe à l'élaboration du plan social à la demande des directions des établissements concernés " ; qu'il résulte de ces stipulations que l'information qu'elles prévoient ne déclenche aucune obligation pour la CPNE de procéder à des démarches en vue de favoriser le reclassement des salariés licenciés et a pour seul objet de lui permettre d'avoir une meilleure connaissance de la situation de l'emploi dans la branche. ; qu'elle ne revêt donc pas le caractère d'une formalité substantielle ; que, par suite, à supposer même que l'inspecteur du travail n'ait pas vérifié si l'information de la CPNE avait eu lieu, c'est à tort que, pour annuler sa décision du 1er juin 2010, le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur l'erreur de droit commise par ledit inspecteur en omettant de procéder à cette vérification ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme X tant devant le tribunal administratif que devant elle ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SCOP COPEPORT MAREE appartenait avec la SA Gravilmer (GVM) et six sociétés coopératives de basse Normandie -Cherbourg Coop, Coopérative d'avitaillement de l'Ouest Cotentin, Coopérative d'avitaillement de l'Est Cotentin, Copéport, Ucrenor et Copéport Marée OPBN - à un réseau dont les différentes structures, certes indépendantes juridiquement les unes des autres, entretenaient entre elles des relations très étroites tant sur le plan financier, avec des participations minoritaires croisées en capital et en compte courant d'associés, que sur le plan commercial, et se rendaient mutuellement des services afin de rationaliser leurs activités ; que l'administrateur judiciaire de la société requérante a relevé la difficulté de démêler les liens existant entre elles ainsi que la confusion régnant quant à ces liens dans l'esprit de tous - dirigeants, salariés, fournisseurs, prestataires de services, établissements bancaires... - en raison notamment du fait que la plupart d'entre elles étaient installées à Port-en-Bessin (Calvados) et étaient dotées d'un interlocuteur unique ; qu'ainsi, jusqu'à son départ à la retraite en septembre 2006, un seul directeur général a assuré la direction et la coordination de six de ces coopératives et qu'après son départ une même personne a cumulé les fonctions de président du conseil d'administration de la SCOP COPEPORT MAREE, de directeur général délégué de la SA GVM et de directeur administratif et financier de la SCOP COPEPORT MAREE, de la SA GVM, de Copéport Marée OPBN et de Cherbourg Coop ; que, dans ces conditions, si le réseau susévoqué, dès lors que le statut des sociétés coopératives exige que la majorité de leur capital soit détenue par leurs salariés, ne constituait pas un groupe au sens du droit commercial, lequel implique l'existence d'une société mère détenant la majorité du capital social de ses filiales et disposant à l'égard de celles-ci des pouvoirs de contrôle économique et financier, il devait être regardé, tout au moins en ce qui concerne la SCOP COPEPORT MAREE et les trois sociétés Copéport Marée OPBN, GVM et Cherbourg Coop qui détenaient respectivement 33 %, 9 % et 6 % de son capital, comme constituant un groupe au sens des dispositions du code du travail relatives au licenciement des salariés protégés ;

Considérant qu'il ressort des motifs de la décision contestée, qui se borne à indiquer que " par un jugement du 1er octobre 2009, le tribunal de commerce de Caen a prononcé la liquidation judiciaire de la SCOP COPEPORT MAREE ", que les procédures de licenciement " sont justifiées par l'employeur par une forte baisse de la production de la flottille bas-normande et par une forte baisse de la consommation, entraînant un déficit financier de la société ", que la " matérialité du motif économique " est établie, que " l'ensemble des postes de l'entreprise ont été supprimés " et que " l'employeur doit être regardé comme ayant satisfait, à l'égard de Mme X, à ses obligations de reclassement d'un salarié protégé ", que l'inspecteur du travail n'a pas contrôlé au niveau du groupe susmentionné la réalité du motif économique et les efforts de reclassement de Mme X ; qu'il a ainsi entaché sa décision d'erreur de droit ; que la circonstance invoquée par la SCOP COPEPORT MAREE qu'elle a effectivement tenté de reclasser Mme X non seulement au sein des structures du réseau mais également auprès d'environ soixante-dix entreprises de la région est inopérante ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par Mme X, celle-ci est fondée à soutenir que la décision de l'inspecteur du travail en date du 1er juin 2010 est entachée d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCOP COPEPORT MAREE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 1er juin 2010 par laquelle l'inspecteur du travail de la quatrième section du Calvados a autorisé le licenciement de Mme X ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCOP COPEPORT MAREE réclame au titre de frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la SCOP COPEPORT MAREE la somme de 1 000 euros réclamée par Mme X ;

DECIDE :



Article 1er :La requête de la SCOP COPEPORT MAREE est rejetée.

Article 2 :La SCOP COPEPORT MAREE versera à Mme X la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 :Le présent arrêt sera notifié à Me Doutressoulle, liquidateur judiciaire de la SCOP COPEPORT MAREE, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Mme Séverine X.

''

''

''

''

2

N° 11NT02089