Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 1 décembre 2016, 15-28.350

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2016-12-01
Cour d'appel de Versailles
2015-09-10

Texte intégral

CIV. 2 JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 1er décembre 2016 Rejet Mme FLISE, président Arrêt n° 1725 F-D Pourvoi n° A 15-28.350 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

la société Soc Saint-Martinoise de bâtiment travaux publics, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2015 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Compagnie internationale d'engineering pour la construction (CIEC), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société [H] [U], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société CIEC, défenderesses à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 2 novembre 2016, où étaient présents : Mme Flise, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, M. Liénard, conseiller doyen, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Soc Saint-Martinoise de bâtiment travaux publics, de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Compagnie internationale d'engineering pour la construction et de la société [H] [U], ès qualités, l'avis de M. Mucchielli, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique, pris en sa première branche : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 septembre 2015) et les productions, qu'en 2011, la société Saint-Martinoise de bâtiment travaux publics (la société SMBTP) a assigné la société Compagnie internationale d'engineering pour la construction (la société CIEC) devant un tribunal de commerce pour la voir condamner au paiement de différentes sommes ; qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte en août 2012 à l'encontre de la société CIEC, la société [U] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire ; qu'en septembre 2012, la société SMBTP a déclaré une créance au passif de la société CIEC représentant le montant de plusieurs factures impayées ; que dans la procédure pendante devant le tribunal de grande instance, compétent sur renvoi du tribunal de commerce, la société SMBTP a établi le 20 novembre 2012 des conclusions de désistement ; que par jugement du 3 janvier 2013 devenu irrévocable, le tribunal de grande instance a débouté les parties de leurs demandes respectives ; que la société CIEC a alors contesté la créance déclarée de la société SMBTP en se prévalant de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 3 janvier 2013 ; que la société SMBTP a interjeté appel de l'ordonnance du juge commissaire ayant prononcé le rejet de sa créance ;

Attendu que la société SMBTP fait grief à

l'arrêt de constater l'existence d'une instance en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société CIEC faisant obstacle à la compétence du juge-commissaire ou de la cour d'appel à sa suite pour statuer sur l'admission ou le rejet de la créance déclarée par la société SMBTP au passif de cette société, de dire que le jugement du 3 janvier 2013 a été confirmé par les parties auxquelles profitait l'interruption de l'instance, de rejeter la demande de constat du caractère non avenu de ce jugement, et de dire qu'il y aura lieu pour le greffier du tribunal de commerce de Nanterre de mentionner les dispositions du jugement sur l'état des créances de la société CIEC, alors, selon le moyen, que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en l'espèce, la société SMBTP faisait valoir qu'elle s'était désistée de l'instance introduite devant le tribunal de grande instance de Paris selon des conclusions signifiées le 20 novembre 2012, et que ce désistement d'instance avait été accepté par la société CIEC par conclusions signifiées le 22 novembre suivant ; qu'elle faisait également valoir que ce désistement était animé par la volonté de soumettre le litige opposant les parties sur la créance dont elle se prévalait au juge de la procédure collective ; qu'elle concluait qu'en se prévalant de l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu le 3 janvier 2013, pour s'opposer à toute discussion sur le bien-fondé de sa créance devant le juge commissaire, tout en ayant accepté son désistement de l'instance relative à cette créance, la société CIEC avait adopté un comportement empreint de contradiction à son détriment puisqu'elle s'était trouvée privée de la possibilité de discuter le principe même de sa créance, qu'elle avait régulièrement déclarée ;

qu'en décidant

qu'« il n'y a aucune contradiction à accepter un simple désistement d'instance n'emportant pas désistement d'action puis, alors que le juge a statué au fond sans égard pour le désistement, à confirmer le jugement prononcé dans ce contexte », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société CIEC ne s'était pas contredite au détriment de la société SMBTP en acceptant son désistement d'instance, admettant ainsi que tout litige sur la créance serait tranché par le juge commissaire dans le cadre de la procédure d'admission des créances, pour ensuite soutenir devant ce juge que l'absence de créance aurait procédé de l'autorité de chose jugée du jugement rendu le 3 janvier 2013 au mépris du désistement intervenu, peu important que ce désistement ait été effectif ou non, ce qui privait la société CIEC de la possibilité d'invoquer le bénéfice de ce jugement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 394, 395 et 397 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; Mais attendu qu'ayant retenu que la société CIEC n'avait pas pu accepter de mettre fin à l'instance dès lors que les conclusions de désistement de la société SMBTP ne lui avaient pas été signifiées, de sorte que la société SMBTP avait été déboutée de sa demande en paiement par le jugement du 3 janvier 2013 devenu irrévocable, que la société CIEC et son mandataire judiciaire avaient confirmé au sens de l'article 372 du code de procédure civile en s'en prévalant devant le juge commissaire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième, troisième et quatrième branches du moyen unique ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Saint-Martinoise de bâtiment travaux publics aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Saint-Martinoise de bâtiment travaux publics ; la condamne à payer à la société Compagnie internationale d'engineering pour la construction et à la société [U], ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Soc Saint-Martinoise de bâtiment travaux publics Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'existence d'une instance en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société CIEC faisant obstacle à la compétence du juge-commissaire ou de la cour d'appel à sa suite pour statuer sur l'admission ou le rejet de la créance déclarée par la société SSMBTP au passif de cette société, d'AVOIR dit que le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 3 janvier 2013 avait été confirmé par les parties auxquelles profitait l'interruption de l'instance, d'AVOIR rejeté en conséquence la demande de constat du caractère non avenu de ce jugement, et d'AVOIR dit en conséquence qu'il y aura lieu pour le greffier du tribunal de commerce de Nanterre de mentionner les dispositions du jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 3 janvier 2013 sur l'état des créances de la société CIEC ; AUX MOTIFS QUE, aux termes de l'arrêt attaqué, « Sur l'autorité de chose jugée du jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 3 janvier 2013 : Considérant que l'article L 622-22 du code de commerce dispose que les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de créance, qu'elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et le cas échéant l'administrateur dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ; que selon l'article 372 du code de procédure civile, les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l'interruption de l'instance, sont réputés non avenus à moins qu'ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue ; Considérant qu'il est constant que l'instance en cours devant le tribunal de grande instance de Paris, introduite le 1er février 2010, a été interrompue par le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Ciec en date du 7 août 2012 et n'a pas été reprise et que le jugement du 3 janvier 2013 a donc été obtenu après l'interruption de l'instance ; que toutefois les dispositions de l'article 372 du code de procédure civile ne peuvent être invoquées que par la partie au bénéfice de laquelle l'instance a été interrompue ; qu'en cette matière, la partie au profit de laquelle l'interruption est prévue est le débiteur et, le cas échéant l'administrateur, ainsi que le mandataire judiciaire, ou le commissaire à l'exécution du plan à sa suite, qui représente l'intérêt collectif des créanciers dont l'égalité est assurée par la règle de l'interdiction des poursuites ; que la SSMBTP ne peut donc se prévaloir du caractère non avenu du jugement litigieux ; qu'il faut constater en outre que Maître [U], ès qualités, et la société Ciec ont confirmé expressément le jugement de débouté de la SSMBTP puisqu'ils se sont prévalus des dispositions de ce jugement à l'occasion des opérations de vérification des créances ; Considérant qu'il résulte du message de transmission électronique versé aux débats que les conclusions de désistement d'instance de la SSMBTP ont été adressées au tribunal le 20 novembre 2012 après l'ordonnance de clôture sans avoir été signifiées à la société Ciec et que la SSMBTP n'a pas comparu à l'audience du tribunal qui s'est tenue le 23 novembre 2012 pour soutenir une éventuelle demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de renvoi pour pouvoir signifier ses conclusions de désistement ; que dans ces circonstances, il apparaît que la société Ciec, qui soutient qu'elle n'a pas signifié de conclusions d'acceptation du désistement, n'a pu accepter utilement de mettre fin à l'instance ; que surabondamment, il n'y a aucune contradiction à accepter un simple désistement d'instance n'emportant pas désistement d'action, puis, alors que le juge a statué au fond sans égard pour le désistement, à confirmer le jugement prononcé dans ce contexte ; Considérant qu'il en résulte que l'instance en paiement était en cours à la date du jugement d'ouverture, que le caractère non avenu du jugement du tribunal de grande instance de Paris ne peut être constaté en l'état d'une confirmation de celui-ci, et que le juge-commissaire et la cour saisie de l'appel de la décision du juge-commissaire ne peuvent que constater l'existence d'une instance en cours au jour du jugement d'ouverture qui fait obstacle à leur compétence pour décider de l'admission ou du rejet de la créance de sorte que la cour se bornera à procéder à ce constat ; que celle-ci s'étant achevée par un jugement irrévocable de débouté de la SSMBTP de son action en paiement de la créance, il y aura lieu pour le greffier du tribunal de faire figurer ce rejet sur l'état des créances en application des dispositions de l'article R 624-9 et R 624-11 du code de commerce » (cf. arrêt, p. 4) ; ALORS QUE, de première part, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en l'espèce, la société SSMBTP faisait valoir qu'elle s'était désistée de l'instance introduite devant le tribunal de grande instance de Paris selon des conclusions signifiées le 20 novembre 2012, et que ce désistement d'instance avait été accepté par la société CIEC par conclusions signifiées le 22 novembre suivant (concl., p. 4) ; qu'elle faisait également valoir que ce désistement était animé par la volonté de soumettre le litige opposant les parties sur la créance dont elle se prévalait au juge de la procédure collective ; qu'elle concluait qu'en se prévalant de l'autorité de chose jugée attachée au jugement rendu le 3 janvier 2013, pour s'opposer à toute discussion sur le bien-fondé de sa créance devant le juge commissaire, tout en ayant accepté son désistement de l'instance relative à cette créance, la société CIEC avait adopté un comportement empreint de contradiction à son détriment puisqu'elle s'était trouvée privée de la possibilité de discuter le principe même de sa créance, qu'elle avait régulièrement déclarée ; qu'en décidant qu'« il n'y a aucune contradiction à accepter un simple désistement d'instance n'emportant pas désistement d'action puis, alors que le juge a statué au fond sans égard pour le désistement, à confirmer le jugement prononcé dans ce contexte », sans rechercher, comme elle y était invitée, si la société CIEC ne s'était pas contredite au détriment de la société SSMBTP en acceptant son désistement d'instance, admettant ainsi que tout litige sur la créance serait tranché par le juge commissaire dans le cadre de la procédure d'admission des créances, pour ensuite soutenir devant ce juge que l'absence de créance aurait procédé de l'autorité de chose jugée du jugement rendu le 3 janvier 2013 au mépris du désistement intervenu, peu important que ce désistement ait été effectif ou non, ce qui privait la société CIEC de la possibilité d'invoquer le bénéfice de ce jugement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 394, 395 et 397 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; ALORS QUE, de deuxième part, et subsidiairement, à supposer que la possibilité, pour la société SSMBTP, de se prévaloir du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment aurait été subordonnée à la preuve de l'effectivité du désistement d'instance intervenu le 20 novembre 2012 et accepté par la société CIEC, le désistement d'instance peut être demandé tant que l'instance perdure, y compris après la clôture des débats ; que la cour d'appel a refusé de tenir compte du désistement de la SSMBTP, pourtant accepté par la société CIEC, de l'instance en paiement de sa créance introduite devant le tribunal de grande instance de Paris, au motif que la société CIEC n'avait pu utilement accepter de mettre fin à l'instance puisque les conclusions de désistement d'instance de la SSMBTP avaient été adressées au tribunal après l'ordonnance de clôture (arrêt, p. 4 § 4) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que le désistement d'instance n'a pas à intervenir nécessairement avant la clôture des débats, dont la révocation avait du reste été sollicitée, et qu'un tel désistement peut intervenir tant que l'instance perdure, la cour d'appel a violé les articles 394, 395 et 397 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; ALORS QUE, de troisième part, et en toute hypothèse, la cour d'appel a jugé que la société CIEC n'avait pu utilement accepter de mettre fin à l'instance dès lors que les conclusions de désistement n'avaient pas été signifiées à la société CIEC et que la SSMBTP n'avait pas comparu à l'audience du tribunal qui s'était tenue le 23 novembre 2012 pour soutenir une éventuelle demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de renvoi pour pouvoir signifier ses conclusions de désistement (arrêt, p. 4 § 4) ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à exclure la régularité du désistement d'instance décidé par la SSMBTP, seulement subordonné, pour son efficacité, à l'acceptation de partie adverse, ce qui avait été le cas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 394, 395 et 397 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; ALORS QUE, de quatrième part, à titre également subsidiaire, la société SSMBTP faisait valoir que la société CIEC avait accepté son désistement d'instance par conclusions signifiées le 22 novembre 2012, et produisait à la fois ces écritures d'acceptation et l'avis RPVA de signification de ces écritures (concl., p. 4) ; que la cour d'appel a écarté toute efficacité au désistement d'instance effectué le 20 novembre 2012 au motif qu'il « apparaît que la société CIEC, qui soutient qu'elle n'a pas signifié de conclusions d'acceptation du désistement, n'a pu accepter utilement de mettre fin à l'instance » (arrêt, p. 4 § 4) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il résultait de l'avis RPVA que la société CIEC avait signifié des conclusions d'acceptation du désistement avant que le tribunal ne statue, ce dont il résultait que l'acceptation de l'instance avait été parfaite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 394, 395 et 397 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.