QUATRIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 25770/07
présentée par Henryk MUSIALSKI
contre la Pologne
La Cour européenne des droits de l'homme (quatrième section), siégeant le 31 mars 2009 en une chambre composée de :
Nicolas Bratza, président,
Lech Garlicki,
Giovanni Bonello,
Ljiljana Mijović,
Päivi Hirvelä,
Ledi Bianku,
Nebojša Vučinić, juges,
et de Lawrence Early, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 11 juin 2007,
Vu la déclaration du 16 décembre 2008 par laquelle le gouvernement défendeur invite la Cour à rayer la requête du rôle et la réponse du requérant à cette déclaration,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Henryk Musialski, est un ressortissant polonais, né en 1952 et résidant à Katowice. Il est représenté devant la Cour par Me Janusz Zaleski, avocat à Katowice. Le gouvernement polonais (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Jakub Wołąsiewicz, du ministère des Affaires étrangères.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 10 septembre 2003, soupçonné de trafic et vente illégale de carburants dans une association de malfaiteurs, le requérant fut placé en détention provisoire.
En avril 2007, l'acte d'accusation fut déposé auprès du tribunal de district.
Le 26 avril 2007, la cour d'appel procéda à l'examen de l'affaire. Elle s'interrogea en particulier sur la question de savoir si en l'espèce il était toujours opportun de maintenir le requérant en détention. La cour estima qu'une remise en liberté contre le paiement d'une caution de 500 000 zlotys polonais (PLN) était possible.
Le 18 mai 2007, la cour d'appel annula en partie la décision précédente en refusant la remise en liberté du requérant contre le paiement d'une caution. Elle considéra que les preuves rassemblées indiquaient que l'intéressé eût pu être l'auteur des faits reprochés. En outre, elle mit l'accent sur la gravité de la peine encourue par le requérant et sur le fait qu'il était soupçonné d'avoir été le cerveau de l'association de malfaiteurs. Pour justifier l'annulation de sa décision de remettre l'accusé en liberté sous caution, la cour se référa à l'ampleur exceptionnelle des activités de ladite association de malfaiteurs.
Le 13 juillet 2007, le tribunal de district se reconnut incompétent et renvoya l'affaire pour réexamen au tribunal régional. Le 8 octobre 2007, le tribunal régional, juridiction de renvoi, se reconnut à son tour incompétent et renvoya l'affaire au tribunal de district.
Le 24 octobre 2007, la cour d'appel subordonna la remise en liberté du requérant au versement d'une caution de 2 500 000 PLN, décision confirmée en appel le 14 novembre 2007. Les juges se fondèrent sur la complexité de l'affaire et sur le fait qu'une fois remis en liberté, l'intéressé entraverait le bon déroulement de la procédure. Quant au montant de la caution, la cour précisa qu'il avait été fixé en tenant compte de la gravité des charges retenues.
Le 28 novembre 2007, statuant sur la demande du tribunal de district, la cour d'appel désigna le tribunal régional pour connaitre de l'affaire.
Le 27 février 2008, la cour d'appel prolongea la détention du requérant. Elle fixa en même temps la caution à 2 500 000 PLN. Le 12 mars 2008, la juridiction d'appel ramena son montant à 1 500 000 PLN, en estimant que celui-ci était suffisamment élevé pour avoir un effet dissuasif à l'égard du requérant afin qu'il n'entrave pas le bon déroulement du procès.
Le 21 mai 2008, la cour d'appel prolongea la détention provisoire jusqu'au 29 août 2008. Elle décida en parallèle que le requérant serait remis en liberté s'il versait une caution de 500 000 PLN. Le 18 juin 2008, la cour d'appel rejeta l'appel de l'intéressé.
Le 27 août 2008, la cour d'appel rejeta la demande de la juridiction du fond tendant à prolonger la détention une nouvelle fois. Elle plaça l'intéressé sous surveillance policière et prononça à son encontre l'interdiction de quitter le territoire.
Le 29 août 2008, le requérant recouvra la liberté.
GRIEF
Invoquant l'article 5 § 3 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire.
EN DROIT
Le requérant dénonce la durée de sa détention provisoire. Il invoque l'article 5 § 3, dont le passage pertinent en l'espèce dispose :
Article 5 § 3
« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, (...) a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. (...). »
Par une lettre du 16 décembre 2008, le Gouvernement a informé la Cour qu'il entendait faire une déclaration unilatérale tendant à résoudre la question soulevée par la requête. Il a en outre invité la Cour à rayer l'affaire du rôle en vertu de l'article 37 de la Convention.
La déclaration se lit ainsi :
« (...) le Gouvernement déclare - au moyen de la présente déclaration unilatérale - qu'il reconnaît la durée excessive de la détention provisoire du requérant.
Compte tenu des circonstances de la cause, le Gouvernement déclare être prêt à verser au requérant, au titre de la satisfaction équitable, la somme de 2 000 EUR. Cette somme, qui couvrira tout préjudice matériel et moral ainsi que les frais et dépens, ne sera soumise à aucun impôt. Elle sera payable dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour rendue conformément à l'article 37 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. A défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement s'engage à verser, à compter de l'expiration de celui-ci et jusqu'au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage ».
(...)
Par une lettre du 12 janvier 2009, le requérant a fait savoir que la somme offerte par le Gouvernement dans sa déclaration lui paraissait inacceptable.
La Cour rappelle que l'article 37 de la Convention dispose que, à tout moment de la procédure, la Cour peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de tirer l'une des conclusions exposées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. En particulier, l'article 37 § 1 c) autorise la Cour à rayer une requête du rôle lorsque :
« pour tout autre motif dont [elle] constate l'existence, il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête. ».
Elle rappelle aussi que, dans certaines circonstances, elle peut rayer une requête du rôle en vertu de l'article 37 § 1 c) de la Convention sur la base d'une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l'examen de l'affaire se poursuive.
En pareil cas, pour déterminer si elle doit rayer la requête du rôle, la Cour examine attentivement la déclaration à la lumière des principes se dégageant de sa jurisprudence, en particulier de l'arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie [GC], no 26307/95, §§ 75-77, CEDH 2003-VI), WAZA Spółka z o.o. c. Pologne (déc.), no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.), no 28953/03).
Compte tenu de la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement ainsi que du montant de l'indemnité proposée - qui cadre avec les sommes octroyées dans des affaires analogues - la Cour estime qu'il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête (article 37 § 1 c) de la Convention).
Eu égard à ce qui précède, et en particulier à l'existence d'une jurisprudence claire et abondante sur la question posée en l'espèce, elle considère que le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses protocoles n'exige pas qu'elle poursuive l'examen de la requête (article 37 § 1 in fine).
Dès lors, il y a lieu de rayer l'affaire du rôle.
Par ces motifs
, la Cour, à l'unanimité,
Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements qu'elle comporte ;
Décide, en vertu de l'article 37 § 1 c) de la Convention, de rayer l'affaire du rôle.
Lawrence Early Nicolas Bratza
Greffier Président