Cour d'appel de Lyon, 17 janvier 2019, 2016/01584

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Lyon
  • Numéro de pourvoi :
    2016/01584
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Parties : ROM SARL / A (Hacina)
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Nice, 4 janvier 2011
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Lyon
2019-01-17
Cour de cassation
2015-09-30
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
2013-11-28
Tribunal de grande instance de Nice
2011-01-04

Texte intégral

COUR D'APPEL DE LYON

ARRET

DU 17 janvier 2019 1ère chambre civile A N° RG 16/01584 N° Portalis DBVX - V - B7A - KGJZ Décisions : - du tribunal de grande instance de Nice (3ème chambre) Au fond du 04 janvier 2011 RG : 2006/05944 - de la cour d'Appel d'Aix-en-Provence (2ème chambre) en date du 28 novembre 2013 N RG : 2013/398 - de la Cour de cassation (1ère chambre civile) en date du 30 septembre 2015 N° F14-19.105 - arrêt n) 1032 F-D Statuant sur renvoi après cassation APPELANTE : SARL ROM [...] 06000 NICE représentée par la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de LYON assistée de la SCP VIDAL NAQUET AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE INTIMEE : Mme Hacina A représentée par la SELARL COLBERT L, avocat au barreau de LYON Date de clôture de l'instruction : 12 septembre 2017 Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 septembre 2018 Date de mise à disposition : 15 novembre 2018, prorogée au 29 novembre 2018, 6 décembre 2018 puis au 17 janvier 2019, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile Audience tenue par Françoise CLEMENT, conseiller faisant fonction de président, et Vincent NICOLAS, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de Marion COUSTAL, greffier À l'audience, Vincent NICOLAS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile. COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : - Aude RACHOU, président - Françoise CLEMENT, conseiller - Vincent NICOLAS, conseiller Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Aude RACHOU, président, et par Marion COUSTAL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. Hacina A, qui avait répondu à un appel de candidature lancé par la commune de Villeneuve Loubet (06), portant sur la création d'une identité graphique, a estimé que la société ROM dont le projet avait été retenu, avait repris plusieurs des caractéristiques des logos et slogans qu'elle avait présentés. En conséquence, elle a assigné celle- ci le 11 octobre 2009 devant le tribunal de grande instance de Nice, en contrefaçon de droits d'auteur et en réparation d'actes de concurrence déloyale et parasitaire. Par jugement du 4 janvier 2011, le tribunal de grande instance de Nice a, avec exécution provisoire : - dit que la société ROM s'est rendue coupable de faits de contrefaçon en imitant les caractéristiques originales des compositions d'Hacina A ; - condamné la société ROM à lui payer la somme de 81 500 euros en réparation de son préjudice au titre de la contrefaçon ; - débouté Hacina A de sa demande au titre des faits de concurrence déloyale et parasitisme ; - condamné la société ROM à faire publier le dispositif de la décision dans trois journaux locaux ou revues au choix d'Hacina A, sans que cette publication puisse excéder un coût global de 15 000 euros ; - enjoint à la société ROM de cesser ou faire cesser immédiatement, par qui que ce soit et sous quelque forme que ce soit, la diffusion du logo et des slogans constituant la contrefaçon des créations d'Hacina A ; - condamné la société ROM à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Sur appel de ce jugement par la société ROM, la cour d'appel d'Aix- en-Provence, par arrêt du 28 novembre 2013, a : - jugé irrecevable la demande de la société ROM en intervention forcée de la commune de Villeneuve Loubet, et l'a condamnée à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - confirmé le jugement du 4 janvier 2011 uniquement pour avoir débouté Hacina A de sa demande au titre des faits de concurrence déloyale ; - infirmé le jugement pour le surplus, et débouté Hacina A de toutes ses demandes ; - condamné cette dernière à payer à la société ROM la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Statuant sur le pourvoi formé contre cet arrêt, la Cour de cassation, par arrêt du 30 septembre 2015, l'a cassé et annulé, au visa de l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées au titre de la contrefaçon, et renvoyé sur ce point la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon. L'arrêt a été cassé pour les motifs suivants : 'Attendu que, pour rejeter les demandes en réparation d'actes de contrefaçon de droits d'auteur, l'arrêt retient que les courbes 'décalées' du logo adopté par la société ROM ne ressemblent pas à celles 'plus traditionnelles' choisies par Mme A et qu'il en est de même de l'élément graphique surmontant le ventricule droit du cœur figuré sur les œuvres en présence ; qu'en statuant ainsi, au vu de différences, sans se prononcer sur la portée des ressemblances retenues par les premiers juges et incriminées par Mme A, tenant au choix d'un graphisme épuré, à celui de deux couleurs différentes pour figurer chacun des ventricules, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision'. Vu la déclaration de saisine de la société ROM, déposée au greffe le 1er mars 2016. Vu ses dernières conclusions du 26 juillet 2017, déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour de : principalement, - réformer en toutes ses dispositions défavorables le jugement du tribunal de grande instance de Nice en date du 4 janvier 2011 ; - dire que la société ROM ne s'est pas rendu coupable de faits de contrefaçon et n'a pas fait preuve de concurrence déloyale ; - dire que les idées sont de libre parcours et que les créations revendiquées par Hacina A ne font pas preuve d'originalité ; - dire que l'autorité de la chose jugée ne s'attache pas à la considération selon laquelle l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en- Provence aurait consacré l'originalité des créations d'Hacina A et que la preuve de cette originalité n'est pas rapportée ; - dire que la preuve n'est pas rapportée par Hacina A de ce que la société ROM aurait eu connaissance de ses créations, ni de la remise par la commune de la maquette de sa création - dire irrecevable la demande d'Hacina A tendant à la cessation immédiate de la diffusion du logo et de la signature prétendument contrefaits ; subsidiairement, - déclare recevable sa demande reconventionnelle ; - condamner Hacina A à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du dommage porté à son image et à sa réputation ; - prononcer une amende civile à son encontre ; - la condamner à lui payer la somme de 22 144 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Vu les dernières conclusions du 20 juin 2017 d'Hacina A, déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles L.112-1, L122-4, L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, 564, 624 et suivants, 639 du code de procédure civile, de : principalement, - déclarer irrecevables les demandes de la société ROM tendant à faire juger qu'elle n'a pas fait preuve de parasitisme ou de concurrence déloyale, et que ses créations ne font pas preuve d'originalité ; subsidiairement, - confirmer le jugement en ce qu'il dit que ses créations sont originales et protégeables au titre du droit d'auteur, et que la société ROM s'est rendue coupable de faits de contrefaçon ; - la condamner à lui payer la somme de 110 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la contrefaçon ; - ordonner à la société ROM de cesser ou de faire cesser immédiatement, par qui que ce soit et sous quelque forme que ce soit, la diffusion du logo et de la signature constituant la contrefaçon de ses créations ; - la condamner à faire publier le dispositif de la décision à intervenir dans trois journaux ou revues de son choix, sans que cette publication puisse excéder un coût global de 15 000 euros HT ; - débouter la société ROM de toutes ses demandes, et notamment de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile ; - la condamner à lui payer la somme de 18 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 septembre 2017.

SUR QUOI

LA COUR : Sur la portée de l'arrêt de la Cour de cassation Attendu que la société ROM prétend que : - le dispositif du jugement du 4 janvier 2011 ne se prononce pas sur les logos d'Hacina A pour leur attribuer une originalité et la cour d'appel d'Aix-en-Provence ne se prononce pas dans son arrêt du 28 novembre 2013 sur l'originalité des thèmes développés par l'intimée ; - l'originalité a été retenue par le tribunal de grande instance, puis écartée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, et cette réformation est définitive, en l'absence de pourvoi ; Attendu qu'Hacina A fait valoir que : - la Cour de cassation a accueilli le premier moyen pris en sa deuxième branche qu'elle a invoqué, et a cassé l'arrêt de la cour d'appel au visa de l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle ; - par conséquent, la censure de la cassation étant limitée à la portée du premier moyen pris en sa deuxième branche, et la cassation prononcée ne concernant que l'appréciation de l'existence de la contrefaçon, la cour de renvoi est exclusivement saisie de la question de savoir si le logo adopté par la société ROM constitue la représentation et la reproduction intégrale ou partielle de ses créations ; - la question du parasitisme a déjà été tranchée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Attendu, cependant, qu'aux termes de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ; qu'aux termes de l'article 638 du même code, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation ; qu'il résulte de l'article 480 du code de procédure civile que l'autorité de la chose jugée est attaché à ce que le jugement a tranché dans son dispositif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel d'Aix-en-Provence ne s'est pas prononcée dans le dispositif de son arrêt sur l'originalité des logos et des slogans d'Hacina A ; que la Cour de cassation, dans le dispositif de son arrêt, casse l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence, seulement en ce qu'il rejette les demandes formées au titre de la contrefaçon ; qu'il appartient donc à la présente juridiction de statuer en fait et en droit sur les demandes fondées sur la contrefaçon ; que la demande de la société ROM, tendant à faire constater le défaut d'originalité des œuvres de Hacina A, ne se heurte pas à un chef du dispositif de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en- Provence devenu irrévocable ; que cette demande est en conséquence recevable ; Attendu, en revanche, que la cour d'appel d'Aix-en-Provence ayant confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Nice en ce qu'il déboute Hacina A de sa demande au titre des faits de concurrence déloyale, et ce chef du dispositif de son arrêt étant devenu irrévocable, la demande de la société ROM tendant à faire juger qu'elle n'a pas fait preuve de concurrence déloyale est irrecevable ; Sur l'action en contrefaçon des droits d'auteur exercée par Hacina A 1. Sur l'originalité des œuvres a) sur l'originalité des logos : Attendu qu'Hacina A soutient que ses créations sont originales, en adoptant la motivation retenue par le tribunal de grande instance de Nice pour caractériser cette originalité et en ajoutant que sa démarche créative est explicitée dans les maquettes des logotypes remises dans le cadre du marché public ; Attendu qu'il ressort de ses écritures que seuls deux de ses logos, parmi les quatre qu'elle a créés, auraient été contrefaits ; Attendu que la société ROM considère que ces deux logos sont dépourvus d'originalité, motifs pris de ce que : - la commune de Villeneuve Loubet a fait un usage régulier de la représentation du cœur pour symboliser sa localisation géographique et les éléments visuels de son architecture (la Tour carrée et le complexe Marina B) ; - il s'agit d'éléments d'antériorité ancrés dans l'imaginaire commun associés à Villeneuve Loubet ; - Hacina A ne peut donc s'attribuer le mérite d'avoir associé l'idée du cœur à la ville ; - elle n'a jamais produit d'élément reprenant la genèse de sa création et décrivant son cheminement intellectuel, ce qui ne permet pas de caractériser les éléments d'originalité de ses logos ; Attendu, cependant, qu'il ressort du cahier des charges établi par la société Paul Séassal Consultants, pour la conception de la nouvelle identité graphique de Villeneuve Loubet, que le thème central de cette identité était le 'Bien vivre ensemble' perçu dans cette commune ; qu'Hacina A a choisi, pour évoquer ce thème, une forme représentant un cœur et un personnage entrelacé avec ce cœur, ce qui, selon elle, traduit une dimension humaine et affective ; que sa construction graphique, pour représenter ces deux éléments, se compose de deux courbes épurées en forme de cœur, et d'une demi-courbe surmonté d'un petit cylindre en perspective pour symboliser la tête de son personnage ;que les couleurs retenues pour la teinte des courbes et du demi-cylindre sont le bleu et le jaune, soit une couleur froide et une couleur chaude, propre à établir un contraste ; que le recours à ce type de forme caractérisé par des courbes colorées se retrouve dans certains de ses autres logos, ainsi qu'elle en justifie par la production de son press-book (cf sa pièce 2) ; que ces éléments caractérisent la singularité de ses logos, ainsi qu'un effort intellectuel exprimant l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que c'est donc à juste titre que le premier juge relève que les logos d' Hacina A sont des créations originales ; b) sur l'originalité du slogan : Attendu qu'il ressort des écritures d'Hacina A que la société ROM aurait contrefait son slogan 'le cœur vert de la côte d'Azur', en choisissant le slogan 'cœur nature de la côte d'Azur' ; Attendu que la société ROM soutient que le slogan est dépourvu d'originalité, motifs pris de ce que 'le cœur de la côte d'Azur' est une expression très largement employée dans le secteur touristique et qu'il est la reprise de slogans déjà utilisés par la commune de Villeneuve Loubet, ainsi que d'éléments du cahier des charges ; Attendu qu'Hacina A ne précise pas en quoi ce slogan serait original ; Attendu que les deux slogans différent par l'emploi de l'adjectif 'vert' dans le slogan d'Hacina A et du nom 'nature' dans celui de la société ROM ; que le groupe nominal 'Au cœur de la côte d'Azur' se trouve dans le cahier des charges du marché public, sous le titre 'la situation géographique centrale', pour évoquer la position stratégique de la commune de Villeneuve Loubet ; que la société ROM justifie (cf ses pièces 20 et 21) qu'en 2005, la commune utilisait ce groupe nominal 'au coeur de la Côte d'Azur' sur le site internet de son office de tourisme, pour localiser la ville, et qu'une commune voisine, Beaulieu sur Mer, l'utilise aussi aux mêmes fins ; qu'eu égard à ces antériorités et au fait que l'adjectif 'vert' retenu par Hacina A n'est pas suffisamment distinctif pour conférer à son slogan un caractère original, celui-ci n'est pas une œuvre de l'esprit protégeable, au sens des articles L.111-1 et L.112-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en conséquence, il y a lieu de débouter Hacina A de sa demande de dommages-intérêts fondée sur sa contrefaçon ; 2. Sur la comparaison des deux logos d'Hacina A avec celui de la société ROM argué de contrefaçon Attendu qu'Hacina A soutient que : - le logo de la société ROM reproduit les éléments essentiels de ses deux logos, à savoir, * la représentation d'un cœur, dont les deux ventricules sont asymétriques, décalés l'un par rapport l'autre, le ventricule gauche étant plus petit que le ventricule droit, * un ventricule droit coiffé par un élément, * des courbures épurées et stylisées pour représenter les ventricules, * un espace entre la pointe du cœur créant un espace en-bas de deux ventricules, * le nom de la commune qui figure à gauche de la pointe ouverte du cœur, * les mêmes nuance de jaune ocre et de bleu ; - en particulier, le ventricule gauche du logo contrefaisant reproduit manifestement la courbe stylisée de l'arche qui croise le ventricule droit de ses logos ; - le style de la représentation graphique de ces derniers et celui de la société ROM sont très proches ; - toutes ces ressemblances confèrent au logo litigieux une impression d'ensemble très similaire, les faibles différences n'étant pas suffisantes pour écarter la contrefaçon ; Attendu que pour conclure à l'absence de ressemblance, la société ROM fait valoir que : - cette ressemblance ne peut pas résulter de la forme donnée aux deux parenthèses élargies et désaxées de son logo ; - ces deux parenthèses ne peuvent établir qu'il s'agit d'un cœur ; - sur son logo, apparaît sur la parenthèse de droite, la surmontant, l'image d'une tour inspirée de la tour située au cœur de la commune de Villeneuve Loubet ; - il est nécessaire d'entreprendre une démarche intellectuelle réfléchie pour trouver des points de ressemblances suffisants entre son logo, et ceux d'Hacina A prétendument contrefaits ; - en outre, les styles de chacun des logos sont contrariés, celui d'Hacina A étant étriqué et maigrelet, et le sien large et généreux ; Attendu, cependant, qu'il existe une ressemblance dans la forme des courbes créées par Hacina A pour représenter les ventricules du cœur figurant dans ses deux logos, et celle des courbes composant le logo de la société ROM , qu'elle décrit comme étant des parenthèses, les rayons de courbure de ces deux formes étant en effet similaires, de même que leur dimension ; qu'en outre, le dessin stylisé d'une tour dans le logo de la société ROM a été placé juste au-dessus de la 'parenthèse' de droite, alors que le demi-cylindre représentant la tête du personnage dans le logo d'Hacina A est lui aussi positionné au- dessus de la courbe représentant le ventricule droit de son cœur ; qu'il existe aussi une asymétrie dans les logos comparés, celle-ci étant toutefois plus marquée dans le logo de la société ROM, outre qu'elle est inversée par rapport à celle des deux logos de l'intimée ; Attendu qu'il résulte ainsi de cette comparaison que certaines des caractéristiques qui constituent le fondement de l'originalité des deux logos d'Hacina A se retrouvent dans le logo argué de contrefaçon de la société ROM ; 3. sur la connaissance de l'œuvre première par la société ROM, et sur l'existence de similitudes procédant d'une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d'une source d'inspiration commune Attendu que selon la société ROM, Hacina A doit prouver qu'elle a pu voir ses logos avant d'élaborer les siens ; qu'elle soutient que cette preuve n'est pas rapportée, n'ayant pu à aucun moment, lors du dépouillement de l'appel des candidatures, apercevoir les propositions de logos de l'intimée ; Attendu que la société ROM ajoute que : - la thématique du cœur adoptée depuis 2000 par la commune de Villeneuve Loubet, ainsi que les références à la nature, de même que les thématiques définies au cahier des charges ont constitué pour chacun des candidats des réminiscences résultant d'une source d'inspiration commune ; - toute ressemblance éventuelle entre les logos litigieux est fortuite ; Attendu qu'elle prétend, en s'appuyant sur l'attestation de son graphiste, M. S, que son logo repose sur un concept visuel très différent de celui choisi par Hacina A, étant basé en effet sur les déclinaisons de l'aspect graphique de la Tour carrée, emblème visuel de la ville, et les recherches effectuées par M. S ayant abouti au logo final reprenant la tour et les deux parenthèses ; Attendu qu'Hacina A fait valoir que : - il appartient au contrefacteur présumé de prouver qu'il n'a pas pu avoir connaissance de l'œuvre antérieure et que les ressemblances avec celle-ci sont dues au hasard ou à une inspiration commune ; - ses logos ayant été dévoilés le 8 novembre 2005 devant les adjoints au maire, les conseillers municipaux et M. S, rédacteur du cahier des charges, ils ont été divulgués de manière certaine et leur accès était donc possible ; - c'est à la société ROM de prouver qu'elle n'en a pas eu connaissance, ce qu'elle ne fait pas ; - les circonstances dans lesquelles a été retenue par la commune la candidature de cette société sont extrêmement douteuses, et révèlent sa collusion avec la mairie pour l'évincer, avec l'aide de M. S ; - le logo de la société ROM finalement adopté par la commune de Villeneuve Loubet est complètement différent de ses propositions initiales, et il est la contrefaçon du logo dont la maquette ne lui a pas été restituée par la commune, ce qui prouve que cette maquette, opportunément égarée, a été remise à la société ROM ; - compte tenu de ces circonstances, les ressemblances flagrantes entre ses créations et le logo de la société ROM ne peuvent résulter d'une rencontre fortuite ou d'une source d'inspiration commune, la mairie de Villeneuve Loubet n'ayant jamais utilisé, dans sa communication, avant son appel de candidature pour la création de son identité graphique, le thème du cœur, et celui-ci n'apparaissant pas dans le cahier des charges ; Attendu que le contrefacteur doit prouver, il est vrai, qu'il n'a pas pu accéder à l'œuvre ; que par ailleurs, la contrefaçon de cette œuvre résultant de sa seule reproduction, elle ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux œuvres procèdent d'une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d'une source d'inspiration commune ; qu'en l'espèce, la société ROM produit une attestation du 9 mai 2007 de M. Paul S, chargé par la commune d'une mission d'étude de positionnement et d'assistance pour la création de son identité graphique, aux termes de laquelle ce témoin déclare que l'agence ROM n'a jamais vu les projets graphiques proposés par Hacina A ; qu'elle produit aussi une attestation de M. Eric L, en date du 29 mars 2017, rédigées dans les formes prévues par l'article 202 du code de procédure civile, de laquelle il ressort que la société ROM lui a demandé de travailler sur le logo pour la commune de Villeneuve Loubet au mois de novembre 2005, qu'il a vu les propositions graphiques de Jérôme S, mais pas celles des autres agences ; qu'elle produit enfin une attestation du 2 mai 2007 de Jérôme S, graphiste- illustrateur indépendant, de laquelle il ressort que celui-ci a travaillé pour elle sur l'identité graphique de la commune et qu'il n'a pas vu les créations d'Hacina A ; Attendu que ces éléments établissent que la société ROM n'a pas accédé aux logos d'Hacina A avant de créer le sien ; Attendu que celle-ci, qui, par lettres des 2 janvier et 16 mars 2006 a demandé à la commune de lui restituer 'un carnet complet de son offre', ne démontre pas que dans ce carnet se trouvaient les maquettes de ses deux logos prétendument contrefaits par la société ROM ; Attendu que la connaissance par celle-ci des logos d'Hacina A ne saurait être déduite de sa prétendue collusion avec la commune de Villeneuve Loubet pour l'évincer du marché public, la preuve d'une telle collusion n'étant pas rapportée, étant observé que le tribunal administratif de Nice, par une décision du 3 mai 2006, a rejeté la demande d'Hacina A tendant à la suspension de l'exécution de ce marché, aux motifs que la demande d'annulation du contrat en cause, présentée au fond, était manifestement irrecevable ; Attendu qu'il est vrai que les logos présentés par la société ROM le 8 novembre 2005 aux membres du conseil municipal de la ville, et celui retenu en définitive, sont différents ; que cependant, la société ROM produit une autre attestation de M. S, en date du 14 février 2011, rédigée dans les formes prévues par l'article 202 du code de procédure civile, qui permet de comprendre le changement de la construction graphique de son logo ; qu'en effet, il ressort de cette attestation que M. S, après avoir travaillé sur le logo en partant du blason de la ville et du thème de la convivialité, a présenté des œuvres qui n'ont pas séduit les membres du conseil municipal lorsqu'ils ont retenu la candidature de la société ROM ; qu'à la demande de celle- ci, il a alors retravaillé son projet, à partir de plusieurs croquis, pour aboutir à une construction graphique très épurée, représentant la tour du village, ainsi que la Marina de l des Anges, 'un peu comme des bras enveloppants' ; que la proposition aboutie de ce croquis a été retenue dans sa forme finale par la commune, et il a été proposé à celle-ci des couleurs chaudes en rapport avec le thème 'du bien vivre ensemble' ; Attendu que la société ROM démontre ainsi suffisamment que les ressemblances entre son logo retenu par la commune et les deux logos d'Hacina A prétendument contrefaits, procèdent d'une rencontre fortuite ; Attendu, dans ces conditions, qu'il y a lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon, ainsi que de toutes ses demandes subséquentes ; Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société ROM Attendu que pour en justifier, elle soutient avoir subi un préjudice résultant de l'atteinte à sa réputation et à son image, mais sans en rapporter la preuve ; qu'il y a lieu par suite de l'en débouter ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, Statuant, sur renvoi après cassation, contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare recevable la demande de la société ROM tendant à faire constater le défaut d'originalité des œuvres d'Hacina A ; Déclare irrecevable sa demande relative à la concurrence déloyale ; Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Nice en date du 4 janvier 2011 en ce qu'il : - dit que la société ROM s'est rendue coupable de faits de contrefaçon en imitant les caractéristiques originales des compositions d'Hacina A ; - condamne la société ROM à lui payer la somme de 81 500 euros en réparation de son préjudice au titre de la contrefaçon ; - condamne la société ROM à faire publier le dispositif de la décision dans trois journaux locaux ou revues au choix d'Hacina A, sans que cette publication puisse excéder un coût global de 15 000 euros ; - enjoint à la société ROM de cesser ou faire cesser immédiatement, par qui que ce soit et sous quelque forme que ce soit, la diffusion du logo et des slogans constituant la contrefaçon des créations d'Hacina A ; - condamne la société ROM aux dépens ainsi qu'à payer à Hacina H la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Et statuant à nouveau, sur les chefs infirmés, Déboute Hacina A de toutes ses demandes fondées sur la contrefaçon ; Y ajoutant, Déboute la société ROM de sa demande de dommages-intérêts ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Condamne Hacina A aux dépens de première instance et d'appel, y compris ceux de l'arrêt cassé, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.