Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro affaire : 2010/00514
Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : TRACBAR
Classification pour les marques : CL12 ; CL25 ; CL35 ; CL37 ; CL38 ; CL39 ; CL41 ; CL42
Numéros d'enregistrement : 3180085 ; 3645892
Décision précédente : Tribunal de Grande Instance de Paris, 16 décembre 2009, N° 2009/12832
Parties : M (Éric) / H (Didier) ; GD ÉVÈNEMENTS ; TOURISMAUTO (ayant pour nom commercial T3, intervenante forcée)
Président : Monsieur Didier PIMOULLE
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 1 ARRÊT DU 25 JANVIER 2012 Numéro d'inscription au répertoire général : 10/00514
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Décembre 2009
Tribunal de Grande Instance de PARIS
RG n° 09/12832
APPELANT : Monsieur Eric M représenté par Maître Lionel MELUN, avoué à la Cour assisté de Maître Hervé B, avocat au barreau de PARIS (T 01)
INTIMÉS : Monsieur Didier H
Société GD EVENEMENTS prise en la personne de son gérant ayant son siège [...] représenté par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour ayant pour avocat Maître Béatrice H qui a fait déposer son dossier de plaidoirie
INTERVENANTE FORCEE :
Société TOURISMAUTO ayant pour nom commercial T3, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ayant son siège [...] 38130 ECHIROLLES représentée par la SCP ALAIN RIBAUT ET VINCENT RIBAUT, avoués à la Cour assistée de Me Hélène B, avocat au barreau de PARIS (E 2038)
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles
786 et
910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Anne-Marie GABER, Conseillère, entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Didier PIMOULLE, président Madame Brigitte CHOKRON, conseillère Madame Anne-Marie GABER, conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Béatrice P
ARRET: - contradictoire- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Monsieur Gilles DUPONT, greffier
Vu le jugement contradictoire du 16 décembre 2009 rendu par le tribunal de grande instance de Paris, Vu l'appel interjeté le 8 janvier 2010 par Eric M, Vu le jugement rectificatif du 3 mars 2010, Vu l'ordonnance sur incident du 11 janvier 2011,
Vu l'assignation en intervention forcée du 26 août 2011 de la société TOURISMAUTO, ayant pour nom commercial T3 (ci-après dite T3), délivrée à la requête de la société GD EVENEMENTS, ayant pour nom commercial GLOBE- DRIVER (ci-après dite GD), et de Didier H, intimés, Vu les dernières conclusions du 6 octobre 2011 de l'appelant, Vu les dernières conclusions du 14 novembre 2011 des intimés, incidemment appelants, Vu les dernières conclusions du 22 novembre 2011 de l'intervenante forcée, Vu l'ordonnance de clôture du 22 novembre 2011,
SUR CE, LA COUR,
Considérant que
Didier H est cessionnaire du nom de domaine 'tracbar.com' enregistré le 23 novembre 2001 ;
Qu'Eric M a déposé en couleurs le 20 août 2002 la marque française n°02 3 180 085 : en classe 12, 25, 39 et 41 pour les services suivants <
;
Qu'ils ont ensemble créé, le 18 décembre 2002, la société GD, ayant en particulier pour objet pour l'organisation d'opérations événementielles, dont Didier H est actuellement gérant, Eric M en étant devenu en 2005 associé minoritaire et ayant créé fin 2005 la société T3, qui a pour objet notamment l'organisation d'opérations événementielles ciblées sur les véhicules de loisir ;
Que Didier H a créé, le 27 janvier 2009, le nom de domaine 'tracbar.fr' puis déposé, avec la société GD, le 22 avril 2009 la marque française n°09 3 645 892 : en classes 35, 37, 38 et 42 le 22 ;
Que les sociétés GD et T3 ont organisé, en Argentine, respectivement les rallyes touristiques 'TRACBARGENTINE 2009" et 'TRACBAR GAUCHO 2010" ;
Qu'Eric M estimant que l'exploitation par la société GD du signe 'TRACBARGENTINE' sur son site internet et ses plaquettes publicitaires constituerait une contrefaçon de sa marque, l'a, après l'avoir vainement mise en demeure decesser cette exploitation le 13 mars 2009, faite assigner avec Didier H à jour fixe le 30 juillet 2009, devant le tribunal de grande instance de Paris, en contrefaçon de marque et agissements parasitaires ;
Considérant que, selon jugement dont appel, les premiers juges ont essentiellement :
-dit que le nom de domaine www.tracbar.com enregistré par Didier H et exploité par lui et la société GD constitue une antériorité opposable à la marque TRACBAR n°02 3 180 085 déposée et enregistrée par Eric M et prononcé la nullité de cette marque,
-condamné Eric M à des dommages et intérêts (5.000 € à la société GD et 3.000 € à Didier H) et aux frais de procédure, -ordonné des mesures d'interdiction d'utilisation de la marque et de publication ;
Que le tribunal a, en particulier, retenu que :
-le site www.tracbar.com dédié aux Tractions Avant et aux rallyes était exploité en France depuis au moins le 16 juillet 2002 jusqu'à l'assignation, et qu'il existait un risque de confusion avec la marque déposée par Eric M compte tenu des produits et services désignés,
-les agissements d'Eric M tendaient à capter la clientèle de la société GD;
Considérant que l'appelant demande d'annuler la marque n°09 3 645 892 , faisant notamment valoir qu'il aurait seul créé et exploité dès l'année 2000 le terme 'TRACBAR', qu'il ne serait pas établi que le nom de domaine 'tracbar.com' était effectivement exploité lorsqu'il a déposé sa marque, et, subsidiairement, qu'il bénéficierait de forclusion par tolérance ;
Que les intimés ont attrait en cause d'appel la société T3, dont Eric M est gérant et associé majoritaire, lui reprochant d'exploiter sur son site internet le nom de domaine 'tracbar.com' et les signes distinctifs de la société GD, et demandant sa condamnation solidaire avec l'appelant, outre une augmentation des condamnations prononcées, ainsi que la fermeture du site internet 'www.T3.fr' ou, à défaut, la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir ;
Que l'intervenante forcée a conclu à l'irrecevabilité de sa mise en cause, subsidiairement au sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une plainte pour vol déposée par les intimés, et très subsidiairement au rejet des prétentions de ces derniers ;
Sur l'intervention forcée
Considérant que la société T3 oppose une fin de non recevoir, à son intervention forcée devant la cour, tirée de l'absence d'évolution du litige la justifiant ;
Considérant que les intimés ne contestent pas avoir su dès la première instance que l'appelant organisait des rallyes au sein de la société T3, mais soutiennent que deux constats d'huissier de justice des 15 février et 9 juin 2010, postérieurs au jugementdéféré, révéleraient la participation active de cette société, en qualité de coauteur d'actes de concurrence déloyale et parasitaire ;
Considérant cependant que dans son assignation Eric M indiquait (p7/20) avoir créé une nouvelle entité (T3) pour exercer son métier d'organisateur de rallye ; que devant les premiers juges les intimés ont demandé d'ordonner une mesure de publication judiciaire sur le site 'www.T3.fr', et reproché à Eric M d'avoir commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme notamment sur le site internet de 'sa société' ;
Que les constats invoqués par les intimés en cause d'appel ont été réalisés sur ce même site internet ; que s'ils sont susceptibles d'établir, le cas échéant, que les faits incriminés, savoir l'utilisation du nom de domaine et/ou des signes distinctifs de la société GD, auraient perduré après la décision entreprise, ils ne saurait caractériser une évolution du litige justifiant la mise en cause par les intimés de la société T3, dont l'existence était connue dès l'origine et dont l'exploitation du site internet était déjà incriminée devant le tribunal ;
Considérant, en conséquence, que l'assignation en intervention forcée de la société T3 pour la première fois en cause d'appel, privative du double degré de juridiction, ne remplit pas la condition impérative d'évolution du litige, telle que requise par les dispositions de l'article 555 du Code de procédure civile et sera donc déclarée irrecevable ;
Sur les demandes de l'appelant
Considérant qu'Eric M ne dénie pas l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public entre le nom de domaine 'tracbar.com' exploité par un site internet consacré aux rallyes touristiques et sa marque française semi figurative, ni (p6/22 de ses écritures) qu'un tiers est 'devenu propriétaire du nom de domaine depuis février 2002', ensuite revendu à Didier H le 27 octobre 2005, mais prétend que ce nom de domaine ne saurait constituer une antériorité justifiant l'annulation de sa marque, faute d'exploitation effective à la date du dépôt de cette dernière (20 août 2002) ;
Considérant que si le nom de domaine paraît avoir été enregistré le 23 novembre 2001 à la demande d'Eric M et de la société ATS EVOLUTION (et non déposé par Didier H comme indiqué dans l'exploit introductif d'instance p16/20 et dans la décision entreprise), il n'a effectivement été créé que, postérieurement, le 12 février 2002, au nom d'une société tierce, Auto-collection, dont le gérant a attesté le 12 avril 2010 d'une utilisation régulière 'sur les sites de rallyes en Traction-Avant' à compter de cette date, et il n'est pas contesté que dès sa création la société GD l'a constamment et publiquement utilisé ni qu'actuellement Didier H en est propriétaire;
Considérant que les premiers juges ont justement retenu qu'un article rédigé le 16 juillet 2002, renvoyait déjà à ce nom de domaine et qu'il était ainsi suffisamment justifié d'une exploitation antérieure au dépôt de la marque d'Eric M ;
Que la réalité de cet usage public, préexistant, n'est pas contredite par le fait que cet article se réfère à un rallye 'Tracbar Yankee 2002", pour l'organisation duquel Eric M et la société ATS EVOLUTION citaient le site internet 'tracbar.com', fin 2001, alorsinexistant, étant relevé que si, antérieurement, Eric M a organisé en Australie les rallyes 'TRACBAR DUNDEE' de 1998 et 2000 il n'a pas cru devoir protéger cette dénomination en France ni invoquer l'existence d'un site 'tracbar-dundee.com' (et non 'tracbar.com') dont la mention apparaît cependant alors reproduite (pièce 39) ;
Considérant qu'il s'en déduit que lors du dépôt de la marque française 'TRACBAR' ce signe n'était en fait plus disponible, à raison de l'antériorité de l'usage du nom de domaine 'tracbar.com', dont Eric Massiet du Biest ne s'était pas assuré et dont il ne pouvait ignorer l'existence compte tenu de l'activité qu'il revendique dans le domaine des rallyes 'tracbar' ;
Considérant que l'appelant oppose une forclusion par tolérance ; que cependant la simple publication de la marque au BOPI le 27 septembre 2002 ne saurait suffire à démontrer l'existence d'un usage toléré de cette dernière ; qu'au contraire des rallyes comprenant dans leur dénomination le terme 'tracbar' préexistaient et il n'apparaît pas plus que la marque telle que déposée, dans sa forme semi figurative, a ensuite été utilisée ni revendiquée jusqu'à la naissance d'un désaccord entre les associés sur l'avenir de la société GD ; qu'à cet égard si Didier H a indiqué dans un courriel du 15 juin 2005, par lequel il demandait à Eric M de réfléchir à l'opportunité d'un dépôt de bilan, 'j'ai accepté que tu gardes TA marque tracbar' aucun élément ne permet de retenir que cinq années se seraient écoulées depuis cette acceptation avant que la nullité de la marque ne soit opposée ;
Considérant, en définitive, que la décision entreprise ne peut qu'être approuvée en ce qu'elle a fait droit à la demande d'annulation de la marque et rejeté les demandes en contrefaçon à raison d'un dépôt postérieur ou l'utilisation du signe 'TRACBARGENTINE'; qu'il convient, en conséquence, de débouter l'appelant de toutes ses demandes au titre de la contrefaçon, y compris celles d'interdiction et d'annulation de la marque seconde déposée par les intimés ; qu'à défaut d'éléments distincts, démontrant des agissements fautifs des intimés susceptibles d'engager leur responsabilité, les demandes pour parasitisme, y compris celles d'interdiction, de transfert d'adresses URL et de publication, seront également rejetées ;
Sur les demandes reconventionnelles
Considérant que les premiers juges ont exactement retenu qu'Eric M ne pouvait sans faute se présenter comme seul organisateur des rallyes TRACBAR ZULU et TRACBAR HANNIBAL en utilisant les logos de ces rallyes à son profit, créant une confusion dans l'esprit de la clientèle et cherchant à récupérer le bénéfice de ces événements ;
Qu'en effet si Eric M avait, antérieurement à la création de la société GD, organisé des rallyes comprenant le terme 'tracbar', cette société a permis la réalisation des rallyes 'Tracbar Hannibal' en 2003 et 'Tracbar Zulu' en 2004 ; que l'appelant ne peut valablement prétendre, au surplus dans le cadre d'une activité directement concurrente, avoir seul assuré le succès de ces rallyes, qui reposent sur le thème de l'aventure en Traction Avant, même s'il a nécessairement apporté son expérience d'organisateur, ces rallyes ayant bénéficié d'autres apports de la société GD, qui en a notamment assuré le financement et la promotion à compter de sa création ;Considérant que les intimés invoquent la production de nouveaux justificatifs et la persistance d'agissements parasitaires pour demander une réévaluation des mesures réparatrices ; qu'ainsi la société GD soutient qu'au regard de ses prévisionnels, sur les rallyes TRACB ARGENTINE 2009 et TRACBAR INCA 2011, son préjudice commercial et financier s'établirait à 122.153 euros ; que toutefois il ne peut être retenu que ses prévisions se seraient nécessairement réalisées sans les agissements reprochés ;
Que certes il résulte des constats produits que le terme 'tracbar' a été utilisé, en particulier pour le rallye organisé par Eric M en Argentine, qui s'est déroulé en 2010, postérieurement au jugement et qui a fait l'objet d'un film diffusé sur une chaîne de télévision ; que le tribunal avait cependant connu de l'organisation de ce rallye, nécessairement antérieure, dont le nom a ensuite été modifié, tout comme celui des rallyes depuis organisés, étant observé que le seul fait qu'un rallye de 2011 ait pu reprendre, selon les intimés (p28 de leurs écritures), 'les grandes lignes du rallye <' ne saurait suffire à caractériser une faute préjudiciable ;
Que selon constat du 23 août 2010 Eric M a, par ailleurs, prêté en 2010 à une agence de voyages, pour animer les murs de son couloir d'entrée, 11 photographies, prises lors du rallye TRACBAR ZULU, dont la société GD détient les droits patrimoniaux, mais pour autant il n'apparaît pas de référence directe à une activité concurrente de celle de la société GD et si des livres écrits par Eric M contenant ces clichés ont pu être offerts en vente, il n'est pas établi, en l'état d'un simple renouvellement de plainte, en 2011, qu'ils ont été dérobés ou vendus au préjudice de la société GD ;
Qu'enfin il est admis que la clientèle concernée par les rallyes en traction avant est composée de passionnés, lesquels sont nécessairement plus avertis des événements organisés dans ce domaine, dont le succès dépend de nombreux facteurs, et partant, moins enclins à confondre des prestations concurrentes ;
Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments d'appréciation les indemnités allouées par les premiers juges sont de nature à pleinement réparer le trouble commercial subi par la société GD et il n'est pas démontré que l'image de cette société, ou sa réputation, serait entachée du fait de l'appelant ; que sa demande indemnitaire au titre d'un préjudice moral ne saurait en conséquence prospérer ; que le tribunal ajustement évalué le préjudice moral de Didier H à raison du dépôt de la marque de l'appelant et les mesures d'interdiction et de publication, limitées, telles qu'ordonnées par les premiers juges s'avèrent justifiées dans leur principe et pertinentes dans leurs modalités ; qu'elles seront purement et simplement confirmées sans qu'il y ait lieu à modification ou ajout ;
PAR CES MOTIFS
,
Déclare irrecevable l'appel en intervention forcée devant la cour de la société TOURISMAUTO par les intimés ;Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle mentionne le nom de domaine www.tracbar.com comme enregistré par Didier H ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
Dit le nom de domaine www.tracbar.com transféré à Didier H, et non, enregistré par ce dernier
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne Eric M aux dépens d'appel, à l'exclusion de ceux afférents à l'intervention forcée qui resteront à la charge des intimés, dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.