Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Caen 07 juillet 2021
Cour administrative d'appel de Nantes 29 avril 2022

Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 avril 2022, 21NT02202

Mots clés séjour · ressort · préfet · condamnation · requête · service · vie privée · territoire · ordre · arrêté · ingérence · subsidiaire · médicale · enfant · médecin

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro affaire : 21NT02202
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Caen, 07 juillet 2021, N° 2100721
Président : M. LAINE
Rapporteur : Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public : M. PONS
Avocat(s) : CAVELIER

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Caen 07 juillet 2021
Cour administrative d'appel de Nantes 29 avril 2022

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 29 mars 2021 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.

Par un jugement n° 2100721 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 29 mars 2021 en tant qu'il portait obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2021, M. A... D..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100721 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il rejette sa demande dirigée contre la décision de refus de séjour du 29 mars 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 29 mars 2021 par laquelle le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados à titre principal de lui délivrer un titre de séjour d'un an et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- le refus de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a commis une erreur d'appréciation en estimant fondée une menace pour l'ordre public ; il convient de tenir compte de sa pathologie psychiatrique pour apprécier la réalité de la menace à l'ordre public ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation dans la mise en balance entre l'ordre public et le droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, demande à la cour de minorer le montant attribué en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.


Considérant ce qui suit

:

1. M. A... D..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo) né en juin 1986, est entré en France en septembre 2005. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 juillet 2007. Son recours contre cette décision a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 janvier 2008. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français entre mars 2012 et mai 2018. M. D... a demandé la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 29 mars 2021, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. D... relève appel du jugement du 7 juillet 2021 du tribunal administratif de Caen en tant que ce dernier a rejeté sa demande d'annulation du refus de titre de séjour du 29 mars 2021, le tribunal administratif ayant par ailleurs annulé l'ensemble des autres décisions de l'arrêté préfectoral en cause.

2. En premier lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur, disposait que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ".

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des faits relatés par le préfet du Calvados dans l'arrêté en cause, non contestés par M. D..., que ce dernier a fait l'objet de plusieurs condamnations pour des faits de violence sur des personnes et notamment sur des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées de missions de service public, à savoir six mois d'emprisonnement avec sursis le 27 mai 2009, une condamnation identique le 21 juillet 2010, quinze jours d'emprisonnement le 29 juillet 2014 et quatre mois d'emprisonnement le 7 octobre 2020. Les faits ayant donné lieu à la dernière condamnation présentaient en outre un caractère récent à la date du refus de séjour contesté puisqu'ils avaient été commis les 5 juin 2020, 24 juin 2020 et 15 septembre 2020. Il ressort également des mentions de l'arrêté, non contestées par l'intéressé, qu'il manifeste régulièrement un comportement agressif dans les locaux de la préfecture du Calvados et doit être maîtrisé par les forces de l'ordre. M. D... impute ce comportement violent à la pathologie psychiatrique dont il souffre et qui a entrainé un avis favorable à sa demande de titre de séjour du collège de médecins de l'OFII. Néanmoins, s'il ressort des pièces du dossier que M. D... souffre de troubles psychiatriques importants l'ayant notamment mené à être hospitalisé entre juin et août 2018 et ultérieurement entre décembre 2021 et janvier 2022 et s'il bénéficie, à raison d'un handicap, de l'allocation adulte handicapé (AAH) et d'une orientation vers un service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés, il ne ressort d'aucune pièce produite par l'intéressé que sa pathologie serait seule à l'origine du comportement violent que l'intéressé a manifesté depuis plusieurs années. Dans ces conditions, compte tenu de la récurrence et de la nature des faits commis par M. D..., et du caractère récent de la dernière condamnation prononcée à son encontre en raison de ceux-ci, le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que son comportement constituait une menace pour l'ordre public et en refusant pour ce motif de lui délivrer un titre de séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

4. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est

prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la

défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. S'il est constant que M. D... réside en France depuis l'année 2005, est père d'un enfant français, C... né en mai 2007, et a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français entre mars 2012 et mai 2018, il n'a sollicité un nouveau titre de séjour qu'en 2019, il est séparé de la mère de son enfant et la garde de son fils C... a été confiée dès l'année 2010 à sa tante. Le placement de l'enfant chez sa grand-tante paternelle a été renouvelé en juin 2015. Par ailleurs, le refus de séjour contesté n'a pas pour effet en lui-même d'éloigner M. D... du territoire français et donc de le séparer de son fils. B..., compte tenu des faits relatés au point 3, en refusant de délivrer à M. D... un titre de séjour, le préfet du Calvados n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels la décision a été prise.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande dirigée contre le refus de séjour du 29 mars 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DECIDE :



Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me Cavelier et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée pour information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2022.

La rapporteure,

M. BÉRIA-GUILLAUMIELe président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21NT02202