Chronologie de l'affaire
Tribunal de Commerce de Lille métropole 23 novembre 2017
Cour d'appel de Douai 12 septembre 2019
Cour de cassation 04 novembre 2021

Cour d'appel de Douai, CHAMBRE 2 SECTION 2, 12 septembre 2019, 18/00177

Mots clés société · courrier · cessions · factures · nullité · lettre recommandée · siège · tribunal de commerce · procédure civile · postaux · service · lille · distribution · intervenue · frais et dépens

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro affaire : 18/00177
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Décision précédente : Tribunal de Commerce de Lille métropole, 23 novembre 2017

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Commerce de Lille métropole 23 novembre 2017
Cour d'appel de Douai 12 septembre 2019
Cour de cassation 04 novembre 2021

Texte

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 12/09/2019

****

N° de MINUTE :19/

N° RG 18/00177 - N° Portalis DBVT-V-B7C-RITZ

Jugement (N° J201700000) rendu le 23 novembre 2017 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANTE

SAS Altavia Lille agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me François Deleforge, de la SCP François Deleforge-Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Jérémie Courtois, avocat au barreau de Lille

INTIMÉES

SA CM-CIC Factor représentée par son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Bertrand Meignié, avocat au barreau de Douai, substitué à l'audience par Me Olivier Playoust, avocat au barreau de Lille

SASU Courrier Plus prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Eric Laforce, de la SELARL Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Jérôme Wallaert, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 07 mai 2019 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie-Laure Dallery, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2019 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Agnès Fallenot, Conseiller aux lieu et place de Marie-Laure Dallery, président empêché en vertu de l'article 456 du code de procédure civile et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 avril 2019

****

FAITS ET PROCEDURE



La SARL KLC est une agence de publicité. Pratiquant l'escompte sur ses factures pour être payée le plus vite possible, elle est entrée en relation avec le CM-CIC Factor dans le cadre de l'exercice de son activité principale en date du 8 juillet 2011.

Dans le cadre d'une convention de cession de créances professionnelles, la société KLC a cédé à la société CM-CIC Factor les factures émises sur la société Altavia Lille, spécialisée dans la communication commerciale sur tout support au service des retailers, laquelle lui sous-traitait des missions d'impressions numériques grand format, pour un montant total de 79 299,44 euros.

La société CM-CIC Factor, constatant que les factures cédées restaient impayées après leur date d'échéance, a mis en demeure la société Altavia Lille d'honorer ses dettes par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 janvier 2016. Elle a alors appris que les factures avaient été réglées directement à la société KLC.

Celle-ci a fait l'objet d'un redressement judiciaire ouvert par décision du 5 février 2016, procédure convertie en liquidation judiciaire le 18 mars 2016 par jugement du tribunal de commerce d'Arras.

La société CM-CIC Factor a procédé à la déclaration de sa créance au passif de la procédure collective pour la somme de 79.299,11 euros à titre chirographaire.

Par acte d'huissier en date du 16 mars 2016, la société CM-CIC Factor a saisi le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins de voir condamner la société Altavia Lille à lui payer, outre les intérêts et frais de justice, la somme de 79.299,44 euros, correspondant au montant des créances que la société KLC lui avait cédées.

Par acte d'huissier en date du 31 août 2016, la société Altavia Lille a appelé en intervention forcée et en garantie la société Courrier Plus, opérateur postal autorisé exploitant une activité de prestataire de services dans le traitement du courrier et des colis des entreprises.

Les affaires ont été jointes.

Par jugement rendu le 23 novembre 2017, le tribunal de commerce de Lille Métropole a statué en ces termes :

DIT prescrite l'action en responsabilité fondée sur les envois de courriers réceptionnés par la société Courrier Plus avant le 30/08/2015

DEBOUTE la société Altavia Lille de sa demande de condamnation de la société Courrier Plus à garantir la société Altavia Lille et à la relever indemne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit du CM-CIC Factor

DIT bien fondées les demandes formulées par CM-CIC Factor

DIT n'y avoir lieu à prononcer la nullité des diverses cessions de créances professionnelles intervenues entre la société KLC et la société CM-CIC Factor

DIT que les diverses notifications des cessions de créances au débiteur cédé sont régulières et opposables

CONDAMNE la société Altavia Lille à payer au CM-CIC Factor la somme de

79.299,44 € outre intérêts au taux légal sur le principal par application de l'article

1153 du Code Civil à compter de la mise en demeure de régler

DEBOUTE la société Altavia Lille de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

CONDAMNE la société Altavia Lille à régler à la société Courrier Plus la somme de

5 000 € à titre de dommages-intérêts

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire

CONDAMNE la société Altavia Lille à la société Courrier Plus à payer la somme arbitrée à 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

CONDAMNE la société Altavia Lille à payer à la société CM-CIC Factor la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

CONDAMNE la société Altavia Lille aux entiers frais et dépens, taxés et liquidés à la somme de 99,31 €, en ce qui concerne les frais de Greffe.

Par déclaration du 4 janvier 2018, la société Altavia Lille a relevé appel de l'ensemble des dispositions de cette décision.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 23 avril 2019, la société Altavia Lille demande à la cour de :

'Vu les dispositions des articles 1108 et suivants et notamment 1128 du Code civil (dans leur version applicable au litige),

Vu les dispositions des articles L.313-23 et suivants du Code monétaire et financier,

Vu les dispositions des articles 665 et suivants du Code de procédure civile,

Vu les dispositions des articles 1134 et suivants et 1147 et suivants du Code civil,

Vu les dispositions du Code des postes et des communications électroniques,

REFORMER en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de Commerce de Lille Métropole du 23 novembre 2017.

Statuant à nouveau,

CONSTATER la bonne foi de la société Altavia Lille et les manoeuvres frauduleuses mises en oeuvre par la société KLC.

PRONONCER la nullité des cessions de créances dont se prévaut le CM-CIC Factor pour défaut d'objet.

REJETER l'ensemble des demandes fins et conclusions du CM-CIC Factor.

RENVOYER le CM-CIC Factor à mieux diriger son action.

Subsidiairement,

CONSTATER l'irrégularité des notifications dont se prévaut le CM - CIC Factor.

DIRE que le CM-CIC Factor a été défaillant.

REJETER l'ensemble des demandes fins et conclusions du CM-CIC Factor.

A défaut, et à titre infiniment subsidiaire,

CONSTATER que Courrier Plus ne démontre pas avoir remis les courriers litigieux à Altavia Lille

CONSTATER que Courrier Plus a été défaillante dans le cadre de l'exécution de sa mission.

En conséquence, dans l'hypothèse où le Tribunal décidait de condamner Altavia Lille à payer des factures au CM-CIC Factor,

CONDAMNER la société Courrier Plus à garantir la société Altavia Lille et à la relever indemne de toutes condamnations qui pourraient être prononcée à son encontre au profit du CM-CIC Factor.

En toutes hypothèses

CONDAMNER le CM-CIC Factor à payer la somme de 7.500 € à Altavia Lille sur le fondement des dispositions de l'article 700

CONDAMNER la société Courrier Plus à payer la somme de 7.500 € à Altavia Lille sur le fondement des dispositions de l'article 700

CONDAMNER le CM-CIC Factor aux entiers frais et dépens d'instance'

La société Altavia Lille se prévaut de la nullité des cessions de créances revendiquées par le CM-CIC Factor, en plaidant qu'il s'agit de fausses factures et en rappelant qu'un objet illicite entache le contrat d'une nullité absolue, pouvant être invoquée par tout intéressé.

Elle souligne que les factures FA2876 et FA2879 constituent un doublon, car la facture FA2879 annule et remplace la facture FA2876 qui comportait une erreur sur le libellé, mais surtout que les factures dont le CM-CIC Factor se prévaut ne correspondent pas aux factures émises par la société KLC. En effet, celle-ci a émis des factures portant une date d'émission ou d'échéance plus lointaine que celle figurant sur les factures originales, avec la volonté frauduleuse de créer l'apparence d'une facture à payer par un débiteur alors qu'avec les dates originelles, il apparaissait qu'il s'agissait de factures vraisemblablement déjà en cours de paiement. La tromperie est accentuée par le fait que la pratique de l'escompte était devenue un usage entre les sociétés KLC et Altavia Lille, cette dernière réglant donc les factures avant l'échéance normale. C'est ainsi que pour la seule et unique cession dont la société Altavia Lille a eu connaissance préalablement à l'assignation, la demande de virement avait déjà été formulée.

L'appelante argue que chacune des cessions de créances mises en avant par le CM CIC Factor contient a minima une fausse facture, entachant de ce fait de nullité l'intégralité de la cession sans qu'il soit nécessaire d'entrer plus dans le détail.

Subsidiairement, la société Altavia Lille plaide que les avis de réception, censés démontrer la réception des notifications, ne sont pas signés et ne comportent ni nom, ni signature, ni cachet ou tout autre élément d'identification mais une simple croix dans la case "mandataire". Ces anomalies rendent les notifications irrégulières et donc non opposables. Elles jettent un doute sérieux sur la réelle distribution de ces courriers, d'autant plus que, dans les faits, la société Altavia Lille n'a pas reçu les lettres de notification de la société CM-CIC Factor, à l'exception d'une seule réceptionnée directement, sans passer par la société Courrier Plus.

Dans l'hypothèse où le CM-CIC Factor parviendrait à démontrer que les notifications ont été régulièrement envoyées, ces plis n'ont pu être remis qu'à la société Courrier Plus qui ne les auraient pas distribués à la société Altavia Lille, qui l'a donc assignée en garantie dans cette affaire.

Cette dernière ne démontre pas qu'elle a rempli la prestation qui lui a été confiée. S'il s'avérait que les courriers recommandés dont se prévaut le CM-CIC Factor avaient effectivement été distribués, la société Courrier Plus doit être considérée comme fautive de ne pas les avoir remis à sa cliente, et de ne pas avoir fait signer de manière identifiable les accusés de réception.

Devant le tribunal de commerce, la société Courrier Plus s'est prévalue des dispositions de l'article L.10 du code des postes et communications électroniques afin de se retrancher derrière la prescription annale applicable aux services postaux en cas de perte de courriers.

Cependant, dans le cadre de la gestion d'une boîte postale et de la réception de courriers recommandés pour le compte de clients, la société Courrier Plus n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions des articles L.10, L.7 et L.8 du code des postes et communication électronique car il ne s'agit pas d'une activité postale au sens de l'article L.1 de ce code. Les demandes de la société Altavia Lille sont donc parfaitement recevables et non prescrites.

L'appelante plaide encore qu'il serait particulièrement inéquitable d'appliquer une prescription d'un an en prenant l'envoi comme point de départ du délai à un destinataire qui, n'ayant pas reçu le courrier, n'avait pas connaissance des faits lui ouvrant le droit d'agir, ce qui serait en parfaite contradiction avec les règles applicables en la matière.

Subsidiairement, si par extraordinaire la cour devait considérer que les dispositions de l'article L.10 étaient applicables à la société Courrier Plus, il conviendrait néanmoins de constater que ces dispositions s'appliquent uniquement en cas d'avaries pertes ou retards dans l'exécution de services postaux, c'est-à-dire dans le cadre de la distribution des courriers. Or les courriers n'ont pas été perdus puisque ces plis ont effectivement été remis à la société Courrier Plus par La Poste, comme en attestent les accusés de réception. Si la société Courrier Plus a perdu ces courriers par la suite, il ne s'agit pas d'une perte au sens du code des postes et des communications électroniques qui vise la perte comme étant une non distribution au destinataire ou son mandataire.

En première instance, la société Courrier Plus a tenté d'obtenir l'application des dispositions de l'article R.2-1 du code des postes et communications électroniques tendant au plafonnement des indemnités notamment en cas de perte dans le cadre de l'exercice du service postal. Cependant, ces dispositions ne sont pas applicables en l'espèce. D'une part, les plafonds visés par ces dispositions ne s'appliquent que dans l'hypothèse de l'application de l'article L.7 du même code c'est-à-dire pour l'exécution des services postaux au sens de l'article L.1. D'autre part, le plafonnement des indemnités ne concerne que les hypothèses de perte ou d'avarie.

Les conditions générales de vente produites par la société Courrier Plus devant le tribunal de commerce n'ont pas été acceptées par la société Altavia Lille. Elles sont en effet postérieures à juin 2013, comme en atteste l'adresse du siège social de Courrier Plus qu'elles indiquent, alors que le contrat entre les sociétés Altavia Lille et Courrier Plus a été conclu en décembre 2009.

De plus, force est de constater que ses principales clauses sont illégales et doivent être déclarées non écrites. C'est notamment le cas de la clause d'exclusion de responsabilité prévue au point 4.3. qui prévoit que l'indemnisation sera limitée au coût d'affranchissement des plis payés par le client. Une telle clause, excluant totalement la responsabilité de Courrier Plus en cas d'inexécution de ses obligations, doit nécessairement être déclarée non écrite.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 29 mars 2019, la société CM-CIC Factor demande à la cour de :

'Vu les dispositions des articles 1134 et suivants ancienne numérotation du Code Civil,

Vu les articles 1689 et suivants du Code Civil,

Vu les articles L 313-23 à L 313-35 du Code Monétaire et financier,

Vu l'article 669 du Code de Procédure Civile,

Vu le jugement rendu le 23 novembre 2017 par le Tribunal de Commerce de Lille Métropole,

Dire bien jugé, mal appelé,

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Lille Métropole dans l'ensemble de ses dispositions.

Ainsi,

Débouter la société Altavia Lille de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

Dire en effet n'y avoir lieu à prononcer la nullité des diverses cessions de créances professionnelles intervenues entre la société KLC et la société CM-CIC Factor, le débiteur cédé étant la société Altavia Lille.

Dire et juger que les diverses notifications des cessions de créances au débiteur cédé sont régulières et opposables.

Condamner la société Altavia Lille à payer au CM-CIC Factor la somme de

79 299,44 € outre intérêts au taux légal sur le principal par application de l'article 1153 du Code Civil à compter de la mise en demeure de régler.

En tout état de cause,

Condamner la société Altavia Lille au paiement d'une somme de 4000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au regard des frais exposés en cause d'appel.

La condamner aux entiers frais et dépens de l'appel.'

La société CM-CIC Factor plaide qu'en matière de cession de créance professionnelle, la nullité ne peut être prononcée que dans l'unique hypothèse où le bordereau est affecté d'irrégularités de forme et ne peut être invoquée que par les parties à l'acte. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

A supposer que la cour accueille le moyen d'irrégularité opposé par le débiteur cédant, le CM-CIC Factor souligne qu'il ne concerne que certaines factures et n'est étayé par aucun élément probant. Il ne peut en effet être sérieusement allégué que les créances cédées s'apparenteraient à des créances fictives ou des « fausses factures ». En qualité de cessionnaire, le CM-CIC Factor s'est fait remettre l'ensemble des bons de commande émis par la société Altavia Lille correspondant aux factures des prestations exécutées par la société KLC, objets des cessions.

Le seul moyen de la société Altavia Lille est d'alléguer l'existence d'altérations de la date d'échéance et/ou de la date d'émission par le cédant sur certaines factures, dans le but d'obtenir finalement deux règlements, l'un par le débiteur cédé et l'autre par le factor, ce qui ne constitue pas une exception inhérente à la dette et ne peut faire échec au transfert de propriété des créances.

C'est encore manifestement à tort que la société Altavia Lille croit pouvoir contester la régularité de la notification des diverses cessions par bordereau Dailly faite en la forme d'un courrier recommandé.

Les services postaux confirment que les différents courriers de notification recommandés ont bien été remis à son prestataire, lequel prend en charge pour son compte l'ensemble de son courrier.

Au surplus, la société Altavia Lille a signé elle-même la notification de la cession de créances intervenue le 12 octobre 2015 et l'ensemble des accusés réception comporte une signature sous forme d'un paraphe et une date de remise au destinataire.

La société CM-CIC Factor souligne que depuis un arrêté du 21 mai 2013, les employés des services postaux peuvent s'abstenir de demander une justification d'identité à la personne qui accepte l'envoi recommandé si elle a déjà précédemment justifié de son identité soit en tant que destinataire soit en tant que titulaire d'un mandat du destinataire en cours de validité.

Enfin, la société Altavia Lille ne rapporte pas la preuve de ce que les créances aient été réglées puisqu'elle ne se fonde que sur un document sans en-tête relatif à des avis de règlement. A supposer même que la cour fasse cas de cette pièce, elle constatera que les règlements sont intervenus après l'émission des divers bordereaux emportant transfert de propriété et la notification régulière des cessions de créance.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 2 juillet 2018, la société Courrier Plus demande à la cour de :

'Vu les dispositions des articles L.7, L.10, R. 2-1 et R. 2-3 du Code des postes et communications électroniques,

Vu les dispositions des articles 1134 (alors applicables à la cause) et suivants du Code civil,

Vu les dispositions de l'article 1382 du Code civil

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE du 23 novembre 2017 ;

- Débouter la société Altavia Lille de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société Altavia Lille à payer la somme de 5.000 euros au titre de l'appel, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner la société Altavia Lille à payer la somme de 7.500 euros supplémentaires, au titre de la procédure abusive ;

- Condamner la société Altavia Lille aux entiers frais et dépens d'instance.'

La société Courrier Plus argue que suivant décisions n° 2007-0821 du 2 octobre 2007 et n° 2011-528 du 10 mai 2011,l'ARCEP l'a autorisée à exécuter des prestations de services postaux relatifs aux envois de correspondances et, plus particulièrement, à réaliser des prestations de collecte, tri, acheminement et distribution d'envois de correspondances à destination du Nord et du Pas-de-Calais. L'acheminement des courriers litigieux entre dans les limites de cette autorisation. L'argument de la société Altavia Lille selon lequel il ne constituerait pas une prestation de services postaux est incompréhensible. Par conséquent, elle doit être soumise au régime de responsabilité défini par le code des postes et des communications électroniques. A défaut de disposition expresse contraire, ce régime s'applique à tous les services postaux décrits à l'article L.1.

La société Courrier Plus soulève la prescription de l'action en responsabilité portant sur les courriers antérieurs au 30 août 2015, sur le fondement de l'article L. 10 du code des postes et communications électroniques, qui prévoit expressément que les actions en responsabilité pour avaries, pertes ou retards engagées au titre des articles L. 7 et L. 8 sont prescrites dans le délai d'un an à compter du lendemain du jour du dépôt de l'envoi. L'article R. 2-3 du même code précise qu' est considéré comme perdu un envoi postal qui n'a pas été distribué à son destinataire dans un délai de quarante jours à compter de la date de son dépôt dans le réseau du prestataire. Les courriers prétendument non distribués à Altavia Lille doivent donc être considérés comme perdus. Le point de départ de cette prescription est fixé au lendemain du jour du dépôt de l'envoi.

Par conséquent, dans la mesure où l'instance a été introduite par la société Altavia Lille suivant exploit d'huissier en date du 31 août 2016, seuls les envois réceptionnés par la société Courrier Plus à compter du 30 août 2015, au nombre total de cinq, doivent être examinés.

La société Courrier Plus plaide qu'il est difficilement imaginable que parmi les nombreux courriers qu'elle a remis chaque jour à la société Altavia Lille sur une période de cinq mois, seuls les courriers émanant d'un seul et même expéditeur, ayant tous le même objet, aient été perdus.

La bonne foi d'Altavia Lille peut légitimement être mise en doute. En première instance, elle avait affirmé qu'elle n'avait jamais reçu un seul des sept courriers recommandés qui lui avaient été adressés par la société CM-CIC Factor, alors que son cachet figure sur l'avis de réception du 15 octobre 2015 du courrier recommandé envoyé le 12 octobre 2015. Il est ainsi parfaitement démontré que la société Courrier Plus lui a remis au moins une notification de cession de créances et que celle-ci n'a pas été traitée par le service comptable de la requérante, qui n'a pas modifié le destinataire du paiement afin d'acquitter directement le factor et non le fournisseur.

Force est de constater que les notifications de cessions ont toutes été adressées par la société CM-CIC Factor au siège social d'Altavia Lille, situé à [Adresse 4], c'est-à-dire à l'ancienne adresse de son service comptable, raison pour laquelle les cessions de créances n'ont pas été traitées.

Si par extraordinaire, la cour faisait droit à la demande de la société Altavia Lille, il conviendrait néanmoins de limiter le montant des indemnités susceptibles d'être mises à la charge de la société Courrier Plus en application de l'article L. 7 du code des postes et des communications électronique et de l'article R. 2-1 du même code.

De plus, aux termes des conditions générales de vente de la société Courrier Plus, il est prévu que cette dernière bénéficie d'une clause limitative de responsabilité contractuellement fixée au coût d'affranchissement payé. Cette clause ne prévoit pas une indemnisation dérisoire et ne peut donc faire l'objet de la censure recherchée. Les conditions générales signées en 2009 lors de la souscription du service peuvent avoir évolué et avoir été acceptées dans le cadre des échanges commerciaux entre les parties, et notamment la transmission des factures.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 avril 2019.


SUR CE


Aucune critique n'est apportée par les parties sur le chef du jugement relatif au non-lieu à exécution provisoire qui sera donc confirmé.

I - Sur la demande en paiement

En application des articles L323-23, L323-24, L313-27, L323-28 et R313-15 du code monétaire et financier, la cession de créances par bordereaux Dailly, qui permet de céder de manière simplifiée des créances professionnelles, prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, et sans qu'il soit besoin d'autres formalités. Elle transfère au cessionnaire la propriété des créances cédées. Celui-ci peut, à tout moment, interdire au débiteur de payer entre les mains du cédant.

A compter de cette notification, qui peut être faite par tous moyens, le débiteur ne se libère valablement qu'auprès du cessionnaire.

1) Sur la nullité des cessions de créances

Aux termes des articles 1108 et 1208 du code civil, dans leur version applicable au présent litige, toute convention doit porter sur un objet certain pour être valide, et il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet des conventions.

En l'espèce, la société Altavia Lille plaide que onze des trente factures cédées à la société CM-CIC Factor par la société KLC, soit les factures FA2960, FA2963, FA2942, FA2896, FA2898, FA2879, FA2884, FA2881, FA 2880, FA 2856 et FA 2854, constituent des fausses factures.

Si elle établit que leur date d'émission ou d'échéance a effectivement été modifiée sur les factures cédées au factor, il n'en demeure pas moins que les prestations existent, les bons de commande produits aux débats l'attestant. Par ailleurs, les créances en cause sont clairement désignées au sens de l'article L323-23 du code monétaire et financier par le numéro de facture, l'indication du débiteur et le montant de la créance, lesquels ne sont pas contestés.

Il ne peut donc être considéré ni que la cession de ces factures étaient dénuées d'objet, ni que son objet était illicite.

Contrairement à l'argumentation de la société Altavia Lille, le fait que la date d'émission ou d'exigibilité de ces factures ait été repoussée est sans incidence, puisque ce n'est qu'à partir de la notification de la cession que le débiteur ne se libère valablement qu'auprès du cessionnaire, la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances étant sans importance.

Il convient donc confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la nullité des cessions de créances professionnelles intervenues entre la société KLC et la société CM-CIC Factor.

2) Sur l'opposabilité des cessions de créances

Aux termes des dispositions des articles 668 et 670 du code de procédure civile, sous réserve de l'article 647-1, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre. La notification est réputée faite à personne lorsque l'avis de réception est signé par son destinataire.

La notification est réputée faite à domicile ou à résidence lorsque l'avis de réception est signé par une personne munie d'un pouvoir à cet effet

Les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 7 février 2007 fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux prévoient que la preuve de distribution doit comporter les informations prévues aux articles 2 et 3, ainsi que :

- les nom et prénom de la personne ayant accepté l'envoi et sa signature (le destinataire ou son mandataire) ;

- la pièce justifiant son identité ;

- la date de distribution ;

- le numéro d'identification de l'envoi.

Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 21 mai 2013 modifiant l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R1-2-3 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux, si la personne qui accepte l'envoi a déjà précédemment justifié de son identité à l'adresse, auprès du même employé chargé de la distribution, soit en tant que destinataire soit en tant que titulaire d'un mandat du destinataire en cours de validité, l'employé peut remettre l'envoi sans nouvelle présentation d'une pièce d'identité. L'employé indique alors sur la preuve de distribution et, le cas échéant, sur l'avis de réception, que tel est bien le cas et appose sa signature sur ces mêmes supports pour en attester.

En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que :

- la cession intervenue par bordereau daté du 20 août 2015 a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception datée du même jour, distribuée par les services postaux le 21 août 2015;

- la cession intervenue par bordereau daté du 24 août 2015 a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception datée du même jour et distribuée le 25 août 2015;

- la cession intervenue par bordereau daté du 14 septembre 2015 a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception datée du même jour et distribuée le

17 septembre 2015;

- la cession intervenue par bordereau daté du 25 septembre 2015 a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception datée du même jour et distribuée le

30 septembre 2015;

- la cession intervenue par bordereau daté du 12 octobre 2015 a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception datée du même jour et présentée le

15 octobre 2015 ;

- la cession intervenue par bordereau daté du 26 novembre 2015 a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception datée du même jour et distribuée le

1er décembre 2015.

Or, à l'exception de la lettre recommandée présentée le 12 octobre 2015, les avis de réception versés ne sont signés que d'une croix dans la case "mandataire" et ne comportent ni le nom de ce dernier, ni les mentions prévues par l'article 2 de l'arrêté du 21 mai 2013 précité.

Il s'en déduit que la société CM-CIC Factor qui ne pouvait, à réception de ces avis, ignorer l'existence d'une difficulté, ne démontre pas que les cessions de créances litigieuses ont été valablement notifiées à la société Altavia Lille.

En conséquence, il convient de dire que les cessions en cause ne sont jamais devenues opposables à la société Altavia Lille.

Dès lors, les paiements opérées par celle-ci entre les mains de la société KLC doivent être considérés comme libératoires.

La demande en paiement présentée par la société CM-CIC Factor doit donc être limitée à la somme de 11.244,72 euros, au titre de la cession de créances du 12 octobre 2015, portant sur les factures FA2931 et FA2932, dont la société Altavia Lille a valablement eu connaissance.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015.

S'agissant d'un courrier qu'elle a elle-même réceptionné, la société Altavia Lille sera déboutée de son appel en garantie à l'encontre de la société Courrier Plus, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens opposés par cette dernière aux prétentions formées à son encontre.

La décision entreprise sera réformée de ces chefs.

II - Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la société Courrier Plus

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241du code civil (1382 et 1383 anciens), l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice pour que puissent être octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.

Le comportement procédural de la société Altavia Lille dans le cadre de la présente instance ne révèle aucun abus, mais seulement un usage normal des voies de droit à l'égard de la société Courrier Plus.

La décision entreprise sera donc infirmée en ce qu'elle lui a accordé la somme de

5 000 euros à titre de dommages et intérêts en première instance, la société Courrier Plus étant au surplus déboutée de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires en cause d'appel.

III - Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

L'issue du litige justifie de condamner la société CM-CIC Factor aux dépens d'appel et de première instance. La décision entreprise sera réformée de ce chef.

Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société Altavia Lille à payer à la société Courrier Plus et à la société CM-CIC Factor la somme de 3 000 euros chacune au titre au titre de leurs frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société CM-CIC Factor, tenue aux dépens d'appel, sera condamnée à verser à la société Altavia Lille la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

La société CM-CIC Factor et la société Courrier Plus seront déboutées de leurs propres demandes de ce chef à l'encontre de la société Altavia Lille.

PAR CES MOTIFS



La cour,

Infirme le jugement rendu le 23 novembre 2017 par le tribunal de commerce de Lille Métropole, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité des cessions de créances professionnelles intervenues entre la société KLC et la société CM-CIC Factor et a ordonné l'exécution provisoire ;

Statuant à nouveau,

Dit que les cessions de créances intervenues par bordereaux datés du 20 août 2015, du 24 août 2015, du 14 septembre 2015, du 25 septembre 2015 et du 26 novembre 2015 n'ont pas été valablement notifiées à la société Altavia Lille ;

Condamne la société Altavia Lille à verser à la société CM-CIC Factor la somme de 11.244,72 euros au titre de la cession de créances intervenue par bordereau daté du

12 octobre 2015, portant sur les factures FA2931 et FA2932 ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2015 ;

Déboute la société Altavia Lille de son appel en garantie à l'égard de la société Courrier Plus ;

Déboute la société Courrier Plus de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la société CM-CIC Factor à payer à la société Altavia Lille la somme de

3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;

Déboute les sociétés CM-CIC Factor et Courrier Plus de leurs demandes respectives au titre de leurs frais irrépétibles ;

Condamne la société CM-CIC Factor aux dépens d'appel et de première instance.

Le greffierLe Conseiller

pour le Président empêché,

V. RoelofsA. Fallenot