Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 07 DECEMBRE 2022
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10900 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA33H
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 19/00259
APPELANT
Monsieur [C] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2] BELGIQUE
Représenté par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148
INTIMEE
SAS HITACHI RAIL STS FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Elisabeth BIGET, avocat au barreau de PARIS, toque : R237
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles
805 et
907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MARMORAT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Véronique MARMORAT, Présidente de chambre
Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre
Mme Anne MENARD, Présidente de chambre
Greffier, lors des débats : Mme Frantz RONOT
ARRET :
-contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
- signé par Véronique MARMORAT, Présidente de chambre et par Sarah SEBBAK, Greffière en préaffectation sur poste à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Monsieur [C] [H], né le 24 août 1976, a été engagé par la société Ansaldo STS France, devenue la société Hitachi Rail STS France (SAS), par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 janvier 2002 en qualité d'ingénieur, position 3C en dernier lieu.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Par courriel du 16 janvier 2019, monsieur [H] a été informé de la nouvelle organisation par transmission du nouvel organigramme de la société.
Par lettre datée du 21 janvier 2019 à laquelle la société Hitachi Rail STS France a répondu le 5 février 2019, le salarié a contesté la modification unilatérale de ses fonctions résultant du nouvel organigramme, puis par lettre du 18 mars 2019 à laquelle la société Hitachi Rail STS France a répondu le 26 mars 2019, monsieur [H] a sollicité le rétablissement dans ses fonctions antérieures sous quinzaine en raison de la modification unilatérale de son contrat de travail. Finalement, par courrier du 2 avril 2019, monsieur [H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.
Soutenant que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités, monsieur [H] a saisi le 26 avril 2019 le conseil de prud'hommes de Longjumeau qui, par jugement du 26 septembre 2019 a fixé la rémunération mensuelle brute de base, en ce compris l'avantage en nature, de monsieur [H] à la somme de 8.660,34 euros, jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de monsieur [H] en date du 3 avril 2019 produit les effets d'une démission, débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes, débouté la société Hitachi Rail STS France de sa demande au titre de l'article
700 du code de procédure civile et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Monsieur [H] a interjeté appel de cette décision le 29 octobre 2019.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 31 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [H] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant de nouveau de fixer sa rémunération mensuelle brute à la somme de 10 103,80 euros, de dire que sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Hitachi Rail STS France aux dépens tant en cause d'appel qu'en première instance, dont distraction dans les conditions de l'article
699 du code de procédure civile à lui verser les sommes suivantes :
30 311,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, celle de 3 031,114 euros pour les congés payés afférents,
76 997,26 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
141 453,20 euros au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
3 500 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles engagés en première instance,
6 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile en cause d'appel,
et d'ordonner la remise des bulletins de paie, du certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, dé bouter l'employeur de toutes ses demandes, de décider que les sommes dues au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et de l'indemnité de licenciement porteront intérêts judiciaires au taux légal à compter de la date d'effet de la prise d'acte, que celles dues au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité pour frais irrépétibles porteront intérêts judiciaires à compter de l'arrêt à intervenir et que les intérêts dus sur plus d'une année se capitaliseront pour produire eux-mêmes des intérêts.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 14 octobre 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Hitachi Rail STS France demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter le salarié de toutes ses demandes et de le condamner aux dépens et à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la procédure abusive 6 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article
455 du code de procédure civile.
Motifs
Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail
Principe de droit applicable
Dans le cadre de l'exception d'inexécution, il est admis que les manquements de l'employeur à l'exécution de bonne foi du contrat de travail peuvent justifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié dès lors que ce dernier établit que ces manquements sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission.
Il convient d'examiner l'ensemble des manquements invoqués par le salarié qui doit en rapporter la preuve. En cas de doute sur les faits allégués, il profite à l'employeur.
Il résulte des dispositions de l'article
L.1221-1 du code du travail que l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction ne peut procéder unilatéralement à une diminution conséquente des prérogatives et responsabilités du salarié.
La modification du contrat de travail imposée par l'employeur peut rendre impossible la poursuite du contrat de travail pour le salarié qui la refuse et justifier, de la part de ce dernier, une prise d'acte de la rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur.
Application du droit à l'espèce :
Monsieur [H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre datée du 2 avril 2019 ainsi rédigée :
« Je fais suite à votre courrier du 26 mars 2019 aux termes duquel vous refusez, en réponse à mon courrier du 18 mars, de me replacer dans mes précédentes fonctions, et vous informe, par conséquent, n'avoir d'autre choix que de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts exclusifs de la Société Ansaldo STS (devenue Hitachi Rail STS France).
Il m'est impossible d'adhérer à la modification de mes fonctions, telle qu'elle m'a été imposée consécutivement à la réorganisation mise en 'uvre dans l'entreprise. Cette modification, qui a consisté à restreindre de manière significative mes attributions, s'est accompagnée d'une véritable altération de mes responsabilités et d'un déclassement, ainsi que d'une dénaturation de mon emploi.
En effet, j'étais depuis plusieurs années à la tête du service « CBTC metro », lequel regroupe deux activités complémentaires dont j'assurais la coordination :
- le « Développement », en charge de la définition de solutions techniques et de leur planification (« Roadmap »), mobilisant une quinzaine de personnes ;
- l'« Intégration », repartie au niveau mondial en cinq groupes et réunissant une quarantaine de personnes au total, en charge d'organiser la réception des solutions techniques conçues par le « Développement » et leur bonne installation chez les clients.
Ainsi Monsieur [L], initialement responsable du pôle « Développement », les quatre responsables locaux du pôle « Intégration » basés dans divers pays (Chine, États-Unis, Italie et Suède) et, par suite, l'ensemble des salariés affectés à leurs services respectifs, étaient placés sous mon autorité. A ceci s'ajoutant l'appui de deux managers (Messieurs [G] et [F]). Mes fonctions, outre leur aspect technique, présentaient donc une forte dimension managériale.
Depuis la réorganisation opérée dans l'entreprise, je suis désormais responsable du seul service « Développement » (« Technology Solutions Roadmap » dans le nouvel organigramme), en lieu et place de Monsieur [L], qui apparaît désormais dans l'organigramme parmi les 13 membres du service placés sous ma subordination.
Je ne suis plus en charge de l'activité « Intégration », désormais totalement étrangère à mes attributions, tandis qu'elle occupait auparavant la très grande majorité de mon temps de travail.
Vous reconnaissez vous-même, dans vos différents courriers, les changements ainsi intervenus.
Autrement dit, la modification de mes fonctions s'est traduite par :
- le retrait d'un pan entier et prépondérant de mon activité ;
- la perte consécutive de toutes les responsabilités y afférentes, et notamment le management d'une quarantaine de personnes ;
- un déclassement matérialisé par mon affectation à un poste de degré inférieur dans la pyramide des emplois, à savoir celui de Monsieur [L], mon N-1 lorsqu'il occupait ledit poste et qui a lui-même subi une rétrogradation ;
- une dénaturation de mon emploi, désormais cantonné à une dimension purement technique (recherche et analyse) et vidé de ses aspects direction, coordination, management ; je ne fais ainsi plus partie de la gouvernance et ne suis plus convié à la moindre réunion à ce titre.
Une telle altération de mes fonctions s'analyse en une modification d'un élément essentiel de mon contrat de travail et non en une simple « évolution de mes conditions de travail », comme vous le prétendez dans votre dernier courrier.
Je vis évidemment très mal cette situation par laquelle je me sens totalement désavoué et qui intervient après 17 années de service au cours desquelles j'ai toujours fait preuve d'une grande loyauté et d'un profond investissement. Je me suis donné corps et âme pour l'entreprise, sacrifiant ma vie de famille eu égard à mes horaires de travail et aux nombreux voyages effectués à travers le monde.
Mon travail a toujours donné pleine et entière satisfaction et m'a permis de connaître une véritable ascension dans l'entreprise. Je ne comprends donc pas cette remise en cause de ma place en son sein, profondément humiliante et en totale contradiction avec mes performances et vos propos sur la qualité de mon travail, toujours saluée.
La situation n'est pas tolérable et rend impossible la poursuite de notre relation de travail.
Aussi, je suis contraint par la présente de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts exclusifs de la Société Hitachi Rail STS France.
Afin d'éviter toute difficulté, je me tiens néanmoins à votre disposition pour effectuer mon préavis. Dans ce cadre, je vous prie de bien vouloir m'indiquer les modalités de prise des heures de recherche d'emploi. »
La prise d'acte, qui a mis un terme définitif à la relation de travail, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les griefs reprochés à l'employeur le justifient soit dans le cas contraire ceux d'une démission, l'ensemble des reproches formulés par le salarié, y compris ceux ne figurant pas dans la lettre de prise d'acte, devant être considérés.
Aux termes de ces dernières conclusions, monsieur [H] expose que sa prise d'acte de la rupture est bien fondée compte-tenu des manquements de l'employeur résultant de la modification unilatérale de ses fonctions passant par la perte d'un pan complet et prépondérant de ses missions, des responsabilités attachées et par un déclassement à un niveau hiérarchique inférieur.
La société Hitachi Rail STS France considère qu'elle n'a violé aucune obligation vis-à-vis de monsieur [H], les fonctions de ce dernier étant demeurées intactes. Pour l'employeur, la véritable raison de la prise d'acte de la rupture réside dans le fait que le salarié voulait quitter la société afin de développer un nouveau projet professionnel, faute d'éléments probants, la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'une démission.
S'agissant de la modification des fonctions, il est constant que la modification du contrat de travail, lorsqu'elle porte sur un élément par nature contractuel ou que les deux parties ont eu la volonté de 'contractualiser', ne peut être unilatéralement décidée puis imposée par un employeur à son salarié et qu'elle nécessite l'accord exprès de celui-ci.
A l'inverse, les conditions de travail relèvent, en principe, du pouvoir de gestion et de direction de l'employeur qui peut les modifier, sauf exercice abusif de ce pouvoir, sans l'accord du salarié à l'occasion, notamment, d'une réorganisation de son entreprise, sous réserve de ne pas bouleverser l'économie du contrat et de maintenir, en particulier, le niveau hiérarchique du salarié et les responsabilités qu'il implique, l'essentiel de ses attributions, sa qualification et sa rémunération.
Monsieur [H] expose qu'en janvier 2019, la société Hitachi Rail STS France a mis en place une nouvelle organisation des activités du groupe passant d'une organisation verticale centralisée à une organisation horizontale régionalisée et ce, alors même qu'étaient jusque-là regroupées, sous sa responsabilité, toutes les activités liées au « Communication-based train control » (ci-après CBTC) tenant à la fois au développement des solutions et à l'intégration opérationnelle dans les projets, sans qu'un tel regroupement ne soit utilement contesté par son employeur.
En l'espèce, contrairement à ce que soutient la société Hitachi Rail STS France, il résulte de la comparaison des organigrammes mondiaux du groupe que leur évolution entre 2016 et 2019 emporte bien une modification à la fois des responsabilités managériales de monsieur [H] et de ses responsabilités stratégiques.
En effet, au vu des organigrammes de 2016 et 2018, la cour constate que le salarié, en charge de l'activité CBTC Metro, avait sous sa responsabilité l'activité CBTC Development dont avait la charge monsieur M. [L] ainsi que les Signaling Integrators, dont avait la charge monsieur [F], ce qui représentait en 2018 près de 50 collaborateurs, peu importe que ces derniers ne soient pas des collaborateurs directs de monsieur [H].
Il s'en déduit que les fonctions réellement exercées par monsieur [H] n'étaient pas simplement circonscrites au seul aspect technique de l'activité CBTC Metro tel que le soutient la société Hitachi Rail STS France.
Il convient également de constater, au vu de l'organigramme de 2019 avec la nouvelle organisation régionalisée, que le contenu des fonctions de monsieur [H] s'est réduit à la seule activité Technology Solutions Roadmap, composée d'une équipe restreinte à une quinzaine de collaborateurs, la responsabilité d'une partie des activités dont il avait auparavant la charge à savoir celles des Signalling System (anciennement les Signaling Integrators) ayant été confiée à monsieur [V].
Cette nouvelle organisation n'a pas entraîné pour monsieur [H] un déclassement comme ce dernier l'affirme dans la mesure où il a conservé sa dépendance directe avec monsieur [O], sa qualification professionnelle d'ingénieur, position 3 C et sa rémunération afférente.
Pour autant, la cour relève que la responsabilité de monsieur [H] s'est véritablement amoindrie du fait de la réduction de son équipe tant concernant son pouvoir relatif aux augmentations des collaborateurs de son équipe que concernant celui relatif à la validation de leur évaluation annuelle, peu important d'ailleurs qu'interviennent des évaluateurs tiers, monsieur [H] ayant la responsabilité de valider ces évaluations en dernier lieu.
En outre, il ne peut se déduire avec certitude de la mention, figurant dans son évaluation annuelle au titre de l'année 2017 mais non réitérée dans son évaluation annuelle au titre de l'année 2018, « Je ( monsieur [H]) crois que j'ai les qualifications, les réalisations et l'expérience nécessaires pour suggérer et mettre en 'uvre des changements très précis et décisifs à l'organisation globale du groupe. Ce serait bien que la charge de travail soit un peu plus facile à gérer pour moi. », que le salarié a sollicité de son employeur une diminution des fonctions dont il avait la responsabilité.
Il résulte des éléments ci-dessus exposés que monsieur [H] rapporte la preuve que les changements opérés dans l'organisation du groupe a entraîné un retrait d'une grande partie de ses fonctions, alors même que la société Hitachi Rail STS France s'accorde sur son expertise, son savoir-faire et ses compétences dans la technologie CBTC lui octroyant ainsi un rôle incontournable, ce qui constitue une modification substantielle des fonctions qui nécessitait l'accord du salarié.
Évaluation du montant des condamnations :
Au moment de la rupture de la relation de travail, les parties s'accordent pour considérer que le salaire brut moyen mensuel de M. [H] s'élevait à la somme de 10 103,80 euros.
Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a débouté monsieur [H] et la société Hitachi Rail STS France sera condamnée à payer au salarié la somme de 30 311,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 3 031,14 euros pour les congés payés afférents ainsi que celle de 76 997,26 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.
Le 2 avril 2019, monsieur [H] avait une ancienneté de 17 ans et 3 mois. En application des dispositions de l'article
L.1235-3 du code du travail, il peut bénéficier d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui doit être comprise entre 3 et 14 mois de salaires bruts.
Au soutien de sa demande, monsieur [H] verse aux débats son contrat de travail du 10 juin 2019 avec la société The Signalling Company, société belge, précisant une rémunération brute mensuelle de 7 500 euros et son bulletin de salaire d'avril 2022 sur lequel figure une rémunération nette mensuelle de 7.227,16 euros, ce qui établit avec certitude la perte de rémunération subie par monsieur [H] depuis la rupture de son contrat de travail le liant à la société Hitachi Rail STS France.
Au vu des éléments produits, la société Hitachi Rail STS France sera condamnée au paiement de la somme de 110 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive
Principe de droit applicable :
Aux termes des articles
32-1 et
559 du code de procédure civile, en cas d'appel dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros.
Cette disposition n'a donc pas pour but de permettre, en elle-même, d'allouer des dommages-intérêts mais permet à une partie qui s'estimerait lésée, quand bien même le juge déciderait de prononcer une amende civile pour procédure dilatoire ou abusive, de solliciter en outre des dommages-intérêts sur le même fondement.
Application du droit à l'espèce :
La société Hitachi Rail STS France sollicite la somme de 30 000 euros en raison du préjudice de réputation et d'image dont elle s'estime victime. Elle expose que monsieur [H] étant resté taisant sur ses activités professionnelles réelles auprès de The Signalling Company, tant sa prise d'acte de la rupture que son action judiciaire sont abusives.
La bonne foi procédurale étant toujours présumée, il appartient à la société Hitachi Rail STS France qui allègue un abus de procédure de la part de son ancien salarié d'apporter la preuve de cette mauvaise foi. Or, non seulement elle échoue à rapporter cette preuve, mais surtout elle ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant de la nécessité d'assurer la défense de ses intérêts dans le cadre de la présente instance devant la cour d'appel.
D'une part, par lettre datée du 8 avril 2019, la société Hitachi Rail STS France a levé, de son propre chef, la clause de non-concurrence de M. [H]. D'autre part, son salarié à trouver un nouvel emploi en juin 2019 localisé en Belgique, soit en dehors du périmètre de son ancienne clause de non-concurrence qui, du propre aveu de la société Hitachi Rail STS France, s'appliquait à la France, à l'Espagne, au Royaume-Uni et à Hong-Kong. Dès lors, elle ne peut alléguer d'une atteinte à sa réputation lui ayant causé un préjudice.
De plus, les répercussions liées à sa mise en cause judiciaire publique ainsi que celles à l'intérieur de l'entreprise auprès des salariés sont clairement insuffisantes pour caractériser un abus.
En conséquence, la société Hitachi Rail STS France sera déboutée de sa demande.
Sur les autres demandes
Sur les intérêts au taux légal
Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles
1153 et
1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles
1231-6 et
1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.
Sur la capitalisation
La capitalisation est de droit lorsqu'elle est demandée et est due pour les intérêts ayant couru pour une année entière ; il sera ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal sur les sommes revenant au salarié en application de l'article
1343-2 du code civil, tel qu'issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Par ces motifs
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article
450 du code de procédure civile,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
Fixe le salaire de référence de monsieur [C] [H] à la somme de 10 103,80 euros bruts mensuels,
Condamne la société Hitachi Rail STS France aux dépens d'instance et d'appel et à payer à monsieur [C] [H] les sommes suivantes :
- 30 311,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 3.031,14 euros pour les congés payés afférents
- 76 997,26 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 110 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,
Ordonne la capitalisation des intérêts ainsi dus conformément aux dispositions de l'article
1154 du code civil, devenu l'article
1343-2 du même code,
Déboute l'employeur de toutes ses demandes,
Vu l'article
700 du code de procédure civile,
Condamne la société Hitachi Rail STS France à verser à monsieur [H] la somme de 5 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel et celle de 3 000 euros pour ceux engagés en première instance,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne la société Hitachi Rail STS France aux dépens d'instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE