COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8b
ARRÊT
AU FOND
DU 17 NOVEMBRE 2023
N°2023/.
Rôle N° RG 22/06478 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJKYV
[B] [N]
C/
CPAM DU VAR
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Alain DEGUITRE
- Me Stéphane CECCALDI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de TOULON en date du 05 Avril 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 19/02717.
APPELANTE
Madame [B] [N], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Alain DEGUITRE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Organisme CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Stéphane CECCALDI de la SELASU SELASU CECCALDI STÉPHANE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article
945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2023
Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [B] [N], infirmière libérale, a fait l'objet d'un contrôle de son activité, portant sur la période du 5 janvier 2016 au 10 juillet 2018, à l'issue duquel la caisse primaire d'assurance maladie du Var lui a notifié, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 22 octobre 2018, un indu de facturations d'un montant total de 4 852.23 euros.
En l'état d'un rejet implicite de sa contestation de cet indu par la commission de recours amiable, Mme [N] a saisi le 4 juillet 2019 un tribunal de grande instance.
Par jugement en date du 5 avril 2022, le tribunal judiciaire de Toulon, pôle social, après avoir déclaré le recours recevable, a:
* confirmé le bien fondé de l'indu pour la somme de 4 852.23 euros et condamné Mme [N] au paiement de celle-ci,
* débouté Mme [N] du surplus de ses demandes,
* dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
* condamné Mme [N] aux dépens de l'instance.
Mme [N] a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.
Par conclusions réceptionnées par le greffe le 3 octobre 2023 reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, Mme [N] sollicite l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:
* annuler la procédure de restitution de l'indu, ainsi que la notification de l'indu,
* condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Var au paiement de la somme de 3 051 euros au titre de prestations dues et non versées,
* condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Var au paiement de la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
* condamner la caisse primaire d'assurance maladie du Var au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions remises par voie électronique le 2 octobre 2023, soutenues oralement, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie du Var soulève l'irrecevabilité de l'appel.
A titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de 'la partie succombante' au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dé
MOTIFS
1 la recevabilité de l'appel:
Exposé des moyens des parties:
L'intimée soulève l'irrecevabilité de l'appel au motif que le taux du ressort devant le tribunal judiciaire a été fixé par les articles
R.211-3-24 et
R.211-3-25 du code de l'organisation judiciaire à 5 000 euros par le décret n°2019-912 du 30 août 2019 à compter du 1er janvier 2020.
L'appelante réplique que son appel est recevable, sa requête étant en date du 4 juillet 2019 alors que la réforme sur le taux du ressort n'est entrée en application que le 1er janvier 2020.
Réponse de la cour:
L'article
R.211-3-24 du code de l'organisation judiciaire, créé par le décret n°2019-912 du 30 août 2019 stipule que lorsque le tribunal judiciaire est appelé à connaître, en matière civile, d'une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 5 000 euros, il statue en dernier ressort.
Toutefois, l'article 40 III du décret n°2019-912 du 30 août 2019, stipule que les dispositions fixant le montant en deçà duquel le tribunal judiciaire et le juge des contentieux de la protection statuent en dernier ressort, telles qu'elles résultent des articles
R.211-3-24,
R.211-3-25,
R.213-9-3,
R.215-1 et
R.513-1 du code de l'organisation judiciaire dans leur rédaction issue du présent décret, sont applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.
Il s'ensuit que pour les instances introduites avant le 1er janvier 2020, le montant du taux du ressort en deçà duquel le tribunal judiciaire statue en dernier ressort est fixé par l'article
R.211-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, lorsqu'il est appelé à connaître, en matière civile, d'une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 4 000 euros.
Le taux du ressort doit être apprécié d'après la demande telle qu'elle résulte des dernières conclusions.
Par ailleurs, l'article
39 du code de procédure civile dispose que sous réserve des dispositions de l'article 35, le jugement n'est pas susceptible d'appel lorsque aucune des demandes incidentes n'est supérieure au taux du dernier ressort.
Si l'une d'elles est supérieure à ce taux, le juge statue en premier ressort sur toutes les demandes. Il se prononce toutefois en dernier ressort si la seule demande qui excède le taux du dernier ressort est une demande reconventionnelle en dommages-intérêts fondée exclusivement sur la demande initiale.
En l'espèce, les premiers juges ayant été saisis de la contestation de l'indu notifié, par requête formalisée par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 4 juillet 2019, réceptionnée par le greffe le lendemain, soit antérieurement au 1er janvier 2020, les nouvelles dispositions de l'article
R.211-3-24 du code de l'organisation judiciaire ne sont pas applicables et le taux de compétence en dernier ressort est régi par celles de l'article
R.211-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire.
Il résulte des énonciations du jugement entrepris que la caisse a demandé lors de l'audience du 4 février 2022 la condamnation au paiement de la somme principale de 4 852.23 euros représentant l'indu.
Il s'ensuit que la demande de la caisse excédant le montant du taux de compétence en dernier ressort, le jugement entrepris est correctement qualifié en premier ressort et l'appel formalisé par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 2 mai 2022, après que l'appelante ait accusé réception le 7 avril 2022 de la notification du jugement en date du 5 avril 2022, est recevable.
L'intimée est mal fondée en sa fin de non-recevoir.
2- sur l'indu
A- sur la régularité de la procédure:
Exposé des moyens des parties:
L'appelante soutient que la procédure d'indu est irrégulière, la caisse n'ayant pas respecté la charte du 26 mars 2012 élaborée entre l'UNCAM et les représentants des professionnels de santé.
Elle conteste que cette charte ne régisse que les contrôles médicaux et soutient avoir été privée des droits dont ses consoeurs et confrères dépendants d'autres caisse primaire d'assurance maladie respectueuses des instructions de leur autorité de tutelle bénéficient lors du contrôle administratif ou médical de leur activité.
La caisse relève que l'appelante ne précise pas de quelles garanties elle aurait été privée, le contrôle opéré étant un simple contrôle de facturations, mené par ses services administratifs sur le fondement des dispositions de l'article
L.133-4 du code de la sécurité sociale.
Elle soutient que dans le cadre d'un contrôle purement administratif, le caractère contradictoire de l'action en répétition d'indus administratifs des caisses est exclusivement assuré dans le cadre des dispositions des articles
L.133-4 et R.133-9-1 qui organisent une discussion contradictoire à partir de la notification de payer, puis de la mise en demeure et de l'éventuelle contrainte, et invoque l'absence de caractère normatif de la charte, soulignant que la Caisse nationale de l'assurance maladie rappelle dans une circulaire n°10/2012 du 10 avril 2012 qu'elle n'a pas vocation à se substituer aux textes législatifs, réglementaires et conventionnels qui définissent les modalités du contrôle et les garanties accordées au professionnel de santé.
Réponse de la cour:
Il résulte des dispositions des articles
L.133-4 et
L.162-1-7 du code de la sécurité sociale qu'en cas d'inobservations des règles de tarification ou de facturation, notamment des actes ou prestations réalisées par un professionnel de santé, dans le cadre d'un exercice libéral, et en cas de facturation en vue d'un remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés, l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.
Selon l'article
R.133-9-1 I du code de la sécurité sociale, pris dans sa rédaction applicable issue du décret 2012- 1032 du 7 septembre 2012, la notification de payer prévue à l'article
L.133-4 est envoyée par le directeur de l'organisme d'assurance maladie au professionnel ou à l'établissement par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.
Cette lettre précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois à partir de sa réception imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées ainsi que les voies et délais de recours. Dans le même délai, l'intéressé peut présenter des observations écrites à l'organisme d'assurance maladie (...).
En vertu des dispositions de l'article
R.133-9-2 du code de la sécurité sociale, l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer, laquelle ouvre une phase contradictoire permettant au professionnel de santé de contester l'indu réclamé.
En l'espèce, la caisse a procédé à un contrôle a posteriori des facturations, qui est, ce qui n'est pas contesté, un contrôle purement administratif, sur pièces, et la notification de l'indu en date du 22 octobre 2018, détaille très précisément, dans les tableaux joints, les anomalies relevées dans les facturations de cette infirmière.
Ainsi que retenu avec pertinence par les premiers juges, il ne s'agit pas d'un contrôle de l'activité et par conséquent d'un contrôle médical au sens des dispositions de l'article
L.315-1 du code de la sécurité sociale.
La charte de contrôle de l'activité des professionnels de santé est dépourvue de caractère normatif. Elle ne fait peser sur les caisses aucune obligation spécifique pour les contrôles de facturations, effectués a posteriori, sur pièces, lesquels portent d'une part sur la vérification de la conformité des facturations avec les prescriptions médicales qui en sont le support et d'autre part sur le respect des cotations édictées par la nomenclature générale des actes professionnels.
L'appelante ne spécifie du reste pas, ainsi que le relève l'intimée, de quelle garantie elle aurait été privée, étant observé que les dispositions de l'article
R.133-9-1 du code de la sécurité sociale ont été respectées et que les mentions du tableau joint à la notification de l'indu sont suffisamment précises pour lui permettre de contester les indus retenus et par conséquent d'exercer ses droits de la défense.
Si l'appelante allègue une situation de discrimination par rapport à des professionnels de santé relevant d'autres caisses, pour autant elle ne l'établit pas et ne justifie pas davantage d'un grief qui en serait résulté.
Elle est par conséquent mal fondée en son moyen tiré de l'irrégularité de la procédure.
B- sur les indus de facturations:
Exposé des moyens des parties:
L'appelante allègue une absence de motivation des indus au motif que dans le cadre de ses conclusions de première instance, la caisse s'est limitée à des considérations générales sur l'application de la nomenclature générale des actes professionnels, sans apporter la démonstration qu'elles étaient applicables en l'espèce, soutenant en outre que le tableau annexé à la notification d'indu n'est que l'expression chiffrée de ses griefs.
Elle conteste:
* le grief tiré du cumul de facturations de soins cotés AIS3 avec des actes cotés AMI1 en alléguant qu'il concerne son patient M. [U] et en reprochant à la caisse d'avoir 'éludé l'organisation de sa tournée suivant laquelle elle a effectué deux passages le matin et deux passages le soir chez ce patient'. Elle considère avoir été injustement sanctionnée par un indu à raison des imprécisions de la prescription médicale, imputables au médecin traitant, qui les a reconnues et a rétabli la portée exacte de sa prescription. Elle soutient que dans le cadre de sa tournée du matin consacrée aux prises de sang, injections et soins, elle s'est rendue à son domicile pour procéder à la 'dextro' et l'injection d'insuline justifiant la cotation de 2 AMI1, puis l'a visité deux fois le soir, une première fois pour procéder à la 'dextro' et à l'injection de deux insulines, justifiant la cotation de 3 AMI1 et une seconde fois pour les soins infirmiers tels qu'habillage, pose de bas de contention, mise au fauteuil roulant justifiant la cotation de 1AIS 3, que la prescription médicale d'une 'durée de 6 mois, D et F compris', porte sur des 'soins infirmiers 1 h le matin 1/2h le soir, insuline plus 'dextro' M et S et gestion du traitement'. Elle se prévaut d'une attestation du médecin prescripteur détaillant le traitement du patient et allègue qu'en raison des difficultés soulevées par la caisse, il a rédigé différemment son ordonnance du 2 avril 2019 en précisant s'agissant de l'insuline, si elle est 'rapide' ou 'Lantus'.
* le grief portant sur la cotation des soins prodigués, alléguant qu'il concerne Mmes [G] et [R], et en considérant que la caisse lui reproche la facturation d'actes non prescrits s'agissant d'injections d'insuline. Tout en concédant des imprécisions de la prescription médicale, elle soutient que le médecin prescripteur n'a pas établi une nouvelle ordonnance mais a précisé la portée de celles imprécises qu'il avait précédemment rédigées et a pris en compte dans ses ordonnances ultérieures les difficultés soulevées en décrivant de manière exhaustive les soins nécessaires. Elle affirme que la caisse est en possession de la prescription des doses d'insuline destinées à leur délivrance en pharmacie.
La caisse réplique que le contrôle a révélé trois types d'anomalies:
* concernant les doubles facturations d'actes, elle soutient que ce type de facturations a engendré des doubles paiements pour les mêmes actes, aux mêmes dates de soins et pour les mêmes assurés.
* concernant les facturations d'actes en non-respect de la règle de non-cumul de cotation au cours d'une même séance, elle se prévaut du titre XVI de la nomenclature générale des actes professionnels qui réglemente le forfait AIS, qui ne peut donner lieu à un cumul de facturations avec un acte médical infirmier (AMI) au cours du même passage sauf pour les deux exceptions prévues (séance de soins infirmier et cotation d'une perfusion, ou pansement lourd et complexe nécessitant des conditions d'asepsie rigoureuse ou une séance à domicile de surveillance clinique et de prévention. Elle ajoute que les conditions du cumul exceptionnel prévu par les articles 2 et 3 (chapitre II titre XVI) pour les injections par cathéter intrathécale ou péridural ou par site implanté et les perfusions en exécution d'un protocole thérapeutique préalable imposant l'élaboration et la tenue d'un dossier de soins et la transmission d'informations au médecin prescripteur, n'étaient pas réunies.
* concernant les facturations d'actes en non-respect des cotations prévues par la nomenclature générale des actes professionnels, elle soutient que ces indus concernent 3 AMI 1 facturés suite à des prescriptions de dextro et /ou d'insuline, et que la prescription reçue justifiant la réalisation de l'acte ne permettait que la cotation de 2 AMI 1 alors que l'AMI supplémentaire a été indûment cotée et facturée.
Réponse de la cour:
Il résulte par ailleurs de l'article
L.162-9 du code de la sécurité sociale que les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les auxiliaires médicaux sont définis par des conventions nationales conclues entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de ces professions.
L'article
L.162-12-2 du code de la sécurité sociale dispose que les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les infirmiers sont définis, dans le respect des règles déontologiques fixées par le code de la santé publique, par une convention nationale.
La prise en charge ou le remboursement par l'assurance maladie sont subordonnés au respect des conditions particulières de prescription, d'utilisation ou de réalisation de l'acte ou de la prestation.
Contrairement aux allégations de l'appelante, le tableau annexé à la notification d'indu comporte en lui-même une motivation en ce qu'il détaille dans ses colonnes:
* les numéros de factures et de sécurité sociale des assurés bénéficiaires des soins, précise leurs identités et dates de naissance,
*les numéros des lots,
*les matricules des prescripteurs, les dates des prescriptions ainsi que celles des mandatements,
* les natures DRG,
* les dates des soins,
* les cotations des actes, ainsi que leurs quantités, leurs coefficients, les taux de remboursement,
* les montants remboursés,
* les montants des indus,
* la nature des griefs, et les référentiels juridiques.
Les griefs retenus y sont spécifiés par les précisions suivantes:
* 'AMI non cumulable avec un AIS au cours du même passage', 'N.G.A.P 2ème partie préambule du titre XIV (art.R.147-8 2°a) code de la sécurité sociale)',
* 'prescription de dextro+insuline soit 2 AMI 1", 'N.G.A.P 1ère partie (dispositions générales) art. 3 et 5",
* 'la totalité des soins a déjà été facturée dans le décompte' suivie de la mention 'double facturation' et article R.147-11 1° code de la sécurité sociale'.
Elle est par conséquent mal fondée en son moyen d'annulation de la notification de l'indu.
- sur le motif d'indu tiré du non-respect de la règle de non-cumul de cotations au cours d'une même séance de soins: AMI non cumulable avec AIS au cours du même passage (assuré M. [U] pages 1 à 42 du tableau).
L'article 11 A de la première partie "dispositions générales", de la nomenclature générale des actes professionnels pose le principe que les honoraires de la consultation et de la visite ne se cumulent pas avec ceux d'autres actes exécutés au cours de la même séance, sauf exception prévue et que seul l'acte dont les honoraires sont les plus élevés est noté sur la feuille de maladie.
L'article 11- B, des conditions générales, dispose que 'les actes multiples en AMI, effectués au cours de la même séance, doivent être cotés de la manière suivante:
1. Lorsque au cours d'une même séance, plusieurs actes inscrits à la nomenclature sont effectués sur un même malade par le même praticien, l'acte du coefficient le plus important est seul inscrit avec son coefficient propre.
Le deuxième acte est ensuite noté à 50% de son coefficient.
Toutefois, le second acte est noté à 75% de son coefficient en cas d'intervention de chirurgie soit pour lésions traumatiques multiples et récentes, soit portant sur des membres différents, ou sur le tronc ou la tête et un membre.
Les actes suivants le second ne donnent pas lieu à honoraires et n'ont pas à être notés sur la feuille de maladie. Toutefois, en cas de lésions traumatiques multiples et récentes, le troisième acte opératoire éventuel est exceptionnellement noté à 50% de son coefficient.
2. En cas d'actes multiples au cours de la même séance, le praticien ne doit pas noter le coefficient global, mais les coefficients correspondant à chacun des actes effectués.
3. Lorsque plusieurs actes sont accomplis dans la même séance sur un même malade, ils ne peuvent donner lieu à honoraires pour plusieurs praticiens que si ceux-ci sont des spécialistes ou compétents exclusifs ou des auxiliaires médicaux de disciplines différentes.
Pour chaque praticien, les actes sont notés conformément aux 1. et 2. ci-dessus'.
Il résulte de la deuxième partie de la nomenclature générale des actes professionnels, titre XVI, relatif aux soins infirmiers, chapitre 1er, relatif aux prélèvements et injections, article 11 (II), relatif aux soins infirmiers à domicile pour un patient quel que soit son âge, en situation de dépendance temporaire ou permanente que la séance de soins infirmiers (AIS) à domicile est rémunérée par un forfait et que ' la séance de soins infirmiers comprend l'ensemble des actions de soins liées aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne.
La cotation forfaitaire par séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés au cours de la séance, la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle.
Par dérogation à cette disposition et à l'article 11 B des Dispositions générales, la séance de soins infirmiers peut se cumuler avec la cotation d'une perfusion, telle que définie au chapitre II du présent titre, ou d'un pansement lourd et complexe nécessitant des conditions d'asepsie rigoureuse ou une séance à domicile, de surveillance clinique et de prévention pour un patient à la suite d'une hospitalisation pour épisode de décompensation d'une insuffisance cardiaque ou d'exacerbation d'une bronchopathie chronique obstructive (BPCO) au chapitre II article 5 ter.
La cotation de séances de soins infirmiers est subordonnée à l'élaboration préalable de la démarche de soins infirmiers. Ces séances ne peuvent être prescrites pour une durée supérieure à trois mois'.
L'article 3 (chapitre II relatif aux soins infirmiers spécialisés de la 2ème partie de la nomenclature générale des actes professionnels) précise que 'ces actes sont réalisés soit en application d'une prescription médicale qui sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée soit en application d'un protocole écrit, qualitatif et quantitatif préalablement établi, daté et signé par un médecin.
La séance de perfusion permet d'administrer chez un patient des solutés et/ou des médicaments de façon continue ou discontinue par voie veineuse ou par voie sous cutanée ou par voie endorectale.
Selon le protocole thérapeutique établi par le médecin prescripteur, la perfusion nécessite soit la surveillance continue de l'infirmier, soit l'organisation d'une surveillance pour les perfusions dont la durée est supérieure à une heure.
La séance de perfusion sous surveillance continue comprend la préparation des produits à injecter, la préparation du matériel de perfusion, la perfusion des produits de façon successive ou simultanée, la surveillance et l'arrêt de la perfusion avec le pansement.
La séance de perfusion supérieure à une heure, sans surveillance continue, comprend la préparation des produits à injecter, la préparation du matériel de perfusion, la pose de la perfusion, l'organisation de contrôles et la gestion des complications éventuelles ; ces contrôles et les interventions à domicile pour complications peuvent donner lieu à des frais de déplacement'.
La cotation prévue en application des articles 2 et 3 précités porte uniquement sur des actes AMI ou SFI alors que la cotation prévue pour les acte relevant du chapitre I, article 11 II porte uniquement sur des actes en AIS.
Il s'ensuit que des soins réalisés en une même séance cotés AIS3 ne peuvent être cumulés avec des actes cotés AMI.
L'appelante, qui ne conteste pas avoir facturé cumulativement ces actes, ne peut utilement arguer de l'organisation de sa tournée pour soutenir que le cumul de facturations lui est dû, étant observé que le motif d'indu retenu pour ce patient ne porte que sur le cumul de facturations d'actes en AIS3 avec des actes cotés en AMI, et non point comme allégué dans ses conclusions sur le non-respect de la nomenclature générale des actes professionnels en raison de 'prescriptions de dextro+insuline soit 2AMI 1".
Son argument tiré de la rédaction de la prescription médicale ne précisant pas le type d'insuline pour laquelle l'injection est prescrite est également inopérant, alors qu'il ne s'agit pas du grief d'indu retenu pour ce patient et que d'autre part qu'il lui incombe, en sa qualité de professionnel de santé de s'assurer de l'adéquation de la prescription avec la nature du produit prescrit et en cas de discordance de contacter préalablement le prescripteur, alors qu'il résulte du tableau, sans que ce soit contesté, que les prescriptions transmises à la caisse ne permettaient pas de retenir les cotations qu'elle a facturées. Les dispositions applicables de la nomenclature générale des actes professionnels ne lui permettaient pas de cumuler
Ces indus sont donc justifiés.
- sur le motif d'indu tiré du non-respect de la cotation prévue à la nomenclature générale des actes professionnels: prescription de dextro+insuline soit 2 AMI1 (assurée Mme [R] pages 42 à 49 du tableau).
L'article 5bis (deuxième partie, titre XVI, chapitre II relatif aux soins infirmiers spécialisés )fixe à 1 AMI ou SFI la cotation pour 'surveillance et observation d'un patient diabétique insulino-traité dont l'état nécessite une adaptation régulière des doses d'insuline en fonction des indications de la prescription médicale et du résultat du contrôle extemporané, y compris la tenue d'une fiche de surveillance, par séance'.
Les facturations à la caisse portent sur 3 AMI 1 que l'appelante reconnaît avoir facturées pour le contrôle de la glycémie matin, midi et soir tout en ayant facturé 1 AMI 1 pour l'injection d'insuline le matin, 1 AMI 1 pour une injection d'insuline le soir et 2 AMI 1 pour une injection de deux insulines différentes le soir.
Il s'ensuit que le non-respect de la cotation de la nomenclature générale des actes professionnels est établi.
L'attestation du prescripteur en date du 17 janvier 2019, mentionnant que l'état de santé de l'assurée nécessite une prise en charge par infirmier sous forme de contrôles glycériques matin, midi et soir et d'injection d'insuline le matin (une), le midi (une) et le soir (deux) dimanche et jours féries compris, est inopérante à justifier les facturations à la caisse sur la base de prescriptions en date des 10/07/2017, 05/01/2018 et 22/03/2018, aucune régularisation a posteriori, par suite du contrôle effectué, ne pouvant justifier une facturation qui ne l'était pas au regard de la prescription jointe.
Ces indus sont donc justifiés.
- sur le motif d'indu tiré de la double facturation: la totalité des soins prescrits ayant déjà été facturée dans le décompte dont la référence est citée ainsi que celui du numéro de la facture (assurée Mme [G] pages 49 à 73 du tableau):
L'attestation du prescripteur en date du 16 janvier 2019 mentionnant que l'état de santé de l'assurée nécessite une prise en charge par infirmier sous forme de contrôles glycériques matin, midi et soir et d'injection d'insuline le matin et de deux insulines différentes à midi ainsi que le soir, tous les jours y compris dimanche et jours féries, est inopérante à justifier les facturations à la caisse sur la base de prescriptions en date des 04/10/2015, 04/09/2015, 01/09/2017, 04/05/2018, 06/07/2018, alors que l'article 5bis précité, ne permet pas la double facturation compte tenu de l'absence de précision, reconnue par l'appelante, sur la prescription médicale relative à la nature différente des injections d'insuline prescrites.
La circonstance que la pharmacie ait pu délivrer sur la base de prescriptions médicales des insulines de nature différentes est inopérante à justifier la facturation de deux injections de ce produit alors qu'une facturation de soins infirmiers doit correspondre rigoureusement à la prescription médicale qui en est le support.
Ces indus sont donc justifiés.
Il s'ensuit que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné Mme [B] [N] au paiement de la somme de 4 852.23 euros au titre de l'indu de facturations à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
3- sur les demandes en paiement de prestations non rémunérées:
Exposé des moyens des parties:
Alléguant avoir constaté à l'occasion de la notification de l'indu et des vérifications opérées, qu'elle n'avait facturé pour les soins dispensés à M. [U] que 3 indemnités forfaitaires de déplacement IFD sur les 4 auxquelles elle avait droit, et qu'elle a omis de facturer une injection d'insuline prescrite le midi pour Mme [G], c'est à dire depuis trois ans à compter de la notification de l'indu, l'appelante sollicite le paiement de la somme totale de 3 051 euros (1350 euros + 1 701 euros).
La caisse lui oppose l'irrecevabilité de cette demande en l'absence de saisine préalable de la commission de recours amiable.
Réponse de la cour:
Les premiers juges ont rejeté cette demande sans motiver leur décision à cet égard.
Par applications cumulées des articles
R.142-1 et
R.142-6 du code de la sécurité sociale un recours préalable doit, avant saisine judiciaire, être formé devant la commission de recours amiable de l'organisme social dans le délai de deux mois de sa décision.
L'appelante n'ayant pas avant la saisine judiciaire, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, facturé les déplacements ou les actes dont elle sollicite paiement, ni saisi la commission de recours amiable de demandes y afférentes, elle doit par réformation du jugement entrepris à cet égard être déclarée irrecevable en cette prétention.
4- sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive:
Exposé des moyens des parties:
Arguant du caractère injustifié de l'indu notifié et de l'absence de décision de la commission de recours amiable, l'appelante allègue un préjudice moral.
L'intimée ne répond à cette prétention.
Réponse de la cour:
L'indu notifié étant jugé justifié, il s'ensuit que l'appelante ne peut alléguer utilement un quelconque préjudice imputable à la caisse, alors que le non-respect les dispositions de la nomenclature générale des actes professionnels en est la cause.
Le jugement entrepris qui l'a déboutée de cette prétention doit être confirmé de ce chef.
5- sur les délais de paiement:
Exposé des moyens des parties:
Alléguant avoir interrompu son activité professionnelle le 9 septembre 2021 pour incapacité au travail, puis son placement en invalidité à compter de janvier 2023, l'appelante sollicite sur le fondement des dispositions de l'article
1343-5 du code civil les plus larges délais de paiement.
L'intimée ne répond à cette prétention.
Réponse de la cour:
L'article
1343-5 alinéa 1 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
L'appelante justifie par le tableau récapitulatif des prestations invalidité décès versées par la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes sur la période du 23 janvier 2023 au 29 septembre 2023, percevoir depuis le 29 avril 2023 une rente totale nette mensuelle de 1 493.92 euros, et avoir bénéficié du 01/01/2023 au 28/04/2023 d'indemnités journalières.
Eu égard à sa situation, il y a lieu de lui accorder la possibilité de s'acquitter du montant de sa dette en 23 mensualités de 203 euros, le solde devant être versé lors de la 24ème, ces versements devant intervenir au plus tard, et sauf meilleur accord des parties, le 5 de chaque mois, et pour la première fois le 5 janvier 2024, étant précisé que le non-respect de cet échéancier rendra le solde restant dû immédiatement exigible.
Succombant en son appel, Mme [B] [N] doit être condamnée aux dépens et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
Compte tenu de la disparité de situation, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Var les frais qu'elle a été amenée à exposer sur sa défense.
PAR CES MOTIFS
,
- Dit l'appel recevable,
- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [B] [N] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Var la somme de 4 852.23 euros au titre de l'indu de facturation et l'a déboutée de sa demande en dommages et intérêts,
- Le réforme pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,
- Dit Mme [B] [N] irrecevable en sa demande en paiement de la somme de 3 051 euros,
- Dit que Mme [B] [N] pourra s'acquitter du paiement de la somme de 4 852.23 euros en 23 mensualités de 203 euros, le solde devant être versé lors de la 24ème, ces versements devant intervenir au plus tard, et sauf meilleur accord des parties, le 5 de chaque mois, et pour la première fois le 5 janvier 2024,
- Dit que le non-respect de cet échéancier rendra le solde restant dû immédiatement exigible,
- Dit n'y avoir lieu à application au bénéfice de quiconque des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile,
- Condamne Mme [B] [N] aux entiers dépens.
Le Greffier Le Président