Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Douai 28 septembre 2007
Cour de cassation 19 février 2009

Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 19 février 2009, 07-21042

Mots clés société · maladie · professionnel · reconnaissance · tableau · caisse · sécurité sociale · sécurité Sociale · produits · prise · employeur · médicaux · examen · caractère · expertise judiciaire

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 07-21042
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Douai, 28 septembre 2007
Président : M. Gillet (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Peignot et Garreau

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Douai 28 septembre 2007
Cour de cassation 19 février 2009

Texte

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis, tels que reproduits en annexe :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 septembre 2007), que la caisse primaire d'assurance maladie de Valenciennes a décidé de prendre en charge au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles l'affection déclarée par M. X..., salarié de la société Eternit de 1971 à 2003 ; qu'il a saisi la juridiction de sécurité sociale d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de son employeur ; qu'une cour d'appel a accueilli cette demande ;

Attendu que la société Eternit fait grief à l'arrêt de dire que la décision de prise en charge de la maladie de son salarié par la caisse lui est opposable et que la caisse pourra poursuivre auprès d'elle le recouvrement des sommes dont elle aurait fait l'avance, de fixer au maximum la majoration de la rente, et d'avoir rejeté sa demande tendant à la désignation d'un médecin expert chargé de prendre connaissance du dossier médical du salarié et de déterminer la nature exacte de la maladie déclarée par lui ;

Mais attendu que la teneur de l'examen tomodensitométrique mentionné au tableau n° 30 B des maladies professionnelles, qui constitue un élément du diagnostic, n'a pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale et dont l'employeur peut demander la communication, que la production de cette pièce médicale ne peut être exigée que dans le cadre d'une expertise ;

Et attendu qu'ayant relevé que la caisse et le salarié produisaient notamment le certificat médical initial faisant état de signes cliniques et tomodensitométriques de l'existence d'une maladie professionnelle figurant au tableau 30 B et le compte-rendu du scanner thoracique, la cour d'appel, appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve produits devant elle et soumis à la discussion contradictoire des parties, a estimé qu'une expertise judiciaire n'était nécessaire ni pour rechercher l'existence de la maladie invoquée, suffisamment démontrée par les documents médicaux produits aux débats, ni pour en établir le caractère professionnel ;

Qu'elle en a exactement déduit, sans encourir aucun des griefs du moyen que, la caisse ayant respecté les obligations pesant sur elle en ce qui concerne l'instruction de la demande de reconnaissance de la maladie, et la preuve du caractère professionnel de cette affection étant rapportée, la décision de prise en charge par la caisse était opposable à la société Eternit, et que celle-ci devait rembourser à la caisse les sommes avancées par cette dernière ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Eternit aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eternit ; la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Valenciennes la somme de 200 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt

Moyens produits par la SCP CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat aux Conseils pour la société Eternit


PREMIER MOYEN DE CASSATION

(Régularité de la procédure d'instruction)

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la décision par laquelle la CPAM de VALENCIENNES a reconnu le caractère professionnel de la maladie est opposable à la société ETERNIT et d'avoir dit que la Caisse pourrait poursuivre le recouvrement des sommes dont elle aura fait l'avance auprès de la société ETERNIT ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle : en application de l'article R. 441-13 du même Code, le dossier constitué par la Caisse Primaire doit comprendre :
1. la déclaration d'accident et l'attestation de salaire ;
2. les divers certificats médicaux ;
3. les constats faits par la Caisse Primaire ;
4. les informations parvenues à la Caisse de chacune des parties ;
5. les éléments communiqués par la Caisse Régionale ;
6. éventuellement, le rapport de l'expert technique ;
qu'il résulte par ailleurs de l'article R. 441-11 du Code de la Sécurité Sociale que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision ; par courrier recommandé daté du 12 avril 2005, reçu le 14 avril 2005, la CPAM DE VALENCIENNES a adressé à la SA ETERNIT la copie des pièces constitutives du dossier et l'a informée qu'elle rendrait sa décision sur le caractère professionnel de la maladie le 22 avril 2005, date à laquelle elle a effectivement rendu sa décision reconnaissant le caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur Albert X... ; la SA ETERNIT a donc bénéficié d'un délai suffisant pour faire valoir ses observations éventuelles ; parmi les pièces du dossier figure l'avis du médecin-conseil contenu dans un document intitulé « fiche médico-administrative », fiche mentionnant une date de 1ère édition du 5 avril 2005, dans laquelle il est indiqué : « reconnaissance d'une maladie professionnelle inscrite dans un tableau – n° de maladie professionnelle : 030ABJ920 – date d'effet de la décision : 14 janvier 2005- date de signature : 1er avril 2005 – nom du signataire : DR B...
Y... » ; il ressort suffisamment de ce document que le médecin-conseil signataire a donné son avis sur l'existence de la maladie et sur la reconnaissance de son caractère professionnel, maladie relevant selon ce médecin du Tableau n° 30 des maladies professionnelles ; la SA ETERNIT n'allègue pas que la CPAM DE VALENCIENNES aurait pris sa décision au vu d'autres documents médicaux, notamment des clichés radiologiques et / ou des examens tomodensitométriques qui ne lui auraient pas été communiqués ; de plus, la SA ETERNIT n'a jamais émis aucune réserve spécifique, en cours d'instruction de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle, ni même à la fin de cette instruction, sur l'existence de ces clichés radiologiques et / ou de ces examens tomodensitométriques ; il lui appartenait, si elle estimait que ces documents médicaux étaient indispensables pour établir l'existence de la maladie professionnelle, d'en demander à ce moment la production auprès de la CPAM DE VALENCIENNES, ce qui aurait permis à cette dernière, au besoin, soit d'inviter Monsieur Albert X... à compléter son dossier médical, soit de mettre en oeuvre une expertise technique concernant l'existence et la nature de la maladie en application de l'article D. 461-20 du Code de la Sécurité Sociale ; en toute hypothèse, l'existence de la maladie est suffisamment établie en l'espèce par les documents médicaux produits aux débats par la CPAM DE VALENCIENNES et Monsieur Albert X..., notamment le compte rendu du scanner thoracique du Docteur Z... daté du 30 décembre 2004 et le certificat de déclaration de maladie professionnelle daté du 14 janvier 2005 établi par le Docteur A..., médecin pneumo-phtisiologue, qui indique que Monsieur X... « présente des signes scannographiques en faveur d'une asbestose sous forme d'épaississements pleuraux hyalins dont certains sont calcifiés », si bien qu'une expertise judiciaire est parfaitement inutile pour établir cette existence ; une expertise judiciaire pour établir l'origine professionnelle de la maladie est tout autant inutile, dès lors que l'établissement dans lequel Monsieur Albert X... a travaillé figure dans la liste des établissements ayant fabriqué des matériaux contenant de l'amiante susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation d'anticipée d'activité annexée à l'arrêté interministériel du 29 mars 1999 ; la CPAM DE VALENCIENNES a donc respecté les obligations légales pesant sur elle en ce qui concerne le caractère contradictoire de l'instruction de la demande de reconnaissance de la maladie déclarée par Monsieur Albert X... ; par conséquent, il y a lieu de dire la reconnaissance de maladie professionnelle opposable à la SA ETERNIT et, par suite, de condamner la SA ETERNIT à rembourser à la CPAM DE VALENCIENNES les sommes dont cette dernière est tenue de faire l'avance à Monsieur Albert X... du fait de la reconnaissance de la faute inexcusable commise par la SA ETERNIT : le jugement frappé d'appel sera donc infirmé sur ce point » ;

ALORS, D'UNE PART, QU'il incombe à la CPAM, organisme de service public chargé de se prononcer sur le caractère professionnel d'une maladie, de vérifier que l'ensemble des conditions prévues par le Tableau des Maladies professionnelles en cause sont remplies ; que lorsqu'un Tableau prévoit des examens spécifiques dans la colonne « désignation des maladies », ces examens constituent une condition nécessaire à la prise en charge sans que l'employeur soit tenu de rappeler à la CPAM qu'elle doit s'assurer de l'existence et de la pertinence de cet examen qui doit figurer au dossier ; que viole dès lors le Tableau n° 30 B, les articles L. 461-1, R. 441-11 et R. 441-13 du Code de la sécurité sociale, la Cour d'appel qui déboute la société ETERNIT de sa demande d'inopposabilité de la décision de la CPAM de prendre en charge une maladie au titre du tableau n° 30 B en énonçant que l'employeur n'établirait pas que la Caisse avait pris sa décision au regard de clichés tomodensitométriques pourtant expressément exigés par ce Tableau ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE lorsqu'un texte du Tableau des maladies professionnelles subordonne la prise en charge à un examen médical particulier, le principe du contradictoire impose que l'employeur puisse pour discuter effectivement les conditions de la prise en charge, avoir accès à ce document préalablement à toute décision concernant la prise en charge ; que viole le Tableau n° 30 B, les articles L. 461-1 et R. 441-11 du Code de la sécurité sociale l'arrêt qui déboute la société exposante de sa demande d'inopposabilité d'une décision de prise en charge de prétendues plaques pleurales au motif inopérant que l'employeur ne démontrerait pas que la Caisse, elle-même, a pris sa décision au regard de l'examen tomodensitométrique rendu obligatoire par ledit Tableau ;

SECOND MOYEN DE CASSATION, SUBSIDIAIRE
(Sur la possibilité pour l'employeur de discuter effectivement du caractère professionnel de l'affection déclarée par le salarié devant la juridiction de sécurité sociale)

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé au maximum la rente ou l'indemnisation en capital, d'avoir dit que la décision par laquelle la CPAM de VALENCIENNES a reconnu le caractère professionnel de la maladie est opposable à la société ETERNIT, d'avoir dit que la Caisse pourrait poursuivre le recouvrement des sommes dont elle aura fait l'avance auprès de la société ETERNIT et d'avoir rejeté la demande de la société ETERNIT tendant à la désignation d'un médecin expert chargé de prendre connaissance du dossier médical du salarié et de déterminer la nature exacte de la maladie déclarée par le salarié ;

AUX MOTIFS QUE « en toute hypothèse, l'existence de la maladie est suffisamment établie en l'espèce par les documents médicaux produits aux débats par la CPAM DE VALENCIENNES et Monsieur Albert X..., notamment le compte rendu du scanner thoracique du Docteur Z... daté du 30 décembre 2004 et le certificat de déclaration de maladie professionnelle daté du 14 janvier 2005 établi par le Docteur A..., médecin pneumo-phtisiologue, qui indique que Monsieur X... « présente des signes scannographiques en faveur d'une asbestose sous forme d'épaississements pleuraux hyalins dont certains sont calcifiés », si bien qu'une expertise judiciaire est parfaitement inutile pour établir cette existence » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE lorsqu'un texte du Tableau des maladies professionnelles subordonne la prise en charge à un examen médical particulier, le principe du contradictoire impose que l'employeur puisse discuter effectivement les conditions de la prise en charge et avoir accès à ce document lorsqu'il conteste le caractère professionnel de la maladie devant la juridiction de sécurité sociale ; que viole le Tableau n° 30 B, les articles L. 461-1 du Code de la sécurité sociale et l'article 16 du Code de procédure civile, l'arrêt qui déboute la société exposante de sa demande d'inopposabilité d'une décision de prise en charge de prétendues plaques pleurales au motif inopérant que l'employeur ne démontrerait pas que la Caisse, elle-même, a pris sa décision au regard de l'examen tomodensitométrique prévu par ledit Tableau ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en admettant que les examens tomodensitométriques imposés par le Tableau n° 30 B n'aient pas à figurer dans le dossier que l'employeur peut obtenir dans le cadre de la procédure d'instruction spécifique conduite par la CPAM, l'employeur demeure en droit de contester par la suite la prise en charge devant les juridictions de Sécurité Sociale, notamment lorsqu'il est actionné en faute inexcusable ; et qu'il ne saurait, dans le cadre de ce débat judiciaire être privé d'un accès direct aux documents litigieux ; qu'en décidant cependant, en l'absence de production des examens tomodensitométriques que la décision de prise en charge des plaques pleurales serait déclarée « opposable » à la Société ETERNIT, et que son adversaire était fondé dans sa prétention de faire reconnaître une faute inexcusable, la Cour d'Appel a privé l'employeur de toute possibilité de contester utilement la nature et le caractère professionnel de l'affection invoquée, en violation des articles 16 et 30 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que, de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l'examen tomodensitométrique imposé par le Tableau n° 30 B po ur la prise en charge des plaques pleurales est nécessaire à l'ouverture de toute discussion médicale sur la nature et l'origine de cette affection ; qu'en refusant d'ordonner la production de cette pièce et / ou une expertise de nature à donner une interprétation objective des clichés, l'arrêt qui se contente de viser un simple « compte rendu » de l'examen établi unilatéralement par le médecin de la victime et qui se détermine ainsi par des motifs entièrement inopérants, prive sa décision de base légale au regard tant des articles L. 461-1, L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale que des articles 16 du Nouveau Code de Procédure Civile et 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

ALORS, ENFIN QUE la reconnaissance d'une maladie professionnelle et accessoirement d'une faute inexcusable qui en serait à l'origine emporte directement pour l'employeur l'obligation de régler à la Sécurité Sociale des cotisations, des majorations de rente et les indemnités prévues par l'article D. 242-6. 3, L. 452-2 et L. 252-3 du Code de la Sécurité Sociale et constitue, de ce fait, un titre de créance dont l'entreprise débitrice doit être à même de contester effectivement la cause, de sorte que viole également l'article 1er du protocole additionnel de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, la Cour d'Appel qui ne permet pas à l'entreprise défenderesse de vérifier si les conditions de prise en charge des plaques pleurales invoquées par la CPAM ont été strictement appliquées en conformité avec le Tableau des maladies professionnelles correspondant à cette affection.