Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Paris 04 septembre 2008
Cour de cassation 20 octobre 2009

Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2009, 08-44660

Mots clés discrimination · société · embauche · preuve · contrat · employeur · report · licenciement · travail · clause de non concurrence · grossesse · maternité · prud'hommes · retard · nullité

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 08-44660
Dispositif : Cassation partielle
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 04 septembre 2008
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris 04 septembre 2008
Cour de cassation 20 octobre 2009

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... engagée, alors qu'elle était en état de grossesse, par la société At Kearney (la société) en qualité de "senior manager" a été licenciée pour faute grave le 12 mai 2004 ;

Sur le deuxième moyen

:

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de diverses sommes à titre de salaire, de congés payés, de "bonus" contractuel, de véhicule de fonction et de prorata de la participation, alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ; que l'employeur est tenu d'une obligation de bonne foi dans la mise en oeuvre d'une proposition d'embauche ; qu'il engage sa responsabilité lorsqu'il met en oeuvre de façon tardive une proposition d'embauche sans justifier d'une cause étrangère l'ayant empêché dans un délai raisonnable ; que, par l'offre d'embauche du 18 juillet 2001, la société At Kearney a invité Mme X... à la rejoindre en qualité de manager et a précisé qu'il était convenu que la salariée débuterait ses fonctions "dès que possible" avec la mention "date à confirmer par vos soins" ; qu'en l'état de la demande de la salariée qui tendait à la réparation de son préjudice résultant du retard de plus de huit mois dans la mise en oeuvre de l'embauche, la cour d'appel qui lui a reproché de ne pas démontrer que l'employeur avait de manière fautive reporté la date de l'embauche en présumant en quelque sorte comme non fautif le retard dans la prise des fonctions, là où il appartenait à l'employeur de justifier des raisons de ce retard par une cause étrangère, la cour d'appel a violé, par refus d'application, ensemble les articles 1147, 1135, 1134, alinéa 3, du code civil, et L. 1222-1 (anciennement L. 120-4) du code du travail ;

2°/ qu'en toute hypothèse, toute personne, qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte, présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence ; qu'au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que Mme X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que le retard dans son embauche constituait une disparité de traitement dans la mesure où elle bénéficiait d'un contrat de travail ferme et définitif qui aurait dû lui permettre d'intégrer la société At Kearney à partir du 1er septembre 2001 comme les quinze autres personnes qui ont intégré l'entreprise à cette date ; qu'elle avait fait valoir dans ces mêmes écritures que cette disparité de traitement ayant pour origine sa grossesse avait un caractère discriminatoire ; qu'en l'état de ces écritures, et compte tenu de la réalité de ce retard dans la mise en oeuvre de l'embauche qui résulte du rapprochement entre la date de l'offre de l'embauche (18 juillet 2001) avec celle de la prise des fonctions (13 mai 2002), la cour d'appel devait exiger de l'employeur qu'il prouve que le report de l'embauche était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en exigeant de la salariée qu'elle apporte la preuve du report fautif de l'embauche par l'employeur, la cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de la preuve de la discrimination, violant ainsi par refus d'application l'article L. 1134-1 (anciennement L. 122-45, alinéa 4) du code du travail ;

3°/ que Mme X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que, par fax du 13 août 2001, elle avait écrit à la société At Kearney qu'elle était "très heureuse d'être en mesure de rejoindre (cette société)" ; qu'elle avait produit aux débats ce fax ainsi qu'un autre fax du même jour, rédigé dans les mêmes termes, par lesquels elle annonçait au futur employeur que la clause de non concurrence était levée et qu'en conséquence, elle était disponible pour le rejoindre ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'enfin, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1225-1 et L. 1225-2 du code du travail, l'employeur communique au juge tous les éléments de nature à justifier sa décision ; que, lorsqu'un doute subsiste, il profite à la salariée enceinte ; qu'en reprochant à Mme X... de lui demander "en vain" de constater que la société At Kearney indiquait ne pas être en possession de la lettre d'accompagnement à son acceptation de la proposition d'embauche, indiquant qu'elle se tenait à la disposition de celle-ci aussitôt sa clause de non concurrence levée, et en considérant que la salariée n'apportait pas la preuve du caractère fautif du report de l'embauche par l'employeur, la cour d'appel, qui devait déduire de l'absence de production par l'employeur de la lettre d'accompagnement qu'il existait un doute profitant à la salariée quant à l'origine du retard de l'embauche, a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article L. 1225-3 (anciennement L. 122-25, alinéas 3 et 4) du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé, par des motifs propres et adoptés, que la promesse d'embauche ne prévoyait aucune date de prise de fonctions et que cette date avait ensuite été fixée d'un commun accord à la fin du congé de maternité de la salariée, de sorte qu'il n'était pas établi que sa prise de fonctions avait été reportée par l'employeur, a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que cette dernière ne présentait aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais

sur le premier moyen

, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 1232-1 et L. 1332-4 du code du travail ;

Attendu que pour débouter Mme X... de sa demande en nullité du licenciement et de réintégration, la cour d'appel a relevé qu'en dépit de l'envoi de deux courriers électroniques, faits prescrits, et de l'exercice d'une action en justice tendant au paiement d'une indemnisation pour discrimination qui ne pouvait constituer un motif licite de licenciement, l'attitude de défiance de la salariée vis à vis de la société était caractérisée par ces faits et dépassait les limites du droit d'expression ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle ne pouvait se fonder sur deux faits prescrits associés à un troisième dont elle reconnaissait elle-même qu'il n'est pas fautif pour retenir que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

Et

sur le troisième moyen

, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 1134-1 du code du travail ;

Attendu, selon ce texte, que la salariée, qui se prétend victime d'une discrimination fondée sur son état de grossesse, doit présenter des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toutes discriminations ;

Attendu que rejeter les demandes de Mme X... en paiement de rappels de salaires et d'indemnités provisionnelles pour discrimination dans sa carrière fondée sur son état de grossesse, la cour d'appel a retenu que la salariée n'établissait pas la discrimination alléguée tant à l'embauche que dans les tâches confiées non conformes à la qualification acquise et non susceptibles d'évaluation, et dans l'absence d'augmentation de salaire entre l'embauche et le licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée apportait des éléments faisant présumer l'existence d'un telle discrimination dans le déroulement de sa carrière, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches des premier et troisième moyens :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de la salariée portant sur une somme provisionnelle de 100 000 euros de rappel de salaires jusqu'à sa réintégration et de dommages-intérêts provisionnels de 30 000 euros pour discrimination de carrière et 30 000 euros en réparation du préjudice de santé jusqu'à ce qu'un expert soit désigné aux fins de reconstitution de carrière, l'arrêt rendu le 4 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société At Kearney aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société At kearney à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X...


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame X... (salariée) de sa demande tendant à ce que soit déclaré nul le licenciement prononcé à son encontre par la société AT KEARNEY (employeur), et à ce que, par voie de conséquence, celle-ci soit condamnée à lui verser la somme provisionnelle de 1000000 euros à titre de rappel de salaire jusqu'à la date de sa réintégration ;

AUX MOTIFS QUE, après une proposition d'embauche litigieuse du 18 juillet 2001, Madame X... a été embauchée à la date contestée du 13 mai 2002, date de sa prise effective de fonctions, au terme de son premier congé de maternité en qualité de senior manager par la société AT KEARNEY exerçant l'activité de conseil en stratégie et organisation ; qu'après un deuxième congé de maternité, ayant suivi des arrêts de travail pour maladie, Madame X... a saisi le Conseil de prud'hommes le 28 avril 2004 de demandes tendant à la condamnation de l'employeur pour discrimination à l'embauche, fondée sur sa grossesse ; qu'elle a été licenciée pour faute grave le 12 mai 2004 ; que Madame X... qui reproche à l'employeur d'avoir différé son embauche entre le 1er septembre 2001 et le 13 mai 2002 en raison de son état de grossesse doit être considérée comme ayant été embauchée le 13 mai 2002 sans que son embauche ait été l'occasion de la discrimination alléguée ; que ce report de date d'embauche allégué ne peut être interprété comme un refus d'embauche ni comme un report fautif d'entrée en fonction fondée sur l'état de la grossesse de la salariée ; qu'aucun élément probant ne permet d'établir que l'entreprise a effectivement différé sa prise de fonction dès lors qu'aucune date ferme d'entrée en fonction n'avait été fixée et que la salariée ne prouve pas avoir indiqué à l'employeur qu'elle se tenait à sa disposition aussitôt après la levée de la clause de non concurrence ; que la lettre de licenciement du 12 mai 2004 est rédigée en ces termes :"Les conditions d'un éventuel départ ont simplement été évoquées mais vous indiquez vous-même que c'est à votre demande qu'il vous a été remis un "draft (projet) sans valeur juridique" de protocole d'accord. Les discussions n'ayant pas abouti aucune procédure de licenciement n'a été engagée comme nous vous l'avons rappelé dans notre lettre du 12 février 2004. Vous avez finalement décidé de faire citer notre société devant le Conseil de prud'hommes de Paris pour discrimination à l'embauche, soit deux ans après celle-ci, en vous appuyant de façon fallacieuse sur les articles L.123-1 et L. 122-5 du Code du travail qui ne visent qu'un refus d'embauche totalement hors sujet alors que vous reconnaissez avoir formellement accepté de reporter votre entrée dans la société à la fin de votre grossesse. Ces faits précis et matériellement vérifiables démontrent que vous mettez systématiquement tout en oeuvre pour échapper à vos obligations contractuelles et essayer, en outre, d'obtenir des réparations financières de dommages inexistants. Cette attitude délibérée de défiance, d'insubordination et de harcèlement vis à vis de notre société est constitutive d'une faute grave" ; qu'il ressort de ce courrier que l'employeur a invoqué comme motif de licenciement "une attitude générale de défiance, d'insubordination et de harcèlement vis à vis de la société, constitutive de faute grave", en caractérisant ce grief par plusieurs faits visés par cette lettre, datant de mai 2002 et février 2004 et par la saisine du Conseil de prud'hommes ; que les deux premiers griefs à savoir les deux courriels des 28 mai 2002 et 11 février 2004 étaient prescrits à la date de l'engagement de la procédure de licenciement ; que, si ces deux faits sont prescrits et si la saisine du Conseil de prud'hommes dans le cadre d'une demande d'indemnité pour discrimination à l'embauche ne saurait constituer un motif de licenciement licite, la succession des faits visés, les contestations et revendications de la salariée qu'ils traduisent, alors qu'elle ne rapporte pour aucune de celles-ci la preuve du bien fondé de ses revendications et de ses accusations de discrimination qu'elle allègue, caractérisent une attitude de défiance vis à vis de l'employeur, dépassant par leur répétition les limites de son droit d'expression, et rendaient impossible la poursuite des relations de travail entre les parties, donnant une cause réelle et sérieuse à son licenciement ; que l'employeur ne rapporte pas la preuve que ce comportement fautif de la salariée, caractérisé par des réclamations injustifiées, rendait nécessaire la rupture immédiate de son contrat de travail, alors que l'intéressée n'a pas fait l'objet de remarques défavorables sur la qualité de son travail ; qu'en l'absence de faute grave, Madame X... a droit à une indemnité de préavis ;

ALORS QUE, si l'article L1332-4 (anciennement L 122-44) du Code du travail ne s'oppose pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois lorsque le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai, c'est à la condition que ce dernier comportement revêt un caractère fautif ; que la Cour d'appel, ayant relevé que la lettre de licenciement comprenait deux griefs qui étaient prescrits et que le troisième grief consistait dans l'engagement par l'exposante d'une action en justice fondée sur une discrimination à l'embauche en raison de son état de grossesse, ce dont il résultait qu'il n'était pas fautif en application de l'article L1134-4 (anciennement L 122-45-2), devait en déduire que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, et par conséquent entaché de nullité en application de cette dernière disposition ; qu'en relevant que la succession des faits visés par les trois griefs, et les contestations et revendications de la salariée qu'ils traduisaient, caractérisaient une attitude de défiance de la salariée vis à vis de l'employeur donnant une cause réelle et sérieuse à son licenciement, et en écartant par ce motif la nullité du licenciement, la Cour d'appel, qui a pris en considération des faits prescrits alors que le fait commis pendant le délai de deux mois n'était pas fautif, a violé, par fausse application, l'article L1332-4 (anciennement L 122-44) du Code du travail ;

ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la liberté d'expression dont jouit le salarié dans l'entreprise ne peut se voir apporter de restrictions autres que celles qui sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; que ne caractérise aucun abus de la liberté d'expression d'une salariée l'envoi à l'employeur de deux courriels reprochant à celui-ci, pour l'un, le non-respect de ses contraintes personnelles dans l'organisation de ses déplacements, et pour l'autre, des agissements de harcèlement, quand leur contenu ne présentait aucun propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, et que le travail du salarié n'avait donné lieu à aucun reproche, peu important que ces courriels auxquels a succédé l'engagement d'une procédure prud'homale pour discrimination fondée sur l'état de grossesse de la salariée traduisent une défiance de celle-ci et que ses propos aient été tenus gratuitement ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L1134-4 (anciennement L 122-45-2) du Code du travail, ensemble l'article L1121-1 (anciennement L 120-2) du même Code ;

ALORS, SUBSIDIAIREMENT, D'UNE PART, QU'est nul le licenciement constituant une atteinte à une liberté fondamentale, sans que le juge n'ait à rechercher si le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ; que constitue une liberté fondamentale au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales l'exercice par une salariée d'une action en justice tendant à faire reconnaître une discrimination à l'embauche fondée sur son état de grossesse ; que l'article 14 de cette Convention écartant toute discrimination dans la mise en oeuvre de cette liberté exclut que la sanction du non-respect de cette liberté fondamentale par la nullité du licenciement prononcé en raison de cette action en justice soit soumis à la condition que la cause du licenciement soit réelle et sérieuse ; qu'en refusant de déclarer le licenciement nul au motif inopérant que celui-ci repose sur une cause réelle et sérieuse, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 6-1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, par fausse application, l'article L1134-4 (anciennement L 122-45-2) du Code du travail ;

ET ALORS, SUBSIDIAIREMENT D'AUTRE PART, QU'est nul le licenciement constituant une atteinte à une liberté fondamentale, sans que le juge n'ait à rechercher si le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ; que la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 prévoit, en son article 8, que toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi ;
que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 protège, sans condition, le droit d'agir en justice comme liberté fondamentale en ses articles 2 et 14 ; qu'il en résulte que le licenciement ayant pour origine une action en justice exercée en raison d'une discrimination à l'embauche est nul nonobstant l'existence de cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions des articles 8 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, 2 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, et, par fausse application, l'article L1134-4 (anciennement L 122-45-2) du Code du travail.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION


Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Madame X... (salariée) de sa demande tendant à ce que la société AT KEARNEY (employeur) soit condamnée à lui verser les sommes de 81434 euros à titre de rappels de salaires, 8143 euros à titre de congés payés afférents, 8143 euros à titre de congés payés, 24430 euros à titre de bonus contractuel, 4637 euros à titre de véhicule de fonction et 7197 euros à titre de prorata de participation ;

AUX MOTIFS QUE Madame X... qui invoque un retard d'entrée en fonction imposé entre le 1er septembre 2001 et le 13 mai 2002, demande à la Cour d'appel de constater que, rapportant la preuve qu'elle avait accepté l'offre de recrutement émise par la société AT KEARNEY, elle bénéficiait d'un contrat de travail ferme et définitif qui aurait dû lui permettre d'intégrer la société AT KEARNEY à partir du 1er septembre 2001 comme les 15 autres personnes qui ont intégré l'entreprise à cette date : de constater en outre qu'elle a été cependant empêchée d'accéder à son poste de travail durant neuf mois en raison de son état de grossesse et qu'en conséquence cet empêchement était discriminatoire et donc nul ; qu'après une proposition d'embauche litigieuse du 18 juillet 2001, Madame X... a été embauchée à la date contestée du 13 mai 2002, date de sa prise effective de fonctions, au terme de son premier congé de maternité en qualité de senior manager par la société AT KEARNEY exerçant l'activité de conseil en stratégie et organisation ; qu'après un deuxième congé de maternité, ayant suivi des arrêts de travail pour maladie, Madame X... a saisi le Conseil de prud'hommes le 28 avril 2004 de demandes tendant à la condamnation de l'employeur pour discrimination à l'embauche, fondée sur sa grossesse ; qu'elle a été licenciée pour faute grave le 12 mai 2004 ; que la salariée impute à l'employeur un report d'une date d'embauche qu'elle prétend avoir été fixée initialement par son contrat de travail, donc par accord entre les parties, à la date la plus proche de celle à laquelle la clause de non concurrence la liant à son précédent employeur était levée, soit à la date du 1er septembre 2001 dans la mesure où cette levée est intervenue le 13 août 2001 ; que ce report allégué ne saurait être interprété comme un refus d'embauche alors qu'il n'est pas contesté que l'embauche de la salariée aux fonctions de "senior manager", prévues par l'offre d'embauche que lui avait faite la société AT KEARNEY, est intervenue effectivement le 13 mai 2002 ; que dès lors que Madame X... prétend que la société AT KEARNEY a reporté de façon fautive son entrée en fonction au motif illicite de sa grossesse, et invoque une discrimination à l'embauche, il lui revient de communiquer tous éléments de fait établissant l'existence d'une telle discrimination ; qu'aucun élément probant ne permet d'établir que l'entreprise a effectivement différé la prise de fonction de l'intéressée ; qu'aucune date ferme de prise d'effet du contrat de travail et donc d'entrée en fonction, n'avait été fixée par les parties, que ce soit dans le contrat de travail lui-même ou dans tout autre document probant ; que c'est en vain que Madame X... demande à la Cour de constater que la société AT KEARNEY indique ne pas être en possession de la lettre d'accompagnement que la salariée dit avoir remise en même temps que l'acceptation de ce contrat de travail, alors qu'aucun élément probant ne corrobore l'affirmation de la salariée sur l'existence de ce document qu'elle qualifie au demeurant, soit de "lettre d'accompagnement", soit de simple "mot manuscrit" qu'elle prétend dès lors sans preuve avoir remis à l'assistante de la DRH de l'entreprise, pour indiquer qu'elle se tenait à la disposition de celle-ci aussitôt sa clause de non concurrence levée ; que cette précision n'a pas été confirmée par l'intéressée par un quelconque courrier adressé à la société AT KEARNEY à cette date ; qu'en l'absence de preuve contraire, Madame X... doit être considérée comme ayant été embauchée le 13 mai 2002 sans que son embauche ait été l'occasion de la discrimination alléguée ;

ALORS QUE les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ; que l'employeur est tenu d'une obligation de bonne foi dans la mise en oeuvre d'une proposition d'embauche ; qu'il engage sa responsabilité lorsqu'il met en oeuvre de façon tardive une proposition d'embauche sans justifier d'une cause étrangère l'ayant empêché dans un délai raisonnable ; que, par l'offre d'embauche du 18 juillet 2001, la société AT KEARNEY a invité Madame X... à la rejoindre en qualité de manager et a précisé qu'il était convenu que la salariée débuterait ses fonctions "dès que possible" avec la mention "date à confirmer par vos soins" ; qu'en l'état de la demande de la salariée qui tendait à la réparation de son préjudice résultant du retard de plus de huit mois dans la mise en oeuvre de l'embauche, la Cour d'appel qui lui a reproché de ne pas démontrer que l'employeur avait de manière fautive reporté la date de l'embauche en présumant en quelque sorte comme non fautif le retard dans la prise des fonctions, là où il appartenait à l'employeur de justifier des raisons de ce retard par une cause étrangère, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, ensemble les articles 1147, 1135, 1134 alinéa 3 du Code civil, et L 1222-1 (anciennement L 120-4) du Code du travail ;

ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence ; qu'au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que Madame X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que le retard dans son embauche constituait une disparité de traitement dans la mesure où elle bénéficiait d'un contrat de travail ferme et définitif qui aurait dû lui permettre d'intégrer la société AT KEARNEY à partir du 1er septembre 2001 comme les 15 autres personnes qui ont été intégré l'entreprise à cette date ; qu'elle avait fait valoir dans ces mêmes écritures que cette disparité de traitement ayant pour origine sa grossesse avait un caractère discriminatoire ; qu'en l'état de ces écritures, et compte tenu de la réalité de ce retard dans la mise en oeuvre de l'embauche qui résulte du rapprochement entre la date de l'offre de l'embauche (18 juillet 2001) avec celle de la prise des fonctions (13 mai 2002), la Cour d'appel devait exiger de l'employeur qu'il prouve que le report de l'embauche était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en exigeant de la salariée qu'elle apporte la preuve du report fautif de l'embauche par l'employeur, la Cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de la preuve de la discrimination, violant ainsi par refus d'application l'article L 1134-1 (anciennement L 122-45 alinéa 4) du Code du travail ;

ALORS ENCORE QUE Madame X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, que, par fax du 13 août 2001, elle avait écrit à la société AT KEARNEY qu'elle était "très heureuse d'être en mesure de rejoindre (cette société)" ; qu'elle avait produit aux débats ce fax ainsi qu'un autre fax du même jour, rédigé dans les mêmes termes, par lesquels elle annonçait au futur employeur que la clause de non concurrence était levée et qu'en conséquence elle était disponible pour le rejoindre ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ET ALORS ENFIN QUE, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1225-1 et L. 1225-2 du Code du travail, l'employeur communique au juge tous les éléments de nature à justifier sa décision ; que, lorsqu'un doute subsiste, il profite à la salariée enceinte ; qu'en reprochant à Madame X... de lui demander "en vain" de constater que la société KEARNEY indiquait ne pas être en possession de la lettre d'accompagnement à son acceptation de la proposition d'embauche, indiquant qu'elle se tenait à la disposition de celle-ci aussitôt sa clause de non concurrence levée, et en considérant que la salariée n'apportait pas la preuve du caractère fautif du report de l'embauche par l'employeur, la Cour d'appel, qui devait déduire de l'absence de production par l'employeur de la lettre d'accompagnement qu'il existait un doute profitant à la salariée quant à l'origine du retard de l'embauche, a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article L1225-3 (anciennement L 122-25 alinéas 3 et 4) du Code du travail.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION


Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de Madame X... tendant à ce que soit constatée l'existence d'une discrimination de carrière fondée sur son état de grossesse ayant eu pour effet de la maintenir au grade de senior manager au lieu de la faire accéder à celui de principal et ce que par voie de conséquence, la société AT KEARNEY soit condamnée à lui verser des dommages-intérêts provisionnel d'un montant de 30000 euros à titre de discrimination de carrière outre la somme de 30000 euros en réparation du préjudice de santé, et à ce qu'un expert soit désigné aux fins de reconstituer sa carrière ;

AUX MOTIFS QU'il revient à la salariée, dont il n'est pas contesté qu'elle a été engagée, aux termes de son contrat de travail écrit, en qualité de "senior manager", de rapporter la preuve de l'existence d'un engagement de l'employeur à la faire bénéficier d'une promotion au grade supérieur de "principal" ou de l'existence de dispositions conventionnelles prévoyant une telle promotion à compter de l'ancienneté qu'elle avait, compte tenu de la date retenue comme prise d'effet de son contrat de travail, soit le 13 mai 2002 ; qu'une telle preuve n'est pas rapportée en l'espèce ; que le seul fait que des réunions auxquelles elle devait participer aient été annulées, ou encore que les véhicules de fonction qui lui ont été successivement attribués n'étaient pas neufs, et qu'elle ait obtenu un véhicule de marque Audi ou lieu d'une BMW, ne suffisent pas à établir la discrimination alléguée, de même que le fait qu'elle ait changé de bureau ; qu'en effet, il ressort des échanges de courriels que Mme N. X... produit aux débats que les annulations de réunions avaient pour motif des échelles de priorité dont elle ne démontre pas qu'elles étaient inexactes ou discriminatoires à son égard ; que de même, il n'est pas utilement contesté par l'intéressée que la SA AT Kearney avait procédé à cette date à une réorganisation de ses services ; qu'enfin, elle ne communique aucun élément de nature à établir que les véhicules en cause aient été de qualité ou dans un état moindre que ceux attribués à ses collègues de travail, alors qu'elle fait état d'une BMW affectée à un salarié relevant du grade supérieur de «principal» dont elle ne justifie pas avoir pu bénéficier ; que dans ces conditions, alors qu'aucun élément probant n'établit qu'elle ait fait l'objet d'une mise à l'écart, en l'absence de preuve d'agissements discriminatoires de la part de l'employeur envers Mme N. X..., il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes de ce chef ; que de même, aucun élément probant n'est communiqué par Mme N. X... aux débats de nature à étayer ses affirmations selon lesquelles elle aurait subi des «vexations et humiliations» durant l'exécution de son contrat de travail, notamment par les agissements de mise à l'écart qu'elle allègue sans preuve ; qu'elle sera en conséquence déboutée de ses demandes de dommages-intérêts de ce chef, ainsi que du chef des problèmes de santé dont le lien avec l'exécution de son contrat de travail n'est pas démontré en l'espèce ; qu'il n'y a de même pas lieu à la désignation de l'expert, sollicitée par Mme N. X..., sur la question de la reconstitution de carrière à raison d'une embauche antérieure au 13 mai 2002, non reconnue par la présente décision, ni du fait d'agissements discriminatoires, non reconnus par la présente décision ;

ALORS QUE Madame X... avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'elle n'avait pu accéder au grade supérieur de "principal" dès lors qu'elle ne s'était vue confier que des tâches d'exécution non conformes à sa qualification, à l'exclusion de toute mission externe de consultant susceptible de donner lieu à une évaluation à la différence des autres consultants de l'entreprise, qu'en outre, la seule mission qui lui avait été confiée, si elle avait fait l'objet d'une notation élogieuse de la part du vice-président de l'entreprise, n'avait pas été enregistrée dans le système informatique de l'entreprise, de sorte que, là encore, aucune évaluation n'avait été effectuée, contrairement aux règles internes à l'entreprise, et qu'enfin, elle n'avait bénéficié d'aucune augmentation de salaire depuis son embauche jusqu'à son licenciement, ce qui ne pouvait être justifiée par ses absences, toutes dues à sa seconde grossesse ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, susceptibles d'établir une disparité de carrière et une atteinte à la dignité de la salariée que l'employeur devait justifier par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur la grossesse, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ET ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QUE toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence ; qu'au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en reprochant à Madame X... de ne pas démontrer la discrimination de carrière qu'elle invoquait quand il ne lui appartenait pas de prouver la discrimination, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L 1134-1 du Code du travail.