AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois janvier deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller POMETAN, les observations de Me BLONDEL et de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur les pourvois de :
- X... Loïc,
- Y... Stéphane,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 4ème chambre, en date du 3 mars 2005, qui a condamné le premier, à 5 ans d'emprisonnement, pour recel de vol aggravé et infractions à la législation sur les stupéfiants, ainsi qu'à 1 an d'emprisonnement pour prise du nom d'un tiers, le second, à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, pour recel de vol aggravé, chacun à 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur le pourvoi de Loïc X... :
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen
de cassation, pris de la violation des articles
321-1,
321-2 du Code pénal,
591 et
593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Loïc X... coupable de recel de vols aggravés et, en répression, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement et 10 000 euros d'amende, outre à l'interdiction des droits civils, civiques et de famille pendant cinq ans ;
"aux motifs que " Loïc X... a loué au début du mois de décembre 2002 un local situé à Saint-Chamond (Loire) dans lequel ont été retrouvés, le 17 décembre 2002, trois véhicules, en partie démontés, provenant de vols aggravés commis à Andrézieux-Bouthéon (Loire) le 18 septembre 2002 au préjudice de Christian Z... et à Saint-Just-Saint-Rambert (Loire), dans la nuit du 12 au 13 novembre 2002 au préjudice des époux A..., ainsi que de l'outillage dérobé au cours d'un vol aggravé commis à Rive-de-Gier (Loire) dans la nuit du 5 au 6 novembre 2001 au préjudice de la société CMAR et le téléphone mobile de Loïc X... ;
qu'un fourgon, loué à la société Ada par Loïc X... sous le nom de son cousin Stéphane Y... se trouvait devant ce même entrepôt le décembre 2002 et contenait des pièces détachées desdits véhicules ainsi qu'un cahier de comptes appartenant à Loïc X... ;
que, si ce dernier a reconnu qu'il n'ignorait pas l'origine frauduleuse de ces véhicules, il a soutenu que ceux-ci avaient été amenés par deux individus, dont les prénoms diffèrent selon les auditions, à la solde d'un nommé B... résidant au Maroc, sans apporter le moindre élément à l'appui de ses allégations, lesquelles apparaissent, dès lors, dénuées du moindre sérieux et caractérisent sa parfaite mauvaise foi ; que de même, s'agissant de l'outillage découvert, dont il se doutait également de la provenance frauduleuse, il a prétendu, tout aussi vainement, ne pas connaître l'identité de la personne qui le lui avait livré ; qu'au contraire, il ressort de la procédure, notamment des déclarations précises et circonstanciées d'Hassan C... et même de celles d'Abdelkrim D..., que Loïc X..., dont le cahier relatif à ses activités douteuses et le téléphone mobile ont été retrouvés sur les lieux, fréquentait assidûment ce local qu'il avait loué pour entreposer et démonter clandestinement des véhicules automobiles volés, les pièces détachées étant transportées dans des fourgons de location à destination du Maroc ; qu'ainsi, les faits de recel de vols aggravés reprochés à Loïc X... sont parfaitement établis, le prévenu se bornant à en minimiser la portée et la gravité " ;
"alors 1 ) que ni le fait d'avoir tenu un cahier de commande de véhicules, ni le fait qu'un téléphone portable ait été retrouvé dans l'entrepôt, ni le fait enfin que cet entrepôt ait été fréquenté assidûment, ne caractérisent à la charge du prévenu le délit de recel en ses éléments matériel et intentionnel ;
"alors 2 ) que l'élément intentionnel du recel consiste dans la connaissance de l'origine frauduleuse des objets recelés ;
qu'en s'abstenant d'établir que le prévenu aurait eu une connaissance certaine de l'origine prétendument frauduleuse des marchandises entreposées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Sur le deuxième moyen
de cassation, pris de la violation des articles
434-23 du Code pénal,
591 et
593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Loïc X... coupable d'usurpation d'état civil et, en répression, l'a condamné à un an d'emprisonnement, outre à l'interdiction des droits civils, civiques et de famille pendant cinq ans ;
"aux motifs que " Loïc X... a admis avoir pris le nom de son cousin Stéphane Y... pour se faire ouvrir un compte bancaire sous ce nom, pour louer des véhicules sous cette identité et ne conteste pas le délit d'usurpation d'identité qui lui est reproché ; qu'en application de l'article
434-23 du Code pénal, l'identité du tiers doit être usurpée dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer contre celui-ci des poursuites pénales ; qu'en l'espèce, il y a lieu de constater que Loïc X... a loué plusieurs véhicules sous l'identité usurpée de Stéphane Y... ;
qu'il a, notamment, loué le 16 décembre 2002 un fourgon à l'intérieur duquel les enquêteurs ont découvert le 17 décembre 2002 des pièces automobiles provenant de véhicules volés ; que ce fourgon avait été précisément loué afin d'expédier ces pièces volées à leurs destinataires ; que les utilisateurs du fourgon loué ayant réussi à prendre la fuite, Stéphane Y... était ainsi exposé à des poursuites pénales des chefs de vols aggravés ou recels ; que l'usurpation d'identité commise à l'occasion de l'ouverture d'un compte bancaire au nom de Stéphane Y... n'était pas, en elle-même, susceptible de déterminer des poursuites pénales à l'encontre de celui-ci ; que le délit d'usurpation d'identité prévu par l'article
434-23 du Code pénal est ainsi parfaitement caractérisé " ;
"alors que le délit d'usurpation d'état civil n'est constitué que si la fausse identité était, en elle-même, de nature à déterminer des poursuites pénales contre le tiers dont l'identité a été usurpée ; qu'en constatant que des poursuites pénales auraient pu être engagées à l'encontre de Stéphane Y... du fait de l'utilisation du fourgon et de la fuite de ses utilisateurs, la cour d'appel a admis que ces poursuites n'étaient pas la conséquence directe de l'usurpation par le prévenu de son état civil et, par suite, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations" ;
Sur le troisième moyen
de cassation, pris de la violation des articles
222-37,
222-40,
222-41 du Code pénal,
427,
485,
591 et
593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Loïc X... coupable de trafic de stupéfiants et, en répression, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement et 10 000 euros d'amende, outre à l'interdiction des droits civils, civiques et de famille pendant cinq ans ;
"aux motifs que " Loïc X... n'a pu fournir d'explications plausibles sur le contenu des conversations téléphoniques enregistrées à la fin du mois de mai 2003 et dans le courant du mois de juin 2003 au cours desquelles il employait un vocabulaire "adapté", tel que les termes "poudre" et "caillou", pour désigner la drogue ; que ces conversations avec un prénommé "Marouane" dont il refuse de donner le nom, font clairement apparaître la préparation de transactions portant sur des stupéfiants ; que lors de son interpellation le 17 juin 2003 dans la chambre n° 51 de l'hôtel "B and B" à Bourg-les-Valence (Drôme), Loïc X... a été trouvé en possession notamment, d'une balance de précision, de bougies, d'un rouleau de cellophane, d'un rouleau de ruban adhésif et de la somme de 1 620 euros ; qu'il a grossièrement soutenu que la balance lui avait été prêtée par une "connaissance de Marseille" dont il a refusé de révéler l'identité et lui avait servi à peser de l'or qu'il avait acheté en Belgique ; que le 24 octobre 2003, deux cailloux d'héroïne brune d'un poids total de 110 grammes, emballés dans un morceau de film étirable, étaient découverts sous le carénage du système de ventilation situé à l'intérieur de la chambre n 51 de l'hôtel "B and B" dans laquelle avait séjourné Loïc X... ; qu'une expertise a déterminé que le film emballant l'héroïne avait les mêmes caractéristiques que la cellophane en possession de Loïc X... ; que cet ensemble d'éléments précis, cohérents, convergents et déterminants n'est nullement entamé par les explications apportées à la barre de la Cour par le prévenu et son avocat, mais caractérise parfaitement les délits d'acquisition, transport et détention non autorisés d'héroïne " ;
"alors 1 ) que l'infraction prévue par l'article
222-37 du Code pénal suppose la constatation de faits positifs de transport, de détention, d'offre, de cession ou d'acquisition illicite de stupéfiants ;
qu'en déduisant la culpabilité du prévenu du vocabulaire utilisé par lui lors des conversations téléphoniques enregistrées, du matériel trouvé dans sa chambre d'hôtel et du rapprochement possible entre le cellophane lui appartenant et celui ayant servi à emballer l'héroïne découverte sous le carénage du système de ventilation de l'hôtel " B and B ", sans relever aucun acte positif de transport, détention, offre et cession de contrebande de stupéfiants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"alors 2 ) que tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de la culpabilité incombe à la partie poursuivante ;
qu'en déclarant le prévenu coupable de trafic de stupéfiants motif pris qu'il n'avait pu fournir d'explications plausibles sur le contenu des conversations téléphoniques enregistrées en mai et juin 2003, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et méconnu le principe de la présomption d'innocence" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de recel de vols aggravés, d'infractions à la législation sur les stupéfiants et d'usurpation d'état civil dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
II - Sur le pourvoi de Stéphane Y... :
Vu les mémoires ampliatif et personnel produits ;
Sur le premier moyen
de cassation, pris de la violation des articles
388 du Code de procédure pénale et 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce que la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Lyon a déclaré Stéphane Y... coupable du délit de recel de vols aggravés visé à la prévention, sauf à écarter la circonstance aggravante de bande organisée et, en répression, l'a condamné à la peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis ;
"alors que Stéphane Y... n'ayant été prévenu que de recel en bande organisée, faits prévus et réprimés par les articles 321-2,
321-3,
321-9,
321-10,
321-11 et
132-71 du Code pénal, la cour d'appel qui constate que la circonstance de bande organisée n'est pas caractérisée, ne pouvait retenir le délit de recel de l'article
321-1 du Code pénal et entrer en répression sur ce fondement sans violer les textes assortissant le moyen" ;
Attendu que la peine prononcée entrant dans les prévisions de l'article
321-1 du Code pénal réprimant le recel, le moyen est irrecevable faute d'intérêt ;
Sur le second moyen
de cassation, pris de la violation de l'article
321-1 du Code pénal, renversement du fardeau de la preuve, méconnaissance de la présomption d'innocence et violation
485 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
"en ce que la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Lyon a déclaré Stéphane Y... coupable du délit de recel de vols aggravés visé à la prévention, sauf à écarter la circonstance aggravante de bande organisée et, en répression, l'a condamné à la peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs que les enquêteurs ont retrouvé au domicile de Stéphane Y..., situé à Rive-de-Gier (Loire), une mallette contenant notamment un timbre humide provenant d'un vol aggravé commis le 16 janvier 2002 au préjudice de la société BPF, des certificats d'immatriculation de véhicules volés enregistrés en Italie et d'autres documents dérobés, laquelle lui avait été confiée par son cousin germain Loïc X... ; que Stéphane Y... a prétendu qu'il ignorait le contenu de cette mallette alors que Loïc X... l'avait déposée chez lui depuis plus d'un an et qu'il l'avait déplacée à plusieurs reprises ; que les explications, pour le moins maladroites, qu'il fournit sur ce point, démontrent, à elles seuls, son esprit de fraude et affaiblissent singulièrement ses arguments tendant à établir sa bonne foi, d'autant que Stéphane Y... admet avoir déjà accepté d'ouvrir un compte bancaire à la Société générale à son nom mais destiné à l'usage exclusif de Loïc X..., alors qu'il savait que ce dernier avait quitté la France en 2000 pour le Maroc en laissant de nombreuses dettes et en ayant clôturé tous ses comptes ; que de même, Stéphane Y... a, au mois d'avril 2002, fait immatriculer à son nom, mais pour le compte de Loïc X..., un fourgon de marque Fiat faussement immatriculé à l'aide d'une carte grise volée ; qu'enfin Stéphane Y... a soutenu qu'il ne pouvait joindre son cousin, affirmation que l'enquête a totalement démentie
;
que dans ces conditions, la mauvaise foi du prévenu est bien établie et ne laisse aucun doute sur sa culpabilité qui, par réformation du jugement déféré, doit être retenue, sauf à constater que la circonstance de bande organisée n'est pas caractérisée et à renvoyer Stéphane Y... des fins de la poursuite du chef d'association de malfaiteurs faute d'élément déterminant, sa participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation du délit de recel en bande organisée, n'étant nullement établie ;
"alors que, d'une part, la bonne foi est toujours présumée et il appartient à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver, d'où il suit qu'en se fondant sur les explications de Stéphane Y..., prévenu, qui avait pourtant toujours soutenu ignorer le contenu de la mallette remise par Loïc X..., ce qui n'était pas contesté, la chambre correctionnelle de la cour d'appel fait peser sur lui la charge de la preuve de sa bonne foi et viole les textes assortissant le moyen, ensemble la présomption d'innocence ;
"alors que, d'autre part, la connaissance de l'origine frauduleuse des objets recélés constitue l'élément intentionnel de la fraude ; qu'en statuant comme elle le fait, sans constater que Stéphane Y... connaissait l'origine et le contenu de la mallette à lui confiée par Loïc X..., la chambre correctionnelle de la cour d'appel prive son arrêt de tout motif et viole les textes assortissant le moyen de cassation" ;
Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel, pris de la violation de l'article
321-1 du Code pénal ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de recel de vols dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE
les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article
L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Pometan conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;