Attendu, selon l'arrêt attaqué
(Aix-en-Provence, 27 novembre 2008), que les consorts X... ont confié à M. Y..., géomètre expert, une mission pour la conception et la réalisation d'un lotissement d'environ seize lots sur leur terrain ; qu'ils ont signé une convention d'honoraires aux termes de laquelle M. Y..., qualifié de concepteur, devait être payé, pour l'ensemble de sa prestation, en nature par l'attribution d'un lot du lotissement; qu'un lotissement comprenant neuf lots a été réalisé ; que les consorts X... ayant refusé de signer l'acte authentique de dation du lot n° 9 revendiqué par M. Y... à titre de paiement de ses prestations et offert une somme en paiement des honoraires, celui-ci les a assignés pour voir dire parfaite la dation en paiement de ce lot n° 9, en règlement de ses honoraires évalués à la somme de 137 540 euros ;
Sur le premier moyen
:
Vu
les articles
1134 du code civil 1et 9 de la loi du 7 mai 1946 et 49 du décret du 31 mai 1996 ;
Attendu que pour dire parfaite la dation en paiement prévue à la convention du 1er juillet 2001 entre M. Y... et les consorts X... et dire qu'elle a pour objet le lot n° 9 du lotissement, l'arrêt retient
que M. Y... a, dans cette convention, dépassé le cadre d'une mission de géomètre, que la conception d'un lotissement ne relève pas du rôle des géomètres, mais de celui d'un concepteur d'opération d'aménagement, que M. Y... n'a pas agi en ses seules attributions de géomètre, que la rémunération ne relève pas de la profession réglementée des géomètres et qu' en conséquence la clause de rémunération de la convention n'est pas nulle eu égard aux dispositions des articles 9 de la loi du 7 mai 1946 et 49 du décret du 31 mai 1996 qui ne sont pas applicables ;
Qu'en statuant ainsi
, tout en constatant que M. Y... s'était vu confier une mission comprenant des attributions d'un géomètre-expert, ce qui lui imposait de proposer par écrit une convention précisant le montant des honoraires afférents à cette mission, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le jugement déféré, l'arrêt rendu le 27 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer aux consorts X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille dix
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour les consorts X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit parfaite la dation en paiement convenue à la convention du 1er juillet 2001 entre Monsieur Y... et les consorts X..., d'avoir dit qu'elle a pour objet le lot n° 9 du lotissement cadastré à Saint Cyr sur Mer Section AB numéro 172 pour une surface de 5 ares 35 centiares et Section BA numéro 162 pour une surface de 1 are 53 centiares et d'avoir dit que le présent arrêt vaut transfert de propriété au profit de M. Jean-Pierre Y..., en règlement de ses honoraires évalués à la somme de 137.540 euros ;
Aux motifs que « les consorts X... soutiennent que la convention d'honoraires ne peut recevoir application, puisque Monsieur Y... se permet de réclamer une somme beaucoup plus importante que celle qui pouvait être prévue à l'origine en ce qui concerne ses honoraires, et qu'il est d'une parfaite mauvaise foi car il n'a jamais fait état d'un barème, d'un coût d'honoraires ou d'une facture, alors qu'eux-mêmes sont de parfaite bonne foi en proposant de payer la somme de 76.224, 51 euros en règlement des honoraires de Monsieur Y.... Monsieur Y... est géomètre expert, profession réglementée par la loi du 7.5.1946 et le décret du 31.5. 1996, qui encadre strictement les honoraires aux articles 9 de la loi et 49 du décret. Cependant Monsieur Y... a, dans la convention signée le 1.7.2001, dépassé le cadre d'une mission de géomètre puisqu'il a été chargé de concevoir et de réaliser un lotissement sur une parcelle de 11 400 m², ce qui comprenait notamment les négociations avec les voisins pour obtenir l'obtention d'une servitude de passage pour le terrain qui était enclavé, d'effectuer le plan de composition et de découpage, des plans et programmes APS/VRD de l'ensemble des travaux nécessaires à la desserte des constructions internes au projet ainsi que de toutes les pièces écrites nécessaires (autorisation de défrichement, cahier des charges, statut de l'association syndicale libre) et de l'assistance au marché de travaux (dossier de consultation des entreprises et choix de la meilleure offre) et de l'organisation et suivi des réunions de chantier. Toutes ces prestations sont étrangères à celle de la profession de géomètre expert. Il n'a donc pas agi en ses seules attributions de géomètre, mais en tant qu'homme de l'art et maître d'oeuvre ; la conception d'un lotissement ne relève pas du rôle des géomètres, mais de celui d'un concepteur d'opération d'aménagement, qui n'est pas une profession réglementée et qu'en conséquence M. Y... pouvait accomplir à la demande des consorts X.... Dès lors sa rémunération ne relève pas de la profession réglementée des géomètres, mais elle est librement négociée entre les parties. En conséquences la clause de rémunération de la convention du 1. 7. 2001 n'est pas nulle eu égard aux dispositions des articles 9 de la loi du 7. 5.1946 et du décret du 31 mai 1996 qui ne sont pas applicables » ;
Alors que le fait que la convention conclue avec un géomètre expert lui confie la maîtrise d'oeuvre d'une opération d'aménagement de lotissement ne la fait pas échapper aux dispositions des articles 9 de la loi du 7 mai 1946 et du décret du 31 mai 1996 dès lors que cette convention le charge par ailleurs, et à titre principal, de toutes les prestations afférentes aux attributions d'un géomètre expert, telles que les prévoit l'article 1er de ladite loi ; qu'en décidant que les dispositions susvisées n'étaient pas applicables en l'espèce, là où il résultait des termes de la convention du 1er juillet 2001 que si une mission de maître d'oeuvre lui était bien confiée en sus des opérations relevant de ses attributions de géomètre expert, M. Y... n'en avait pas moins agi en qualité d'expert géomètre et s'était vu confier par les consorts X... toutes les tâches incombant à de telles attributions, la Cour d'appel a violé l'article
1134 du Code civil, ensemble les dispositions des articles 9 de la loi du 7 mai 1946 et du décret du 31 mai 1996 par refus d'application.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit parfaite la dation en paiement convenue à la convention du 1er juillet 2001 entre Monsieur Y... et les consorts X..., d'avoir dit qu'elle a pour objet le lot n° 9 du lotissement cadastré à Saint Cyr sur Mer Section AB numéro 172 pour une surface de 5 ares 35 centiares et Section BA numéro 162 pour une surface de 1 are 53 centiares et d'avoir dit que le présent arrêt vaut transfert de propriété au profit de M. Jean-Pierre Y..., en règlement de ses honoraires évalués à la somme de 137.540 euros ;
Aux motifs que « les consorts X... soulèvent également la nullité de la convention du 1. 7. 2001 sur le fondement de l'article
1108 du Code civil, au motif que la convention a été rédigée par Monsieur Y..., professionnel et leur a été proposée, alors qu'ils ne sont pas habitués aux pratiques immobilières et financières, en qualité respectivement de gendarme et d'aide soignante, héritiers de ce terrain. Le déséquilibre entre les parties au contrat est sans incidence sur sa validité dès lors que les consorts X... n'invoquent aucun vice du consentement. Le prix de la rémunération du travail accompli par Monsieur Y... n'est pas indéterminé comme le prétendent les consorts X..., puisqu'il s'agit d'un paiement en nature par un lot du lotissement d'une surface minimale de 500 m² choisi dans la gamme des lots de valeur moyenne. La rémunération en nature est licite sans que le prix ne soit mentionné, dès lors que le paiement en nature est parfaitement déterminable au jour du paiement, soit en l'espèce après la réalisation du lotissement. La dation en paiement d'un terrain nécessite la rédaction d'un acte notarié pour le transfert de propriété, mais la convention d'honoraires prévoyant une rémunération en nature même portant sur un terrain n'exige pas la rédaction d'un acte authentique ; que conformément à l'article
1156 du Code civil, l'intention des parties dans la convention du 1.7. 2001 a été que les consorts X... puissent obtenir l'autorisation de lotir le terrain dont ils avaient hérité et de pouvoir le vendre par lots, sans avoir en conséquence à débourser d'espèces pour la rémunération de Monsieur Y..., chargé de la conception et de la réalisation du lotissement, qui devait être payé en nature après l'obtention du permis de lotir ; la dation en paiement étant le mode de rémunération choisi d'un commun accord entre les parties. Monsieur Y... prenait le risque de l'opération, car il devait faire l'avance de sa prestation jusqu'à la vente des premiers lots et renoncer à toute prestation s'il n'obtenait pas le permis de lotir. Les consorts X... ont accepté que le lotissement se compose de neuf lots au lieu de seize et n'ont jamais modifié le mode de rémunération prévue au cours de la mission confiée à M. Y.... Postérieurement à l'autorisation de lotir, les consorts X... ont obtenu le 17. 6. 2003 de la Caisse Régionale du Crédit Agricole une ouverture de crédit pour les travaux dans laquelle ils ont inclus la dation en paiement pour la somme de 137.540 euros et ils ont donné à la société GICI mandat de vendre les lots du lotissement, sauf les lots n° 1 et n° 9 d'une surface de 686 m². Le permis de lotir ayant été obtenu et le lotissement réalisé, la rémunération prévue à la convention du 1.7.2001 doit être payée à Monsieur Y... sous forme de dation en paiement d'un lot du lotissement choisi par les parties d'une surface minimale de 500 m². Les consorts X... ne peuvent pas offrir le paiement des prestations, alors que le paiement en nature a été prévu contractuellement et qu'il n'est pas impossible. En conséquence les consorts X... seront condamnés à réaliser la dation du lot n° 9 du lotissement en paiement de la rémunération des prestations de Monsieur Y... » ;
Alors, d'une part, que dans leurs écritures d'appel (p. 13, § 12), les Consorts X... avaient sollicité, à titre subsidiaire, et reconventionnellement, l'annulation de la convention d'honoraires du 1er juillet 2001 « en ce qu'elle contient une erreur sur la substance même » ; qu'en énonçant néanmoins que le « déséquilibre entre les parties au contrat est sans incidence sur sa validité dès lors que les consorts X... n'invoquent aucun vice du consentement », la Cour d'appel a dénaturé, par omission, les conclusions dont elle était saisie et méconnu les termes du litige, violant l'article
4 du Code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, qu'en se déterminant par les mêmes motifs, sans répondre à ce moyen expressément formulé par les consorts X..., la Cour d'appel a violé l'article
455 du Code de procédure civile ;
Alors, en outre, que la dation d'une chose en paiement d'une dette préexistante est un contrat translatif et consensuel qui ne peut être parfait que s'il comporte un accord des parties sur sa cause la dette à éteindre et sur son objet : l'identité de la chose ; qu'en se bornant à relever, pour déclarer parfaite la dation du lot n° 9 en paiement de la rémunération des prestations de M. Y..., que « les consorts X... » avaient « obtenu le 17.6.2003 de la Caisse Régionale du Crédit Agricole une ouverture de crédit pour les travaux dans laquelle ils ont inclus la dation en paiement pour la somme de 137.540 euros et ils ont donné à la société GICI mandat de vendre les lots du lotissement, sauf les lots n° 1 et n° 9 d'une surface de 686 m² », sans constater le moindre accord des parties quant à l'identité du lot objet de la dation, là où la convention d'honoraires du 1er juillet 2001 prévoyait que, si le géomètre expert devait être payé en nature par attribution d'un lot du lotissement en l'état futur d'achèvement, ledit lot devait être choisi par les parties une fois le projet de lotissement arrêté définitivement, la Cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles
1134 et
1243 du Code civil ;
Alors, enfin, et en tout état de cause, que parce qu'elle est une forme ou une modalité de paiement par équivalent, la dation en paiement doit être équivalente à la dette préexistante qu'elle a pour finalité d'éteindre ; qu'en déclarant parfaite la dation intervenue par convention du 1er juillet 2001, et en décidant qu'elle portait sur le lot n° 9, sans vérifier que la valeur de ce lot était objectivement équivalente à celle de la créance d'honoraires à laquelle pouvait prétendre l'expert géomètre au titre de prestations portant sur un lotissement composé de neuf lots au lieu des seize prévus par la convention susvisée, et sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si leur disproportion ne privait pas l'opération de sa cause apparente, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à son arrêt au regard des articles
1131,
1134,
1231 et
1243 du Code civil.