LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le deux avril mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller Jean SIMON, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU et THOUIN-PALAT et de la société civile professionnelle CELICE et BLANCPAIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GALAND ; Statuant sur le pourvoi formé par :
DE Z... Michel, K
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 13 juin 1991 qui, pour exercice illégal de la pharmacie en récidive légale, l'a condamné à 30 000 francs d'amende et à des réparations civiles ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; d
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles
L. 511, L. 512, L. 514,
L. 517 à
L. 519,
L. 570,
L. 574,
L. 601 du Code de la santé publique,
473,
485,
567,
591 et
593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ; "en ce que la cour d'appel déclare le prévenu coupable du chef de délit d'exercice illégal de la profession de pharmacien ; "aux motifs que le prévenu a vendu sans avoir la qualité de pharmacien des produits vitaminés, des oligo-éléments, des solutions antiseptiques et de l'argile, qui doivent recevoir la qualification de médicaments au sens des articles
L. 511 et
L. 512 du Code de la santé publique, qui ne sont pas contraires au traité ayant institué la Communauté économique européenne ; "alors que 1°/ en qualifiant de médicament par fonction le test de grossesse au motif erroné et inopérant que, tout en étant simplement "préparatoire à un éventuel diagnostic médical", il "n'en est pas moins destiné à un auto-diagnostic", alors qu'il ne s'agit que d'un test précoce ne prétendant pas à la formulation d'un diagnostic, qui relève de la compétence exclusive d'un docteur en médecine et fonde le monopole pharmaceutique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "alors que 2°/ en qualifiant par présentation l'argile verte "Rika B...", alors qu'il ne s'agit que d'un produit naturel issu d'une plante non inscrite à la pharmacopée et dont la présentation ne revendique pas de propriétés préventives ou curatives de maladies humaines mais se borne à en rappeler les qualités particulières que tout consommateur connaît ou aurait intérêt à connaître, comme l'impose la réglementation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "alors que 3°/ en qualifiant par présentation l'argile Prépharma, au motif erroné et inopérant que cette apparence est créée par un conditionnement en gélules mentionnant une posologie, alors que le prévenu avait fait valoir qu'il résultait de l'arrêt Van Bennekom rendu le 30 novembre 1983 par la Cour de justice des Communautés européennes et de l'arrêt rendu le 11 juin 1990 par le Conseil d'Etat que la forme galénique était insuffisante à caractériser le d médicament par présentation, et sans avoir relevé la mention d'une
revendication de propriétés préventives ou curatives de maladies humaines, et alors que la réglementation impose la mention sur le façonnage et l'emballage d'informations destinées aux consommateurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "alors que 4°/ en qualifiant de médicaments par présentation et par fonction les comprimés Biomédic "Spiruline", issus de plantes naturelles non inscrites à la pharmacopée et présentés comme des "compléments alimentaires", outre la mention imposée par la réglementation des informations nécessaires aux consommateurs, sans avoir constaté la mention d'une revendication de propriétés préventives ou curatives de maladies humaines ou de la restauration d'une fonction organique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "alors que 5°/ par ailleurs, en qualifiant de médicaments par présentation et par fonction les produits vitaminés des Laboratoires Vendôme et la Juvamine, présentés comme des "compléments nutritionnels" relevant de la réglementation des produits diététiques et de régime et mentionnant comme l'impose la réglementation les informations nécessaires aux consommateurs, sans avoir constaté la mention d'une revendication de propriétés préventives ou curatives de maladies humaines ou de la restauration d'une fonction organique, et alors que l'indication d'un simple mode d'emploi n'est pas nécessairement celle d'une posologie dans l'administration d'une substance prescrite par un docteur en médecine et relevant du monopole pharmaceutique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "alors que 6°/ en qualifiant de médicament par présentation la solution pour bains de bouche anti-bactérienne SED, produit d'hygiène non médicamenteux comme l'a décidé le ministère de la Santé en lui octroyant un visa produit public et devant à ce titre faire l'objet de mentions particulières d'information sur le flaconnage et l'emballage, au motif que ce produit contient, dans la limite autorisée pour les produits cosmétiques et d'hygiène corporelle, du digluconate de chlorhexidine figurant sur la liste des médicaments essentiels publiée par l'Organisation mondiale de la santé, avant de relever que le digluconate de chlorhexedine ne confère pas à la solution antiseptique Hansaplast la qualité de médicament par fonction et sans avoir constaté la mention d'une revendication de propriétés préventives ou d curatives de maladies humaines ou la restauration d'une fonction organique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "alors que 7°/ en qualifiant de médicaments par présentation et par fonction l'inhalase Prépharma et la solution pour inhalation aux essences végétales, alors que le prévenu se prévalait des déclarations du fabricant les qualificant de "produits de confort" et se bornait à respecter l'obligation réglementaire de mentionner sur le flaconnage et l'emballage les informations nécessaires aux consommateurs, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "alors que 8°/ en qualifiant de médicaments par présentation les oligo-éléments Visanyl, au motif erroné et inopérant tiré de la forme
galénique et après avoir constaté la seule revendication de "complément alimentaire" de ce produit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "alors que 9°/ en qualifiant de médicament par présentation la solution antiseptique Hansaplast, dont le flaconnage et l'emballage se bornent à mentionner les informations nécessaires aux consommateurs comme l'impose la réglementation, alors que la seule revendication de l'antiseptie est insuffisante en raison du nombre de produits d'hygiène corporelle non médicamenteux, tels que les savons, dentifrices, agents nettoyants et désodorisants, revendiquant et présentant les effets de cette propriété sans la mentionner expressément, conformément aux voeux du législateur ayant entendu favoriser la santé publique en étendant les circuits de distribution des produits d'hygiène sans les réserver au monopole pharmaceutique, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Michel de Z..., qui n'a pas la qualité de pharmacien, a mis en vente dans le centre de distribution dont il est le directeur notamment des tests de grossesse, de l'argile verte, des boîtes de comprimés Biomédic et Spiruline, des boîtes de gélules Juvamine, des solutions pour bains de bouche et pour inhalation, des oligo-éléments Visanyl et des solutions antiseptiques cutanées ; qu'il a été poursuivi pour exercice illégal de la pharmacie en récidive légale ; Attendu que pour le déclarer coupable de ce délit la juridiction du second degré retient que les tests de grossesse mis en vente sont des réactifs d conditionnés destinés au diagnostic de la grossesse dont la vente est réservée aux pharmaciens par l'article
L. 512, 3° du Code de la santé publique ; Attendu que, contrairement à ce que soutient le demandeur, les juges relèvent, par motifs propres ou adoptés, que l'argile verte est présentée, vendue à l'état naturel, comme destinée à soigner les brûlures, les piqûres et les ecchymoses, et, conditionnée en gélules, comme un "détoxifiant de l'organisme" ; que les comprimés Biomédic et Buileduc Spiruline sont présentés comme des toniques et des stimulants destinés "aux personnes fatiguées, déprimées ou impuissantes" et préconisés pour le traitement des rhumatismes et des arthroses et que les gélules de vitamine "détente Juvamine" "renforcées en vitamine B et en manganèse" sont présentées comme jouant un rôle dans le mécanisme biologique des cellules nerveuses et sont conseillées pour les états de fatigue et d'irritabilité ; Attendu que les mêmes juges énoncent que la solution antibactérienne pour bains de bouche, qui contient du digluconate de chlorhexidine, est vendue pour les soins bucco-dentaires et la solution antiseptique Hansaplast pour le soin des plaies par pulvérisation ; que les solutions pour inhalation qui contiennent du menthol, de l'eucalyptol et de l'essence de pin sont vendues pour le traitement des maladies agissant sur les voies respiratoires et qu'ils en déduisent que tous ces produits, de même que les oligo-éléments
"potassium et cobalt Visanyl", présentés en gélules de forme galénique, doivent être considérés comme des médicaments par présentation ; Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel, qui a répondu sans insuffisance aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit retenu et a fait l'exacte application des articles
L. 511 et L. 512, 2° et 3° du Code de la santé publique ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ; Condamne le demandeur aux dépens ; b Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents :
M. de Y... de Lacoste conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Jean Simon conseiller rapporteur, MM. Blin, Carlioz, Pinsseau conseillers de la chambre, MM. A..., Maron, Mme X..., M. Echappé conseillers référendaires, M. Galand avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;