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Tribunal administratif de Rennes, 8 avril 2024, 2401360

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
  • Numéro d'affaire :
    2401360
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Rejet défaut de doute sérieux
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : FLAMANT
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 12, 19 et 20 mars 2024, M. A B, représenté par Me Lemasson de Nercy, demande au juge des référés : 1°) de suspendre, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la délibération du conseil municipal de Maen Roch du 8 février 2024 portant refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; 2°)°d'enjoindre à la commune de Maen Roch de réexaminer sa demande sous astreinte de 100 euros par jours de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Maen Roch la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : - les écritures en défense de la commune de Maen Roch sont irrecevables : lorsque les intérêts personnels du maire se trouvent en contradiction avec ceux de la commune, celui-ci ne peut légalement la représenter ; si le mémoire en défense précise que la commune est représentée par l'adjointe au maire en exercice, celle-ci n'est pas nommément désignée ni donc identifiable, et aucune délibération la désignant n'est produite ; le maire de la commune s'est au surplus abstenu d'adopter l'arrêté de déport que l'article 5 du décret n° 2014-90 du 31 janvier 2014 prévoit ; - la demande de suppression de certains passages de ses écritures doit être rejetée ; - la condition tenant à l'urgence est satisfaite, dès lors que la délibération en litige préjudicie de manière grave et immédiate à ses intérêts et sa situation ; il est d'intérêt général de renforcer la protection des élus ; il a la qualité de victime d'une infraction pénale ; le refus procède d'un acharnement contre un élu de l'opposition ; il fait obstacle à ce qu'il puisse préparer utilement et sereinement la défense de ses intérêts dans le cadre de l'instance correctionnelle ; - il existe un doute sérieux quant à la légalité de la délibération en litige, dès lors que : * elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle a été adoptée à bulletins secrets, sans que les conditions posées par les dispositions de l'article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales ne soient satisfaites ; la proposition émanait du maire ou de son adjointe et non d'un tiers des conseillers municipaux, et il n'est pas établi qu'un tiers d'entre eux aient validé cette proposition, à supposer qu'une telle validation soit légalement possible ; au demeurant, une demande de vote à bulletins secrets doit être motivée ; * le rapport de présentation de la délibération a été fait par le maire, auteur de l'infraction dont il est victime ; il a animé les débats et dirigé le vote ; il a voté en qualité de mandataire d'un autre élu ; * des conseillers municipaux intéressés ont participé au vote ; ainsi en est-il des adjoints et élus titulaires d'une délégation ; * la délibération est entachée d'une erreur de droit et d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'il est victime d'une infraction pénale commise par le maire, subie dans l'exercice de ses fonctions. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2024, la commune de Maen Roch, représentée par Me Manhes, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - des passages de la requête, en pages 3, 6, 7 et 12, doivent être supprimés, en application des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative ; - la condition tenant à l'urgence n'est pas satisfaite ; la décision ne préjudicie pas de manière grave et immédiate à la situation ni aux intérêts de M. B ; la seule circonstance que soit en débat un texte de loi renforçant la protection des élus locaux n'a pas d'incidence et ne saurait suffire à caractériser une situation d'urgence ; la date de l'audience correctionnelle n'est pas fixée ; M. B est l'initiateur de toutes les plaintes et dossiers contentieux et il n'est victime d'aucun acharnement ; - M. B ne soulève aucun moyen propre à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la délibération en litige ; en particulier : * le vote à bulletins secrets a été régulièrement décidé ; la circonstance que la proposition émane du maire ne rend pas la procédure irrégulière ; les conseillers municipaux ont bien été consultés au préalable et la mise en œuvre de cette modalité de scrutin n'a pas à être motivée ; il est établi que les deux tiers des élus ne s'y sont pas opposés ; en tout état de cause, le vice, à le supposer établi, peut être neutralisé ; * le maire de la commune a donné lecture du projet de délibération et n'a pas pris part au vote ; le fait qu'il ait voté en qualité de mandataire d'un autre élu n'a pas d'incidence, compte tenu du résultat du scrutin ; * la seule circonstance que les adjoints et élus titulaires d'une délégation soient indemnisés pour leurs fonctions ne saurait suffire à ce qu'ils soient qualifiés de conseillers municipaux intéressés ; * la protection fonctionnelle a été régulièrement refusée à M. B, qui n'exerce aucune fonction exécutive, n'étant pas adjoint ni titulaire d'une délégation du maire.

Vu :

- la requête au fond n° 2401331, enregistrée le 11 mars 2024 ; - les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code général de la fonction publique ; - le code de justice administrative. Le président du tribunal a désigné Mme Thielen, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique du 21 mars 2024 : - le rapport de Mme Thielen ; - les observations de Me Lemasson de Nercy et Me Flamand, représentant M. B, qui concluent aux mêmes fins que leurs écritures, par les mêmes moyens, et précisent également que : * les écritures en défense sont irrecevables, dès lors que le mémoire en défense est signé d'une adjointe, sans précision de son identité et sans délibération du conseil municipal la désignant valablement ; aucun arrêté de déport n'a été édicté par le maire de la commune ; il n'est pas justifié d'un empêchement du maire, qui aurait dû représenter la commune ; celle-ci n'est donc pas valablement représentée ; il ne peut être opposé la circonstance qu'il s'agit d'une instance en référé, dès lors qu'en défense, la commune demande la pérennisation d'une situation existante et non des mesures provisoires ; * la condition tenant à l'urgence est satisfaite, du fait des préjudices cumulés qui découlent de la délibération en litige pour M. B ; celle-ci porte atteinte à ses intérêts moraux ; il a la qualité de victime, d'une faute que le maire a reconnue ; elle porte atteinte à sa situation financière, dès lors qu'il devra exposer des frais d'avocat pour défendre ses intérêts lors de l'instance pénale ; * la demande est fondée non sur les dispositions du code général des collectivités territoriales, mais sur le principe général du droit à la protection fonctionnelle, qui permet de l'accorder à tous les élus et non seulement au maire et à ses adjoints ; * le vice tiré de l'irrégularité du scrutin n'est pas neutralisable ; - les observations de Me Manhes, représentant la commune de Maen Roch, qui persiste dans ses conclusions écrites, par les mêmes arguments, et fait notamment valoir que : * la nature même de la procédure en référé justifie que les écritures en défense soient considérées comme recevables ; * il n'existe pas de principe général du droit supra-législatif permettant ou prévoyant le droit à la protection fonctionnelle des élus, hors maire et adjoints ; * le vice tiré de l'irrégularité des modalités du scrutin est en tout état de cause susceptible d'être neutralisé ; * le maire n'était pas un conseiller intéressé, s'agissant de la délibération accordant ou refusant la protection fonctionnelle au requérant. La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience. Une note en délibéré, présentée pour M. B, a été enregistrée le 22 mars 2024.

Considérant ce qui suit

: 1. M. B, qui a saisi le tribunal d'un recours en annulation contre la délibération du conseil municipal de Maen Roch du 8 février 2024 portant refus de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, demande au juge des référés, dans l'attente du jugement au fond, d'en suspendre l'exécution. Sur la recevabilité des écritures en défense présentées au nom de la commune de Maen Roch : 2. Il résulte de la nature même de l'action en référé, qui ne peut être intentée qu'en cas d'urgence et qui ne peut préjudicier au principal, que le maire peut défendre la commune dans les actions intentées contre elle sans autorisation du conseil municipal malgré les dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales et, d'ailleurs, selon le principe affirmé par son article L. 2132-3. Dans l'hypothèse, en application des dispositions combinées de ses articles L. 2132-2 et L. 2122-26, où le maire ne peut représenter la commune, compte tenu d'une opposition d'intérêts, et où il appartient au conseil municipal de désigner un autre de ses membres pour représenter la collectivité, celle-ci est, en référé, valablement représentée par un adjoint au maire, y compris sans désignation et autorisation du conseil municipal. Pour regrettable que soit l'absence de précision, sur le mémoire en défense, du nom de l'adjointe au maire représentant la commune de Maen Roch, et alors même que les conclusions de la commune tendent effectivement au maintien dans l'ordonnancement juridique d'une décision exécutoire, l'irrecevabilité opposée par le requérant aux écritures en défense de la commune doit être, dans la présente instance de référé, écartée. Sur les conclusions aux fins de suspension : 3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ". 4. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce. 5. Pour justifier d'une situation d'urgence, M. B expose que le refus de protection fonctionnelle porte atteinte de manière grave et immédiate à ses intérêts moraux d'élu local, dans un contexte d'adoption en première lecture, par le Sénat, d'une proposition de loi visant à renforcer la sécurité des élus et la protection des maires. Il expose également que le refus le lèse d'autant plus dans ses intérêts qu'il a la qualité de victime, dans l'exercice de ses fonctions, et que la commune a accordé la protection fonctionnelle au maire, auteur des faits. Il expose, à cet égard, que la presse s'est fait l'écho de cette décision et que le traitement médiatique laisse supposer aux citoyens qu'il a commis une faute détachable de ses fonctions, seul motif susceptible de justifier le refus en litige, ce qui nuit à sa réputation. Il expose en outre que le refus préjudicie à ses intérêts financiers, dès lors qu'il le contraint à assumer les frais d'avocat que la procédure pénale induira, ce qu'il ne peut faire, ce qui nuit à sa défense. 6. Lorsqu'un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection, dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales, sauf s'il a commis une faute personnelle et, à moins qu'un motif d'intérêt général ne s'y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l'objet. Si ce principe général du droit réaffirmé par la loi, notamment en ce qui concerne les fonctionnaires et agents non titulaires par les articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique, et par les articles L. 2123-34, L. 2123-35, L. 3123-28, L. 3123-29, L. 4135-28 et L. 4135-29 du code général des collectivités territoriales, s'agissant des exécutifs des collectivités territoriales, s'applique à tous les agents publics, quel que soit le mode d'accès à leurs fonctions, il n'implique pas que la protection fonctionnelle doive être accordée à ceux des élus territoriaux qui, n'exerçant aucune fonction exécutive, ne sauraient, par suite, être regardés comme ayant, en raison de leur seule qualité de membres de l'organe délibérant de leur collectivité, la qualité d'agents publics. 7. Il est constant que M. B n'appartient à aucune des catégories d'élus de la commune limitativement énumérées par les dispositions des articles L. 2123-34 et L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales et n'est investie d'aucune fonction exécutive, de sorte qu'il n'a pas, en sa seule qualité de conseiller municipal, celle d'agent public et qu'il ne peut prétendre, même en qualité de victime d'un agissement du maire, dans l'exercice de ses fonctions, au bénéfice de la protection fonctionnelle en application du principe général du droit précité. Dans ces conditions, et nonobstant tant la présentation qui est faite de sa situation dans la presse, que le contexte politique actuel, tendant notamment à renforcer la sécurité et la protection des élus locaux, la délibération en litige ne saurait être regardée comme affectant de manière suffisamment grave et immédiate les intérêts moraux et la réputation de M. B pour que la condition tenant à l'urgence soit satisfaite. 8. Si, par ailleurs, le refus de protection fonctionnelle peut être susceptible de créer une situation d'urgence, notamment lorsque le coût de la procédure exposerait le demandeur à des dépenses auxquelles il ne serait pas en mesure de faire face et compromettrait ainsi la possibilité pour lui d'assurer sa défense dans des conditions satisfaisantes, M. B n'établit pas, dans la présente instance, qu'il ne serait pas en mesure de s'acquitter des frais d'avocat qu'il entendrait exposer dans le cadre de l'instance pénale à venir, dans laquelle il aura la seule qualité de partie civile, et non de personne poursuivie, alors même, au demeurant, que sa constitution de partie civile avait été déclarée irrecevable en l'absence d'intérêt à agir, aux termes de l'ordonnance pénale du 13 novembre 2023. 9. Aucune des circonstances avancées par M. B n'est ainsi de nature à caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Il en résulte que l'une des conditions auxquelles les dispositions de cet article subordonnent la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas remplie. Les conclusions de M. B tendant à la suspension de l'exécution de la délibération du conseil municipal de Maen Roch du 8 février 2024 portant refus d'octroi de la protection fonctionnelle ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte : 10. La présente ordonnance n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par M. B ne peuvent qu'être rejetées. Sur la suppression des passages diffamatoires : 11. Aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : "Art. 41, alinéas 3 à 5.-Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. / Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts ()" ". 12. Les passages des écritures de M. B, en pages 3, 6, 7 et 12 de la requête, n'excèdent pas les limites de la controverse entre parties dans le cadre d'une procédure contentieuse. Il n'y a donc pas lieu de procéder à leur suppression. Sur les frais liés au litige : 13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chaque partie les frais d'instance exposés et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Maen Roch au titre de l'article L. 741-2 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et à la commune de Maen Roch. Fait à Rennes, le 8 avril 2024. Le juge des référés, signé O. ThielenLa greffière d'audience, signé J. Jubault La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 4

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