Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Grenoble 21 mars 2014
Cour administrative d'appel de Lyon 19 février 2015

Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 19 février 2015, 14LY01397

Mots clés étrangers · séjour des étrangers Refus de séjour · séjour · pays · santé · préfet · étranger · société · territoire · quitter · renvoi · vie privée · familiale · exceptionnelle · traitement · libertés · ingérence

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro affaire : 14LY01397
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Grenoble, 21 mars 2014, N° 1305906-1305908
Président : M. CLOT
Rapporteur : M. Philippe SEILLET
Rapporteur public : Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Grenoble 21 mars 2014
Cour administrative d'appel de Lyon 19 février 2015

Texte

Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2014, présentée pour M. C...A...et Mme B... épouseA..., domiciliés 1 quai des Clarisses à Annecy (74000) ;

M. et Mme A... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305906-1305908 du 21 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie du 4 octobre 2013 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant leur pays de renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à leur conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Ils soutiennent que :

- le refus de titre opposé à Mme A... méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à son état de santé caractérisé par un état psychiatrique en lien avec un état de stress post-traumatique nécessitant des soins qu'elle ne peut recevoir dans son pays où elle a vécu des événements traumatisants ;

- le préfet de la Haute-Savoie était tenu de saisir préalablement à sa décision la commission du titre de séjour, conformément aux dispositions de l'article L. 312-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que Mme A... était en droit de se prévaloir des dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les refus de délivrance de titres de séjour méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la présence en France de leurs enfants, dont deux y sont scolarisés, et à l'absence de tout lien familial dans leur pays d'origine ;

- les décisions de refus de titre de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation pour Mme A... de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à son état de santé ;

Vu le jugement attaqué ;

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction ;

Vu les décisions du 23 mai 2014 par lesquelles le président de la section administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grand instance de Lyon a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et rejeté la demande présentée par Mme A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les requérants ayant été régulièrement avertis du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2015 le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

1. Considérant que M. et MmeA..., ressortissants du Kosovo nés respectivement en 1976 et 1979, qui déclarent être arrivés en France le 22 septembre 2009, accompagnés de leurs deux enfants mineurs, ont sollicité le bénéfice du statut de réfugié ; qu'après rejet de leurs demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 12 janvier 2010 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 30 mars 2011, le préfet de la Haute-Savoie a, le 7 novembre 2011, pris à leur encontre deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire ; que leurs recours contre ces décisions ont été rejetés par un jugement du 24 avril 2012 du Tribunal administratif de Grenoble ; que s'étant maintenus sur le territoire français, nonobstant des mesures d'assignation à résidence prises à leur encontre par ledit préfet les 28 février et 19 octobre 2012, M. et Mme A... ont présenté deux nouvelles demandes de titre, le 5 mars 2013, en se prévalant, s'agissant de Mme A..., de son état de santé et, s'agissant de son époux, d'une admission exceptionnelle au titre du travail ; que par des décisions du 4 octobre 2013, le préfet de la Haute-Savoie a rejeté ces demandes, a assorti ses décisions portant refus de délivrance de titres de séjour d'obligations de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi des intéressés pour l'exécution d'une mesure d'éloignement ; que M. et Mme A... font appel du jugement du 21 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation desdites décisions du 4 octobre 2013 du préfet de la Haute-Savoie ;

Sur la légalité des décisions de refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant, d'une part, que la décision du 4 octobre 2013 par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a refusé à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été prise au vu d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes, rendu le 2 juillet 2013, indiquant que si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cette dernière peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, les soins nécessités par son état de santé présentant un caractère de longue durée et les conséquences sur son état de santé étant principalement générées par la perspective imminente d'un retour au pays d'origine ; que tant par les documents à caractère d'information générale sur la situation sanitaire au Kosovo produits par les requérants que par les pièces médicales qu'ils produisent, en particulier le certificat médical du 23 février 2011 qui se borne à attester de la réalité des soins que nécessite l'état de santé de Mme A..., caractérisé par un état de stress post-traumatique, sans porter d'appréciation sur l'existence d'un traitement adapté dans ce pays, ils n'établissent pas que, contrairement à l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il n'existe pas, dans leur pays d'origine, de traitement approprié à l'affection dont souffre Mme A... ; qu'ils n'établissent pas davantage, par des documents probants, la réalité des événements dont cette dernière prétend avoir été victime dans ce pays, ni, par suite, le lien dont ils se prévalent entre la pathologie de Mme A... et les événements traumatisants qu'elle dit avoir vécus au Kosovo, alors au demeurant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, la demande d'asile qu'elle avait présentée a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile ; que dès lors, le préfet de la Haute-Savoie, en refusant à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait une circonstance humanitaire exceptionnelle justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, d'autre part, que M. et Mme A... et leurs enfants, dont les deux ainés sont scolarisés en France, résident sur le territoire français et se prévalent de leur intégration dans la société française ; que, toutefois, chacun des époux, de nationalité kosovare, a fait l'objet, le même jour, d'un arrêté de refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que Mme A... peut être soignée au Kosovo, où l'ensemble du foyer familial peut être reconstitué et où les enfants, eu égard à leur âge, pourront poursuivre leur scolarité ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de séjour des intéressés en France, les refus de titre de séjour en litige n'ont pas porté, eu égard aux buts qu'ils poursuivent, une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme A..., qui ne peuvent utilement se prévaloir de la naissance, postérieure à ces décisions, de deux jumeaux, le 24 mars 2014 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations également précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit que Mme A... ne remplissait pas les conditions posées par les dispositions précitées du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire sur le fondement desdites dispositions ; que le préfet de la Haute-Savoie n'était, dès lors, pas tenu de soumettre le cas de Mme A... à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

8. Considérant, en dernier lieu, que les requérants ne peuvent utilement se prévaloir, au soutien de leurs conclusions dirigées contre les décisions du préfet de la Haute-Savoie portant refus de délivrance d'un titre de séjour, qui n'impliquent pas par elles-mêmes leur éloignement à destination d'un pays déterminé, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lesquelles : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

Sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être exposé, le préfet de la Haute-Savoie a refusé le 4 octobre 2013 la délivrance d'un titre de séjour à M. et Mme A... ; qu'ainsi, à la date des décisions litigieuses, ceux-ci étaient dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

12. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, il ressort des pièces du dossier qu'il existe pour Mme A... un traitement approprié dans son pays ; que, dès lors, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :



Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et Mme B... épouse A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie ;

Délibéré après l'audience du 29 janvier 2015 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 février 2015.

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