Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 28 octobre 1999 sous le n° 99MA00332, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le ministre demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 94-179 en date du 15 octobre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nice a accordé à M. GAZAN la réduction des amendes fiscales infligées sur la base de l'article 1768 bis du code général des impôts pour les années 1985 et 1986 ;
2°/ de remettre à sa charge lesdites amendes selon la base de calcul établie par l'article 1768 bis en sa rédaction découlant de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 pour un montant de 1.136.333 F au titre de 1985 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code
de justice administrative et l'ancien code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2001 :
- le rapport de M. DUBOIS, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. DUCHON-DORIS, premier conseiller ;
Sur la
régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article
R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur à la date du jugement attaqué : "Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L.9 et à l'article R.149, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué" ;
Considérant qu'il est constant que le Tribunal administratif de Nice a relevé d'office, pour accorder la décharge contestée le moyen selon lequel une loi pénale plus douce devait être appliquée rétroactivement, sans en aviser au préalable les parties conformément aux exigences des dispositions précitées de l'article
R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, que celui-ci a été rendu au terme d'une procédure irrégulière ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de M. GAZAN devant le Tribunal administratif de Nice ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. GAZAN a servi à certain de ses clients durant les années 1985 et 1986, les intérêts de certains prêts ; qu'il ne conteste, ni que ces intérêts entraient dans le champ d'application de l'article 125 A du code, ni qu'il a omis de souscrire les déclarations auxquelles il était tenu, en vertu des dispositions précitées du 1 de l'article 242 ter du code et qui auraient dû être souscrites respectivement avant le 16 février 1986 et le 16 février 1987 ; que, par suite, il était passible de l'amende calculée comme il est dit à l'article 1768 bis ; que s'il fait valoir que des difficultés personnelles et familiales, son état de santé, ou son incarcération du 20 mai 1986 au 4 juillet 1989 l'auraient empêché de déposer sa déclaration il ne résulte pas de l'instruction que ces circonstances puissent être regardées comme un cas de force majeure s'opposant à ce qu'il puisse s'acquitter de ses obligations déclaratives ; que s'il soutient, d'autre part, que le Trésor n'a, en l'espèce, subi aucun préjudice, ce moyen, qui ne peut concerner que le calcul de l'amende en litige n'est, par lui-même, pas de nature à faire obstacle à l'application des dispositions précitées de l'article 1768 bis du code général des impôts ; que, dès lors, les moyens susvisés doivent être écartés ;
Considérant que pour demander la réduction de l'amende fiscale en litige, M. GAZAN soutient que la non déclaration par lui des paiements effectués à des tiers, en violation des dispositions de l'article 242 ter du code général des impôts, n'a entraîné aucun préjudice pour le Trésor et qu'en conséquence il peut utilement prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 1768 bis du code général des impôts qui prévoient, en un tel cas, un taux réduit de l'amende en cause ;
Considérant qu'aux termes de l'article 242 ter du code général des impôts : "1. Lorsque les revenus définis à l'article 125 A n'ont pas été soumis au prélèvement sur les produits de placements à revenu fixe, les personnes qui en assurent le paiement sont tenues de déclarer les noms et adresses des bénéficiaires ainsi que le montant des sommes payées à chacun d'eux ..." ; qu'en vertu des dispositions du 2 de l'article 49 A de l'annexe III à ce code, pris sur le fondement des dispositions de l'article 242 ter, la déclaration de l'identité de ses bénéficiaires et des montants ainsi versés "est souscrite dans le premier mois de l'année qui suit celle du paiement des revenus" ; qu'enfin selon l'article 1768 bis du code en sa rédaction résultant de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, applicable en l'espèce : "Les personnes qui ne se conforment pas à l'obligation prévue par le 1 de l'article 242 ter sont personnellement redevables d'une amende fiscale égale à 80 % du montant des sommes non déclarées. Toutefois, lorsqu'elle est commise dans le délai de reprise mentionné au premier alinéa de l'article
L.169 du livre des procédures fiscales et à condition que ce soit la première, l'infraction aux dispositions du 1 de l'article 242 ter n'est pas sanctionné si les personnes tenues de souscrire la déclaration prévue par cet article ont réparé leur omission spontanément, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. Lorsque l'omission n'a pas été ainsi réparée, qu'il s'agit de la première infraction et que le contribuable apporte la preuve que le Trésor n'a subi aucun préjudice, l'infraction n'est sanctionnée que par une amende forfaitaire de 5.000 F." ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, et notamment de la réponse en date du 4 septembre 1998 de M. GAZAN à la demande par laquelle le service lui demandait de préciser les noms et adresses des bénéficiaires des versements qu'il avait omis de déclarer en infraction avec les dispositions précitées de l'article 242 ter du code général des impôts que ce dernier a déclaré être dans l'impossibilité de fournir ces informations ; qu'ainsi, et en tout état de cause, les services d'assiette n'étaient pas en mesure de vérifier que lesdits bénéficiaires avaient régulièrement été imposés au titre des sommes en question ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir, en défense, que M. GAZAN n'apporte pas la preuve exigée par les dispositions précitées de l'article 1768 bis du code général des impôts, que le Trésor n'a subi aucun préjudice pour pouvoir bénéficier du taux forfaitaire de 5.000 F de l'amende prévue par ces mêmes dispositions ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Considérant, toutefois, que le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsque cette loi prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée, est applicable à l'amende fiscale prévue à l'article 1768 bis du code général des impôts à l'encontre des personnes qui ne se sont pas conformées à l'obligation prévue par le 1 de l'article 242 ter ; que, par ailleurs, et dès lors qu'une contestation propre aux pénalités a été présentée au juge de l'impôt, il appartient à celui-ci d'examiner d'office s'il y a lieu de faire application de la loi répressive nouvelle, plus douce ; qu'enfin, pour déterminer la loi applicable à la pénalité contestée devant lui, le juge de l'impôt doit, comme juge de plein contentieux, se placer à la date à laquelle il statue ; qu'à cet égard, il est constant que les dispositions précitées de l'article 1768 bis du code général des impôts en sa rédaction découlant de la loi du 8 juillet 1987, qui réduisent le taux de la pénalité applicable en cas de manquement à l'obligation de déclaration prévue par le 1 de l'article 242 ter du code général des impôts instaurent une peine présentant un caractère moins sévère que la loi ancienne ; que les infractions commises par M. GAZAN doivent dès lors être soumises à la loi nouvelle ;
Considérant, par suite, qu'il y a lieu de substituer le mode de calcul prévu par les dispositions susvisées de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 à celui prévu par la rédaction antérieure de l'article 1768 bis du code général des impôts et suivi par l'administration et de mettre à la charge de M. GAZAN une amende égale pour 1985 et 1986 à 80 % du montant des sommes de 1.136.333 F et 473.472 F, respectivement non déclarées, et d'accorder les réductions correspondantes ;
Article 1er
: Le jugement n° 49-179 en date du 15 octobre 1998 du Tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'amende fiscale ramenée à un montant de 5.000 F (cinq mille francs) par l'article 2 du jugement susvisé du 15 octobre 1998 du Tribunal administratif de Nice est remise à la charge de M. GAZAN pour un montant de 1.136.333 F (un million cent trente six mille trois cent trente-trois francs) égal à 80 % des sommes non déclarées.
Article 3 : Il est substitué à l'amende fiscale de 946.944 F (neuf cent quarante-six mille neuf cent quarante- quatre francs) assignée à M. GAZAN pour l'année 1986 une amende fiscale égale à 80 % de la somme de 473.472 F (quatre cent soixante-treize mille quatre cent soixante-douze francs) non déclarée.
Article 4 : Il est accordé à M. GAZAN décharge de la différence entre l'amende fiscale mise à sa charge au titre de l'année 1986 et celle résultant de l'application de l'article 3 ci-dessus.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. GAZAN devant le Tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. GAZAN et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE.