AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le pourvoi formé par la société Compagnie générale de chauffe entreprise (CGC), dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 9 mars 2000 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, 2e section), au profit de la société Audincourt Rhône Alpes, société anonyme, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 juin 2001, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Villien, Cachelot, Mme Lardet, conseillers, Mmes Masson-Daum, Fossaert-Sabatier, Boulanger, Nési, conseillers référendaires, M. Guérin, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Compagnie générale de chauffe entreprise, de Me Delvolvé, avocat de la société Audincourt Rhône Alpes, les conclusions de M. Guérin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen
:
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles 9 mars 2000), que la société Compagnie générale de chauffe entreprise (CGCE), chargée de la réalisation d'installations thermiques puis de l'exécution d'un réseau de circulation de produits dans des laboratoires pharmaceutiques, a sous-traité une partie des travaux à la société Audincourt Rhône Alpes (société ARA) ; que ses factures étant demeurées impayées, celle-ci a assigné la CGCE en règlement du solde restant dû ;
Attendu que la société CGCE fait grief à
l'arrêt de rejeter sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de statuer au vu des conclusions et pièces communiquées la veille de cette clôture, alors, selon le moyen, que dès lors qu'il résultait de ses propres constatations que les conclusions récapitulatives et responsives ainsi que deux nouvelles pièces, avaient été communiquées la veille de l'ordonnance de clôture, ce qui interdisait à la société CGCE d'en discuter la portée sur la solution du litige, la cour d'appel ne pouvait refuser de faire droit à la demande, soit de révocation de l'ordonnance de clôture, soit de rejet des pièces en cause, sans violer les articles
16,
135 et
784 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu
qu'ayant constaté que les conclusions déposées la veille de la clôture par la société ARA ne faisaient que reprendre l'argumentation présentée par cette société dans de précédentes écritures, que, pour le surplus, elles se bornaient à développer certains arguments et moyens en réponse aux conclusions de la société CGCE et que les deux pièces communiquées, étant des correspondances échangées entre les parties donc connues de la société CGCE bien avant qu'interviennent les ordonnances de clôture, ne pouvaient être considérées comme des éléments nouveaux susceptibles d'avoir porté atteinte au principe de la contradiction, la cour d'appel en a déduit qu'il n'y avait pas lieu à révocation des ordonnances de clôture et que la demande de rejet des deux pièces devait être écartée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième et le troisième moyens
, réunis :
Attendu que la société CGCE fait grief à
l'arrêt de déclarer nuls les contrats de sous-traitance, alors, selon le moyen :
1 / que l'article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975, issu de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 limite l'obligation de l'entrepreneur principal de garantir la créance du sous-traitant par une caution personnelle au seul cas où l'entrepreneur cède ou nantit l'intégralité de ses créances, y compris celles afférentes aux travaux effectués par le sous-traitant, si bien qu'en sanctionnant par la nullité l'absence de cautionnement hors le cas de cession ou nantissement des créances, la cour d'appel a violé les articles 13-1 et 14 de la loi du 31 décembre 1975 ;
2 / que la nullité de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 a pour finalité la protection du sous-traitant contre les risques de non-paiement des sommes mentionnées au contrat de sous-traitance si bien qu'en jugeant que le sous-traitant aurait pu se prévaloir de cette nullité, alors que le contrat de sous-traitance avait été intégralement exécuté et réglé en ce qui concerne les sommes convenues, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision, au regard des articles 14 de la loi du 31 décembre 1975 et
1338 du Code civil ;
Mais attendu
qu'ayant retenu à bon droit que l'obligation imposée à l'entrepreneur principal par le nouvel article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 de mettre en oeuvre un engagement de caution en cas de cession par lui de l'intégralité des créances résultant du marché passé avec le maître de l'ouvrage n'implique pas que le législateur a entendu réduire la nature et la portée de la garantie prévue par l'article 14 en faveur du sous-traitant, dont il résulte que le sous-traité est nul dès l'origine du fait de l'absence de fourniture d'une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur auprès d'un établissement agréé, sauf délégation du maître de l'ouvrage, lors de sa conclusion, sans qu'il importe que le sous-traitant ait rempli sa mission et ait reçu l'intégralité des sommes contractuellement dues avant de contester la validité du sous-traité, la cour d'appel, qui a constaté qu'en l'espèce aucune garantie de paiement des sommes dues au sous-traitant n'avait été donnée par caution, délégation de paiement ou tout autre moyen, en a exactement déduit qu'il y avait lieu de déclarer nuls les deux contrats de sous-traitance afférents aux lots climatisation et "Process" ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen
:
Attendu que la société CGCE fait grief à
l'arrêt d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer le coût réel des prestations fournies, alors, selon le moyen, qu'en refusant sous prétexte d'annulation des sous-traités de tenir compte de la volonté exprimée dans les documents contractuels et les bons de commande de conclure un marché à forfait
-ce qui excluait sauf autorisation écrite, le paiement de travaux supplémentaires- alors que par ailleurs elle tenait compte de cette volonté pour fixer le juste prix des travaux et la provision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
1134 et
1793 du Code civil ;
Mais attendu
qu'ayant relevé qu'elle ne pouvait valablement se référer aux stipulations des contrats de sous-traitance annulés dans leur globalité pour évaluer le coût tant des travaux initialement prévus que de travaux complémentaires, dont elle constate qu'il ressort de divers documents produits que la société CGCE avait donné son accord pour leur réalisation, la cour d'appel, qui a retenu, allouant une indemnité provisionnelle à valoir sur le montant total des dépenses engagées par la société ARA sur les deux chantiers et non encore réglées par la société CGCE, qu'il y avait lieu de faire procéder à une estimation du juste coût de l'ensemble des travaux exécutés par la société ARA sans égard pour les prix convenus par les parties, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Compagnie générale de chauffe entreprise aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Compagnie générale de chauffe entreprise à payer à la société Audincourt Rhône Alpes la somme de 12 000 francs ou 1 829,39 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juillet deux mille un.