REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET
DU 13 SEPTEMBRE 2023
(n° /2023, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12412 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCWG
Décision déférée à la Cour : jugement du 05 juillet 2022 - tribunal de commerce de CRETEIL RG n° 2021F00821
APPELANTE
S.A. LOGIAL-COOP venant aux droit de la SCIC DOMAXIA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250
Ayant pour avocat plaidant Me Ana GONZALEZ, substituée à l'audience par Me Lucile ROSENSTEIN, avocat au barreau de Paris
INTIMEE
S.A.R.L. ATELIER OS ARCHITECTES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Jérôme MARTIN de la SELARL D'AVOCATS MARTIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0158, substitué à l'audience par Me Ariel BITTON, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre
Mme Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Ange Sentucq dans les conditions prévues par l'article
804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Céline RICHARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Ange Sentucq, présidente de chambre et par Manon Caron, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCEDURE
La société SA LOGIAL-COOP, venant aux droits de la SCIC Domaxia, société anonyme coopérative d'intérêt collectif ( SCIC d'HLM), a conclu en sa qualité de personne morale de droit public, selon acte d'engagement signé du maître d'oeuvre le 12 juillet 2010, accepté par le pouvoir adjudicateur le 27 juillet 2010, dans le cadre de la procédure adaptée dite restreinte, un contrat de maîtrise d'oeuvre à tranches conditionnelles avec la société SARL ATELlERS O-S ARCHITECTES, en vue d'un programme d'environ 12 logements individuels en accession sociale sis à [Localité 4].
La clause article 1 Objet du marché précise que la tranche conditionnelle correspond à la mission OPC (Ordonnancement Pilotage Coordination).
Par un courrier recommandé avec accusé de réception envoyé le 31 mai 2019, la société SARL ATELlERS O-S ARCHITECTES a mis en demeure la société Domaxia et la société Logial-OPH (sic) de régler une somme globale de 128 137,20 euros TTC au titre de la facture n°OS1729 du 28 juillet 2017 outre les intérêts moratoires s'élevant à la somme de 15 481,78 euros TTC calculés conformément à l'article 5-1 ( Paiements) de l'Acte d'engagement et l'article 6-4 ( Délais de paiement) du Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP) correspondant :
- aux prestations de maîtrise d'oeuvre de base loi MOP ( Maîtrise d'Ouvrage Public) hormis 5 % phase AOP selon les termes du marché
- aux prestations supplémentaires non comprises dans la mission de base et les travaux modificatifs sur demande des acquéreurs (TMA) au titre de l'avancement 1 du Marché
- aux prestations complémentaires non comprises dans le marché de base et les honoraires complémentaires prévus dans le cadre de l'avenant 2 du marché
- aux prestations supplémentaires non comprises dans la mission de base, prévues dans le cadre du marché complémentaire n°1
- aux révisions de prix, en application de l'article 5-5 du CCAP.
Par acte d'huissier en date du 21 juillet 2021, signifié à personne se déclarant habilitée, la société ATELIERS O-S ARCHITECTES a assigné la société LOGIAL-COOP, demandant au Tribunal :
Vu les pièces versées aux débats,
Vu les articles
1103 et
1104 du Code Civil,
Vu les jurisprudences citées,
Juger que la créance de la société ATELIERS O-S ARCHITECTES, envers la société DOMAXIA, devenue LOGIAL-COOP, d'un montant de 111.285,08 euros TTC, outre les intérêts moratoires,est certaine, liquide et exigible.
Condamner la société LOGIAL-COOP au paiement,à la société ATELIERS O-S ARCHITECTES, de la somme de 111.285,08 euros TTC, outre les intérêts moratoires, calculés conformément à l'article 5-1 de l'Acte d'engagement (Pièce n°8), à compter de la date du 9 octobre 2017 (Piece n°15), correspondant au premier courrier de relance, et ce, jusqu'à complet paiement.
Condamner la société LOGIAL-COOP à verser à la société ATELIERS O-S ARCHITECTES la somme de 7.500,00 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile ;
Condamner Ia societe LOGIAL-COOP aux entiers dépens ;
RAPPELER en tant que de besoin que le jugement à intervenir sera assorti de l'exécution provisoire.
Le jugement prononcé le 5 juillet 2022 par le tribunal de commerce de Créteil a :
'Dit recevable, mais mal fondée, l'exception d'incompétence du Tribunal de céans soulevée par la société LOGIAL-COOP et se déclare compétent ;
Dit qu'à défaut d'appel, l'affaire sera renvoyée à l'audience collégiale du 20 septembre 2022 à 14h et qu'en cas d'appel, le dossier de la présente affaire sera adressé a la Cour d'Appel de Paris ;
Enjoint à la société LOGIAL-COOP de conclure sur le fond pour cette date ;
Déboute la société LOGIAL-COOP de ses demandes d'irrecevabilité et de forclusion ;
Réserve l'application de l'article 700 du CPC.
Met les dépens de l'incident a la charge de la partie défenderesse'
La société SA Logial-Coop a interjeté appel limité à la compétence selon déclaration reçue au greffe de cette cour le 13 juillet 2022.
Régulièrement autorisée par ordonnance de la délégataire du Premier président de cette cour le 29 juillet 2022, la société LOGIAL-COOP a fait assigner à jour fixe par exploit délivré le 27 juillet 2022 au siège social de la société ATELIERS O-S ARCHITECTES en vue de l'audience du 28 février 2023 à laquelle, sur accord des parties, l'affaire a été renvoyée au 14 mars 2023 pour satisfaire au principe du contradictoire ensuite des conclusions signifiées le jour de l'audience par l'intimée.
Par conclusions signifiées le 10 mars 2023, la société LOGIAL-COOP demande à la cour :
Vu les articles
83 et suivants du Code de Procédure Civile,
Vu l'article
544 du Code de Procédure civile,
Vu le principe de bonne administration de la justice
Vu les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,
JUGER recevable et bien fondée la société LOGIAL-COOP en son appel, demandes et conclusions ;
Y faisant droit,
INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Créteil en date du 5 juillet 2022 en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître des demandes de la société ATELIER OS ARCHITECTES ;
En conséquence de quoi,
STATUANT A NOUVEAU
JUGER le Tribunal de Commerce de Créteil incompétent pour connaître des demandes de la société ATELIER OS-ARCHITECTES au profit du Tribunal Judiciaire de CRETEIL et la renvoyer à mieux se pourvoir devant le Tribunal Judiciaire de CRETEIL ;
DONNER ACTE à LOGIAL-COOP qu'elle se réserve de conclure au fond, et notamment sur le caractère mal fondé de la demande de la société OS ARCHITECTES, dans son principe et dans son quantum ;
En tout état de cause,
DEBOUTER la société ATELIER OS ARCHITECTES de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;
CONDAMNER la société ATELIER OS ARCHITECTES à payer à la société LOGIAL-COOP la somme de 5 000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société ATELIER OS ARCHITECTES aux entiers dépens de l'appel.
Par conclusions signifiées le 28 février 2023 la société ATELIERS O-S ARCHITECTES demande à la cour de :
Vu les pièces versées aux débats,
Vu le jugement du 5 juillet 2022,
DEBOUTER la société LOGIAL-COOP de l'intégralité de ses demandes, fins et
conclusions,
Ce faisant,
CONFIRMER le jugement du 5 juillet 2022 du Tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a retenu sa compétence matérielle,
A titre infiniment subsidiaire,
RENVOYER l'affaire devant telle juridiction qui serait considérée comme matériellement compétente par la Cour d'Appel de Paris.
En tout état de cause,
CONDAMNER la société LOGIAL-COOP à payer la somme de 5.000 euros à la
société O-S ARCHITECTES sur le fondement des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
CONDAMNER la société LOGIAL-COOP à supporter l'intégralité des dépens de
l'instance.
SUR QUOI,
La Cour,
1-La compétence
Le tribunal de commerce de Créteil a retenu sa compétence au visa de l'article
L 721-3 du Code de commerce, qui attribue à ce dernier la connaissance des contestations entre sociétés commerciales et de l'article
L 210-1 du même code, selon lequel les sociétés par actions sont commerciales par leur forme, quel que soit leur objet, même si celui-ci est soumis à une gestion désintéressée, soulignant que la nature civile de l'activité exercée par une société commerciale est, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, indifférente à l'attribution de compétence.
La société LOGIAL-COOP fait grief au jugement de lui avoir reconnu la qualité de commerçant qu'elle n'a pas au regard tant de son objet, qui vise les opérations immobilières définies à l'article
L 411-1 du Code de la construction et de l'habitation à destination de personnes ayant des ressources modestes, de sa forme de société anonyme d'HLM, qualifiée par la jurisprudence d'organisme de droit public poursuivant un objectif autre qu'industriel et commercial et enfin de sa finalité, qui satisfait des besoins d'intérêt général.
Elle souligne que le statut spécifique des SCIC, régi par la loi du 10 septembre 1947 dont l'objet constitue un service d'intérêt collectif à caractère d'utilité sociale, présente un caractère civil. Au rappel de la jurisprudence de cette cour qui juge que, même exercé dans le cadre d'une société commerciale, l'objet de l'activité d'architecte est un objet civil, elle observe que le contrat de maîtrise d'oeuvre ne relève pas des actes de commerce.
La société ATELIERS O-S ARCHITECTES oppose, au soutien de la confirmation du jugement, que la société LOGIAL-COOP est une société commerciale par sa forme, la nature désintéressée de sa gestion étant sans influence sur le caractère commercial de sa structure cependant que l'intimée est elle-même une personne morale de nature commerciale. Elle souligne, au rappel des dispositions de l'article
L 721-3 du Code de commerce, que la nature commerciale de l'acte fondant l'action en justice doit être distinguée du litige entre deux commerçants qui suffit à justifier la compétence de la juridiction commerciale. En dernier lieu, elle soutient que les actions judiciaires dont fait état l'appelante n'ont rien à voir avec le paiement du solde du marché à l'architecte mais concernent les recours classiques des acquéreurs au titre des réserves de livraison.
Réponse de la cour
Les dispositions de l'article
L 721-3 du Code de commerce donnent compétence aux tribunaux de commerce pour connaître :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Aux termes des dispositions de l'article
L 210-1 du même code : ' Le caractère commercial d'une société est déterminé par sa forme ou par son objet.
Sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions.'
Les dispositions de l'article 19 quinquies de la loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 énoncent que : ' Les sociétés coopératives d'intérêt collectif sont des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées ou des sociétés à responsabilité limitée à capital variable régies, sous réserve des dispositions de la présente loi, par le code de commerce.
Elles ont pour objet la production ou la fourniture de biens et de services d'intérêt collectif, qui présentent un caractère d'utilité sociale. Ces biens et services peuvent notamment être fournis dans le cadre de projets de solidarité internationale et d'aide au développement.'
Il suit de l'ensemble de ces dispositions que par le fait des dispositions spécifiques de la loi n°47-1775 du 10 septembre 1947 précitées, applicables aux sociétés coopératives d'intérêt collectif exerçant leur activité notamment sous la forme de société anonyme, la société anonyme LOGIAL- COOP est régie par le code de commerce lequel attribue compétence au tribunal de commerce ensuite de l'article
L 721-3 alinéa 2, pour connaître des litiges entre sociétés commerciales et ce, indépendamment de leur objet, critère aternatif de compétence prévu par l'alinéa 1 du même article.
La société SARL ATELIERS O-S ARCHITECTES est une société à responsabilité limitée unipersonnelle régie par les dispositions de l'article
L 223-1 et suivants du Code de commerce . Elle dispose de la personnalité morale et d'un patrimoine distinct du patrimoine du créateur de l'entreprise. Ainsi indépendamment de son objet, qui a trait à l'exercice de la profession libérale d'architecte, réglementée par la loi n°77-2 du 3 janvier 1977, la société ATELIERS O-S ARCHITECTURE ayant opté pour un exercice professionnel sous la forme d'une société commerciale à responsabilité limitée et non d'une société d'exercice libéral à responsabilité limitée est régie par le code de commerce.
Par suite c'est à bon droit que le tribunal de commerce de Créteil s'est déclaré compétent pour connaître du présent litige opposant deux sociétés commerciales au sens des dispositions del'article
L 721-3 2° du Code de commerce.
2- Le renvoi au trubunal judiciaire de Créteil dans le cadre d'une bonne administration de la justice
Le tribunal n'a pas spécifiquement répondu sur ce point.
La société LOGIAL-COOP conclut qu'à tout le moins, le principe d'une bonne administration de la justice impose qu'un aménagement précis et limité des règles de compétence juridictionnelle soit opéré par le regroupement de tous les contentieux relatifs à l'opération de construction de l'ensemble immobilier Blanqui devant la même juridiction, dès lors que plusieurs assignations en référé et au fond la mettant en cause ainsi que l'architecte, la société OS ATELIER O-S ARCHITECTES, sont pendantes devant le tribunal judiciaire de Créteil.
La SARL ATELIERS O-S ARCHITECTES répond que les actions judiciaires dont fait état l'appelante n'ont rien à voir avec le paiement du solde du marché à l'architecte mais concernent les recours classiques des acquéreurs au titre des réserves de livraison.
Réponse de la cour
Les dispositions de l'article
101 du Code de procédure civile donnent aux parties la faculté, s'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, de demander à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction.
En première instance cette demande de renvoi selon le principe d'une bonne administration de la jusitce a été soulevée in limine litis ensuite de l'exception d'incompétence par la société LOGIAL-COOP.
Cette demande qui s'analyse en une exception de connexité, répond aux critères définis par l'article 101 précité dès lors que la justification des assignations au fond et en référé portées devant le tribunal judiciaire de Créteil est rapportée par la société appelante, s'agissant du même contentieux relatif au présent marché de travaux.
Partant, il sera fait droit à la demande de dessaisissement et de renvoi au profit du tribunal judiciaire de Créteil.
3- Les frais irrépétibles et les dépens
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement qui a mis les dépens de l'incident à la charge de la société LOGIAL-COOP et a réservé les demandes au titre des frais irrépétibles exposés en première instance.
Ajoutant au jugement la société SARL ATELIERS O-S ARCHITECTES sera condamnée aux dépens exposés en première instance et à hauteur d'appel ainsi qu'au règlement à la société SA LOGIAL-COOP de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement du 5 juillet 2022 rendu par le Tribunal de commerce de Créteil seulement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de dessaisissement et de renvoi devant le tribunal judiciaire de Créteil et en ce qu'il a statué sur les frais irépétibles et les dépens ;
Statuant à nouveau de ces seuls chefs,
ORDONNE le dessaisissement du tribunal de commerce de Créteil et le renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire de Créteil ;
CONDAMNE la société SARL ATELIERS O-S ARCHITECTES aux dépens exposés en première instance et à hauteur d'appel ainsi qu'au règlement à la société SA LOGIAL-COOP de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
CONFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions.
La greffière, La présidente,