Vu le pourvoi, enregistré le 20 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'éducation nationale ; le ministre de l'éducation nationale demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 1200651 du 18 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a, à la demande de Mme A...G...D..., Mme C...E...et M. B...F..., d'une part, annulé pour excès de pouvoir les décisions du recteur de la Guyane des 22 et 23 novembre 2011 enjoignant aux requérants de reprendre leur travail et leur notifiant des retenues sur leurs traitements pour service non-fait consécutivement à l'exercice de leur droit de retrait et, d'autre part, condamné l'Etat à verser à Mmes G...D...et E...une somme de 1 330 euros, tous intérêts confondus, et une somme de 1 420 euros à M.F..., tous intérêts confondus ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par Mme G...D...et autres devant le tribunal administratif de Cayenne ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret
n° 82-453 du 28 mai 1982 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Tristan Aureau, auditeur,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes des dispositions du I et du II de l'article 5-6 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " I. - L'agent alerte immédiatement l'autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. / Il peut se retirer d'une telle situation. / L'autorité administrative ne peut demander à l'agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection. / II. - Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un agent ou d'un groupe d'agents qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 5-7 du même décret : " Le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un agent, en alerte immédiatement le chef de service ou son représentant selon la procédure prévue au premier alinéa de l'article 5-5 et consigne cet avis dans le registre établi dans les conditions fixées à l'article 5-8. / Le chef de service procède immédiatement à une enquête avec le représentant du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier. Il informe le comité des décisions prises. / En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, notamment par arrêt du travail, de la machine ou de l'installation, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail compétent est réuni d'urgence, dans un délai n'excédant pas vingt-quatre heures. L'inspecteur du travail est informé de cette réunion et peut y assister. / Après avoir pris connaissance de l'avis émis par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail compétent, l'autorité administrative arrête les mesures à prendre. / A défaut d'accord entre l'autorité administrative et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur les mesures à prendre et leurs conditions d'exécution, l'inspecteur du travail est obligatoirement saisi " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une lettre du 18 octobre 2011, Mme G...D..., Mme E...et M.F..., professeurs des écoles à l'école de Camopi en Guyane, ont saisi l'inspecteur de l'éducation nationale de l'académie de Guyane de ce que leur situation de travail présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé ; que, les 19 et 21 octobre 2011, puis du 2 au 22 novembre suivant, Mme G...D...et autres ont exercé, pour ce motif, leur droit de retrait ; que, par deux décisions des 22 et 23 novembre 2011, le recteur de l'académie de Guyane leur a enjoint de reprendre leurs fonctions et les a informés de ce que des retenues pour service non-fait seraient effectuées sur leurs traitements, consécutivement à l'exercice de leur droit de retrait ; que, par une décision du 16 mars 2012, le recteur de l'académie de Guyane a refusé d'indemniser les intéressés pour les retenues effectuées sur leurs traitements ; que, par un jugement du 18 avril 2013, le tribunal administratif de Cayenne a, à la demande de Mme G...D...et autres, annulé pour excès de pouvoir les décisions du recteur de Guyane des 22 et 23 novembre 2011 et condamné l'Etat à verser une somme de 1 330 euros tous intérêts confondus à Mme G...D...et à Mme E...et une somme de 1 420 euros tous intérêts confondus à M. F...; que le ministre de l'éducation nationale se pourvoit en cassation contre ce jugement ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 5-6 du décret du 28 mai 1982 que, préalablement à l'exercice de leur droit de retrait, il revenait à Mme G... D..., à Mme E...et à M. F...d'alerter l'autorité administrative compétente de ce qu'ils avaient un motif raisonnable de penser que leur situation de travail présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé ; qu'aux termes des dispositions du II du même article, l'autorité administrative ne pouvait décider de procéder à une retenue sur salaire qu'après avoir établi que les agents concernés avaient exercé leur droit de retrait sans avoir un motif raisonnable de penser que leur situation de travail présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé ; que les dispositions des articles 5-6 et 5-7 du même décret n'imposent pas à l'autorité administrative de saisir le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail préalablement à l'adoption d'une décision portant refus d'exercice du droit de retrait à l'encontre d'un agent l'ayant exercé ; qu'en estimant, sur le fondement des dispositions de l'article 5-7 du décret du 28 mai 1982, que le recteur de l'académie de Guyane avait entaché les décisions contestées d'un vice de procédure, faute d'avoir saisi le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, préalablement à leur adoption, le tribunal administratif de Cayenne a ainsi commis une erreur de droit ; que, dès lors, son arrêt doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article
L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'aux termes des dispositions du second alinéa de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " (...) doivent être motivées les décisions qui : / (...) refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir " ; que les décisions par lesquelles l'autorité administrative prend une sanction ou une retenue de salaire à l'encontre d'un agent ou d'un groupe d'agents qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils estimaient, à tort, qu'elle présentait un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, sont au nombre des décisions qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit et doivent être motivées en vertu de ces dispositions ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que les décisions contestées énoncent les raisons de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le recteur de l'académie de Guyane ; que le moyen tiré de ce que ces décisions sont insuffisamment motivées doit, par suite, être écarté ;
6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence de déjections de chauves-souris dans plusieurs salles de l'école de Camopi, alors que les risques sanitaires allégués par les requérants ne sont pas établis, et les défectuosités affectant la toiture et les toilettes de cette école présentent un danger grave et imminent pour la vie des personnes, au sens des dispositions précitées du I de l'article 5-6 du décret du 28 mai 1982 ; qu'en adoptant les décisions litigieuses, le recteur de l'académie de Guyane n'a, dès lors, pas commis d'erreur d'appréciation ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme G...D..., Mme E...et M. F...ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions qu'ils attaquent ; que les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cayenne du 18 avril 2013 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme G...D..., Mme E...et M. F...devant le tribunal administratif de Cayenne est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A...G...D..., à Mme C...E..., à M. B...F...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.